Réactions politiques dans les États membres des Communautés européennes

Réactions politiques dans les États membres des Communautés européennes1


Remis officiellement au Conseil et à la Commission des CE le 15 octobre 1970, le rapport Werner est publié le 16 octobre 1970.Les réactions politiques dans les États membres ne tardent pas et la primauté revient aux médias2. Au-delà de l’information objective, ils mettent en lumière les positions de leurs pays respectifs relatives à la réalisation d’une union économique et monétaire par étapes. Et ce, avant même que leurs gouvernements n’aient pu s’exprimer officiellement. Les seuls à réagir le jour même de la publication du rapport sont le ministre néerlandais des Finances Johannes Witteveen et le vice-président de la Commission Raymond Barre3.


Le 20 octobre 1970, le ministre fédéral de l’Économie Karl Schiller donne une conférence de presse pour expliquer le contenu du plan par étapes. Ses commentaires sont favorables. Il estime que le rapport Werner a réalisé un compromis entre les pays qui voulaient parvenir à l’union économique et monétaire en accordant la priorité aux problèmes monétaires et ceux qui, comme l’Allemagne, posaient comme postulat de départ, donc comme préalable, la coordination des politiques économiques au sein de la Communauté. Le comité Werner a retenu comme principe l’équilibre entre ces deux courants, ainsi que la nécessité du parallélisme effectif entre le processus de coordination et de la convergence des politiques économiques et monétaires des Six4. Dans les négociations politiques autour du plan par étapes, le gouvernement de Bonn a donc réussi à préserver l’un des principes fondamentaux de sa politique économique, énoncée dans le plan Schiller présenté en début d’année5. Le ministre allemand conclut avec le souhait de voir ce rapport approuvé tel quel avant la fin de l’année 1970. Sur le plan interne, Karl Schiller avait déjà fait le nécessaire. Alors que le plan par étapes n’est pas encore envoyé officiellement aux gouvernements des États membres, le ministre Schiller adresse, le 4 octobre, une communication officielle au chancelier fédéral. Il lui signifie que «le cabinet fédéral recevra sous peu le rapport Werner […] et il sera sollicité de l’approuver […] Il est très important que l’approbation intervienne encore durant la présidence allemande [du Conseil des ministres CEE] et ce afin que la première étape de trois ans [du plan] puisse débuter au 1er janvier 1970»6. Il ne manque pas de souligner la contribution du représentant allemand au comité d’experts, Johann Baptist Schöllhorn, qui «a impulsé les travaux par ses propres propositions et a contribué à l’obtention du compromis nécessaire […] pour lequel nous sommes allés, dans l’intérêt de la politique européenne, jusqu’à la limite acceptable du point de vue économique et de la stabilité politique»7.


La Bundesbank est en principe favorable au projet d’union économique et monétaire proposé par le rapport Werner, qu’elle estime sérieux et équilibré, quitte à adapter ensuite ses mécanismes et son fonctionnement à ses propres conceptions8. Parmi les propositions contenues dans la position officielle allemande9 compte celle qui, profondément inspirée par les statuts de la Bundesbank, préconise une banque centrale autonome comme modèle pour la future banque centrale européenne. Lors de la réunion des ministres des Finances qui s’est déroulée le 29 mai 1970 à Venise et des débats autour du rapport intérimaire10, Karl Schiller relève l’importance politique fondamentale d’une union économique et monétaire. Il insiste sur la nécessité de se pencher davantage sur le transfert des compétences aux organes communautaires et sur les questions institutionnelles. Il évoque ainsi d’une part «une enceinte chargée de la responsabilité de la politique conjoncturelle et [d’autre part] un organe chargé de l’élaboration centrale des décisions dans le domaine monétaire. Cet organe devrait avoir un caractère fédéral et être doté d’une large autonomie vis-à-vis des pouvoirs politiques»11. D’ailleurs, le renforcement de la coopération économique12, ainsi que l’intensification de la collaboration entre les gouverneurs des banques centrales et le Conseil comptent parmi les priorités du plan Schiller envisagées dès la première étape de l’union économique et monétaire. Après la publication du rapport Werner, la Bundesbank ne cesse de mettre en avant cette exigence, en réaffirmant que la responsabilité pour la future politique monétaire doit incomber pour l’essentiel au collège des banquiers centraux européens. Et «ceci indépendamment du Conseil des ministres, en tenant compte, toutefois, des lignes directrices élaborées par le Conseil pour la politique économique»13. Une autre condition à laquelle la banque centrale allemande est profondément attachée est la «véritable harmonisation» des politiques économiques et financières des États membres, comme préalable pour la réduction des marges de fluctuation des taux de change entre les monnaies européennes14.


Le chancelier Brandt partage la même perception positive à l’égard du rapport Werner. Il en fait ouvertement part le 14 octobre au ministre des Affaires étrangères de Belgique, Pierre Harmel, en visite officielle à Bonn15. Il estime que l’adoption des mesures pratiques pour la mise en route de l’Union économique et monétaire doit intervenir dans les meilleurs délais. Le ministre Harmel lui indique alors que, selon ses informations, «la France se joindra [à ceux qui approuveront le rapport Werner]. L’Italie ne fera pas de difficultés. Certaines réserves sont à attendre de la part des Pays-Bas, mais elles se dissiperont au cas où le gouvernement fédéral allemand approuvera le rapport»16. Dans une lettre qu’il adresse au ministre Schiller fin octobre 1970, le chancelier Brandt insiste sur l’importance du plan par étapes pour l’intégration européenne et remarque que son adoption définitive par le Conseil des ministres, si possible avant la fin de l’année, «constituera très probablement la décision la plus importante depuis la signature des Traités de Rome»17. Dans une déclaration sur la politique étrangère de la République fédérale qu’il prononce devant le Bundestag, Willy Brandt qualifie le rapport Werner de «nouvelle Magna Carta de la Communauté européenne»18.


Il est à remarquer que le chancelier et le ministère fédéral de l’Économie ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde et l’Union économique et monétaire constitue parfois un sujet de désaccord. Le premier préconise une coopération monétaire intra-européenne, là où le second privilégie une concertation au niveau des volets externes des politiques monétaires des Six. La conséquence est l’opposition du gouvernement allemand à toute initiative qui favorise une position aux dépens de l’autre19.


Lorsque, fin octobre 1970, la Commission présente ses propres propositions pour une union économique et monétaire par étapes20, le gouvernement allemand critique sévèrement l’interprétation réductrice qu’elle donne au rapport Werner21. Bonn estime que la Commission semble vouloir, dès la première étape, privilégier les aspects de la coopération monétaire au détriment de l’harmonisation économique et, sur le plan des compétences, porter atteinte à l’autonomie des banques centrales nationales22. La conclusion est sans appel: «les propositions de la Commission pour la mise en place par étapes d’une union économique et monétaire sont trop limitées et ne vont pas assez loin»23.


Devant le Parlement européen réuni en session plénière pour débattre du rapport Werner, Karl Schiller s’exprime en tant que président en exercice du Conseil des ministres de la CEE. Dans son discours, il synthétise l’essence du plan par étapes tel que proposé par le comité Werner24 et donne en même temps les points forts de la position officielle allemande25. «[…] Conformément au parallélisme auquel le rapport Werner accorde une importance décisive […] il est indispensable, voire inéluctable, de prendre parallèlement les mesures nécessaires en vue de faire converger les diverses politiques économiques et de fusionner progressivement les politiques monétaires. […] Il faut que les objectifs et les actions dans le domaine de la politique économique soient fixés de pair avec les mesures visant à faire converger les politiques monétaires. Nous devons abandonner le système actuel. Nous avons un marché commun et une union douanière mais – comme nous le savons tous – nous vivons encore dans un système où des politiques nationales distinctes régissent l'économie, les finances et la conjoncture, système qui est condamné à susciter constamment des déséquilibres. […] Un mécanisme monétaire européen abstrait se briserait très rapidement en cas de déséquilibre s'il n'était pas assorti d'une convergence ou d'une harmonisation parallèle des politiques économiques. […] Les propositions présentées dans le comité Werner ne constituent pas un plan composé d’un nombre fixe d’étapes. Seules sont prévues une première étape et la phase définitive. Telles que je vois les choses, la première étape sera, d'après le rapport Werner, une étape de convergence et de confirmation, car il faut que les politiques nationales commencent à s’harmoniser dès le début. […] La deuxième étape, et je dirais même les étapes intermédiaires, comprendront d’après tout ce qui ressort du rapport les phases de transformation, c’est-à-dire la cession progressive de compétences nationales à des organes communautaires. Quant à la phase finale, que nous avions désignée autrefois à Paris sous le terme de “Paradis de l'Europe”, elle sanctionnera le transfert complet à la Communauté des compétences nationales en matière de politique économique et financière. Le transfert des compétences dans le domaine monétaire à un système européen des banques centrales sera, lui, sanctionné par la création d’une monnaie européenne unique, dont on ne saurait surestimer la valeur symbolique […] Nous ne pouvons accomplir ces progrès que si nous renonçons, en premier lieu, à toute procédure automatique [et] que si l’on introduit également des césures d’ordre politique, autrement dit, si le passage d’une étape à une autre s’accompagne d’examens politiques.[…] En deuxième lieu, nous ne traverserons cette succession d'étapes jusqu’à la phase finale qu’à condition de tenir compte simultanément et, autant que possible de front, de tous les points de vues économiques, politiques et sociaux, en d’autres termes, à condition d’accorder toute l’attention voulue, lors du passage d’une étape à une autre, à l’interdépendance qui lie tous les facteurs d’ordre économique et politique.[…] Un troisième préalable: l’union monétaire, qui est notre but ultime, devra, de son côté, s’insérer dans un système monétaire mondial qui est lui aussi en pleine évolution […] en plein réforme. […] Notre union monétaire européenne devrait se fonder sur deux principes, à savoir la stabilité à l'intérieur et la souplesse à l’égard de l’extérieur»26. L’Allemagne souscrit aux préconisations du rapport Werner concernant l’implication de la représentation parlementaire. Le ministre Schiller souligne ainsi que l’Europe ne doit pas uniquement être régie par la technocratie, mais qu’elle repose aussi sur des assises parlementaires et tel que le rapport Werner l’a clairement indiqué, il semble impossible de réaliser l’union économique et monétaire en l’absence d’un véritable contrôle parlementaire.


En France, la nature des débats autour du rapport Werner est différente27. Les autorités françaises considèrent l’union économique et monétaire comme une question de haute politique: à ce titre, toute évolution supranationale est à bannir, au profit d’une construction intergouvernementale. Alors que l’élaboration du rapport Werner bat son plein, le président Pompidou donne sa vision de la coopération politique en Europe28 lorsqu’il souligne «[qu’] il ne peut s’agir que de construire [l’Europe] à partir de ce qui existe, une confédération d’Etats, décidés à harmoniser leurs politiques et à intégrer leurs économies, et, si on le prend ainsi, on s’aperçoit que la querelle de la supranationalité est une fausse querelle. Si un jour la confédération européenne est une réalité, il faudra bien qu’il y ait un gouvernement dont les décisions s’imposent à tous les Etats qui en seront membres. Le problème est de savoir à partir de quoi, par quelle méthode et sous quelle forme on parviendra à ce gouvernement. […] Mais le gouvernement de l’Europe ne peut sortir que de la réunion des gouvernements nationaux, se mettant ensemble pour prendre des décisions valables pour tous»29.


