La conception et la production d'armements

La conception et la production des armements au sein de l’UEO

 

Au sein de l’UEO, il faut attendre 1955 et la mise en place du Comité permanent des armements (CPA) pour une action dans le domaine de la production des armements.

 

Le CPA découle d’un protocole signé en marge du traité de Bruxelles modifié d’octobre 1954, «le protocole sur la production et la standardisation des armements», signé le 21 octobre. «Soucieux de porter au maximum l’efficacité de leurs forces affectées à la défense commune» et «désireux d’assurer la meilleure utilisation possible des crédits d’armements dont ils disposent grâce à une organisation rationnelle de la production», les signataires «1. rappellent la décision prise par la conférence de Londres de créer un groupe de travail en vue d’étudier le projet de directives présenté le 1er octobre 1954 par le gouvernement français et tous autres documents qui pourraient être soumis ultérieurement concernant le problème de la production et de la standardisation des armements; 2. décident de réunir le 17 janvier 1955 à Paris un groupe de travail composé des représentants de la Belgique, de la France, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la République Fédérale d’Allemagne et du Royaume-Uni, qui sera chargé d’étudier le projet de directives et autres documents visés au paragraphe précédent en vue de soumettre des propositions au Conseil de l’UEO». Suivant ces dispositions, le 7 mai 1955, le Conseil, crée le Comité permanent des armements, chargé «en rapport étroit avec l’OTAN d’améliorer les consultations et la coopération dans le domaine des armements, en vue de rechercher des solutions communes qui faciliteraient aux gouvernements des pays membres la satisfaction de leurs besoins en matériel. […] A cet effet, il s’efforcera de promouvoir, chaque fois que la possibilité s’en présentera, des accords ou arrangements qui pourront porter sur des problèmes tels que les études, la standardisation, la production et l’approvisionnement des armements»[1].

 

Les positions de la France et du Royaume-Uni

 

Comme pour FINBEL, l’initiative est française. La France est soucieuse de relancer son industrie d’armement et de favoriser les échanges en la matière. Initialement, tout est fait pour que le CPA agisse en liens étroits avec l’OTAN. Son siège s’installe à Paris, c’est-à-dire, en 1955, à proximité du siège du Conseil atlantique. Les délégués permanents des pays membres qui le composent peuvent être en même temps membre des délégations auprès de l’OTAN. Les accords ou arrangements pris par l’UEO en matière d’armements sont ouverts à la participation des autres membres de l’Alliance. Dans une première phase, la France veut favoriser le cadre atlantique par rapport au cadre européen pour les discussions sur les armements. Les Français espèrent la coopération et l’aide américaine. Mais ils ne veulent surtout pas, comme les Américains ou les Britanniques le suggèrent très vite, diviser la production d’armement entre les pays membres. Le risque est en effet de voir confier aux industries anglo-saxonnes, en retrait de l’éventuel futur champ de bataille, l’élaboration et la construction des principaux armements, et de voir l’industrie de l’Europe continentale reléguée à la fabrication des munitions et pièces détachées, en d’autres termes, aux produits de plus faible valeur ajoutée et de moindre développement scientifique. La France voit donc très vite plus d’intérêt à développer une coopération dans le domaine des armements à l’échelle européenne, qu’à l’échelle atlantique.

 

Les Britanniques sont beaucoup plus réticents. Pendant toute la durée de vie du CPA, le Royaume-Uni tente de brider toutes les tentatives françaises pour développer le CPA, jusqu’à tenter, dans les années 1970, de le faire disparaitre.

 

Quel débat au sein de l'UEO ?

 

La dépendance du CPA envers l’OTAN encadre son action et explique son bilan décevant. « Sur ses 35 ans d’existence, aucun matériel militaire ne fut jamais produit, ni même développé sous le couvert de l’UEO ! Tous les exemples de coopération européenne relèvent d’arrangements bilatéraux ou multilatéraux entre les gouvernements nationaux et entre les industries, ou sont issus des programmes conçus au sein de l’OTAN. Le CPA fut avant tout un lieu de contact parmi d’autres pour des représentants militaires qui ont toujours finalement privilégié le cadre de l’OTAN pour la réalisation de leurs projets en coopération »[2].

