Réactions du Parlement européen

Réactions du Parlement européen1


Les travaux du groupe Werner et la problématique de l’Union économique et monétaire suscitent un vif intérêt du Parlement européen. Le rapport intermédiaire et le rapport final sont débattus dans différentes commissions spécialisées, ainsi qu’en sessions plénières.



Débats dans les commissions spécialisées du Parlement européen2


Les commissions économique, politique et celle des Finances et des Budgets du Parlement européen se penchent à plusieurs reprises sur les grandes lignes de la réalisation par étapes d’une Union économique et monétaire. Elles établissent des rapports internes qu’elles amendent au fur et à mesure des travaux du groupe Werner. Des positions communes et des avis s’ensuivent. Les départements d’Études parlementaires et ceux de l’Information et de la Documentation y apportent leurs contributions spécifiques. Le plénum du parlement consacre au plan Werner deux sessions de débats plénières3, lors desquelles ont lieu des échanges avec la Commission et le Conseil, et une résolution est ainsi adoptée4.


La commission économique5, à laquelle incombe la gestion principale de ce dossier, se réunit dix fois pour débattre du plan par étapes et des perspectives monétaires de la Communauté6. La plupart des réunions ont lieu après la décision du Conseil portant sur l’approfondissement des travaux du groupe Werner du 9 juin 1970. Le vice-président de la commission Raymond Barre, souvent accompagné de son proche collaborateur Albert Borschette, membre luxembourgeois de la Commission (participant à sept des neuf réunions en question) est systématiquement convié aux débats. Des représentants d’autres commissions, notamment celle des Finances et des Budgets, sont toujours présents pour les points de l’ordre du jour consacrés au plan par étapes7. D’ailleurs, dès le 15 mai 1970, le président du Parlement européen sollicite à la commission des Finances un avis spécialisé, rendu deux mois plus tard8. Les secrétariats des groupes politiques du Parlement s’activent aussi avec des prises de position9.


En s’inspirant du regard comparatif avec lequel Pierre Werner a présenté aux membres du groupe d’experts les diverses propositions nationales de plans d’intégration monétaire de la Communauté10, ainsi que du document établi en mars 1970 par le groupe de travail interdirections mis en place par la Commission CE11, le Parlement européen procède à une synthèse similaire. Il réalise ainsi une mise en parallèle des résumés des plans luxembourgeois12, belge (le plan Snoy), allemand (le plan Schiller), ainsi que du plan Barre II13. Moins détaillé et approfondi que le comparatif de la Commission et en prenant comme repères les diverses étapes envisagées pour la décennie 1970-1980, le document du Parlement européen émet des conclusions autour d’un binôme constitué par le plan Barre II et le plan luxembourgeois. Aux yeux des parlementaires, ces deux documents reflètent le mieux les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en oeuvre. Le plan Barre II suggère l’esprit général d’un plan par étapes dans le sens d’un certain parallélisme entre l’harmonisation des politiques économiques et monétaires, l’harmonisation fiscale et la libre circulation des capitaux. Le plan luxembourgeois donne avec clarté les grandes lignes et les mesures concrètes de la mise en place du système de soutien monétaire à court terme14.


Alors que les discussions et tractations au sein du comité Werner battent leur plein avant l’approbation du rapport final15, la commission économique se réunit les 28 et 29 septembre 1970. Le vice-président de la Commission des CE est invité à s’exprimer sur les progrès de la réflexion du groupe ad hoc. Raymond Barre commence par rappeler les actions en cours vouées à conduire à une Union économique et monétaire, et ce dans le contexte des perspectives de la Communauté à moyen terme (1971-1975)16. Souhaitant une adoption rapide de ces orientations globales (à la dernière session du Conseil prévue pour les 22-23 décembre 1970), en mesure d’améliorer le cadre des politiques économiques, il fustige «certaines tendances qui se manifestent chez certains États membres à ne pas adopter une décision communautaire pour le soutien à moyen terme, mais à se borner à un simple accord intergouvernemental»17. La Commission est résolue à endiguer cette propension et à veiller qu'il soit clairement établi que les mécanismes communautaires prévalent sur les mécanismes intergouvernementaux. L’opposition entre la méthode communautaire et la méthode intergouvernementale a constamment émaillé les travaux du comité Werner, mais le plan par étapes établit la primauté de la méthode communautaire.


Le vice-président de la Commission estime que la convergence entre les pays communautaires est articulée autour de certains points forts. Tout d’abord, c’est l’accord de préserver le système des relations monétaires intracommunautaires de toute flexibilité des taux de change. Ensuite, c’est la nécessité d’une position commune des Six à l’égard de l’extérieur «[…] même si les ministres n'avaient pas encore un point de vue commun sur ce qu'il convenait de faire […], même s’ils n'étaient pas d'accord sur les techniques»18, et ce dans le contexte nouveau de la réforme du système monétaire international.


Le 15 octobre 1970, la commission économique rend public son projet de rapport intérimaire19, ayant comme rapporteur le député J.E. Bousch. Le 19 novembre, le même député revient avec un rapport complémentaire, qui sert de base pour la résolution consacrée au plan Werner que le Parlement européen adoptera lors de sa session plénière du 3 décembre 197020.


Suivent les réactions de la commission économique et de la commission des Finances et des Budgets21. La commission politique prend, à son tour, position au sujet du plan Werner22. Chronologiquement la première, la note de la commission politique s’articule autour de la «création ou la transformation d'un certain nombre d'organes communautaires auxquels devront être transférées les attributions jusque-là exercées par les autorités nationales. Ces transferts de responsabilité représentent un processus de signification politique fondamentale qui implique le développement progressif de la coopération politique»23.


Pour le stade décrit comme «point d’arrivée», le rapport Werner préconise une triple conséquence de l’Union économique et monétaire. Il s’agit, tout d’abord, du transfert vers le pouvoir communautaire de la politique monétaire à l'égard du monde extérieur. En deuxième lieu figure l'unification des politiques des États membres portant sur le marché des capitaux, ainsi quel'adoption au niveau communautaire des décisions concernant l'ampleur des soldes et les modalités de financement des budgets publics. Enfin, il est prévu le transfert partiel à l'échelon communautaire des politiques régionales et structurelles. L'abandon de ces compétences réservées jusque-là aux États et leur transfert vers le niveau communautaire engendrent des réformes institutionnelles corrélatives vouées à éviter un vide de responsabilité et dans la gestion. Certes, le comité Werner n'a pas formulé de propositions détaillées sur l’architecture institutionnelle des différents organes communautaires, mais il a stipulé avec clarté la création, parallèlement, d’un système communautaire de banques centrales et d’un centre de décision pour la politique économique. Ce centre, indépendant et agissant en fonction de l'intérêt communautaire, est censé avoir une influence décisive sur la politique économique générale de la Communauté. Il devra être politiquement responsable devant un Parlement européen «doté d'un statut correspondant à l'extension des missions communautaires, non seulement du point de vue de l'ampleur de ses attributions, mais aussi eu égard au mode d'élection de ses membres»24.Ce dessein tendant vers des élections européennes générales s’inscrit dans la logique du transfert à l'échelon communautaire des pouvoirs et des responsabilités exercés jusqu’alors par les instances nationales. Pourtant, la commission politique s’inquiète du fait que le transfert de compétences ne se fasse pas au détriment des institutions communautaires. La construction de l’Union économique et monétaire au cours de la décennie 1970-1980 doit bâtir un socle solide pour le renforcement ultérieur des pouvoirs du Parlement, à condition qu’à cette échéance l'élection de ses membres soit soumise au suffrage universel direct.


La commission politique relève le rôle de poids que le Parlement européen est appelé à assumer dans l’édification de l’Union économique et monétaire. «Il y sera d'ailleurs contraint, ne serait-ce que parce que cette transformation qui le touchera directement entraînera des modifications substantielles dans le mode d'élection de ses membres et lui apportera des prérogatives et des responsabilités nouvelles»25. Cette évolution institutionnelle profonde «[…] ne pourrait, ni ne devrait se faire sans que le substrat social de la Communauté soit en mesure, à travers l'organe parlementaire qui en est l'expression la plus vivante – sinon exclusive – au niveau communautaire, d'apporter ses suggestions précieuses et d'exercer les contrôles nécessaires sur sa mise en œuvre, dans le respect de l'esprit et des principes qui sont à la base des traités de Rome»26. En fait, la commission politique s’approprie entièrement une des conclusions du rapport Werner selon laquelle «l'union économique et monétaire apparaît […] comme un ferment pour le développement de l'union politique dont elle ne pourra à la longue se passer»27.


Lors de sa réunion du 27 novembre 1970, la commission des Finances et des Budgets adopte à l’unanimité son avis concernant le plan Werner structuré autour de six grandes conclusions. La première vise la nécessité d’une politique budgétaire harmonisée qui doit constituer la base des mesures de convergence des économies des États membres et renforcer ainsi l’intégration monétaire communautaire. La deuxième cible le transfert de pouvoirs du plan national au plan communautaire, considéré non seulement comme indispensable, mais aussi la garantie pour un contrôle démocratique de la Communauté. Préfigurant l’accroissement des pouvoirs du Parlement européen, il est souligné la nécessité que «le Parlement européen [soit] consulté pour toutes les décisions fondamentales ou périodiques concernant l'évolution de l'union économique et monétaire»28. Par ailleurs, il est question des frontières fiscales, qui doivent être abaissées29. Une autre conclusion prévoit l’élaboration d’une étude, demandée d’ailleurs par le Conseil à la Commission, aux fins de parvenir à l'homogénéité des unités de compte utilisées dans les États membres. Enfin, le Parlement exige de débattre du rapport annuel que le Comité des gouverneurs des banques centrales est censé établir pour le Conseil et la Commission des Communautés.

La vision du Parlement est imprégnée d’une signification profondément politique qu’il attache à l’Union économique et monétaire. Cette conviction est à maintes reprises mise en évidence, en commençant par le sommet de La Haye. À cette occasion, Jean Rey – à l’époque président de la Commission des CE – remet aux chefs d'État et de gouvernement un mémorandum demandant expressément que «la conférence des chefs d'État et de gouvernement marque la volonté des États membres de la Communauté de s'avancer sur la voie de l'Union économique et monétaire»30. Le Parlement est ainsi à l’unisson avec la Commission, qui, durant les travaux du comité Werner, réitère souvent le même credo. D’ailleurs, dans son allocution d’investiture prononcée devant le Parlement européen le 8 juillet 1970, le nouveau président de la Commission Franco Maria Malfatti31 met à son tour en lumière le caractère politique des plans d'Union économique et monétaire. «[…] Personne ne peut nier le caractère éminemment politique d’une œuvre d’aussi vaste portée. Personne ne peut imaginer qu’un problème politique aussi important puisse être résolu par le seul recours à des techniques plus ou moins sophistiquées et la simple mobilisation des forces rassemblées au sein des administrations nationales et communautaires»32. Les deux institutions partagent la même approche quant à la capacité de l’Union économique et monétaire de consolider l’Europe en tant que pôle d’équilibre et de stabilité dans les relations internationales33.