Le rapport Werner divise fortement les milieux politiques français30. Au gouvernement, l’opposant le plus farouche est le ministre de la Défense nationale, Michel Debré31 qui estime ce document «trop supranational»32. Son avis est largement partagé par les ministres gaullistes. À l’opposé, le ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, en charge de présenter ce dossier en conseil des ministres, accueille favorablement le rapport Werner. Il s’appuie sur les ministres centristes Jacques Duhamel33 et René Pleven34 pour que le cabinet donne son approbation au plan par étapes. Ce clivage amène Giscard d’Estaing à faire preuve de prudence. Il suggère que le gouvernement donne d’abord son feu vert à la première étape du rapport Werner et soumette les étapes suivantes à une approbation ultérieure35. Le gouvernement, y compris Giscard d’Estaing, pensent qu’une coordination étroite de la politique conjoncturelle et de croissance préalablement à l’intégration monétaire n’est pas la bienvenue. Un tel processus induira de nombreux impondérables et inconnues dans le développement économique des États membres et, de ce fait, la France aura «les mains liées» dans les années à venir. En revanche, la transition rapide à une union monétaire recueille tous les suffrages du cabinet, qui la considèrent comme un moyen de prévention et de protection contre une crise du franc. Le Quai d’Orsay estime que le plan Werner nécessite d’être approfondi davantage dans la perspective de l’élargissement des Communautés européennes36. Ce sera l’occasion de mieux prendre en compte tout spécifiquement «des faiblesses que la livre sterling pourrait apporter aux fondements» d’une union monétaire.

Le 18 novembre 1970, un conseil des ministres restreint portant sur les affaires européennes37 est consacré précisément au plan par étapes. En introduction, Giscard d’Estaing dresse un bilan des travaux du comité Werner et expose ensuite les propositions de la Commission pour sa mise en œuvre. Le président Pompidou et la majorité des membres du gouvernement français s’opposent notamment à l’idée du transfert de compétences d’ordre monétaire vers des institutions communautaires, que le plan Werner a prévu dans la deuxième étape de l’édification de l’union économique et monétaire. «Il y a des termes incroyables dans le rapport Werner, c’est croire qu’on a agité le chiffon rouge devant nous pour savoir si nous étions des veaux ou des taureaux»38. Dans le même conseil, le président dit: «acceptons néanmoins ce vocabulaire qui fait partie de l’espérance européenne»39, en exprimant ainsi l’idée d’aller de l’avant. Parmi les termes particulièrement irritants pour le président Pompidou compte celui de «pôle monétaire européen», qu’il considère sans aucune légitimité. «[Je] voudrais que disparaisse l’expression “pôle monétaire européen”. L’Europe est un problème économique, financier, politique, mais ce n’est pas uniquement un problème monétaire, loin de là. Tant que nous n’aurons pas résolu le problème de la sujétion par rapport au dollar qui est un problème politique, que l’on ne parle pas de pôle européen. On ne pourra parler de pôle européen que le jour où les pays européens pourront demander aux Etats-Unis de reprendre leurs dollars et de leur renvoyer de l’or»40.


Une opposition, sans contre-proposition, de la France risque de l’isoler et de réduire son influence dans le débat. Pour cette raison, Giscard d’Estaing recommande de soutenir une coopération monétaire renforcée entre les banques centrales des États membres, de nature à atténuer la portée des transferts de souveraineté. Quant aux développements futurs de l’intégration économique et financière, la France refuse toute contrainte excessive exercée sur sa politique économique et financière et souhaite, par conséquent, de prendre le moins d’engagements possibles. Ce que relève aussi Pierre Werner dans ses mémoires, en se souvenant que «[…] le président Pompidou, après la lecture de quelques passages chauds du rapport se fâcha et, à ce qu’il paraît, demanda des explications aux membres français du groupe41. L’opinion qui prévalait en haut lieu en France est le mieux caractérisée par une parole de Maurice Schumann dans le mensuel “Vision”: “Il ne faut pas compromettre l’union économique et monétaire des Six par un fatras institutionnel prématuré”»42. Ce désaveu du rapport Werner peut paraître d’autant plus surprenant qu’il avait été élaboré avec la pleine participation des représentants français et que le rapport intermédiaire avait recueillis l’accord des ministres intéressés, y inclus celui français43. Rappelons que le groupe Werner réunissait les dirigeants des différents comités spécialisés de la Commission, qui détenaient, par ailleurs, des hautes fonctions nationales. Deux Français en faisaient partie44: Bernard Clappier, le président du comité monétaire (qui était aussi vice-gouverneur de la Banque de France) et son suppléant, Jean-Michel Bloch-Lainé. Les membres du comité ad hoc étaient censés siéger à titre individuel et en toute indépendance, mais leurs réactions laissaient de plus en plus transparaître les positions de leurs gouvernements, avec lesquels ils entretiennent des contacts réguliers45. L’exploration de la Bundesarchiv témoigne d’une grande richesse des communications (analyses, explications détaillées, commentaires sur des prises de positions, etc., mais aussi des demandes d’instructions) que les experts allemands (notamment Hans Tietmeyer, adjoint du président du comité de politique économique à moyen terme Johann Baptist Schöllhorn) envoyaient par voie diplomatique au ministère fédéral de l’Économie, ainsi qu’aux Affaires étrangères et à la Bundesbank. Cette conduite n’est pas isolée. Par exemple, «il s’est trouvé que M. Clappier a eu la courtoisie de tenir au courant [le gouvernement français] de ce qui se passait, mais il n’avait pas, bien entendu, de compétence liée»46; Mais Bernard Clappier, dont les convictions européennes étaient reconnues, «a su désarmer les méfiances et réduire les agacements que la France, à raison de ce qu’elle est et de ce qu’elle veut suscite fréquemment; il a su faire cela sans jamais rien céder d’important. L’une des principales difficultés de son rôle était d’être celui qui, au sein du comité, incitait le plus […] à progresser sur le volet monétaire, champ où, par définition, les avancées frôlent ou touchent les points les plus sensibles de la souveraineté nationale. Or, M. Clappier était tenu impérativement de ne rien accepter en la matière sur le plan institutionnel»47.


À l’Assemblée nationale, lors des débats du 21 octobre, «le noyau du groupe gaulliste est devenu très actif»48. À travers diverses interventions, il exige du gouvernement français non seulement d’expliquer sa position sur le rapport Werner, mais surtout de prendre «la bonne décision» pour le pays et d’en endosser la responsabilité face aux autres partenaires européens. «Le gouvernement compte-t-il prendre en considération le programme Werner qui propose l’abandon progressif des souverainetés nationales au profit d’une autorité communautaire ressemblant à un super-gouvernement fédéral? […] Dans la négative […] a-t-il l’intention de faire savoir à nos partenaires du Marché commun qu’il juge ce programme inacceptable?»49.


Deux semaines plus tard, à la séance de questions orales du 5 novembre 1970, qui s’est déroulée en présence du ministre des Affaires étrangères Maurice Schumann, le plan par étapes suscite à nouveau des vifs débats50. Certains expriment explicitement leur désaccord avec l’audace dont le rapport Werner a fait preuve et soulignent l’approche plus réaliste que la Commission européenne a retenue dans ses propres propositions. «Le rapport Werner, qui est un rapport d’experts, semble avoir pris les problèmes par l’autre bout et vouloir commencer la construction par le toit alors que nous souhaitons […] commencer par les fondations, et, là aussi, avancer pas à pas dans le sens fixé par le communiqué de La Haye, c’est-à-dire vers la création par étapes d’une union économique et monétaire. Nous ne refusons pas cette création, mais nous demandons que l’on respecte les étapes et que l’on ne recommence pas, dans un domaine différent, les erreurs qui furent commises en 1961 et 1962 dans celui de l’union politique, car trop demander dans une phase préliminaire pourrait bien conduire à ne rien obtenir.[…] La sagesse qu’a manifestée la Commission européenne face au rapport quelque peu théorique de ceux qu’on appelait pourtant les sages est de nature à nous rassurer.[…] Nous n’excluons pas qu’il faille rapprocher de plus en plus nos économies […] ou instituer des parités fixes entre [nos] monnaies, mais nous pensons que, là comme ailleurs c’est la responsabilité des gouvernements qui est d’abord en jeu»51. D’autres s’insurgent contre les éléments de supranationalité contenus dans le rapport Werner et surtout de leur acceptation par la France52. Comme l’indique alors le député Roland Leroy qui s’exprimant au nom du groupe PCF souligne qu’«il faudra bien qu’il [le gouvernement] s’explique. […] Il faudra qu’il le fasse puisque la réunion des ministres de la petite Europe, sur ce point, est annoncée pour les 23 et 24 novembre. […] Est-ce là le pas décisif franchi en 1970? Ce sera un pas décisif, certes, mais dans la voie de la perte de toute indépendance nationale»53.


Au sein de la représentation nationale, le rapport Werner recueille des avis positifs. Ils concernent le principe de la subordination de chaque étape de l’intégration monétaire à une décision politique, tout comme les perspectives d’individualisation monétaire de l’Europe par rapport à la zone dollar. «Sur le plan économique, le renforcement de la solidarité monétaire […] est une démarche qui peut paraître efficace sur la route européenne. Nous savons, en fait, que pour techniques qu'elles soient, les mesures monétaires entre partenaires de l’Europe ne peuvent pas demeurer purement neutres. Bien au contraire, leurs retombées ne peuvent avoir que des implications politiques importantes, dont je signalerai deux aspects. D’une part, la monnaie étant une prérogative régalienne, l’union monétaire conduira d’évidence les Etats à envisager en commun des problèmes réglés jusqu’à maintenant sur le plan strictement individuel, avec les inconvénients et les accidents que cette attitude a comportés. Les experts l’ont bien compris et proposent qu’à chaque étape une volonté politique se manifeste clairement avant de passer à la phase suivante. […] D’autre part, la création d’un nouveau pôle monétaire remet en question l’actuel système monétaire international»54.

Les réticences de la France, ainsi que certaines réserves exprimées par l’Allemagne55, empêchent les Conseils des ministres des Communautés européennes réunis le 23 novembre et le 14 décembre 1970 à parvenir à un accord sur la mise en route, au 1er janvier 1971, de la première étape de l’Union économique et monétaire. Pour dénouer ce blocage, le 29 décembre 1970, en sa qualité de Premier ministre du Luxembourg, mais avec la plume du président du comité ad hoc, Pierre Werner écrit aux cinq chefs de gouvernement56. Préoccupé par les difficultés de la mise en route de l’union économique et monétaire, il exprime sa confiance dans une solution rapide et unanimement acceptable57. Le chancelier allemand Willy Brandt lui répond par une lettre en date du 1er février 197158, centrée sur les perspectives du plan par étapes telles que précisées suite au sommet franco-allemand de fin janvier 1971. Qualifiant le rapport Werner de «document stratégique fondamental», le chancelier Brandt réaffirme la volonté politique commune des Allemands et des Français de progresser sur ce dossier. Il ne manque pas de passer en revue les divergences de vues entre les deux partenaires, notamment la «clause de prudence»59, ainsi que leur incapacité d’aboutir à une position commune. Il se montre toutefois confiant que ces débats seront profitables pour la suite.