 

Le CPA a tenté de mettre en place des « listes d’achats » communes aux pays membres de l’UEO, mais elles furent envoyées à l’OTAN pour les suites concrètes. Il a également travaillé à la définition de caractéristiques communes pour certains matériels inscrits parmi les besoins des pays membres, mais ces caractéristiques ont été soumises à l’accord de l’OTAN. Là où le CPA fut le plus utile, c’est dans la réalisation d’études, et notamment dans le domaine de la recherche opérationnelle. Son groupe de travail numéro 8 était consacré à ce thème. Il a assuré la rédaction d’un glossaire en cinq langues des termes utilisés dans la recherche opérationnelle interarmées, organisé des visites dans des centres de recherche, et a tenu des séminaires consacrés à ce sujet. 

 

En 1976, la coopération dans le domaine de la production d’armement est relancée par la création du Groupe Européen Indépendant de Programme (GEIP). Dès lors, la seule mission du CPA est de réaliser une étude sur la situation du secteur armement de l’industrie des pays membres. Cette étude – confidentielle – a été remise en 1980 et révisée en 1984 et 1985. Des versions déclassifiées en ont été transmises à l’Assemblée sous le titre Le secteur armement de l’industrie des pays membres, en 1982, 1984 et 1985.

 

C’est le GEIP qui devient le cadre – certes informel – de la coopération européenne dans le domaine des équipements militaires, sans lien institutionnel avec l’OTAN et axé sur une préférence européenne. Le GEIP est créé à Rome le 2 février 1976 lors d’une réunion commune des membres de l’Eurogroupe et de la France. Il répond à une demande américaine adressée aux pays européens membres de l’OTAN. Les Américains souhaitent plus de coordination dans les programmes d’armements au sein de l’organisation de défense commune, et proposent la mise sur pied d’un grand marché commun transatlantique des matériels de défense. Pour les Européens, s’y ajoute la nécessité de ne pas exclure la France et surtout sa base industrielle de défense (BID) de l’organisation de la coopération des armements au niveau européen, donc de dépasser la cadre atlantique. La France veille au moment de sa mise en place à empêcher des liens institutionnels avec l’OTAN.

 

Les objectifs assignés au GEIP en 1976 (résolution constitutive de Rome, 2 février 1976) sont les suivants : encourager une utilisation plus efficace des ressources consacrées à la recherche, au développement et aux acquisitions des matériels militaires par les pays membres ; promouvoir et développer l’interopérabilité et si possible la standardisation des matériels en usage dans leurs armées ; garantir le maintien d’une base industrielle européenne solide dans le domaine de la défense ; accroître le poids de l’Europe dans ses rapports avec les États-Unis et le Canada. Entre 1976 et 1984, le GEIP a principalement tenté d’harmoniser les calendriers et les plans de remplacements nationaux d’équipements de défense des pays membres, dans le but d’encourager l’instauration de programmes en collaboration[3].

 

Malgré cela, les grandes coopérations européennes de cette période se font hors de ce cadre UEO : citons les exemples des avions de combat Jaguar entre la France et la Grande-Bretagne, le programme Tornado entre l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ou encore l’avion Alpha-Jet entre la France et l’Allemagne. L’UEO est tenue informée, mais elle n’encadre pas les initiatives en question.

 


[1] Décision du Conseil, 7 mai 1955.

[2] DELHAUTEUR, Dominique. Les Activités du Conseil de l’UEO en matière de coopération dans le domaine des armements, Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, Dossier « Notes et documents », août 1991, p. 8.

[3] DELHAUTER, Dominique, La coopération européenne dans le domaine des équipements militaires : la relance du GEIP, Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, Notes et Documents, 1991, 42 p.

 


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