Les débats au sein de la commission économique montrent que le Parlement européen est totalement en phase avec les pistes et les moyens d’action dégagés par le rapport Werner. Les députés exigent que les gouvernements des Six fassent preuve de la volonté politique et de l’engagement nécessaires pour que l’union monétaire puisse se faire jour dans la décennie 1970-1980. Dans ce but et compte tenu que les grandes décisions de politique économique relèveront de l’échelon communautaire, les gouvernements nationaux devront renoncer au préalable à certains pouvoirs. La première étape de trois ans (à partir du 1er janvier 1971), permettra, grâce à l’intensification des consultations économico-monétaires, le rapprochement des visions et des positions communes. Il en va de même pour les relations monétaires extérieures, où la solidarité monétaire communautaire doit être réelle. La mise en place, dès la première étape, d’un régime spécifique des changes de la Communauté suscite des divergences. Même si les prévisions du traité permettent d’accomplir certains progrès, la commission économique considère que sa modification à terme est inévitable.


Dans son projet de rapport intérimaire34, la commission économique du Parlement européen exprime aussi ses différences avec la vision de la Commission. C’est ainsi que le Parlement salue la souplesse proposée par le rapport Werner, ainsi que l’idée de fixer les grandes étapes de la réalisation de l'Union économique et monétaire sans contrainte de calendrier. «Il n’est pas judicieux d'établir un calendrier rigoureux qui, par la suite, se révélerait irréalisable ou, au contraire, insuffisamment ambitieux. Des événements actuellement imprévisibles peuvent survenir, obligeant les Six à ralentir le rythme de l'harmonisation de leurs politiques économiques et monétaires ou, au contraire, leur permettant d'accélérer la marche vers l'Union économique et monétaire»35.


Structuré en six sections, le rapport de la commission économique accorde une place de choix à l’interaction et à l’harmonisation des politiques économiques et monétaires. La nécessité de consulter les partenaires sociaux, ainsi que celle du contrôle démocratique, telles que le plan Werner le propose sont saluées. Les parlementaires traitent ensuite de la centralisation de la politique budgétaire et fiscale, ainsi que des modifications éventuelles du traité. Le document est clôturé par un chapitre ayant trait à l’élargissement, à l’imminente adhésion britannique et au rôle de la livre sterling dans l’Union économique et monétaire. Cette problématique avait suscité l’intérêt du groupe Werner qui l’a abordée à plusieurs reprises et a constitué une riche documentation à ce propos dès le début de ses travaux36.


Un dilemme apparaît au sujet de l’harmonisation des politiques monétaires. À qui revient la priorité: à l'unification monétaire ou à l'unification économique? La controverse «monétaristes» vs «économistes» qui resurgit une fois de plus est qualifiée de «faux problème», compte tenu de l’interaction indéniable entre les deux catégories de mesures. «L'harmonisation des politiques monétaires n'est pas possible sans une politique économique harmonisée et, inversement, des mesures d'harmonisation de la politique monétaire obligent à une discipline communautaire en politique économique»37. Pourtant, la simple harmonisation monétaire est insuffisante pour imposer l'unification économique. Même si les phénomènes monétaires sont l’expression de la réalité économique, la seule fixation des rapports de parité ou la réduction des marges de fluctuation des cours ne peuvent pas faire progresser la Communauté. Ces mesures doivent s’appuyer nécessairement sur une évolution convergente des économies qui sera à même de stimuler la solidarité monétaire communautaire. L'harmonisation des politiques économiques doit s’accompagner d’une diminution des marges de fluctuation, ce qui conduirait les États membres à adopter une position particulière dans le système monétaire international. «Une réduction des marges équivaudrait, en fait, à l'acceptation d'une discipline communautaire dans le domaine de la politique économique»38. Dans l’éventualité de la rupture de cette discipline, la stabilité des cours de change ne pourra être maintenue que par une procédure d’assistance monétaire39.


Dans sa réflexion, la commission économique va plus loin et donne sa définition du parallélisme entre l'harmonisation économique et l'harmonisation monétaire, basée sur deux remarques fondamentales. La première relève du fait que la coordination des politiques économiques dans la Communauté n’est qu’au début, à peine entamée. La deuxième constate que dans les États membres, les autorités responsables de la politique économique ne maîtrisent que très partiellement l'évolution de l'économie. Dans ces circonstances, la notion de «parallélisme» n’est pas figée, étant censée évoluer au fur et à mesure des processus qu’elle est appelée à expliquer. En matière d’efficacité de la coordination des politiques économiques, on constate certains progrès comme par exemple les délibérations sur la politique conjoncturelle que le Conseil réalise semestriellement. Ces progrès, assez généraux, ne sont accompagnés ni d’une quantification des objectifs ni d’une quantification des résultats40. Des efforts ont été entrepris pour la mise en place d’un mécanisme de concours financier à moyen terme, ainsi que d’une coordination des politiques économiques à moyen terme. Les gouvernements disposent ainsi d’une base pour s’engager pleinement en faveur de la convergence de leurs politiques à moyen terme et d’une étroite coordination de leurs politiques conjoncturelles41.


Les parlementaires signalent pourtant la différence essentielle – de philosophie et de moyens pratiques – entre l'harmonisation des politiques économiques et l’harmonisation des politiques monétaires. Pour quantifier l'évolution convergente de leurs économies et pour donner une base uniforme aux comparaisons, les pays communautaires doivent adopter des orientations chiffrées. Quatre indicateurs significatifs sont de mise: la croissance en volume du produit national brut, du chômage, du solde de la balance des paiements et de la hausse des prix. Par des mécanismes spécifiques, les États pourront intervenir par endroits pour corriger et canaliser, dans une certaine mesure, l’évolution de l’économie. La progression des revenus, les mouvements spéculatifs de capitaux, le marché des eurodevises ou les euro-émissions comptent parmi les facteurs qui peuvent influencer la politique économique tout en échappant au contrôle des États. En revanche, les mesures de politique monétaire extérieure, telles que la réduction de la marge de fluctuation des cours ou le concours financier (à court et moyen terme), sont entièrement aux mains des pouvoirs publics. En raison de cette différence essentielle, «la décision en elle-même d’harmoniser les politiques économiques n'est pas suffisante, et seul le résultat pratique de cette décision peut être considéré comme une étape vers la voie de l’harmonisation des politiques économiques»42.


L’harmonisation des politiques économiques va de pair avec des mesures d'accompagnement spécifiques. Les plus significatives comprennent la politique structurelle et la politique régionale (de nature à favoriser le rapprochement entre les économies communautaires), ainsi que la consultation des partenaires sociaux sur les objectifs de la politique économique à moyen terme, le transfert progressif de certains pouvoirs au plan communautaire et l'amélioration du mécanisme de contrôle parlementaire. En phase avec le rapport Werner qui confère aux consultations des partenaires sociaux un rôle important dans la prise des grandes décisions de politique économique et monétaire, les parlementaires européens préconisent une étroite association des partenaires sociaux à l'élaboration des objectifs d'une politique économique commune à moyen terme. «Celle-ci risque, en effet, d'être vouée à l'échec, si les partenaires sociaux ne sont pas d'accord sur la répartition des fruits de l'expansion économique exprimée en pourcentages et objectifs. Semblable programme ne pourrait pas sérieusement garantir l'évolution convergente des économies des États membres»43. Une identité de vues avec le rapport Werner demeure aussi pour ce qui est du transfert progressif de certains pouvoirs nationaux au plan communautaire. Sans une authentique centralisation de la politique économique, la convergence des six économies empreintes de diversité et d’asymétries semble peu possible. Une politique commune nécessite tout d’abord la mise en place d’une procédure de décision commune44, aussi bien dans le domaine économique (y compris d’ordre budgétaire et fiscal) que dans le domaine monétaire45.


La commission économique se penche également sur ce que le traité stipule en cette matière.Il en ressort46 que «les États membres demeurent responsables de leur politique économique, mais lorsqu'ils définissent cette politique, ils doivent tenir compte des intérêts supérieurs de la Communauté […]. Il n'est nulle part question d'une politique commune, mais les dispositions du traité ne s'opposent pas à une coordination étroite de ces politiques»47. Le traité n’impose aucune limite à l’action communautaire et ce, du fait de certaines législations nationales48. Une harmonisation législative s’impose quant aux impôts indirects. En revanche, faute de référence aux impôts directs, l’harmonisation dans ce domaine n’est pas envisageable. Par ailleurs, la libéralisation des mouvements des capitaux s’avère en retard par rapport au calendrier prévu par le traité.


Le 5 novembre 1970, la commission économique analyse davantage le plan par étapes d’une Union économique et monétaire de la Communauté et rédige un rapport complémentaire49 accompagné d’une résolution à soumettre au plénum du Parlement européen. Cette résolution marque l’adhésion totale du Parlement aux lignes stratégiques et aux objectifs tactiques du rapport Werner. L’idée d’une monnaie européenne est saluée comme élément essentiel dans les échanges internationaux de marchandises et de capitaux. Elle s’avère en même temps un facteur permettant à la Communauté d'affirmer ses propres objectifs de politique économique et monétaire vis-à-vis de l’extérieur. Compte tenu que le renforcement de l'intégration monétaire se base sur l’évolution convergente des économies, une politique budgétaire harmonisée, supposant le parallélisme entre l'harmonisation des politiques monétaires et les politiques économiques, doit occuper une place de choix. La résolution stipule également que les pays ayant demandé l’adhésion à la Communauté soient considérés comme des acteurs à part entière et leurs intérêts pris en compte. Ils devront ainsi être tenus pleinement informés des mesures d’implémentation de l’Union économique et monétaire. Par référence précise au Royaume-Uni, le Parlement européen réitère la nécessité que la Communauté trouve une solution aux problèmes posés par la livre sterling en tant que monnaie de réserve. Enfin, la modification du traité de Rome apparaît inéluctable.


Au cours de la première étape de l’Union économique et monétaire, le comité monétaire et le Comité des gouverneurs des banques centrales sont invités à préciser davantage l'organisation et les fonctions d'un Fonds européen de coopération monétaire. Pour systématiser et évaluer les progrès réalisés, le Comité des gouverneurs est incité à établir un rapport annuel – adressé au Conseil et à la Commission – qui devra être communiqué aussi au Parlement européen. L'intention de la Commission européenne de soumettre au Conseil avant le 1er mai 1973 «une communication portant sur les progrès accomplis dans la réalisation de l'Union économique et monétaire et sur les mesures à adopter au-delà de la première étape» est fortement appuyée.