L’agenda du quinzième sommet franco-allemand réuni à Paris les 25 et 26 janvier 1971 réserve une place importante aux épineuses questions européennes à l’ordre du jour (parmi lesquelles la construction de l'Europe occidentale et les rapports avec les pays de l’Est – l’URSS, la Pologne, la problématique de l’Allemagne de l’Est –, y compris l’union économique et monétaire)60. Pierre Werner est informé de suite, par télégramme diplomatique61, de la teneur et des conclusions des pourparlers. Il ressort que l’Allemagne partage le souhait de la France de voir l’union économique et monétaire en place assez rapidement. À cet effet, un instrument approprié doit être rapidement créé et le Conseil devra décider en la matière, «avec ou sans modifications des traités». Les deux gouvernements s’accordent au sujet du parallélisme dans le développement entre l'union économique, d'une part et l'union monétaire, de l'autre. Cette entente cache cependant des divergences d’approche marquées. Si la France soutient l’établissement de l’Union économique et monétaire d’ici la fin des années 70, elle refuse d’accepter cet objectif comme une obligation juridique. Paris n’entend pas non plus fixer d’une façon rigide la durée de la première étape, malgré l’accord sur son contenu, ni de consentir à la mise en place d’un système de banques centrales investi d’une responsabilité propre. La France préconise en revanche l’introduction d’une «clause de prudence» pour la durée de la première étape62. L’Allemagne n’y est pas opposée en principe, mais elle considère qu’une telle disposition, désignée comme «clause de sauvegarde»63, incombe plutôt à la deuxième étape. Les sources diplomatiques soulignent que «la seule motivation de la position allemande à l'égard du plan Werner est sa préoccupation de sauvegarder la stabilité de l'économie et de la monnaie allemande»64.


En marge du sommet, une délégation allemande65 rencontre le vice-président de la Commission Raymond Barre (accompagné du directeur général Ugo Mosca, ancien secrétaire du comité Werner). L’agenda des discussions inclut trois questions encore ouvertes liées au plan par étapes qui coagulent les réactions négatives de la France66. Il s’agit de la définition de l’étape finale, des mesures de la première étape, ainsi que des règles de passage d’une étape à l’autre. Pour ce qui est de l’étape finale, Raymond Barre considère qu’il faudra trouver un accord sur ses principes «qu’on doit formuler avec flexibilité et prudence» et, en même temps, éviter de l’assortir de contraintes. La Commission recherchera l’élaboration des «formulations de compromis» satisfaisantes en matière de contrôle parlementaire, de développement ultérieur des institutions, de compétences de la Communauté et de mise en place d’un système de banques centrales. L’exercice le plus difficile s’avère la fixation des règles de passage de la première à la deuxième étape dans le cadre offert par le traité, étant rappelé la nécessité déjà soulevée dans le plan Werner d’une révision des traités pour passer à la 2e puis à la 3e étape67. Lors de la première étape sont envisagées certaines mesures monétaires qui ne conduiront évidemment pas tout de suite à l’union monétaire, mais qui seront de nature à préparer les progrès à venir, y compris en préparant l’opinion publique aux changements d’avenir. Le ministre Schiller s’inquiète particulièrement qu’en l’absence d’un consensus sur les mesures à prendre dans la deuxième étape, «la première [étape] se prolongera perpétuellement»68. Il insiste sur le fait que si la France ne peut être contrainte par les moyens juridiques actuels d’aller de l’avant, alors le Conseil devra lui imposer le devoir politique de continuer le chemin de l’Union économique et monétaire au-delà de la première étape. Le vice-président Barre partage ce sentiment: à défaut de consensus, tout progrès vers l’Union économique et monétaire est impossible.


À la fin du sommet, la France accepte que certaines compétences soient transférées à la Communauté lors de l’étape finale. En revanche, elle rejette toute idée de modification structurelle du processus décisionnel69, si chère aux Allemands et aux Néerlandais70, ainsi que toute modification du traité de Rome, toute atteinte à la prédominance du Conseil des ministres et à la règle de l’unanimité (pour les questions importantes). Le principe du parallélisme71 autour duquel s’articule le rapport Werner est substantiellement modifié. Sous pression allemande, les Français acceptent un futur système autonome des banques centrales européennes, mais demeurent opposés à un centre de décision pour la politique économique pour la phase finale de l’Union économique et monétaire72. L’extension de la méthode communautaire est donc rejetée dans le domaine de l’union économique et c’est aux gouvernements des États membres qu’incombe l’harmonisation, par concertation, de leurs politiques économiques. En contrepartie, les Allemands acceptent que soit procédé, dès la première étape, à la réduction des marges de fluctuation des changes, à l’institution d’un dispositif de soutien monétaire, ainsi qu’à la création d’un Fonds européen de coopération monétaire. Ils obtiennent également satisfaction sur un principe défendu dans le plan Schiller du 2 février 1970: le passage de la première à la seconde étape ne sera pas automatique73. Les deux partenaires conviennent que s’ils ne parviennent pas à un accord sur l’étape finale, sur ses implications économiques et institutionnelles, les mesures préconisées pour la première étape, notamment la réduction des marges de fluctuation, seront abandonnées74.


Dans ses mémoires, Pierre Werner se souvient que «le Président Pompidou et le chancelier Brandt se mirent d’accord sur la méthode de réaliser l’Union économique et monétaire. […] Le prix de cette nouvelle entente était une clause de sauvegarde proposée par les Allemands. Elle tendait à faire expirer après 4 ans les dispositifs monétaires au cas où un accord sur le contenu de la seconde étape n’était pas réalisé. Une telle clause, qui convertissait pratiquement la première étape en une période test, soulevait des objections. Jean Monnet me téléphona pour me mettre en garde contre une telle clause. Le Benelux critiquait l’aparté franco-allemand»75.


Parmi les États du Benelux, les Pays-Bas partagent largement la conception allemande76 et se placent d’emblée du côté des «économistes». Dès la constitution du comité Werner, le ministre des Finances Johannes Hendrikus Witteveen donne les prémices de la position de son gouvernement dans ces négociations en annonçant que «le développement de la coopération monétaire devrait s’appuyer sur l’harmonisation des politiques économiques»77.


Notons qu’en matière de politique européenne, c’est le ministère des Affaires étrangères qui détient la primauté, tandis que la coordination de la politique monétaire européenne des Pays-Bas revient au ministère des Finances78. Même si la coopération d’ensemble entre ces deux institutions est généralement harmonieuse, cette bicéphalie met parfois en lumière certains intérêts divergents générateurs de tensions. Par exemple, dans une réunion du cabinet qui s’est tenue après la publication du rapport Werner intérimaire, le ministre Witteveen rappelle à ses collègues ministres que «lors de la conférence au sommet de La Haye, il avait été décidé, sous la pression du ministère des Affaires étrangères, que l’intégration monétaire européenne devait être réalisée à brève échéance. Le soussigné s’est toujours fait des soucis à cet égard»79. Finalement, «les discussions menées au sein de différents organes [néerlandais] ont permis de parvenir à un large consensus […] et c’est le caractère collégial […] qui prévalait dans la prise des décisions»80.


Le 26 mai 1970, alors que le rapport intérimaire du comité Werner venait d’être achevé, le ministre Witteveen tient un discours devant la Chambre de commerce d’Amsterdam. Il se prononce, en faveur d’une union monétaire avec une seule monnaie commune, gérée par une banque centrale européenne et un ministère européen des Finances. Une monnaie commune, qui équivaut à une monnaie unique, vu qu’à son introduction les devises nationales doivent cesser d’exister, est considérée comme indispensable pour l’irréversibilité de l’unification monétaire européenne. La mise en commun des réserves (des devises) permettrait aux pays participants de mieux défendre la parité monétaire externe. Selon le ministre, la réussite de l’Union économique et monétaire est préparée notamment par une solide intégration économique, budgétaire et politique des États membres. Autrement dit par la primauté d’une union économique. Le «ministère européen des Finances» qu’il envisage sera en charge non seulement du budget de la Communauté, mais aussi des budgets nationaux qu’il surveillera directement. Dans ces circonstances, les ministères nationaux des Finances, assujettis à cet organe supranational, auront une autonomie limitée et des missions exécutives pour l’essentiel81.


Quelques jours avant sa publication, le ministère néerlandais des Finances réalise, à l’intention des membres du cabinet, une analyse du rapport Werner final par le prisme de la position défendue par les Pays-Bas au cours des négociations, proche du «modèle allemand»82. Le comité Werner en tire, pour la réforme institutionnelle des Communautés, un certain nombre de conséquences qui correspondent dans une large mesure à l’argumentation néerlandaise (exposée par le ministre Witteveen dans son intervention susmentionnée du 26 mai 1970). Il est notamment question de la création d’un organisme administratif central, indépendant des gouvernements nationaux, qui assume des compétences importantes dans le secteur économique, tout comme de la création d'un système de banque centrale communautaire, analogue au Federal Reserve System des États-Unis. La transmission de compétences des gouvernements nationaux à l’organisme administratif communautaire central devra s’accompagner d’une transmission des compétences correspondantes des parlements nationaux à un parlement européen élu. L’analyse néerlandaise insiste sur les efforts soutenus à fournir dans les prochaines années en matière d’harmonisation de la politique économique. Les États membres devront poursuivre des buts communs. Si l'expérience dans l’harmonisation de la politique économique est un succès, il sera possible de créer un fonds pour la collaboration monétaire européenne. À l’horizon de 1980, celui-ci pourra amorcer une banque fédérale.


Le rapport Werner recueille les suffrages du Parlement83 et du gouvernement des Pays-Bas84, qui le considèrent comme un «compromis acceptable»85. Le 29 octobre 1970, la Commission européenne publie son propre rapport, basé sur le rapport Werner intermédiaire, de ce fait occultant la problématique très sensible introduite par le rapport final – la communautarisation de la politique économique et la nouvelle architecture institutionnelle. Pour le gouvernement néerlandais, qui a marqué son attachement aux points-clés du rapport Werner, le plan élaboré par la Commission est inacceptable86.


Il est utile de rappeler que dès le début des travaux du comité d’experts, alors que les premières différences d’approche entre les membres se font de plus en plus manifestes, le président Werner tente de dégager une position commune du Benelux. C’est ainsi que les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des trois pays se réunissent à Bruxelles, le 2 avril 197087. Les discussions se concentrent sur la définition de l’objectif final de l’Union économique et monétaire, l’ébauche des moyens pour y parvenir, notamment en matière de politique monétaire et de crédit, de politique budgétaire et fiscale, d’intégration des marchés de capitaux, ainsi que dans le domaine institutionnel. Malgré les efforts, l’objectif souhaité n’a été que partiellement accompli88. Les Belges et les Luxembourgeois sont plus proches de la vision monétariste de la France, tandis que les Néerlandais se positionnent clairement du côté de l’«économisme» allemand. Un accord au sein du Benelux ne peut donc pas se concrétiser. En revanche, la réunion permet aux Belges de s’affirmer en tant que défenseurs de l’idée de création d’un fonds d’égalisation des changes pour pallier les taux flottants de plus en plus appliqués89. Ils s’affirment également, et ce sur toute la durée des travaux du comité Werner et jusqu’à la mise en route du plan par étapes, sur le front des négociations politiques et de la médiation90. Lorsqu’au sein du groupe ad hoc les esprits s’enflamment et le consensus autour d’une position commune s’éloigne, les Belges, dont le pays préside le Conseil des ministres de la CE durant le premier semestre de 1970, se joignent aux efforts de médiation du président Werner. C’est ainsi que le 15 mai 1970, le Premier ministre Gaston Eyskens écrit au chancelier fédéral Willy Brandt91. Le même jour, le baron Snoy et d’Oppuers, ministre des Finances, s’adresse à son homologue néerlandais Witteveen92. En accentuant l’intérêt politique pour l’avenir de la construction européenne, ces personnalités belges insistent auprès de leurs correspondants respectifs pour que les gouvernements allemand et néerlandais renoncent à leurs réserves et apportent, chacun, leur soutien au projet d’Union économique et monétaire. Ces efforts de médiation synergiques – et parallèles aux négociations franco-allemandes – ont contribué à ce que les gouvernements néerlandais et allemand lèvent leurs réserves. Le rapport Werner intérimaire d’abord, le rapport final ensuite recueilleront le consensus de toutes les forces en place, tant parmi les experts qu’au sein du Conseil des ministres (en formations Ecofin et Affaires générales).


D’ailleurs, la Belgique s’illustre dès le début sur le front de la construction européenne et notamment de l’Union économique et monétaire93. Dans le cadre du comité Werner94, ce pays privilégie l’approche monétaire95, considérée comme un catalyseur de la convergence économique, mais il se range progressivement aux arguments d’une union économique et monétaire symétrique et au principe du parallélisme des progrès sur les plans économique et monétaire96, qui imprégnera le plan par étapes.


À sa publication, le rapport Werner suscite des réactions positives en Belgique. Lors des consultations politiques belgo-allemandes du 14 octobre 1970, le ministre des Affaires étrangères Pierre Harmel met en avant la position officielle de son gouvernement en soulignant «l’intérêt capital que le gouvernement belge attache à la réalisation du projet relatif à l’unification économique et monétaire (Plan Werner). La Communauté doit maintenant trouver une méthode qui permet de donner un maximum d’impact politique aux décisions qu’elle sera appelée à prendre en cette matière»97. Préoccupé par l’obtention du consensus, il soumet à son homologue allemand Walter Scheel un schéma d’action et de concertation des Six à envisager après la présentation officielle du rapport en Conseil des ministres européens (26- 27 octobre 1970). La dynamique est la suivante: dans un premier temps, les gouvernements disposeront d’un délai de réflexion et de clarification durant lequel ils pourront entreprendre les éventuelles études nécessaires. Le Conseil procédera ensuite, lors de la session de novembre, à un premier examen du rapport Werner, dont les décisions de mise en œuvre interviendront, probablement, au premier trimestre de 1971. Sur la base de ce calendrier, les gouvernements sont invités à évaluer l’impact des préconisations du plan Werner sur leur avenir commun et à agir en conséquence. «Ici, nous nous trouvons devant une option fondamentale. Ou bien nous nous limitons à confirmer, sans plus, les orientations et les objectifs du plan Werner en nous concentrant exclusivement sur la première étape expérimentale. Ou bien, partant de l’objectif de La Haye, nous sommes disposés à exprimer notre volonté d’atteindre l’objectif final en prenant une décision politique à terme et dont la réalisation se ferait en plusieurs étapes. À l’instar même des mécanismes propres au traité de Rome, le passage d’une étape à l’autre serait obligatoire, à moins que le Conseil en décide autrement»98. Dans l’hypothèse où la Communauté serait disposée à prendre une décision de cette nature, elle devrait adopter une ligne de conduite prudente. Par conséquent, elle évitera de se concentrer trop exclusivement sur la première étape, en mettant en lumière – «et ce de manière solennelle» – le caractère politique de sa décision et en entamant la préparation des étapes suivantes, y compris la mise en place des instruments juridiques appropriés. Une telle décision et sa conduite appropriée seront de nature à permettre notamment au Royaume-Uni, ainsi qu’aux autres candidats à l’adhésion, de s’associer à l’option politique fondamentale. En même temps, l’entrée en vigueur des nouveaux instruments juridiques ne devrait se produire qu’après l’élargissement de la Communauté. Le ministre Scheel salue «cette chance exceptionnelle qu’offre la conjoncture politique actuelle pour faire progresser [par la voie économique et monétaire] l’œuvre de la construction européenne»99. Harmel et Scheel conviennent que la Belgique consulte ses partenaires du Benelux et l’Allemagne les deux autres États membres (la France et l’Italie), afin que la stratégie ébauchée puisse prendre corps.


Il n’en est rien parce que la France ne tarde pas à exprimer son désaccord avec ses cinq autres partenaires. La réunion officieuse de concertation entre les ministres des Finances envisagée pour le 9 novembre est annulée100 et quatre jours plus tard, le gouvernement français fait connaitre son refus de fixer des délais précis, ainsi que de s’attaquer à l’architecture institutionnelle communautaire. Il réaffirme néanmoins son adhésion aux aspirations du communiqué final de La Haye concernant l’Union économique et monétaire. Étant donné que la réunion du Conseil des ministres des 24 et 25 novembre 1970 s’achève sur des déclarations générales, donc sans résultats concrets, le gouvernement belge décide de poursuivre ses démarches de médiation. Dès lors, la Belgique, ensemble avec son allié naturel, le Luxembourg, mène une offensive diplomatique dans le milieu plus confiné et plus technique du Coreper101. Dans cette situation de blocage sur les principes mêmes de l’Union économique et monétaire102, l’approche belge envisage la concentration des efforts sur la définition précise et détaillée du contenu de la première étape, tout en prenant d’ores et déjà l’engagement ferme de réaliser l’objectif final au terme d’une décennie, au plus tard au 1er janvier 1980. «En procédant de cette manière, nous nous inspirons de nos prédécesseurs de 1957, puisque nous donnerions à ceux qui nous succéderont d’ici 1980 la tâche de réaliser un progrès décisif sur la voie de l’unification européenne, tout en leur permettant de se servir d’un engagement pris en 1970 pour surmonter les obstacles qui pourraient surgir»103.


L’échec de la réunion du Conseil des 14 et 15 décembre 1970104 est décevant. Les Belges partagent ce sentiment notamment avec les Luxembourgeois, engagés de longue date en faveur de l’intégration économique et monétaire105. C’est ainsi que le Premier ministre Gaston Eyskens écrit à Pierre Werner en évoquant «le remarquable travail accompli sous [sa] présidence, où [il s’est] attaché avec persévérance et habileté à proposer des solutions et à concilier des points de vue divergents pour aboutir à définir les options et les méthodes d'une union économique et monétaire. [...] Je comprends et je partage les regrets que peut susciter l’absence de décision du Conseil des ministres de la C.E.E. [...] En analysant les divergences de vues, vous avez vous-même indiqué les voies d’une solution qui pourrait être acceptable pour tous, solution qui, ainsi que vous l’indiquez, tendrait à isoler les éléments essentiels et logiques d’une union monétaire en tenant compte du nécessaire pragmatisme qui doit présider aux premiers pas dans cette entreprise»106. C’est aussi l’occasion de réitérer l’engagement sans faille du gouvernement belge «qui continuera à apporter un appui total à ces projets»107.


L’Italie salue la publication du rapport Werner, à l’élaboration duquel les personnalités italiennes apportent une contribution notable108. Le plan par étapes reprend les idées chères à l’Italie109, dont notamment le principe de parallélisme entre la coordination des politiques économiques et les progrès d’unification monétaire110, le renforcement de la coopération entre les banques centrales appelées à agir en toute indépendance, comme étape préliminaire de la mise en place d’un Fonds de stabilisation des changes111, l’harmonisation des instruments de coopération monétaire, les perspectives d’une politique régionale commune orientée vers le développement ou encore la nécessité de consultation des partenaires sociaux dans les grandes décisions de coopération monétaire112.


La publication, le 29 octobre 1970, des propositions de la Commission basées sur le rapport Werner, mais l’édulcorant sensiblement113, déclenche un sentiment de mécontentement. Dans la réunion du Comité des gouverneurs des banques centrales, les membres italiens estiment que les propositions de la Commission sont dépourvues de clarté et n’ont qu’une valeur symbolique114. Ils sont d’avis qu’afin de progresser concrètement vers l’Union économique et monétaire, il conviendrait de mettre au point une réelle convergence du développement économique et de la coopération monétaire entre les partenaires115. Le gouvernement de Rome «aurait préféré que le rapport Werner soit pris entièrement en compte»116 par la Commission, mais les membres italiens doivent se montrer pragmatiques. Vu les fortes oppositions entre les Six, les Italiens défendent l’adoption d’une décision politique pour la mise en place, à partir du 1er janvier 1971, de la première étape de l’Union économique et monétaire, en précisant clairement l’objectif final et le délai pour atteindre la phase finale117. L’Italie se joint ainsi au front belgo-luxembourgeois et œuvre, dans ce but, au sein du Coreper118.


Lors de la session du Conseil des ministres du 8 et 9 février 1971, un accord basé sur la concertation franco-allemande (sommet de Paris du 25 janvier 1971) au sujet de la première étape du plan Werner (envisagée du 1er juillet 1971 au 31 décembre 1973) est dégagé in extremis119. Cet accord prend la forme de la résolution concernant la réalisation par étapes de l'Union économique et monétaire que le Conseil des ministres et les représentants des gouvernements des États membres entérinent officiellement six semaines plus tard120. Le 10 février 1971, le ministre fédéral de l’Économie Karl Schiller commente la mise sur les rails de l’Union économique et monétaire suite aux délibérations de la veille121. Dans cette déclaration résolument politique, il se dit «très satisfait d’être parvenu à un accord. Étant donné le rôle que la République fédérale a joué l’an dernier au sein du groupe Werner et du Conseil, ce succès de Bruxelles témoigne éloquemment que dans le cadre de notre politique, nous nous sommes résolument engagés en faveur de la politique à l’Ouest et de la politique d’intégration et avons contribué à la faire progresser»122. Bonn nourrit l’espoir que, pour sauver les mesures monétaires de la première étape, Paris fera par la suite des concessions en matière de politique économique préconisée pour la deuxième phase. Accepter des contraintes monétaires dès la phase initiale, c’est un risque que les Allemands assument sans garanties quant à l’harmonisation future des politiques économiques ou en matière de construction institutionnelle123. Le gouvernement fédéral fait ces concessions, convaincu que son insistance pour l’adoption intégrale des prévisions du rapport Werner pourrait déclencher une nouvelle crise au sein des Six, avec comme prix politique l’enlisement de la coopération monétaire naissante.


Dans la perspective de l’adhésion britannique, le comité Werner se penche sur la problématique de la livre sterling dans le contexte d’une Union économique et monétaire de la Communauté124. C’est donc tout naturellement que la Grande-Bretagne s’intéresse au rapport Werner125. Alors que le comité ad hoc aboutit au rapport intérimaire126, à Londres, les élections du 18 juin 1970 remportées par le Parti conservateur marquent l’arrivée au pouvoir du gouvernement conduit par Edward Heath127. Le nouveau Premier ministre exprime publiquement son engagement en faveur de l’adhésion de son pays à la Communauté européenne et ses appréciations au sujet du bien-fondé de l’Union économique et monétaire pour l’Europe occidentale, ainsi que pour le Royaume-Uni128. L’action du gouvernement britannique est imprégnée par cette ligne de conduite. Par conséquent, tant le Trésor129 que le ministère des Affaires étrangères, qui par le passé manifestaient des résistances au concept d’une Europe supranationale, se voient maintenant contraints de soutenir une politique d’adhésion dont ils redoutent les conséquences tout d’abord monétaires.


La version finale du rapport Werner est attentivement suivie par Londres130. Compte tenu du fait que le document se focalise sur la première étape de trois ans et que sa mise en route comporte peu de conséquences pour le Royaume-Uni (le renforcement de la procédure de consultation impliquait éventuellement sa participation en cette matière), l’attitude du gouvernement britannique est plutôt positive. Pierre Werner s’implique beaucoup dans l’élaboration de la version du rapport en anglais, dont il rédige lui-même certains passages-clés. Il contribue largement à sa diffusion en Grande-Bretagne et en explique en détail les principes et les concepts à travers des débats et conférences qu’il donne avec son homologue, et ensuite ami, Edward Heath131.