Le projet de résolution réaffirme l’importance d’un dialogue avec les partenaires sociaux50 tout au long de l’édification de l’Union économique et monétaire. C’est à la Commission européenne «d'organiser, en étroite coopération avec le Parlement européen, des consultations régulières avec les représentants des partenaires sociaux, afin de parvenir dans le domaine de la politique conjoncturelle à une action plus communautaire, qui s'accorde mieux avec les critères d'une répartition équitable des fruits de l'expansion économique et ce, afin de recueillir un assentiment aussi large que possible»51.


Pour mettre en évidence le rôle majeur du Parlement européen dans l’édification de l’Union économique et monétaire, la résolution s’approprie deux autres points forts du rapport Werner. Il s’agit de la nécessité du contrôle démocratique exercé par le Parlement européen en cas de transfert de compétences nouvelles aux institutions communautaires, ainsi que de la nécessité de consulter le Parlement pour toutes les décisions portant sur l'évolution de l'Union économique et monétaire.



Élargissement et perspectives de l’Union économique et monétaire de la Communauté. Quel rôle pour la livre sterling?


À l’instar du groupe Werner qui a beaucoup débattu de la perspective de l’adhésion britannique et de l’entrée de la livre sterling dans l’alchimie de l’UEM, le Parlement européen se montre aussi préoccupé par cette problématique.


Comme les discussions sur l'Union économique et monétaire coïncident avec le début des négociations sur l'entrée du Danemark, de l'Irlande, de la Norvège et du Royaume-Uni dans le Marché commun, une relation biunivoque s’établit entre la Communauté et les nouveaux arrivants. La Communauté est certes intéressée par l’apport des nouveaux membres, mais pour les États candidats, il est aussi très important de savoir «s'ils négocient avec une Communauté qui s'arrêtera à mi-chemin de l'union douanière et de l'union économique, ou avec une Communauté qui poursuivra son évolution jusqu'à l'union économique et monétaire»52. Pour que ce binôme soit équilibré, le Parlement européen considère prioritaire d’évaluer les implications de l’élargissement sur l’Union économique et monétaire. Durant la phase des négociations même, et sans préjuger de leurs issues, la participation des nouveaux membres potentiels à la réflexion théorique et politique en la matière est plus qu’opportune53. Durant la phase de négociations, le renforcement de la Communauté ne doit pas être ralenti.


Dans les débats monétaires face à l’élargissement, le rôle de la livre sterling occupe les esprits. Quelle serait l’évolution de cette devise, monnaie de réserve et monnaie nationale à la fois, pendant la période comprise entre l'entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun et l'introduction d'une monnaie européenne unique? Le principal danger vient du fait que le caractère de monnaie de réserve pouvait altérer celui de monnaie nationale. Des paramètres exogènes, parfois artificiels, imprègnent ainsi une monnaie commune, voire unique. Les soldes importants en livre anglaise conservés par des banques centrales, des firmes et des particuliers dans les pays de la zone sterling autres que le Royaume-Uni, la garantie de change en faveur des avoirs en cette monnaie, le taux d’intérêt élevé pratiqué sur le marché financier de Londres ont permis à la livre sterling de garder son caractère de monnaie de réserve malgré sa dévaluation de 196754. À la fin de 1970, la balance britannique des paiements présente à nouveau des faiblesses, en contraste avec son rétablissement vigoureux de 1969. Cette évolution oscillante à court terme suggère plutôt le caractère passager de certains facteurs ayant conduit à son rétablissement. La balance des paiements précaire, la politique de restrictions, le manque d'investissements productifs et une faible croissance pour une demande de plus en plus importante composent un cercle vicieux qui se répercute sur la balance des paiements. Il devient évident que, si au moment de son adhésion, la position britannique en matière d'exportation n’est pas améliorée, les mécanismes communautaires d'assistance monétaire seraient incapables d’amortir complètement les chocs générés par l'existence des soldes en livre sterling55.


L’adhésion britannique doit s’accompagner d’un assainissement des fonctions de la livre sterling en tant que monnaie de réserve. Par sa future monnaie commune, la Communauté (les Britanniques compris) sera appelée à contribuer à la stabilité du système monétaire international. Un tel affinage suppose la suppression progressive des mesures de soutien de la livre sterling (évoquées auparavant) et un rapport plus équilibré entre les réserves monétaires du Royaume-Uni et ses obligations à court terme. Pour faire face aux besoins de liquidités internationales supplémentaires, il était donc envisagé la création de liquidités indépendamment des disponibilités en or ou des monnaies de réserve. Dans ce but, l’institution des droits de tirage spéciaux (DTS) au sein du FMI semble une solution judicieuse56.


Les débats sur le rôle et l’avenir de la livre sterling ne pouvaient pas être dissociés de la problématique de l’autre monnaie de réserve, le dollar américain, surtout dans le contexte d’un marché d’eurodevises en plein développement où les eurodollars avaient un poids considérable57. Lors des travaux de la commission économique du Parlement européen consacrés au rapport Werner, Raymond Barre s’exprime à trois reprises à ce propos (les 29 septembre, 22 octobre et 23 octobre 1970). Le sujet est préoccupant notamment parce que les banques centrales des pays européens avaient absorbé une masse très importante en dollars.


Par le passé, le marché des eurodollars s’est avéré bénéfique pour les pays européens. Par exemple, dans les années 1963-1964, à travers ce marché, l’Italie a financé son déficit extérieur, en évitant ainsi les pertes de réserves officielles. Ce marché s'était restreint de lui-même vis-à-vis des emprunteurs italiens dès que le sentiment d'un excès d'endettement s'était répandu. À son tour, l’Allemagne a procédé, dans les années 1968-1969 à un recyclage des afflux de fonds sur le marché de l'eurodollar58. Elle a réussi à limiter un accroissement non souhaité des réserves officielles, ainsi que l’érosion de la politique restrictive de crédit. Dans les années 1970, cet effet bénéfique disparaît et, alimenté par certaines pressions spéculatives, engendre même des effets contraires.


Dans son intervention du 29 septembre 1970, le vice-président Barre signale que «le marché des eurodollars compromet l'autonomie des autorités monétaires européennes à cause d’un double phénomène: […] la disproportion entre, d'une part, l'ampleur du marché de l'eurodollar (45 milliards) et d'autre part, celle de la masse monétaire dans les pays européens (de 60 à 70 milliards, lato sensu, dans les pays les plus importants)» 59. Cette dualité est constituée d'un côté par le déficit «normal», à savoir le déficit de la balance des paiements des États-Unis, qui se traduit par un afflux de dollars dans toutes les banques centrales de la Communauté, en particulier en Allemagne et aux Pays-Bas. De l’autre côté, il y a l’afflux de capitaux flottants vers l'Allemagne et les Pays-Bas et dans une certaine mesure aussi vers la Suisse.«À force de parler des modifications de taux de change, on spécule à nouveau sur une réévaluation du deutschemark et sur une réévaluation du florin néerlandais […] Nous devons avoir une politique concertée de nos banques centrales à l’égard des mouvements de capitaux spéculatifs, politique qui ne suppose pas nécessairement des variations de taux de change et, surtout, pas de réévaluation»60.


Face aux impulsions monétaires américaines transmises via le marché de l’eurodollar, les moyens de défense individuels des autorités monétaires européennes s’avèrent limités. Une action concertée au niveau communautaire s’impose. Pour cette nécessaire concertation monétaire est évoquée en premier la politique de l'intérêt et du crédit, d’autant plus que la plupart des pays envisagent une politique monétaire restrictive. Intervient ensuite la politique de la balance des paiements et de la réserve. Leur influence est plus significative dans deux éventualités: si les pays européens mènent une politique d'aisance monétaire alors qu’aux États-Unis prévaut la tendance inverse, et si des flux spéculatifs sont stimulés par le financement en provenance du marché de l'eurodollar. La réponse pratique à ces problèmes conjugués n’est pas évidente. Il semblerait difficile de mener une politique monétaire restrictive sans provoquer une augmentation non souhaitée des réserves. Et il serait tout aussi compliqué de pratiquer une politique d'aisance monétaire sans pertes excessives de réserves.


Le rapport Werner est formel sur le fait que dans la perspective de l’Union économique et monétaire, la flexibilité des monnaies est à bannir. Cependant, des ajustements de parité seront inévitables en raison des distorsions de productivité et de compétitivité entre pays. Ce qui s’impose pourtant, c’est une diminution progressive des marges de fluctuation. Dans les États membres, on constate l’existence d’une contrainte progressive parallèlement aux efforts de rapprochement des conditions structurelles. La Commission européenne va dans le même sens, en soulignant qu’«[…] il ne s'agit pas de dire que les conditions structurelles des États membres doivent être identiques […] mais le problème est de savoir si les disparités sont tolérables ou si elles sont intolérables […] Or, à l'heure actuelle, dans la Communauté, il y a encore dans certains cas des disparités qui ne sont pas supportables compte tenu des mouvements massifs financiers de compensation qui devraient intervenir»61. Dans ces circonstances et pour qu’à terme une Union économique et monétaire avec des changes fixes puisse voir le jour, la Commission esquisse une feuille de route avec les actions de la Communauté62.



Débats en sessions plénières du Parlement européen


Le Parlement européen consacre au rapport Werner deux débats en sessions plénières, le 18 novembre et le 3 décembre 1970, modérés par le président Mario Scelba63.


La première session donne l’occasion d’un échange de vues approfondi entre le Parlement, le Conseil et la Commission sur les perspectives d’une Union économique et monétaire. Les interventions sont denses et revêtent une signification particulière. Se succèdent à la tribune Karl Schiller64, président en exercice du Conseil des C.E, Raymond Barre, vice-président de la Commission en charge des affaires économiques et financières et Franco Maria Malfatti65, président de la Commission. Suivent le président de la commission économique, secondé par le président de la commission des Finances et des Budgets du Parlement européen qui étayent les avis émis par leurs commissions respectives. Les présidents des groupes politiques s’expriment aussi. En fin de session, un projet de résolution est discuté et certains amendements y afférents sont adoptés.