En novembre 1970, le ministère des Affaires étrangères britannique, qui négocie au même moment les conditions d'adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes, réagit officiellement au rapport Werner ainsi qu’au deuxième plan Barre132 et synthétise ainsi la ligne de conduite des Britanniques dans les négociations avec les Six. Dans la perspective d’une adhésion en 1973, le Foreign Office évoque les transformations révolutionnaires et radicales que le plan par étapes préfigure sur dix ans. Ses implications politiques et économiques à l’égard du Royaume-Uni sont conséquentes, mais les efforts, une fois consentis, devront être menés jusqu’au bout pour porter leurs fruits133. Les notions de «souveraineté», «taux de change» et «parité monétaire», ainsi que le calendrier de la mise en place des mesures contraignantes du rapport Werner attisent les débats et animent les controverses. Les Britanniques ne sont pas opposés à l’idée d’une monnaie unique future, mais à la perspective de participer à un système monétaire européen avant d’être devenus membres à part entière de la Communauté. Ils sont également préoccupés par le statut et la gestion de la livre sterling – monnaie nationale et en même temps monnaie internationale de réserve – dans une Europe monétaire communautaire. La coordination des politiques économiques à court et moyen termes et les autres implications en matière de coopération monétaire, telles que prévues dans le deuxième plan Barre, suscitent des inquiétudes supplémentaires et, en même temps, constituent des sujets pour les négociations d’adhésion. Londres ne manque pas de relever aussi bien les particularités qu’elle entend préserver (en matière de monnaie, de politique structurale et régionale) que les éléments qui la différencient ou qui l’opposent aux autres États membres, tout en souhaitant des solutions acceptables pour tous. Ce qui la préoccupe particulièrement, c’est l’architecture institutionnelle communautaire134 et l’étendue du transfert des pouvoirs nationaux vers l’échelon communautaire tant dans la première étape (considérée comme expérimentale) que dans la seconde où une union monétaire autour d’une monnaie unique verra le jour. Le Royaume-Uni décide de s’engager sur la voie d’une Union économique et monétaire donnant la priorité aux mesures pratiques de la première étape (en relation avec le plan Barre) et la mise en place d’une coordination des politiques économiques et monétaires. Nécessitant «expérience et clarté», la réflexion pour la phase suivante est laissée pour plus tard.


Les travaux du comité Werner sont suivis avec attention à Washington, dans les milieux politiques comme dans les sphères économiques, universitaires et dans les médias135. Les papiers privés de Pierre Werner font état des contacts réguliers (officiels et officieux) avec les autorités fédérales et politiques américaines. Ses bonnes relations avec les milieux financiers outre-Atlantique, avec des banquiers luxembourgeois particulièrement présents aux États-Unis, ainsi que les rapports cordiaux qu’il entretient avec les ambassadeurs des États-Unis au Luxembourg (plus particulièrement avec Kingdon Gould) lui offrent autant d’opportunités pour recueillir les éléments qui l’intéressent pour la dimension internationale intrinsèque du plan par étapes. Il a des échanges avec le président du Federal Reserve Board des États-Unis, Arthur Burns. En même temps, durant l’année 1970 les réunions du FMI et les nombreuses occasions protocolaires associées permettent aux membres du groupe Werner et aux ministres des Finances des Six de s’entretenir de manière informelle avec leurs collègues américains (comme avec des experts internationaux) et de tester ainsi leurs perceptions sur divers aspects du plan par étapes. Sont actifs sur ce front Bernard Clappier, président du comité monétaire, ainsi que Rinaldo Ossola, membre du Comité des gouverneurs des banques centrales136. Pierre Werner rencontre aussi, à deux reprises, le président du FMI, qu’il avait déjà consulté à propos de l’identité monétaire européenne via Jean Monnet. Les officiels américains semblent se tenir à l’écart de toute observation portant sur les discussions monétaires européennes, mais ils s’informent en détail de l’élaboration du plan par étapes, ainsi que des controverses qui émaillent les travaux du groupe Werner et que la presse outre-atlantique couvre largement. Quelques jours après l’adoption du rapport intérimaire, Pierre Werner et Bernard Clappier s’entretiennent avec des diplomates américains, auxquels ils affirment que ce document réconcilie finalement des approches divergentes et que l’union économique et l’union monétaire doivent fonctionner en tandem. L’union politique est un objectif à plus long terme, qui sous-tend les deux autres. En préfigurant la future identité monétaire européenne, ils réfutent toute idée de flexibilité accrue des devises européennes au sein du système monétaire international. «Cette opposition est une déconvenue pour les États-Unis qui ne semblent apprécier les bienfaits de l’Union monétaire qu’en ce qu’elle permet de soulager la position monétaire américaine et de faciliter l’évolution vers un système des changes plus flexible»137. De ce fait, Washington est réticent par rapport à un bloc monétaire européen, qui semble être animé par des mobiles anti-américains. À travers l’Union économique et monétaire, l’Europe serait à la recherche d’une forme de souveraineté monétaire perdue au profit du dollar américain138. La compétition qui s’enclenchera entre la monnaie européenne et le dollar serait de nature à déterminer une certaine modération des excès américains, y compris d’une politique économique moins expansionniste139.





1 Sauf mention contraire, tous les documents cités dans la présente étude ont comme source www.cvce.eu.

2 Voir la section 4.6 intitulée «Le rapport Werner dans les médias internationaux de l’époque».

3 WERNER, Pierre. Idem, p. 131.

4 L’objectif final du plan par étapes est que «l’union économique et monétaire doit permettre d’assurer l’expansion et la stabilité à l’intérieur de la Communauté, renforcer sa contribution à l’équilibre économique et monétaire dans le monde et faire de la Communauté un bloc de stabilité». Cf. Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté (rapport Werner). Luxembourg, 8 octobre 1970, supplément au Bulletin 11/1970, p. 41. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

5 La position officielle allemande sur l’intégration monétaire est contenue dans le mémorandum que le ministre de l’Économie Karl Schiller présente le 12 février 1970, plus connu sous le nom de plan Schiller. Ce plan prévoyait la réalisation d’une union économique et monétaire en quatre étapes d’une durée non définie, mais dont la phase finale devait débuter en 1978. Les deux premières étapes (1970-1975) étaient les plus importantes, ayant pour objectifs la réalisation de l’harmonisation de la politique économique, monétaire et fiscale ainsi que la mise en place d’un système d’assistance à moyen terme en cas de déséquilibre grave des balances de paiements. Le but final – la fixation définitive des taux de change, voire l’introduction d’une unité monétaire européenne, ainsi que la transformation du Comité des gouverneurs en Banque centrale européenne – n’était que vaguement esquissé, sans indications de modalités de réalisation, ni de calendrier. Le plan Schiller faisant partie de la documentation initiale du comité Werner, a été publié le 12 février 1970 dans Tagesnachrichten des Bundesministeriums für Wirtschaft, 27.2.1970, n° 6122. Reproduit récemment dans Hans Tietmeyer, Währungsstabilität für Europa. Beiträge, Reden und Dokumente zur europäischen Währungsintegration aus vier Jahrzehnten. Baden-Baden: Nomos, 1996, pp. 88-94.

6 Cf. Lettre de Karl Schiller pour le chancelier de la République fédérale d'Allemagne, Monsieur Willy Brandt. Le ministre fédéral de l’Économie, Bonn, le 14.10.1970, Gesch.-Z:E1-IA1-03 00 00/10 – (n.i.E). Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft)/93463.

7 Ibid.

8 Pour la position officielle du président de la Bundesbank, voir KLASEN, Karl, Die Verwirklichung der Wirtschafts- und Währungsunion in der EWG aus der Sicht der Deutschen Bundesbank. Europa-Archiv, Répertoire d’articles n° 13. Bonn: 1970, pp. 449-458.

9 Voir la section 1.3 intitulée «Environnement économique et monétaire à la fin des années 1960».

10 Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».

11 Projet de procès-verbal de la trente-cinquième conférence des ministres des Finances de la Commission des Communautés Européennes tenue à Venise le 29 et 30 mai 1970. Confidentiel, réf. ORII/57/70-F. Commission des Communautés Européennes. Direction générale des Affaires économiques et financières. Bruxelles: 5 juin 1970, p. 4. Archives historiques de la Commission européenne. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

12 Le président de la Bundesbank Otto Pöhl met mettre en garde contre le fait que «l’intégration monétaire ne pouvait avancer plus vite que l’intégration économique générale».

13 325e séance du Zentralbankrat, Deutsche Bundesbank, 4.11.1970. Compte rendu p. 13. Archives historiques de la Bundesbank.

14 315e séance du Zentralbankrat, Deutsche Bundesbank, 3.6.1970. Compte rendu, pp. 12-15. Archives historiques de la Bundesbank.

15 Gespräch des Bundeskanzlers Brandt mit dem belgischen Aussenminister Harmel, 14 octobre 1970. Doc. 468. In Akten zur Auswärtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland. 1970. Band III (1. September bis 31. Dezember). Publié à la demande du ministère des Affaires étrangères par l’Institut für Zeitgeschichte. Munich: R. Oldenburg Verlag, 2001, pp. 1752-1754.

16 Aufzeichnung über das Gespräch des Herrn Bundeskanzlers mit dem belgischen Aussenminister Harmel, am 14.10.1970, 12h30. Chancellerie fédérale, groupe II/1, Bonn, le 16 octobre 1970. Coblence: Copie provenant des archives fédérales. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft) / 93463.

17 Lettre de Willy Brandt à Karl Schiller, 21 octobre 1970. Archives historiques de la Bundesbank, N° 2, Vol. 156, citée par WILKENS, Andreas. Une tentative prématurée? L’Allemagne, la France et les balbutiements de l’Europe monétaire (1969-1974). In Dynamiques européennes. Nouvel espace. Nouveaux acteurs. 1969-1981. DU RÉAU, Élisabeth et FRANK, Robert (dir.). Paris: Publication de la Sorbonne, 2002.

18 Déclaration sur la politique européenne, 6 novembre 1970. In BRANDT, Willy. Reden und Interviews. Vol. I, p. 238.

19 Tel que Pierre Werner l’évoque dans ses mémoires, en préparation du sommet de La Haye (1-2 décembre 1969), convaincu que la mise en place d’une véritable coopération monétaire est un moyen d’approfondir le processus d’intégration communautaire, «le chancelier Brandt proposait d’étudier la possibilité de réaliser un fonds commun des devises, un fonds de réserves monétaires, inspiré par le professeur Triffin, à la suggestion de Jean Monnet». Le ministre allemand de l’Économie et des Finances Karl Schiller avait un avis contraire, privilégiant la mise en place d’une «concertation des États membres en matière de questions monétaires internationales». Le manque de consensus interne fit que le gouvernement allemand se montra sceptique à propos de la faisabilité des projets d’intégration économiques et monétaires européens, ce qui se traduisit par une certaine réserve durant les travaux du groupe ad hoc.