Soulignant la pertinence de la consultation de plus en plus systématique entre le Conseil et le Parlement, Karl Schiller met en évidence l’utilité, pour les prochaines délibérations du Conseil66, des opinions et des impulsions que le Parlement dégagera autour du rapport Werner. Avant de s’exprimer sur le fond, l’orateur émet deux réserves qui sont de nature à modérer ses propos. La première est liée à l’absence d’une position officielle du Conseil, qui n’a pas encore statué en cette matière. La deuxième porte sur le fait que le rapport ne reflète que les avis personnels des membres du groupe Werner (comme le préambule du plan par étapes le mentionne). Karl Schiller relève d’emblée que «le président Werner ensemble avec tous ceux qui ont participé ou contribué aux travaux du groupe […] ont abouti à un rapport qui représente un compromis réalisé à partir d'opinions initialement très divergentes»67. Il esquisse ensuite quelques objectifs du Conseil, sur la base desquels il adoptera ses propres décisions. L’édification de l’Union économique et monétaire est un processus qui devra conduire à une solidarité totale entre les États membres, ce qui implique le partage des bénéfices et des risques. Sur le plan intérieur, on tendra vers une communauté de croissance et de stabilité. Sur le plan extérieur, la Communauté devra s’affirmer comme facteur de stabilité pour l’équilibre économique et monétaire international.


Vu que le Conseil avait déjà adhéré aux conclusions du rapport intérimaire (débattu lors de sa session des 8 et 9 juin 1970) et approuvé l’idée de réaliser l'Union économique et monétaire au cours de la décennie 1970-1980, Karl Schiller évoque l’importance d’un engagement politique réel des gouvernements. «L'Union économique et monétaire […] n’est plus aujourd’hui un problème à résoudre dans un avenir éloigné, mais […] une perspective réaliste que le rapport final évoque lorsqu'il dit que l'Union économique et monétaire apparaît ainsi comme un ferment pour le développement de l'union politique sans laquelle elle ne pourra, à la longue, subsister»68. Dans son rapport final, le comité Werner propose les modifications à apporter au processus de prise des décisions politiques qu'une telle union implique. Il est pourtant prématuré de s’avancer sur l’architecture, la composition et les responsabilités des organes communautaires en charge des décisions de politique économique et monétaire. Cette réflexion n’en est qu’au début, mais il semble évident qu'un transfert de pouvoirs du plan national au plan communautaire entraîne des modifications dans d'autres domaines, y compris ceux relevant des compétences du Parlement. Dans cette nouvelle construction institutionnelle, le Parlement assumera une fonction dynamique. Karl Schiller estime que la nécessité d’une réelle coopération politique va de pair avec un autre point essentiel du rapport Werner, porteur d’implications politiques indéniables: «les partenaires sociaux [qui] auront un important rôle à jouer dans la mise en œuvre de cette union»69.


Le président en exercice du Conseil salue l’approche et les mesures concrètes du rapport Werner, dont l’ambition n’était manifestement pas d’épuiser l’ensemble des questions liées à l'Union économique et monétaire. La priorité a été donnée à la définition de la première étape, qui sans être un objectif en soi, demeure indissociable du processus complet d'intégration économique et monétaire. «L'expérience des années passées prouve précisément qu'il faut progresser pas à pas, avec une ferme persévérance. C'est pourquoi il convient d'établir des bases concrètes et solides au cours de la première étape. Le Conseil est d’avis que les propositions formulées dans le rapport sont d'une grande utilité»70. Si les jalons pratiques de la première étape sont clairs, la voie à emprunter pour atteindre l'objectif final – l’Union économique et monétaire – ne l’est pas autant. D’où l’existence de plusieurs alternatives pour lier le point de départ avec le point d’arrivée. Fallait-il définir exactement, dès le départ, le contenu et les différentes étapes de ce processus? Le rapport final du groupe Werner a préféré une méthode plus souple, définissant en détail seulement le contenu de la première étape du processus, prévue du 1er janvier 1971 au 31 décembre 1973. Et le président en exercice du Conseil adhère à cette approche. Quelle que soit l'utilité d'un calendrier prédéterminé pour l’ensemble des étapes, l'envergure du processus est telle qu’une certaine souplesse, tout comme l’expérience accumulée au fur et à mesure de sa réalisation, s’avèrent impératives.


Par sa position, même empreinte de la prudence imposée par l’absence d’un avis officiel du Conseil, son président en exercice se range en tous points derrière le rapport Werner.


L’intervenant suivant, Raymond Barre, est loin de partager la même vision. Le vice-président de la Commission rappelle tout d’abord l’historique des démarches de la Commission européenne en faveur de l’Union économique et monétaire. Il retrace les circonstances de la création du groupe Werner, dont les travaux, alimentés par les propositions des États membres, du Conseil et de la Commission, ont abouti au plan par étapes. Il ne manque pas d’évoquer le mérite d’Emilio Colombo71. «Grâce à [son] autorité et à [sa] sagesse, un accord se fit [à la réunion de mai 1970 à Venise] sur la notion de "parallélisme garanti" – c'est l'expression utilisée par M. Colombo lui-même – dans les progrès sur le plan économique et sur le plan monétaire. […] C’est ainsi qu’a été tranchée la vaine querelle entre "monétaristes" et "économistes"»72.


Raymond Barre rappelle ensuite que, préoccupée par les aspects économiques de la construction européenne, c’est la Commission qui a donné les grandes impulsions de la réflexion et de l’action pratique déclenchées par le sommet de La Haye. C’est la Commission qui a demandé la consultation préalable portant sur la coordination des politiques économiques. Et c'est toujours elle qui a initié le troisième programme de politique économique à moyen terme assorti des orientations chiffrées. Évoquant ensuite le rapport Werner, l’orateur évoque certains de ses points forts. Il insiste ainsi sur le régime des changes spécifique à la Communauté – issu de l’avis du Comité des gouverneurs – dans l’instauration duquel les banques centrales sont appelées à assumer un rôle moteur. Il cite ce résultat positif pour souligner davantage le rôle de la Commission, qu’il identifie à l’origine de la démarche. «La Commission ne peut, sur ce point, que se réjouir de voir reconnaître par le Comité des gouverneurs un principe qu'elle avait soutenu depuis un certain temps: le principe de la réduction des marges de fluctuation entre les monnaies de la Communauté. Ce principe avait été longtemps tenu pour irréaliste, pour inacceptable; et voici que ce sont les gouverneurs des banques centrales eux-mêmes qui déclarent que la mise en œuvre d'un tel système n'est pas impossible, ni improbable»73.


Comme le plan par étapes est le reflet des vues personnelles des membres du comité Werner, Raymond Barre insiste sur le fait que le rapport n'engage ni les États membres, ni la Commission (qui était d’ailleurs représentée au sein du groupe). Il revient sur certains de ses propos, étayés avec vigueur devant la commission économique du Parlement européen. Son message est sans équivoque. Malgré l’engouement et l’adhésion quasi unanimes suscités par les objectifs, mécanismes et moyens d’action proposés par le rapport Werner, c’est à la Commission de décider. C’est à elle de déterminer et de mettre en œuvre les processus les plus appropriés pour aboutir à l’Union économique et monétaire, en tenant compte du plan Werner ou pas.


En guise de conclusion fédératrice, Raymond Barre rend un hommage appuyé au président Werner et aux experts de son groupe. «Le président Werner n'a cessé de marquer, depuis de nombreuses années, son intérêt pour la construction d'une Europe monétaire. Je ne saurais pour ma part oublier que, depuis 1968, la Commission a toujours bénéficié de son entier soutien à un moment où elle s'efforçait de promouvoir des progrès sur les plans économique et monétaire au sein de la Communauté, à un moment où l'union économique et monétaire n'était pas à la mode et ne comptait pas de partisans aussi enthousiastes et aussi zélés que ceux qui se manifestent depuis quelques mois. Cet appui et ce soutien du président Werner, nous ne pouvons pas l'oublier. Quant aux membres du groupe, la Commission connaît leur compétence et leur dévouement à la cause des Communautés puisqu'ils sont les présidents des comités qui apportent régulièrement à la Commission et au Conseil le fruit de leurs réflexions et de leurs avis»74.


Après avoir clairement fixé la réelle portée du rapport Werner pour la Commission, Raymond Barre présente la position de celle-ci en matière d'Union économique et monétaire75 et soumet un projet de résolution en trois parties: une définition de l'objectif final, un programme d'action pour la première étape, un engagement pour la fin de la première étape.


La définition de l’objectif final – l’Union économique et monétaire – repose sur trois principes. Il s’agit premièrement de la constitution d'un espace économique unique, avec une libre circulation des biens, des services, des personnes, des capitaux (et ce, sans perturbations d'ordre social ou d'ordre régional à l'intérieur de la Communauté). En deuxième lieu compte la création d’un ensemble monétaire européen individualisé au sein du système monétaire international, dont la gestion revient à un système communautaire de banques centrales. Enfin, en matière économique et monétaire, la Communauté doit se doter des compétences nécessaires pour une gestion efficace de l'Union. Cette gestion sera soumise à un contrôle démocratique au niveau communautaire. Une fois le transfert des compétences (vers la Communauté) précisé, on pourra procéder à la définition des organes communautaires. Pour parvenir à l’objectif final, la Commission retient la décennie 1970-1980. Sur cette voie, la volonté et l’engagement politique des États membres sont indispensables. Ces deux principes émanent du plan Werner.


À côté de la description du but à atteindre est élaboré un programme d’action, visant notamment la première étape de trois ans76. Le rapport Werner suggère une période de trois ans et la Commission s’accorde sur cette durée, tout en essayant de définir les mesures concrètes à mettre en oeuvre. Le programme d’action de la première étape est ainsi centré sur une coordination plus efficace des politiques économique et monétaire et sur une plus grande harmonisation des fiscalités. La création progressive d'un marché européen des capitaux et des mesures tendant à l'instauration d'un régime de change spécifique à l'intérieur de la Communauté sont envisagées. Pour ce dernier axe, Raymond Barre mentionne à nouveau s’être appuyé sur l’avis du Comité des gouverneurs des banques centrales, partie intégrante du rapport Werner.


Si, dans un proche avenir, le traité offre un cadre adéquat pour la mise en route de l’Union économique et monétaire, des amendements seront certainement nécessaires. Dans l’impossibilité d’indiquer a priori et dans l'abstrait les modifications à opérer, c’est l’analyse de la première étape qui fournira les jalons nécessaires. Cette mission incombe à la Commission qui proposera, par la suite, les amendements nécessaires et les mesures correspondant à une deuxième étape.


Le vice-président de la Commission relève l’implication active du Parlement européen dans plusieurs domaines. Il vise notamment une meilleure coordination des politiques économiques entre les États membres, qui doit aller de pair avec une collaboration renforcée entre les banques centrales. Raymond Barre revient ensuite à une autre proposition émanant du plan Werner: la rédaction d’un rapport annuel sur la situation économique de la Communauté, censé être adopté par le Conseil sur la proposition de la Commission et communiqué au Parlement. La Commission suggère que ce rapport puisse être arrêté par le Conseil sur proposition de la Commission, après avis du Parlement. Une telle proposition vise l’implication directe du Parlement dans la définition de la politique conjoncturelle, économique et monétaire. En même temps, elle recherche à donner un caractère systématique et cohérent aux échanges de vues entre la Commission et le Parlement avant que la Commission ne présente au Conseil l'état définitif de ses initiatives.


Le vice-président Barre passe en revue certaines actions à mener dans l’immédiat, c'est-à-dire jusqu’à la fin de 1970. Une première cible l’obtention, endéans deux mois, des décisions du Conseil au sujet de l’Union économique et monétaire. Cette rapidité répondrait d’une part aux grandes attentes de l’opinion publique suite à l’élan déclenché par le sommet de La Haye et ses conséquences. D’autre part, c’est la prise de conscience au sujet des difficultés imposées à la Communauté par les crises monétaires qui secouent le Marché commun. Une autre action est liée à l’engagement politique réel des États membres, parce que «l’économie et la monnaie, c’est d’abord la politique» qui devra être sans faille et ce, malgré les difficultés techniques, sociales ou internationales qui pourraient surgir.


Synthèse des opinions personnelles de ses auteurs, le plan Werner ne revêt pas des vertus contraignantes pour la Commission. Raymond Barre le rappelle à plusieurs reprises. Pourtant, tout son discours est construit autour de ce document, qu’il cite de nombreuses fois et dont les points-clés forment l’échafaudage des propositions de la Commission. On constate ainsi que malgré ses déclarations préliminaires, non dépourvues d’un certain orgueil, le vice-président Barre donne en filigrane, à travers la teneur et la structure de son intervention, le vrai poids du plan Werner et sa véritable importance pour l’action de la Commission.


La forme finale du plan Werner publiée le 8 octobre n’avait pas encore pu faire l’objet d’un rapport de la commission économique et, par conséquent, ni des discussions en session plénière. Mais un tel débat s’impose. Le président de la commission économique, ainsi que les représentants des groupes politiques, prennent la parole. Le rapport Werner est considéré comme «une proposition réaliste en vue de la création de l'union économique et monétaire, […voire] notre grande chance et notre grand espoir»77.


Certains intervenants mettent en lumière le fait que l’édification progressive de l'Union économique et monétaire doit entraîner une vigoureuse action sur le plan social78. L’association étroite des partenaires sociaux à l'élaboration de la politique commune à moyen terme sera de mise, tout comme des consultations régulières, périodiques avec leurs représentants79.


D’autres préoccupations se focalisent sur l’importance du contrôle démocratique80. Jusqu’à la définition des compétences à transférer du plan national au plan communautaire et des mécanismes d’action y correspondant, une étroite collaboration s’impose entre le Parlement européen et les parlements nationaux. L’Union économique et monétaire suppose le transfert vers l’échelon communautaire de deux importantes compétences de contrôle, jusqu’alors nationales. Il s'agit d'abord des budgets nationaux qui, devenant des instruments pour la politique économique communautaire, devront être adaptés en conséquence. Les critères de cette politique seront fixés au niveau communautaire et, même s’ils conservent une certaine marge de manœuvre, les institutions et les parlements nationaux sont dans l’obligation de les reprendre comme tels. Une autre compétence nationale appelée à disparaître se rapporte à la programmation à moyen terme. Jusqu'alors, chaque État membre pouvait établir de façon assez indépendante ses propres plans et programmes en la matière, mais dès la première étape de l’Union économique et monétaire, l’harmonisation des programmes nationaux deviendra obligatoire. Interface des parlements nationaux, le Parlement européen assumera des nouvelles fonctions et son dialogue avec la Commission sera doté d’une forme réglementaire nouvelle.


Un troisième groupe d’opinions relève que l’Union économique et monétaire devra s’insérer dans une union politique, processus parallèle mis en place par la volonté commune des six États membres du Conseil. Les intervenants évoquent aussi l’adhésion britannique dans une période d’approfondissement de l’intégration européenne, ainsi que les futures modifications du traité.


La deuxième session plénière que le Parlement européen consacre à l’Union économique et monétaire commence par l’intervention du rapporteur de la commission économique81. Il passe d’abord en revue les discussions approfondies ayant conduit aux deux rapports élaborés par cette commission, calqués sur les deux rapports Werner – intermédiaire et final – et finalisés par des propositions concrètes, ainsi qu’à un projet de résolution. Évoquant la partie confidentielle de ces débats, «pas forcément reprise par les comptes rendus et les synthèses publiés», le rapporteur souligne qu’au-delà des conclusions unanimes «[ces discussions] avaient montré que ce projet d'Union économique et monétaire soulevait de grands conflits d'opinion, de grandes divergences de vues, voire des passions»82. La principale controverse de principe intervient au sujet de la priorité à donner à la première étape ou à l’étape finale. Certains estiment que la seule partie du rapport Werner susceptible d'être adoptée de suite porte sur les mesures concrètes de la première étape. D'autres, en revanche, voient l’étape finale la plus importante. Par conséquent, il est impératif d’entériner dès maintenant les aspects institutionnels de l'Union économique et monétaire et de se prononcer sur le transfert à la Communauté de certains droits souverains des États membres. Les positions ont convergé finalement vers une vision commune d’équilibre. D’une part, il faut vivre et accumuler l'expérience de la première étape de trois années (prévue par le rapport Werner). D'autre part, il importe de connaître le résultat final des négociations sur l'élargissement de la Communauté et de percevoir les positions des nouveaux membres en matière d'union monétaire. Ces transformations impliquent un travail soutenu d’information et de communication, pour habituer progressivement les opinions publiques à envisager les évolutions nécessaires et y adhérer. Une union monétaire suppose nécessairement des transferts de compétences à un centre de décision commun, ce qui suscite des résistances. L'exclure à l'avance équivaut à rendre l'union monétaire impossible. Même si le droit de battre monnaie demeure un droit régalien, un attribut de la souveraineté, il semble néanmoins impossible d’aboutir à une monnaie commune si les gouvernements conservent l’intégralité de leurs pouvoirs monétaires actuels. Il est tout aussi évident que définir dès maintenant ces transferts de compétences ou le laps de temps pour les réaliser relève de l’utopie.


L’adaptation du traité de Rome semble imminente, mais il est irréaliste de vouloir définir dans l’immédiat la problématique, l’étendue ou le calendrier des modifications. Par conséquent, à l’instar du rapport Werner, la commission économique ne se focalise que sur ce qui est souhaitable dans la première étape de trois ans et recommande des études préliminaires pour signaler les modifications à apporter au traité. La répartition des responsabilités de la politique économique et monétaire entre les institutions nationales et les institutions communautaires est un autre point sensible. Par conséquent, la prudence est de mise. La commission économique recommande d’étudier cette répartition «le moment venu», c'est-à-dire quand les décisions à prendre auront des conséquences pratiques pour les compétences des parlements nationaux.


Suite à des discussions acharnées et médiations répétées, les membres de la commission économique aboutissent à une position unanime, concrétisée dans un projet de résolution soumis au Parlement européen. Ce document est un compromis entre avis très différents, dont quelques points forts sont cités ci-après. Il s’agit, tout d’abord, du chapitre social. «[…] Dans son paragraphe 8, la résolution introduit, en matière sociale, deux éléments très importants: non seulement elle demande, comme le faisaient le groupe Werner et la Commission, la consultation des partenaires sociaux, mais elle pose en principe la répartition équitable des fruits de l'expansion économique et la nécessité d'un assentiment aussi large que possible des partenaires sociaux»83. Il est donc envisagé un véritable parallélisme entre les progrès de l'Europe sociale et les progrès de l'Europe économique et monétaire. La solidarité monétaire est un autre domaine de préoccupation. Dans son paragraphe 6, la résolution se contente de ne pas exclure la possibilité d'une réduction des marges de fluctuation des cours de change entre les monnaies des pays membres. Même si cet objectif est exprimé de manière très réservée84, il s’agit là d’un compromis entre des tendances divergentes.


Le rapporteur conclut que si le Parlement européen approuve la résolution proposée, celle-ci pourra impulser réellement les décisions dans le domaine de l'Union économique et monétaire que le Conseil est tenu de prendre. Même si le pouvoir du Parlement européen n’est que consultatif, les gouvernements nationaux sont sensibles aux avis des élus, c’est-à-dire des représentants du peuple. En plus, c’est évident que faute d’un fort appui de l’opinion publique, l'Union économique et monétaire ne pourra pas devenir réalité.


L’avis de la commission des Finances et des Budgets s’appuie sur une requête a minima en matière d'intégration monétaire en exigeant que les orientations et mesures y afférentes soient fondées sur une évolution convergente des économies des États membres et, en particulier, sur une politique budgétaire harmonisée. Une autre considération: le transfert de pouvoirs du plan national au plan communautaire semble indispensable, tout comme l’accroissement des pouvoirs du Parlement européen, considéré comme un garant du contrôle démocratique au niveau communautaire. La controverse qui se dessine entre les droits souverains nationaux et les droits communautaires est considérée comme superflue. De nombreux droits nationaux ont déjà été transférés à la Communauté sans qu’il y ait de véritable reprise au niveau institutionnel (par exemple par le Parlement européen, dont la structure est considérée comme en retard sur la réalité). Une autre exigence de cette commission: la nécessité que le Parlement européen soit consulté sur toutes les décisions fondamentales ayant trait à l'évolution de l'Union économique et monétaire. Le dialogue avec la Commission est jugé insuffisant. Pour pallier à cette faiblesse, l’instauration des consultations systématiques avec le Conseil est énoncée.


La commission politique focalise son avis sur le caractère éminemment politique des finalités du sommet de La Haye85. L’édification d'une Union économique et monétaire est l’expression de la volonté et de l’engagement politique des États membres et, de ce fait, ce processus doit évoluer en parallèle avec la mise en œuvre de l'union politique. Dans cette logique, la modification ou une mise au point du traité paraît inévitable. La commission politique accueille favorablement la position de la Commission des C.E. sur les perspectives de l'Union économique et monétaire, y compris les dates et les instruments d’implémentation proposés. La première étape est décisive pour la mise en œuvre des dispositions des traités en matière de coordination des politiques économiques et des politiques monétaires. C’est à la Commission des C.E. de proposer, selon ses propres engagements et avant le 1er mai 1973, les actions à mener en vue du passage à la seconde étape. Dans ce processus de construction politique et économique à la fois, le Parlement européen est considéré comme un acteur de marque. Le renforcement de ses pouvoirs en matière budgétaire et de contrôle doit intervenir dès la première étape, faisant de sorte que sa contribution soit concrète et immédiate. L’implication active du Parlement européen sera essentielle «en vue du transfert des pouvoirs qui devra avoir lieu au cours de la deuxième étape, lorsque l'Union économique et monétaire passera effectivement de la phase de la simple coordination à la phase de véritable union, une union à laquelle devront souscrire tous les États qui œuvrent désormais en commun à la réalisation de cet aspect fondamental de l'union politique»86.