20 Communication et propositions de la Commission des Communautés européennes au Conseil relatives à l’institution par étapes de l’union économique et monétaire. Document COM(70)1250, 29.10.1970. In Journal officiel des Communautés européennes. Annexe C 140 du 26 novembre 1970, supplément au Bulletin 11/1970. Luxembourg. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

21 Cf. Stufenplan zur Verwirklichung der Wirtschafts- und Währungsunion. Mitteilung und Vorschläge der Kommission an den Rat über die stufenweise Einführung der Wirtschafts- und Währungsunion. (DOK. KOM (70) du 29 octobre 1970 (service E A, Bonn, le 3 novembre 1970. Correspondance du secrétaire d’État du ministère fédéral de l’Économie, Dr Rohwedder, Bonn, le 4 novembre 1970 à l’attention du secrétaire d'État parlementaire auprès du chef de la chancellerie fédérale, Dr Katharina Focke.Copie provenant des archives fédérales.

22 Bonn kritisiert Interpretation des Werner-Plans durch Brüssel. Politisches Engagement vermißt/Operiert die Kommission vorsichtig? In Frankfurter Allgemeine Zeitung, 5 novembre 1970. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

23 Stellungnahme zum Bericht an Rat und Kommission über die stufenweise Verwirklichung der Wirtschafts- und Währungsunion in der Gemeinschaft. Copie d’une note du président du Conseil fédéral. Bonn, le 4 décembre 1970. En annexe à la lettre du président du Conseil fédéral du 4.12.1970, adressée au chancelier fédéral. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft) / 161037.

24 Réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté. Comptes rendus des débats parlementaires, séance du 18 novembre 1970, CarDoc, Parlement européen. In Journal officiel des Communautés européennes, annexe n° 151/23 du 29 décembre 1970, pp. 98-100. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

25 Déclarations officielles allemandes au cours de l’année 1970 sur l’Union économique et monétaire et l’unification politique européenne. 11 janvier 1971, ministère des Affaires étrangères et européennes de la République française, Fonds CE, direction des Affaires économiques et financières, service de coopération économique, série PM, vol. 972 UEM, dossier PM 19.3. La Courneuve: Archives diplomatiques.

26 Ibid.

27 Voir la section 3.4 intitulée «Économistes versus monétaristes: accords et divergences dans l’élaboration du rapport Werner».

29 POMPIDOU, Georges. Entretiens et discours. Volume II: 1968-1974. Paris: Plon, 1975. 321 p.

30 Le 10 novembre 1970, une dépêche diplomatique allemande à caractère secret informe en détail du clivage survenu notamment au sein du gouvernement français par rapport au plan par étapes. Cf .Tgb. Nr. Room. i-7306/5848/70 Vs-Vertr. V.10.11.1970, Vs-Vertraulich, Amtlich Geheim halten, Betr./Französische Haltung zum Werner-Bericht. Ministère fédéral de l'Économie, secret, 10 novembre 1970. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft)/93465.

31 Michel Debré (1912-1996), homme politique français. À partir de 1958, il est garde des Sceaux dans le gouvernement de Gaulle III. Premier ministre à partir de janvier 1959, il démissionne en avril 1962, à la suite d’un désaccord avec le président de Gaulle concernant l'Algérie française. Ultérieurement, il occupe les fonctions de ministre de l’Économie et des Finances, de 1966 à 1968, puis des Affaires étrangères, de 1968 à 1969, et enfin de la Défense nationale, de 1969 à 1973.

32 L’opposition de Michel Debré à une monnaie européenne commune est résumée dans une lettre qu’il adresse à l’économiste belgo-américain Robert Triffin qui joue un rôle de poids dans les projets d’union économique et monétaire proposés par Jean Monnet et le Comité d’Actions pour les États-Unis d’Europe. Debré considère que la question d’une monnaie commune ne peut pas se poser tant que l’Europe n’a pas décidé d’être indépendante des États-Unis. Lettre de Michel Debré à Robert Triffin du 18 août 1970. Archives Triffin, Université catholique de Louvain-la-Neuve. Reproduite dans BOSSUAT, Gérard. Faire l’Europe sans défaire la France. 60 ans de politique d’unité européenne des gouvernements et des présidents de la République française. (1943-2003). Bruxelles: Éditions PIE Peter Lang, 2005, pp. 432-433.

33 Jacques Duhamel (1924-1977) est un homme politique français. Élu député en 1962, réélu en 1967, 1968 et 1973 sous diverses étiquettes centristes. Il fut président du parti politique Centre démocratie et progrès à partir de 1969. Rallié à Georges Pompidou, il est ministre de l’Agriculture de 1969 à 1971, puis ministre des Affaires culturelles de 1971 à 1973.

34 René Pleven (1901-1993) est un homme politique français. Il fut président du Conseil et plusieurs fois ministre sous la IVe république et de nouveau sous la Ve République, sous la présidence de Georges Pompidou. Il fut garde des Sceaux de 1969 à 1973.

35 Cf. Tgb. Nr. Room. i-7306/5848/70 Vs-Vertr. V.10.11.1970, Vs-Vertraulich, Amtlich Geheim halten, Betr./Französische Haltung zum Werner-Bericht. Ministère fédéral de l’Économie, secret, 10 novembre 1970. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft)/93465.

36 L’opposition du général de Gaulle à l’adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes reposait principalement sur la question monétaire. Voir la conférence de presse du président de la République française tenue à l’Élysée le 27 novembre 1967. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

37 Avec la participation de MM. Chaban-Delmas, Schumann, Giscard d’Estaing, Duhamel, Donnedieu de Vabres, Alphand, Wormser, Boegner, Nora, Esteva (directeur de cabinet de M. Ortoli, ministre du développement industriel qu’il remplaçait), MM. Clappier, Larre et Brunet.

38 Compte rendu du conseil restreint du mercredi 18 novembre à 15h30 consacré aux affaires européennes. Archives Françaises, 5 AG 2, vol. 1043, point II.

39 Ibid.

40 Ibid.

41 Les membres français du groupe Werner étaient Bernard Clappier, président du Comité monétaire, et son adjoint, Jean-Michel Bloch-Lainé.

42 WERNER, Pierre. Itinéraires. T. II, p 132.

43 Voir BUSSIERE, Eric et WILLAERT, Emilie, Un projet pour l’Europe: Georges Pompidou et la construction européenne. Bruxelles: PIE Peter Lang (éd.), 2010. Collection Georges Pompidou – Archives no 4.

44 Un troisième Français, Georges Morelli (fonctionnaire à la DG II) conduit le secrétariat technique du comité Werner.

45 Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».

46 BERNARD, Jean-René. La position du gouvernement français face au plan Werner. In Le rôle des ministères des Finances et de l’Économie dans la construction européenne (1957-1978). 2 tomes. Paris: Publication des Journées préparatoires qui se sont tenues à Bercy le 14 novembre 1997 et le 29 janvier 1998. Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, tome 2, pp. 127-132.

47 BLOCH-LAINE, Jean-Michel. Le plan Werner: Quels enjeux? Quelle démarche? In Le rôle des ministères des Finances et de l’Économie dans la construction européenne (1957-1978), pp. 123-126.

48 Fernschreiben aus Paris für Bundesminister für Finanzen und für die Bundesbank. No 3071 du 22 octobre 1970, AZ.WI 3a2-84.01. Französische Haltung gegenüber Werner-Bericht. V.19.10.70, v.21.10.70. Signée Ruete. Copie provenant des archives fédérales, Coblence.

49 Il s’agit d’une question orale que le député UDR du Pas-de-Calais Jacques Vendroux, beau-frère du général de Gaulle adressée au ministre des Affaires étrangères. Cette intervention – constituant la première partie de Fernschreiben aus Paris für Bundesminister für Finanzen und für die Bundesbank. No 3071 du 22 octobre 1970, AZ.WI 3a2-84.01. Französische Haltung gegenüber Werner-Bericht. V.19.10.70, v.21.10.70. Signée Ruete. Copie provenant des archives fédérales, Coblence – est relayée par le journal Le Monde dans son édition du 22 octobre 1970. Extrait dans Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

50 Compte rendu intégral de la 43e séance. 3e séance du jeudi, 5 novembre 1970. Assemblée Nationale. Constitution du 4 octobre 1958. 4e législature. Première session ordinaire 1970-1971, pp. 5181-5217. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

51 Intervention du député RPF Michel Habib-Deloncle. Compte rendu intégral de la 43e séance. 3e séance du jeudi, 5 novembre 1970. Assemblée Nationale. Constitution du 4 octobre 1958. 4e législature. Première session ordinaire 1970-1971, p. 5201. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

52 Voir en ce sens l’intervention du député communiste Roland Leroy: «Aujourd'hui […] on annonce que la commission de la C.E.E. a retenu, pour l'essentiel, le contenu du rapport Werner. Cela implique-t-il donc que dès le prochain budget, celui de 1972, les instances supranationales recommanderaient, comme le dit le rapport Werner, de “manière spécifique et détaillée à chaque pays membre” les orientations de la politique économique qu'il devra suivre? Ce serait la première étape, puisqu’il est prévu pour la suite que toutes les données essentielles de l'ensemble des budgets publics seront décidées au niveau communautaire». Toujours selon le rapport Werner: «Le centre communautaire de décision devra être en mesure d'influencer les budgets nationaux... sa responsabilité s'étendra aux autres domaines de la politique économique et sociale qui auront été transférés au niveau communautaire». Et le grand objectif apparaît: «Ces actions impliqueront une coordination plus poussée des politiques nationales puis leur harmonisation par l’adoption de directives communes, enfin le transfert de responsabilité des autorités nationales aux autorités communautaires.» Il est très clairement expliqué que «ces transferts de responsabilités représentent un processus de signification politique fondamental qui implique le développement progressif de la coopération politique. L'union économique et monétaire apparaît ainsi comme un ferment pour le développement de l'union politique dont elle ne pourra à la longue se passer». Intervention du député PCF Roland Leroy. Cf. Compte rendu intégral de la 43e séance. 3e séance du jeudi, 5 novembre 1970. Assemblée Nationale. Constitution du 4 octobre 1958. 4e législature. Première session ordinaire 1970-1971, p. 5206. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

53 Ibid., p. 5205.

54 Intervention du député UDF Aymar Achille-Fould. Compte rendu intégral de la 43e séance. 3e séance du jeudi, 5 novembre 1970. Assemblée Nationale. Constitution du 4 octobre 1958. 4e législature. Première session ordinaire 1970-1971, p. 5208. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

55 L'Allemagne affiche son scepticisme à l'égard des clauses de financement, tant que des réalisations tangibles en matière de coordination des politiques ne seraient pas acquises.

56 Cette lettre est envoyée à la suggestion de Gaston Thorn, ministre des Affaires étrangères au sein du gouvernement luxembourgeois, qui, très attaché à la vocation européenne du Luxembourg, soutient Pierre Werner dans sa mission de président du comité d’experts.

57 Schreiben des luxemburgischen Ministerpräsident vom 29. Dezember 1970 an den Bundeskanzler. Chancellerie fédérale, groupe II/1, Bonn, le 5 janvier 1971. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft)/161037. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

58 Lettre de Willy Brandt à Pierre Werner, 1er février 1971. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

59 La «clause de prudence», valable à partir de la deuxième étape de l’Union économique et monétaire, signifierait que si un pays se refuse de suivre les recommandations de la Communauté en vue de son assainissement économique, chacun des partenaires pourra se soustraire à son obligation de concours mutuel à son égard.