Les nombreuses interventions basées sur la présentation de ces résolutions sont empreintes non seulement d’un intérêt réel pour la problématique de l’avenir de l’Europe politique et économique, mais aussi d’un certain «jeu» opposant des personnes et des groupes politiques, matérialisé par une multitude de rectifications de termes, de formules et d’amendements qui, une fois énoncés, sont aussitôt contredits et annulés par d’autres amendements.


Raymond Barre, ayant participé auparavant à tous les débats de la commission économique, ainsi qu’à la première session plénière du Parlement européen sur le rapport Werner, prend la parole. Il explique la vision de la Commission en matière économique et monétaire et défend cette position en répondant ainsi aux nombreuses critiques formulées par les députés. Dans leurs interventions, ceux-ci ont laissé transparaître l’idée que les propositions de la Commission ne s’élèvent pas au niveau du rapport Werner, dont les ambitions sont plus grandes et l’horizon de prospection plus généreux. «D'une part, nous avons un rapport, dont nous avons dit, dans notre projet de communication au Conseil, qu'il était une contribution essentielle à la construction de l'Union économique et monétaire. D'autre part, nous avons des propositions. Les propositions n'ont pas la même nature qu'un rapport. Des propositions doivent être précises dans le fond, précises dans la forme et précises quant aux périodes de temps au cours desquelles des actions doivent être réalisées. Tel est le sens du projet de résolution et des propositions soumis au Conseil et qui l'ont été parce qu'il était de la responsabilité de la Commission de faire des propositions au Conseil»87. «[…] la Communauté devra nécessairement être une Communauté de croissance et de développement en même temps qu'une Communauté de stabilité»88. Après une longue procédure de vote ponctuée de nouvelles prises de parole, le Parlement européen adopte la résolution sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté89.


1 Sauf mention contraire, tous les documents cités dans la présente étude ont comme source www.cvce.eu.

2 Il s’agit de la commission économique, de la commission des Finances et des Budgets et de la commission politique.

3 Sessions du 18 novembre et du 3 décembre 1970.

4 Résolution sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté, CarDoc. Parlement européen. In Journal officiel des Communautés européennes, n° 151/23 du 29 décembre 1970.

5 La commission économique du Parlement européen a la composition suivante: MM. Lange, président, Boersma, vice-président, Artinger, Berkhouver, Bermani, Bersani, Bos, Bourbelles, Bousch, Bousquet, Califice, Cifarelli, Colin, De Winter, Fläming, Galli, Glinner (suppléante Mlle Lulling), Mitterdorfer, Oele, Offoyriedel, Scoccimarro, Springorum, Starke, Van Oeffelen, Wolfram. Source: Ordre du jour et procès-verbal de la réunion des 6-7 mai, 10 mai, 6 juillet, 28-29 septembre, 22-23 octobre, 29-30 octobre, 9-10 novembre, 23 novembre, 1-2 décembre et 5-6 décembre 1970, CarDoc, Parlement européen, PE/II/PV/70-13, PE/II/PV/70-14 et PE/II/PV/70-15.

6 Réunions des 6-7 mai, 10 mai, 6 juillet, 28-29 septembre, 22-23 octobre, 29-30 octobre, 9-10 novembre, 5-6 décembre 1970. CarDoc, Parlement européen PE/II/PV/70-13, PE/II/PV/70-14 et PE/II/PV/70-15, CarDoc.

7 Il s’agit notamment de M. Spenale, président de cette commission, ainsi que de M. Aigner, auteur de l’avis sur le plan par étapes demandé par la commission économique, ainsi que notamment MM. Borocco, Memmel, Posthumus, Schwörer et Westerterp.

8 Avis de la commission des Finances et des Budgets sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté, rédacteur M. Aigner, PE 25908/déf, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, CarDoc. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

9 Les secrétariats des groupes politiques sont représentés par MM. Dulcy pour le secrétariat du groupe socialiste, Silvestro pour le secrétariat du groupe des libéraux et apparentés, Kieffer pour le secrétariat du groupe de l'Union démocratique européenne. Cf Ordre du jour et procès-verbal de la réunion des 6-7 mai, 10 mai, 6 juillet, 28-29 septembre, 22-23 octobre, 29-30 octobre, 9-10 novembre, 1-2 décembre et 5-6 décembre 1970, CarDoc, Parlement européen, PE/II/PV/70-13, PE/II/PV/70-14 et PE/II/PV/70-15.

10 Il s'agit de la réunion préliminaire du groupe Werner qui s’est déroulée au Luxembourg le 11 mars 1970. Voir la sous-section 1.3.3 intitulée «Les plans monétaires élaborés par la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg (janvier-février 1970)».

11 Le groupe de travail interdirections sur l’Union économique et monétaire - construit autour de la direction générale des Affaires économiques et financières (DGII) auquel s’associent les directeurs et le secrétaire du Comité monétaire - est institué par la note de la Commission n° 700225 du 26.01.1970, avec comme mission d’alimenter la réflexion et la documentation du représentant de la Commission au sein du comité Werner. Le 18 mars 1970, ce groupe de travail fourni au groupe Werner une comparaison entre les quatre plans par étapes vers une Union économique et monétaire – les plans gouvernementaux allemand, belge et luxembourgeois et le plan de la Commission – rendus publics en février 1970.

12 Appelé un temps dans divers cercles politiques et par la presse «plan Werner I», cette prise de position du gouvernement grand-ducal conservera ensuite, à la demande de Pierre Werner le nom «plan luxembourgeois». Ce «plan luxembourgeois en cinq points» est entièrement sorti de la plume de Pierre Werner qui avait déjà évoqué ses grandes lignes à la tribune du congrès Europaforum à Sarrebruck le 26 janvier 1968. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

13 Communication aux membres: résumé des plans élaborés en vue de la création d’une Union économique et monétaire, commission économique, direction générale des commissions et des études parlementaires, Luxembourg, le 5 juin 1970. PE 24605. CarDoc, Parlement européen, Archives familiales Pierre Werner, carton réf. PW 048, intitulée Intégration monétaire de l’Europe. Le Plan Werner: 1970. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

14 Ibid., p. 12.

- «Le plan Barre II. Ce plan s'efforce d'établir un certain parallélisme entre l'harmonisation des politiques économiques et monétaires, l'harmonisation fiscale et la réalisation de la libre circulation des capitaux. Il prévoit le passage automatique d'une étape à l'autre. La première étape qui s'étend sur les années 1970 et 1971, est considérée comme une étape préliminaire. La deuxième étape, allant de 1972 à la fin de 1975, serait consacrée à la préparation de la mise en place de l'union économique et monétaire. Sur proposition de la Commission européenne, le Conseil peut décider de prolonger cette étape de deux ans au maximum, jusqu'à la fin de 1977. La troisième étape aboutirait à l'instauration définitive de l'Union économique et monétaire».

- «Le plan Werner I. La première étape du plan Werner a déjà été partiellement réalisée par la conclusion de l'accord du 9 février 1970 instituant un système de soutien monétaire à court terme. Cet accord se fonde sur le mémorandum de la Commission au Conseil relatif à la coordination des politiques économiques et à la coopération monétaire au sein de la Communauté ainsi que sur la décision du Conseil du 17 juillet 1969 relative à la coordination des politiques économiques à court terme des États membres. L'accord sur le soutien à court terme prévoit qu'après avoir procédé aux consultations prescrites, tout État membre de la C.E.E. connaissant des difficultés d'ordre monétaire peut disposer d'une aide financière d'un montant égal à celui de la quote-part qui lui est assignée, ceci dans les limites d'un plafond de crédit de 1 milliard de dollars. Le montant des quote-parts est de 300 millions de dollars pour la République fédérale et pour la France, de 200 millions de dollars pour l'Italie et de 100 millions de dollars pour les Pays-Bas et pour l'Union belgo-luxembourgeoise. Ces crédits, d'un montant de 1 milliard de dollars, sont octroyés pour une durée de trois mois, leur utilisation étant renouvelable une fois pour une nouvelle durée de trois mois».

15 Les deux dernières réunions du groupe Werner ont eu lieu les 23-24 septembre 1970 (Copenhague) et respectivement les 7 et 8 octobre 1970 (Luxembourg).

16 Il s’agit du troisième programme d’orientation à moyen terme et des actions structurelles de la Communauté sur la période 1971-1975. Commission européenne, Les orientations globales à moyen terme (1971-75) de la politique économique dans la Communauté, document COM (69) 1250.

17 Réunion de la commission économique des 28 et 29.09.1970, Bruxelles, bande n° 218, transcription p. 3. Parlement européen, Commission économique. In Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

18 Idem, p. 7.

19 Rapport complémentaire fait au nom de la commission économique sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté, rapporteur M. Bousch, document PE.25908. CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, 30 novembre 1970, document 187.

20 La résolution en question est discutée dans la réunion conjointe que la commission économique organise à Bruxelles avec la commission des Finances et des Budgets du Parlement européen en date du 23 novembre 1970.

21 Par lettre en date du 13 mai 1970, le président du Parlement européen a saisi pour avis la commission des Finances et des Budgets sur des problèmes que pose la création d'une union économique et monétaire (la compétence sur le fond revenant à la commission économique). En date du 17 juillet 1970, M. Aigner a été désigné par la commission des Finances et des Budgets comme rédacteur de l’avis. Lors de sa réunion du 22 octobre 1970, un avis intérimaire a été examiné et adopté à l’unanimité par la commission en question. Sur la base du rapport définitif au Conseil et à la Commission que le président Pierre Werner a présenté publiquement le 8 octobre 1970, la commission des Finances et des Budgets a procédé à un nouvel examen de la problématique de l'Union économique et monétaire et a adopté à l'unanimité l’avis final. L’adoption de cet avis est datée du 27 novembre 1970.

22 Note du secrétariat sur les aspects politiques et institutionnels du plan Werner concernant la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté. I. ob.di/tw, Bruxelles, 4 novembre 1970, document PE. 25715, Parlement européen, commission politique. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

23 Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire dans la Communauté (rapport Werner), Luxembourg, 8 octobre 1970, document L 6.956/II/70-D. In Journal officiel des Communautés européennes, n° C 136, supplément au bulletin 11/1970, Luxembourg, 11 novembre 1970, dans III – Le point d’arrivée, p. 13. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

24 Ibid., p. 14.

25 Note du Secrétariat sur les aspects politiques et institutionnels du plan Werner concernant la réalisation par étapes de lUnion économique et monétaire de la Communauté, I. ob.di/tw, Bruxelles, 4 novembre 1970, PE. 25715, p. 4. Parlement européen, commission politique. «Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

26 Ibid., p. 5.

27 Ibid.

28 Avis de la commission des Finances et des Budgets sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté, rédacteur: M. Aigner. CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, PE 25908/déf, p. 3.

29 Il s’agit de l’objectif de rapprocher notamment les taux et l'assiette de la taxe à la valeur ajoutée, ainsi que les accises.

30 Communiqué de Jean Rey au Parlement européen le 11 décembre 1969, repris dans la déclaration finale du sommet de La Haye: The Hague Summit, [1-2 December 1969], Final Communiqué of the Conference and Memorandum from the Commission to the Conference. In Bulletin of the European Communities, n° 1, 1970, p. 15.

31 Homme politique et journaliste italien et appartenant à la démocratie-chrétienne, Franco Maria Malfatti (13 juin 1927 - 10 décembre 1991) a été à plusieurs reprises député et ministre de la République italienne. De juin 1970 à mars 1972, il a été président de la Commission européenne. Il démissionne en 1972 pour participer la même année aux élections législatives en Italie.

32 Voir Documents de séance 1970-1971, 16 juillet 1970. CarDoc, Parlement européen.

33 Dans son discours devant le Parlement européen le 15 septembre 1970, le président de la Commission européenne Franco Maria Malfatti affirme que «[…] l'Union économique et monétaire de l'Europe doit lui permettre d'assumer dans le monde une fonction dont la nécessité se fait de plus en plus ressentir profondément: constituer un pôle supplémentaire d'équilibre et de développement dans les relations économiques et financières internationales» . Voir Documents de séance 1970-1971, 5 octobre 1970. CarDoc, Parlement européen.

34 Au cours de sa réunion du 22 octobre 1970, la commission économique a adopté un rapport intérimaire sur la réalisation par étapes de l'Union économique et monétaire de la Communauté. Le 21 octobre 1970, le Conseil a transmis au Parlement, à titre d'information, le rapport final établi par le groupe d’experts placé sous la présidence de Pierre Werner. Ensuite, par lettre en date du 18 novembre 1970, le président du Conseil a consulté le Parlement européen sur les propositions de la Commission au Conseil relatives à l'institution par étapes de l'Union économique et monétaire.

35 Idem.

36 Cf. les recherches dans les Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 047 intitulée Groupe Werner: Antécédents, préparatifs et réunions 1968-1970 et réf. PW 048, intitulée Intégration monétaire de l’Europe. Le Plan Werner: 1970. Voir aussi la section 2.2 intitulée «Déroulement des travaux du comité Werner».

37 Projet de rapport intérimaire sur la création d’une Union économique et monétaire, rapporteur M. J.E. Bousch. CarDoc, Parlement européen, commission économique, PE 25221/rév, p. 8. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

38 Ibid., p. 9.

39 C'est pourquoi l’on observe dans les débats parlementaires qu’il apparaît raisonnable de demander de faire d'abord la preuve du fonctionnement pratique de la procédure proposée pour une coordination plus étroite des politiques économiques et de réduire ensuite seulement les marges de fluctuation, dès que le mécanisme s’avérera viable.

40 «Les engagements pris dans ce domaine par le Conseil en se déclarant d'accord sur les conclusions d'un mémorandum établi deux fois par an par l'Exécutif, ont été jusqu'ici formulés d'une façon générale […]. On ne peut donc dire, en l'état actuel des choses, que la politique économique à moyen terme préconisée par la Communauté influence de façon décisive l'évolution économique des États membres. Il n'en ira différemment que lorsque les objectifs seront quantifiés». Cf. Rapport intérimaire fait au nom de la commission économique sur la création d’une Union économique et monétaire de la Communauté, rapporteur: M. J.E. Bousch. In CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, document 187, 30 novembre 1970, p. 10.

41 Lors de sa session du 9 juin 1970, le Conseil décide de fournir, pour l’année en cours, une base à l'exécution du plan d'Union économique et monétaire et propose d'adopter pour le 1er janvier 1971 l'ensemble des propositions que la Commission européenne lui avait présentées dans son document du 12 février 1969 intitulé Mémorandum sur la coordination des politiques économiques et la coopération monétaire au sein de la Communauté. Ce document portera le nom de son initiateur, le vice-président de la Commission Raymond Barre (le plan Barre I). Publié dans le supplément du bulletin CEE n° 3/1969, pp. 13-21. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

42 Rapport intérimaire sur la création d’une Union économique et monétaire de la Communauté, rapporteur: M. J-E Bousch. CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, 15 octobre 1970, document 148, document PE 25221, p. 12.

43 Ibid., p. 14. D’ailleurs, la résolution du Parlement européen sur l'évolution de la conjoncture dans la Communauté, doc. 79/10 juillet 1970, p. 3, § 8 mentionnait expressément que «le Parlement [...] considère [...] que la nouvelle Commission européenne aura à accomplir la tâche importante d'organiser, en étroite coopération avec le Parlement européen, des consultations régulières avec les représentants des partenaires sociaux, afin de parvenir, dans le domaine de la politique conjoncturelle, à une action plus communautaire, qui s'accorde mieux avec les critères d'une répartition équitable des fruits de l'expansion économique, à définir dans le cadre de la politique des structures».

44 Dans sa communication au sujet de l'élaboration d'un plan par étapes vers une Union économique et monétaire, la commission suppose que «la fixation en commun des lignes directrices de la politique économique globale, de la politique conjoncturelle et de la politique budgétaire» devrait intervenir à partir de la deuxième phase de réalisation de l’Union économique et monétaire. Au moment des débats au Parlement européen concernant le rapport Werner, ni les responsabilités des divers organes, ni la répartition des pouvoirs dans les domaines de la politique économique et monétaire dans les diverses phases de son édification, ni la manière d’exercice du contrôle démocratique pour les politiques définies en commun ne sont encore définies.

45 Dans son rapport intérimaire, le groupe Werner préconise que «les transferts de responsabilités seront maintenus dans les limites nécessaires à l'efficacité de l'action communautaire et concerneront essentiellement l'ensemble des politiques qui concourent à la réalisation de l'équilibre général». Cf. Rapport intermédiaire sur l’établissement par étapes d’une Union économique et monétaire, document 9.504/II/70-D In Bulletin 7/1970, supplément, Journal officiel des Communautés européennes, n° C 94 du 23 juillet 1970, Luxembourg, p. 20. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

46 Les membres de la commission économique sont d’avis que l’article 104 du traité laisse intacte la souveraineté des États membres en matière de politique économique et monétaire, mais aux termes des articles 103 et 107, les États membres doivent traiter comme «une question d’intérêt commun» leurs politiques conjoncturelles et leurs politiques en matière de taux de change.

47 Rapport intérimaire sur la création d’une Union économique et monétaire de la Communauté, rapporteur: M. J-E Bousch, document PE 25221, p. 21. CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, 15 octobre 1970, document 148/ PE 25221, p. 21.

48 Le 16 décembre 1965, le président du Parlement européen saisit la commission économique et financière aux fins d’établir un rapport pour esquisser les grandes lignes d’action de la Communauté dans le domaine de la politique monétaire et de la création d’une future union monétaire. Le 19 janvier 1966, la commission économique et financière désigne le député Hans Dichgans comme rapporteur. Examiné dans les réunions de la commission économique et financière des 21 juillet, 25 octobre, 9 et 21 novembre 1966, le rapport est approuvé à l’unanimité avec proposition de résolution au cours de la dernière des réunions mentionnées. Le document intitulé Rapport sur l’activité future de la Communauté dans le domaine de la politique monétaire et la création d’une union monétaire européenne est publié le 28 novembre 1966. Parlement européen, document de séance 1965-1966. Document 138/28 novembre 1966. In Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 046 intitulée L’intégration monétaire de l’Europe 1962-1969.

49 Rapport complémentaire fait au nom de la commission économique sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté, rapporteur: M. Bousch, document PE.25908. CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, 30 novembre 1970, document 187.

50 Résolution sur l'évolution de la conjoncture dans la Communauté, Journal officiel des CE, n° C 101 du 4 août 1970.

51 Résolution sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté. Parlement européen. In Journal officiel des CE, n° C 151/23 du 29 décembre 1970, p. 4.

52 Rapport intérimaire sur la création d’une Union économique et monétaire de la Communauté, rapporteur: M. J-E Bousch. CarDoc, Parlement européen, documents de séance 1970-1971, 15 octobre 1970, document 148/ PE 25221, p. 22.

53 Pour l’examen des projets de l’Union économique et monétaire dans cette optique biunivoque, les parlementaires de la commission économique envisagent trois pistes possibles:

- Attendre la fin des négociations et leur résultat. Dans cette perspective, on laisserait s'écouler des années précieuses, voire décisives, au cours desquelles des tendances désintégrantes pourraient se manifester au sein de la Communauté;

- Considérer que la réalisation de l’Union économique et monétaire (telle qu’elle fut décidée par le sommet de La Haye du 1-2 décembre 1969) est un objectif officiel de la Communauté et, dans cette perspective, les Six doivent s’accorder entre eux, laissant les pays candidats à l’écart de ces démarches;

- Considérer que les pays candidats doivent accepter la décision du sommet de La Haye qui consacre l’objectif de l’Union économique et monétaire comme l’objectif officiel de la Communauté, mais que le Conseil, dans ses décisions portant sur l’avenir, tienne compte des intérêts des pays candidats. Les Six poursuivront leurs délibérations sur la réalisation progressive de l’union, étant cependant entendu que les pays candidats seront consultés sur les modalités plus précises de la réalisation par étapes de cette union. La consultation en question ne devrait pas ralentir le déroulement des négociations sur l'adhésion, sauf si les États membres de la Communauté ne peuvent s'accorder entre eux. Cette troisième piste a été retenue comme ligne d’action souhaitable par les parlementaires européens.

54 La zone sterling (sterling area ou sterling zone), créée lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, représentait une mesure d'urgence de coopération du contrôle des changes entre un groupe de pays, pour la plupart dominions ou colonies de l'empire britannique (plus tard le Commonwealth). Ces pays utilisèrent alors la livre sterling comme leur propre monnaie nationale, ou alors celle-ci eut un taux de parité fixe avec la livre. Dans le cas où les pays membres utilisaient leur monnaie nationale, ils disposaient de larges réserves en livre sterling à Londres pour mener leur commerce international. Le but de la zone sterling était de protéger la valeur de la livre et le commerce dans l'empire. À présent, la livre sterling (pound sterling) est l'unité monétaire officielle du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, des dépendances de la couronne britannique et des territoires britanniques d'outre-mer.

55 La dévaluation de la livre sterling de 1967 avait donné un essor aux exportations de l’industrie britannique. Mais l'augmentation rapide des salaires dans la période qui a suivi 1967 conduit à l’effritement de cet avantage.