60 Cf. Ergebnis der deutsch-französischen Konsultationen, Kurzbericht über die Ergebnisse der deutsch-französischen Konsultationen am 25/26. Januar 1971.Service E. A. Bonn, Dr Hans Tietmeyer. Paris: le 27 janvier 1971. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft)/161038. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

61 Gaston Thorn transmet à Pierre Werner un rapport diplomatique daté du 27 janvier 1970 et rédigé par l’ambassadeur du Luxembourg en République Fédérale d’Allemagne. Faisant état des discussions du diplomate luxembourgeois avec le secrétaire d’État allemand von Braun, ce rapport expose les propos de ce dernier quant aux conclusions du sommet franco-allemand en matière d’union économique et monétaire. Sur ce télégramme diplomatique, le ministre des Affaires étrangères nota «A M. le Ministre d’Etat, pour son information. Ce rapport concernant essentiellement l’union économique et monétaire ne manquera pas de vous intéresser. Je viens de les réunir le 28 à 17h00 et vu l’importance, je vous le fait porter». Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.

62 Voir Entretien Pompidou-Brandt, 25.1.1971, 12h-13h15, Archives Françaises, 5 AG 2, vol. 105. Face à Pompidou, le chancelier tente néanmoins de préserver la perspective d’ensemble du processus en souhaitant un accord avec le président français sur «ce qu’il faudra faire lorsque la première phase sera dépassée».

63 C’est Karl Schiller qui, lors des négociations du 14-15 décembre 1970, demande l’introduction d’une «clause de prudence» permettant de suspendre les mesures d’intégration monétaire si le degré de convergence des économies était jugé insuffisant.

65 Les participants allemands sont les secrétaires d’État Johann Baptist Schöllhorn (ancien membre du comité Werner) et Detlev Karsten Rohwedder, ainsi que Hans Tietmeyer (ancien membre suppléant du comité Werner).

66 Vertrauliche, interne Aufzeichnung über das Gespräch zwischen Vizepräsident Barre und Minister Schiller am 22. Januar 1971 in Bonn betr. Stufenplan für Wirtschafts- und Währungsunion. Service E. A, Dr Hans Tietmeyer, Bonn, le 22 janvier 1971. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft) / 161038.

67 Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté. (rapport Werner). Luxembourg, 8 octobre 1970, supplément au Bulletin 11/1970.

68 WERNER, Pierre. Itinéraires. T. II, p. 134.

69 Entretiens franco-allemands au Quai d’Orsay – rapport diplomatique, 25 janvier 1971, ministère des Affaires étrangères et européennes de la République française, Fonds CE, Direction des Affaires économiques et financières, service de coopération économique, série PM Vol. 973, section «Rencontres au sommet», dossier PM 19.6.1. La Courneuve: Archives diplomatiques françaises. Voir aussi Gespräch des Bundeskanzlers Brandt mit Staatspräsident Pompidou in Paris, 25. Januar 1971. Doc. 27. ZA 5-3.1/71. Secret. In Akten zur Auswärtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland. 1971. Band I (1. Januar bis 30 April). Publié à la demande du ministère des Affaires étrangères par l’Institut für Zeitgeschichte. Munich: R. Oldenburg Verlag, 2002, pp. 115 123. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

70 Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».

71 Le rapport Werner réussit à concilier deux visions apparemment incompatibles, qui se sont affrontées tout au long des travaux du comité d’experts. Il s’agit notamment de celle de la France, adepte des thèses «monétaristes» (prônant la stabilisation croissante des taux de change jusqu'à leur fixation définitive et irréversible) et de celle de l’Allemagne, adepte de l’approche «économiste» (insistant sur la convergence préalable des politiques et performances économiques et monétaires). Le rapport Werner envisage des progrès parallèles sur les deux plans.

72 Dans l’édification de l’Union économique et monétaire, l'Allemagne considère impérative, à côté de la future Banque centrale, une autorité politique en charge d’une forte coordination européenne des politiques budgétaires nationales. La France s’y oppose catégoriquement en raison d’une trop forte amputation de la souveraineté nationale dans ce domaine. Faute d'accord, cette décision est reportée et le débat cesse lors de l'abandon de ce premier projet d'unification monétaire suite à l'effondrement du système de Bretton-Woods Cf. Gespräch des Bundeskanzlers Brandt mit Staatspräsident Pompidou in Paris, 25. Januar 1971. Doc. 27. ZA 5-3.1/71. Secret. In Akten zur Auswärtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland. 1971. Band I (1. Januar bis 30 April). Publié à la demande du ministère des Affaires étrangères par l’Institut für Zeitgeschichte. Munich: R. Oldenburg Verlag, 2002, pp. 115-123.

73 Cette stipulation est contenue dans le plan Schiller – le plan allemand pour une union économique et monétaire publié le 2 février 1970 et dont le comité ad hoc prend connaissance dès le début de ses travaux – qui est le seul à ne pas prévoir un passage automatique d'une étape de l’union économique et monétaire à la suivante et qui exige, à chaque fois, une décision du Conseil en la matière. In Tagesnachrichten des Bundesministeriums für Wirtschaft, 27.2.1970, n° 6122.

74 Débat de politique étrangère au Bundestag: Union économique et monétaire, Télégramme diplomatique à l’arrivée no 601/09, Bonn le 30 janvier 1971, ministère des Affaires étrangères et européennes de la République française, Fonds CE, direction des Affaires économiques et financières, service de coopération économique, série PM, vol. 972, section UEM/Relations bilatérales, dossier PM 19.3. La Courneuve: Archives diplomatiques françaises. Voir aussi l’interview de Jacques de LAROSIERE, Les réactions en France après la sortie du rapport Werner (Paris, 22 mai 2008), CVCE. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

75 WERNER, Pierre. Itinéraires. T. II p. 136.

76 Au cours des années 1960, le gouvernement néerlandais est un fervent défenseur de la coopération mondiale dans le cadre du système de Bretton Woods, qui répond au besoin ressenti par les Pays-Bas de disposer de taux de change fixes et de règles communes stables. De ce fait, les initiatives européennes en matière monétaire sont considérées comme inintéressantes, voire inutiles, et rejetées. Un tournant dans cette approche se produit à l’aube des années 1970 quand, suite au dessein des Six d’édifier une Union économique et monétaire, ainsi qu’à l’impact des désordres monétaires internationaux, l’attitude du gouvernement néerlandais liée à la coopération monétaire européenne devient de plus en plus positive. C’est dans cet esprit que sont accueillies les conclusions du sommet de La Haye (1-2 décembre 1969) et la création du comité Werner, chargé d’explorer les voies pour aboutir à une Union économique et monétaire de la Communauté.

77 PATIJN, Schelto et BRUGMANS, Henri. Jalons dans l’Europe unie. Leyde: 1970, p. 216. In European aspects: A collection of studies relating to European integration, n° 10.

78 Ce problème n’est pas propre aux Pays-Bas. La dimension européenne de la politique économique sera définitivement sortie du giron des ministres des Affaires étrangères lors de la CIG de 1990-1991, où les ministres de l’Économie et des Finances auront la conduite des négociations et obtiendront deux déclarations annexées au traité des CE qui reconnaîtront la compétence du Conseil Ecofin sur le Conseil Affaires générales pour traiter des questions liées à l’Union économique et monétaire.

79 Cf. BROUWER, Jan Willem et HARRYVAN, G. Anjo. Les Pays-Bas et la coopération monétaire européenne, 1968-1972. In Le rôle des ministères des Finances et de l’Économie dans la construction européenne (1957-1978). Paris: Actes du colloque tenu à Bercy les 26, 27 et 28 mai 1999, tome 1, p. 98.

80 Ibid., p. 87.

81 Voir CATZ, Paul. Politieke integratie nodig voor Europese monetaire unie. Witteveen vroeg zelf om spreekbeurt. Elseviers Weekblad, 27 juin 1970. Le ministre Witteveen préfigure ainsi les fonctions du centre de décision de politique économique retenu plus tard dans le rapport Werner. Quelques jours après cette déclaration, lors du Conseil des ministres du 10 juin 1970, les Pays-Bas et l’Allemagne s’opposent avec succès au projet franco-belge de réduction des marges de fluctuation monétaire entre les Six qui devrait représenter la première phase sur la voie de l’union monétaire. Les Néerlandais soulignent qu’il n’est pas question d’accepter des accords visant à exclure des modifications de parités sans avoir atteint préalablement un certain degré d’unification économique. Cette offensive germano-néerlandaise contre l’imprécision des dispositifs d’intégration économique et le caractère non obligatoire des conditions de convergence économique contenues dans le rapport intérimaire du comité Werner finira par porter ses fruits. Le rapport final présenté le 8 octobre, imprégné du principe du parallélisme entre les progrès économiques et ceux en matière monétaire, prévoit la mise en place d’un centre de décision communautaire en matière de politique économique et d’un système communautaire des banques centrales. Ces circonstances seront de nature à permettre la centralisation de la politique monétaire interne et externe de la Communauté et, en même temps, la fixation des limites de la politique budgétaire et de la politique conjoncturelle au niveau communautaire.

82 Voir Le ministère néerlandais des Finances fait une analyse du rapport Werner. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. Document daté du 12-13 octobre 1970 représentant probablement l’annexe à un télégramme diplomatique pour Pierre Werner, Premier ministre et ministre des Finances du Grand-Duché de Luxembourg. Le préambule de l’analyse fait état du fait que «le Comité, qui a fait une étude sous la direction du président du Conseil du Luxembourg, M. Werner, d'un projet à réaliser par étapes pour une union économique et monétaire dans les Communautés européennes, a terminé son rapport la semaine passée. Il sera probablement envoyé ces jours-ci au Conseil et à la Commission européenne». L’analyse relève que même si le comité Werner est arrivé à la conclusion que dans une union économique et monétaire les unités monétaires actuelles pourront éventuellement continuer d'exister, il est aussi ferme à soutenir que ces devises devront alors être tout à fait convertibles mutuellement, sans fluctuations des cours et avec des parités invariables. Il serait pourtant préférable de remplacer ces monnaies par une unité monétaire européenne. En outre, il faudra que notamment la création de liquidités, la politique monétaire et la politique de crédit soient centralisées et que les décisions au sujet des données principales des budgets des États membres soient prises au niveau communautaire. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

83 Cf. Handelingen Tweede Kamer, 1970-1971, 15 octobre 1970, pp. 371-373 lors de la session du 15 octobre 1970 de la Deuxième Chambre du Parlement des Pays-Bas, le ministre néerlandais des Finances Johannes Witteveen prononce une intervention en faveur du rapport Werner. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

84 Réunion du gouvernement du 21 octobre 1970. Le rapport Werner est également approuvé par la majorité du Comité économique et social.