56 Le Parlement européen avait formulé déjà en 1968 la proposition de création de DTS. Cf. Journal Officiel n° C 27 du 28 mars 1968.

57 Voir FRIOT, Gérard: Eurodollars et politique monétaire nationale: États-Unis, Allemagne, Grande-Bretagne, France. Paris: Friot (éd.), 1973, 134 p.; KANE, Daniel: The eurodollar market in the years of crisis. Londres: Croom Helm,1983, 189 p.; ALLEN, Larry: The Encyclopedia of Money, Abingdon: Greenwood Publishing Group, 2009, 530 p. Les eurodevises représentaient les dépôts bancaires libellés en une monnaie qui n'est pas celle du pays où la banque est établie; les eurodollars faisaient partie de ces eurodevises, étant définis comme les dépôts en dollars américains détenus dans des banques hors des États-Unis d’Amérique. Ce marché, devenu plus important que le marché monétaire domestique américain, est né de la conjonction des déséquilibres économiques extérieurs des États-Unis, du choix de Londres, dans les années 1950, par les autorités soviétiques comme lieu de dépôt de leurs avoirs en dollars (par crainte de voir ceux-ci bloqués si elles les confiaient à des banques américaines) et de la Regulation Q aux États-Unis, qui imposait un taux maximum à la rémunération des dépôts bancaires domestiques. Compte tenu du fait que, dès les années 1960, ce taux est en retard par rapport à l'inflation, une émigration massive de capitaux américains se déclenche, notamment vers Londres. En 1963, le président J.F. Kennedy introduit aux États-Unis l’Interest Equalization Tax (sur les intérêts des obligations en dollars émis pour les compte-sociétés européennes) pour endiguer l’exportation des capitaux américains. La réorientation des courants financiers qui en résulte aboutit à la création d’un marché international des eurodollars. Le Luxembourg, dépourvu d’une banque centrale et ayant des lois bancaires et fiscales très flexibles, se retrouve dans une position favorable, alors que des places traditionnelles comme Londres, Zurich ou Amsterdam sont gênées par des réglementations restrictives. Le Luxembourg s’impose progressivement comme un des principaux centres pour les euro-marchés. La place financière internationale voit ainsi le jour. En juillet 1963, la bourse de Luxembourg procède à la première émission euro-obligataire «Autostrade». Le régime américain connaît une détente en 1974 par la suppression des réglementations et taxes (en particulier de l’Interest Equalization Tax) et les États-Unis commencent à sortir de cette «isolation monétaire» qui freinait l’arbitrage bancaire entre le marché interne du dollar et les euro-marchés.

58 Sous forme de swaps (échanges mutuellement profitables) entre les banques commerciales et la banque centrale. Contrairement aux échanges d'actifs financiers, les échanges de flux financiers (y compris swaps) sont des instruments de gré à gré sans incidence sur le bilan, qui permettent de modifier des conditions de taux ou de devises (ou des deux simultanément), d'actifs et de passifs actuels ou futurs.

59 Intervention de Raymond Barre. Suite bande 219.Transcription, p. 21. Réunion du 29.9.70 à Bruxelles. Commission économique du Parlement européen, .Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

60 Ibid., p. 22.

61 Ibid., p. 28.

62 Dans ce document, plusieurs sont les actions et procédures que la Communauté doit mettre en place. Dans le domaine des politiques économiques, une coordination efficace et constante doit être enclenchée. En ce qui concerne la balance des paiements, pour pallier aux difficultés conjoncturelles, seront créés des mécanismes de soutien propres à la Communauté. Par le biais du budget communautaire, couvrant l’ensemble des domaines (et non pas seulement l’agriculture), un certain nombre de financements compensatoires deviennent possibles. L’existence du marché des capitaux permettra des mouvements de capitaux en provenance des pays qui ont plus d'épargne vers les pays qui en ont moins. D’autres institutions communautaires telles que la Banque européenne d'investissement et le Fonds social, responsables des mouvements dirigés de capitaux, seront appelées à agir de manière vigoureuse là où des problèmes structurels aigus se posent.

63 Mario Scelba (1901-1991), homme politique italien, a été président du Conseil italien (Premier ministre) de 1954 à 1955 et président du Parlement européen de 1969 à 1971.

64 Karl August Fritz Schiller (1911-1994), homme politique allemand, membre du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD). Ministre fédéral de l’Économie de l’Allemagne de l’Ouest (1966-1971), il fut très actif dans les travaux du comité Werner et, par la suite, un des promoteurs du plan par étapes.

65 Franco Maria Malfatti (1927-1991), homme politique italien, président de la Commission des Communautés européennes (01.07.1970-21.03.1972).

66 En effet, c'est le 23 novembre 1970 que le Conseil procède pour la première fois à un débat de fond sur le rapport final du comité Werner, qui lui a été transmis le 15 octobre 1970.

67 Réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté. Comptes rendus des débats parlementaires, séance du 18 novembre 1970. CarDoc, Parlement européen. In Journal officiel des Communautés européennes, annexe n° 151/23 du 29 décembre 1970, p. 99. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

68 Ibid., CarDoc, p. 100.

69 Ibid.

70Ibid., CarDoc, p. 101.

71 Emilio Colombo (né le 14 avril 1920), homme politique italien, a été, dans les années 1967-1970, ministre des Finances, du Trésor et du Budget et, de ce fait, profondément impliqué dans la problématique de l’Union économique et monétaire. Le 29 mai 1970, à Venise, il conduit la réunion des ministres des Finances consacrée au rapport intérimaire du comité Werner. Du 6 août 1970 au 17 février 1972, il est président du Conseil italien. Il est à maintes reprises élu député au Parlement européen de 1979 à 1980, de 1984 à 1987 et de 1989 à 1992. Il est président du Parlement européen de 1977 à 1979. Primé avec le prix international Charlemagne en 1979.

72 Ibid., Réalisation par étapes, CarDoc p. 103.

73 Ibid.

74 Ibid., p. 105.

75 Il s’agit du document intitulé Communication et propositions de la Commission au Conseil relatives à l'institution par étapes d'une Union économique et monétaire de la Communauté. Cette position de la Commission est basée sur quatre documents-clés antérieurs: 1. La communication de la Commission au Conseil en date du 4 mars 1970 au sujet de l'élaboration d'un plan par étapes vers une Union économique et monétaire; 2. Les conclusions de la réunion du Conseil des 8 et 9 juin 1970 (qui figurent d'ailleurs en annexe du rapport Werner; 3. Le rapport Werner (8 octobre 1970); 4. L’avis du Comité des gouverneurs des banques centrales, annexe au rapport Werner. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

76 Le rapport Werner retient une durée de trois ans pour la première étape, parce que ce délai paraissait convenable pour réaliser un certain nombre de progrès à la fois utiles et nécessaires. Parmi les propositions dégagées au cours des travaux du comité Werner figurait celle d’une première étape de cinq années, liée à l'application du programme de politique économique à moyen terme de la Commission et qui aurait donné la possibilité de dresser un bilan des progrès économiques réalisés dans la Communauté.

77 Intervention du député J. Löhr, groupe chrétien-démocrate, CarDoc, Parlement européen. Procès-verbal de séance plénière, séance de mercredi, 18 novembre 1970, pp. 109-110.

78 Interventions des députés J-E. Bousch, rapporteur de la commission économique et E. Boersma, président du groupe social-démocrate, CarDoc, Parlement européen. Procès-verbal de séance plénière, séance de mercredi, 18 novembre 1970 (pp. 110-113 et pp. 113-116).

79 Le Parlement devra se prononcer en cette matière et le comité économique et social sera appelé à donner son avis aussi. Les consultations avec les partenaires sociaux devront définir en commun les objectifs souhaitables, dégager l’accord sur les dispositions de la politique préconisée et recueillir un assentiment aussi large que possible pour la mise en œuvre des politiques qui, autrement, se heurteraient à des difficultés insurmontables. Il faudra pourtant tenir compte du fait que le libre jeu des forces sociales subit une influence corrective considérable de la part des autorités centrales. Cela signifie cependant automatiquement que l'emprise exercée sur l'économie ne peut, pour cette raison, être que limitée.

80 Intervention du député M. Oele, représentant du groupe socialiste, CarDoc, Parlement européen. Procès-verbal de séance plénière, séance de mercredi, 18 novembre 1970, pp. 116-121.

81 Il s’agit de Raymond Offroy, membre français du Parlement européen, désigné pour défendre le rapport de la Commission économique. Son rapport est articulé autour du plan Werner dans sa version finale, auquel se sont rajoutées les propositions de la Commission, ainsi que les trois résolutions (distinctes) émanant des commissions parlementaires qui s’y sont penchées (la commission économique, la commission des Finances et des Budgets et la commission politique).

82 Réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté. Comptes rendus des débats parlementaires, séance du 18 novembre 1970, CarDoc, Parlement européen. In Journal officiel des Communautés européennes, annexe n° 151/23 du 29 décembre 1970.

83 Ibid., p. 3. La commission économique estime que des progrès sont impensables sans un minimum d'accord des partenaires sociaux et elle cite, à titre d’exemple des grèves généralisées, des demandes importantes de hausses salariales, une accélération rapide des transferts sociaux, pour que les décisions prises en matière économique et monétaire soient réduites à néant.

84 Dans la prise de position du 18 novembre 1970 lors des débats en séance plénière du Parlement européen, Karl Schiller, président en exercice du Conseil des C.E., avait défini de manière très ambitieuse l’Union économique et monétaire. Pour lui, «une union monétaire implique à l'intérieur la convertibilité totale et irréversible des monnaies, l'élimination des marges de fluctuation des cours de change, la fixation irrévocable des rapports de parité et la libération totale des mouvements de capitaux».

85 Cet avis est fondé sur la Note du secrétariat sur les aspects politiques et institutionnels du plan Werner concernant la réalisation par étapes de lUnion économique et monétaire de la Communauté, I. ob.di/tw, Bruxelles, 4 novembre 1970, document PE. 25715, dans les archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

86 Procès-verbal de séance plénière, séance de jeudi, 3 décembre 1970. CarDoc, Parlement européen, p. 52. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

87 Ibid. Intervention de Raymond Barre, vice-président de la Commission de la CE, p. 51. CarDoc.

88 Le communiqué du sommet de La Haye (1-2 décembre 1969) définit la Communauté comme une Communauté de stabilité et de croissance. Ces objectifs sont également expressément mentionnés dans les Propositions de la Commission au Conseil concernant le troisième programme de politique économique à moyen terme, Commission des Communautés Européennes, COM 189/70.

89 Résolution sur la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté. In Journal officiel des Communautés européennes, n° C 151/23 du 29 décembre 1970.

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