85 Eindrapport Groep-Werner inzake Economische en Monetarie Unie, 21 octobre 1970, Ministère des Affaires étrangères, IIIe section 913.100, n° 5466, La Haye. Voir aussi l’article Naar een econonomische en monetaire unie publié le 28 octobre 1970 dans la revue Economisch Statistische Berichten par Gerard Brouwers, président du comité de politique conjoncturelle et membre du comité Werner, dans lequel il explique les principes et le contenu du plan pour une Union économique et monétaire par étapes de la Communauté élaboré par le groupe ad hoc. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

86 Ce type de remarques apparaît aussi dans les débats du 21 décembre 1970 quand, au cours le la procédure d’adoption du budget national, le comité permanent des Finances de la Deuxième Chambre du Parlement des Pays-Bas et le ministre des Finances se consultent au sujet de l'accomplissement par étapes d’une Union économique et monétaire dans la Communauté. Kamerstuk Tweede Kamer 1970-1971 kamerstuknummer 10900 IX Bondernummer 10. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

87 À cette réunion, la Belgique est représentée par le ministre des Finances Jean-Charles Snoy et d’Oppuers et par le baron Hubert Ansiaux, président de la Banque nationale (et aussi membre du comité d’experts en tant que président du Comité des gouverneurs des banques centrales), tandis que pour les Pays-Bas sont présents le ministre des Finances Johannes Hendrikus Witteveen et le président de la Nederlandse Bank Jelle Zijlstra. En vertu de l’union monétaire belgo-luxembourgeoise, la Banque nationale de Belgique représente également le Grand-Duché. Un proche collaborateur de Pierre Werner, ministre des Finances à ce ministère, prend également part à la réunion. Il est à remarquer que les échanges Benelux portent également sur les grandes lignes d’une étude demandée par le comité Werner au sujet des implications de l’adhésion britannique sur la coordination des politiques économiques, le marché des capitaux et le domaine fiscal. Parmi les thèmes abordés figurent le renforcement de la solidarité monétaire, les conséquences de la participation éventuelle du Royaume-Uni aux mécanismes de la coopération monétaire, ainsi que l’impact de la livre sterling sur le Fonds européen de réserve.

88 Gesprek met Belgen en Luxemburgers over monetary unie in der E.E.G. La Haye: 7 avril 1970, (Willem Drees Junior), ministère des Finances, Netherlands National Archives, cabinet du Premier ministre, NA, 2.03.01 (Arch. AZ/KMP), n° 8864.

89 L’exploration des archives familiales Pierre Werner révèle que le 22 avril 1970, le baron Hubert Ansiaux soumet au comité d’experts une note intitulée Aspects juridiques et techniques d’une mise en commun des droits de tirage spéciaux, dans laquelle il évoque des opérations de transfert de DTS entre les partenaires de la CEE. Deux jours plus tard, il répond à une autre demande de Pierre Werner et lui fait parvenir une note technique confidentielle «exposant le fonctionnement et les mérites d’un Fonds européen de régularisation des changes». Ces deux documents sont analysés lors de la réunion du 7 avril 1970.

90 Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».

91 Lettre adressée le 15 mai 1970 par le Premier ministre de la Belgique Gaston Eyskens au chancelier de la République fédérale d’Allemagne Willy Brandt au sujet des travaux du comité Werner. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

92 Lettre adressée le 15 mai 1970 par le baron Jean-Charles Snoy et d’Oppuers, ministre des Finances de Belgique, à son homologue néerlandais Johannes Hendrikus Witteveen au sujet des travaux du comité Werner et notamment du Fonds européen d’égalisation des changes. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. Dans sa lettre, le baron Snoy et d’Oppuers relève la pertinence d’un fonds de stabilisation des changes à mettre en place dès la première étape de l’édification d’une Union économique et monétaire. Pour mettre en exergue ses vertus, il emploie des arguments auxquels le camp des économistes ne pouvait pas rester insensible. Un des principaux effets produit par le fonds sera de stimuler une plus grande convergence des politiques économiques, tout en harmonisant les politiques des banques centrales sur les marchés de change. Cinq des sept membres du comité Werner se sont ralliés à cette thèse. Malgré certaines réserves, le professeur Brouwers ne s’est jamais exprimé nettement contre. Le membre allemand était le seul à s’y être opposé. Certaines craintes qu’il a exprimées au sujet d’un fonctionnement trop compliqué de ce mécanisme ou de ses conséquences sur les marges de fluctuation des monnaies des Six apparaissent comme des difficultés techniques et susceptibles de corrections. Selon la vision du membre allemand, ces obstacles mineurs ne devraient en aucun cas porter atteinte à la création de l’organe qui affirme l'indépendance monétaire de la Communauté. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

93 Voir les sections 1.3 intitulée «Environnement économique et monétaire à la fin des années 1960», 3.3 intitulée «Le Comité des gouverneurs des banques centrales et le rapport Werner» et 3.4 intitulée «Économistes versus monétaristes: accords et divergences dans l’élaboration du rapport Werner».

94 Au sein du comité Werner siègent les Belges Hubert Ansiaux, président de la Banque nationale de Belgique et président du Comité des gouverneurs des banques centrales, et son suppléant Jacques Mertens de Wilmars. Le ministre belge des Finances Jean-Charles Snoy et d’Oppuers joue également un rôle de poids dans l’élaboration du plan par étapes, ainsi que l’économiste belgo-américain Robert Triffin qui contribue amplement à la réflexion sur les grandes questions de l’UEM et Jean Monnet qui démarche régulièrement les chefs de gouvernement européens à ce sujet. Les Belges ont contribué de manière substantielle à la réussite des travaux qui se sont déroulés dans les entités spécialisées, telles que le comité monétaire et le Conseil des gouverneurs des banques centrales, ainsi que pendant la présidence des CE que la Belgique a assumée au premier semestre de 1970. Mention doit être faite également du rôle d’Étienne Davignon dans l’unification politique européenne. Le rapport Davignon, adopté le 27 octobre 1970 à Luxembourg, vise la réalisation des progrès dans le domaine de l'unification politique par le renforcement de la coopération en matière de politique étrangère.

95 Le penchant monétariste de la Belgique s’explique tout d’abord par l’importance de la stabilité de change pour l’économie du pays, par la conviction que, sans monnaie unique, la Belgique ne serait jamais à l’abri de dévaluations compétitives qui, en fait, rendraient le marché unique caduc, et par la thèse selon laquelle la stabilité imposée du cours de change serait bénéfique à la discipline budgétaire et salariale.

96 La vision d’une Union économique et monétaire symétrique est déjà présente dans Un plan de solidarité monétaire européenne en trois étapes (1971-1977) publié le 27 janvier 1970. Ce plan, plus connu sous le nom du plan Snoy ou encore du plan belge, met l'accent sur la création, dans la phase finale de l'UEM, de deux institutions, à savoir d’un système monétaire commun et d’un gouvernement économique sui generis, en charge des politiques budgétaires et de revenus. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

97 Cf. Consultations politiques avec le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne et avec le chancelier fédéral à Bonn le 14 octobre 1970, n° PN/rh Ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur. Cabinet du ministre des Affaires étrangères. Bruxelles: 16 octobre 1970. Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de Belgique.

98 Ibid., p. 9.

99 Ibid.

100 «Désirée spécialement par mes collègues Snoy, Schiller et Moeller, la réunion fut d’abord reportée puis annulée lorsque j’appris que Giscard d’Estaing qui avait été d’un grand secours pour mes travaux, m’informait qu’il ne pouvait pas être présent en personne. Entre-temps, la Commission s’était saisie du problème. On considérait qu’à partir de ce moment, les suites à donner au rapport se situaient au niveau des rapports officiels entre celle-ci et le Conseil des Ministres». Cf. WERNER, Pierre. Itinéraires. T. II, p. 136.

101 Voir la section 4.3 intitulée «Réactions du Conseil».

102 Faisant le bilan de la réunion du Conseil des ministres du 24 novembre 1970, les diplomates belges constatent des grandes divergences entre les Six. Certains États voudraient s’engager seulement sur une phase préliminaire de trois ans. D’autres États voudraient définir, dès maintenant, le contenu des différentes étapes, en décrivant notamment les réformes institutionnelles requises. Les derniers souhaiteraient préciser les caractéristiques d’une Union économique et monétaire et prendre, dès maintenant, la décision d’en fixer l’entrée en vigueur.

103 Cf. Approche belge au sujet de l’Union économique et monétaire, le 24 novembre 1970. Document de travail. Ministère des Affaires étrangères. Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de Belgique, Bruxelles, p. 4. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

104 Les 14 et 15 décembre 1970, les ministres des Affaires étrangères et les ministres des Affaires économiques et financières des Six, assistés notamment des présidents des comités spécialisés en matière de politique économique et monétaire, se réunissent en Conseil à Bruxelles pour statuer sur la mise en route de la première étape de l’Union économique et monétaire. Le premier jour, les travaux sont présidés par le chef de la diplomatie allemande Walter Scheel et le lendemain par le ministre fédéral de l’Économie Karl Schiller.

105 Voir la section 1.2 intitulée «Genèse de la pensée monétaire de Pierre Werner dans les années 1960» et la sous-section1.3.3 intitulée «Les plans monétaires élaborés par la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg (janvier-février 1970)».

106 Lettre adressée le 5 janvier 1971 par le Premier ministre du Royaume de Belgique Gaston Eyskens au Premier ministre luxembourgeois Pierre Werner. Réf. CZ/B1/D9. Bruxelles: 5 janvier 1971. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048. Il s’agit manifestement d’une réponse à la lettre que Pierre Werner a adressée le 29 décembre 1970 à ses cinq autres homologues au sujet de l’avenir de l’UEM. (Documents consultés le 10 octobre 2012.)

107 Voir MAES, Ivo (National Bank of Belgium) et VERDUN, Amy (University of Victoria). Small States and the Creation of EMU: Belgium and the Netherlands, Pace-setters and Gate-keepers. In Journal of Common Market Studies 2005, volume 43, numéro 2, pp. 327-48.

108 Les membres italiens du comité Werner sont Gaetano Stammati, président du comité de politique budgétaire et son adjoint, Simone Palumbo. Guido Carli, gouverneur de la Banca d’Italia, le ministre des Finances Emilio Colombo et Rinaldo Ossola, président du groupe des Dix, contribueront, avec des interventions significatives, à l’avancement des travaux du groupe d’experts. Le secrétaire du comité Werner, en même temps directeur général des Affaires économiques et financières de la Commission européenne, Ugo Mosca, était aussi ressortissant italien. Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».

109 Depuis le sommet de La Haye (1-2 décembre 1969), le gouvernement italien a adopté une position quelque peu ambiguë sur le projet d’établissement par étapes d’une Union économique et monétaire. Durant les travaux du comité Werner, l’exécutif italien a insisté pour que l’objectif final à atteindre soit clairement défini, tout en tenant compte des implications politiques et économiques de la situation dans chacun des pays. Il a mis l’accent, dans cette perspective, sur la nécessité de prendre en considération les aspects régionaux et structurels propres à l’Italie et de tempérer en conséquence certains des effets que pourrait entraîner la mise en place de l’UEM. Il a défendu la notion d’un «parallélisme étroit» entre la coopération monétaire et la coopération économique, mettant l’accent, tour à tour, sur l’un ou l’autre des principes, «plutôt en fonction de ses interlocuteurs qu’en fonction de ses préoccupations propres qui le porteraient à solliciter d’abord la coopération monétaire», tel que le soulignent certains documents provenant des archives diplomatiques françaises. En matière institutionnelle, Rome a pris progressivement position en faveur de la thèse allemande consistant à poser a priori la nécessité d’un transfert de compétences du plan national au plan communautaire et d’une modification institutionnelle, sans définir plus que ne le fait le gouvernement fédéral le champ précis de ces adaptations. Dans ce domaine, les Italiens ont mis en avant les impératifs d’une gestion efficace, puis ils ont de plus en plus souligné les implications politiques de l’Union économique et monétaire, creuset d’une Europe politique de type fédéral. Voir en ce sens Voyage à Paris de M. Colombo, Note diplomatique du 25 janvier 1971, ministère des Affaires étrangères et européennes de la République française, Fonds CE, direction des Affaires économiques et financières, service de coopération économique, série PM, vol. 973, section UEM/Documents de base, dossier PM 19.3. La Courneuve: Archives diplomatiques françaises. Voir aussi Questions concernant la réalisation par étapes de lUnion économique et monétaire dans la Communauté, Documents R/2106/70 (Fin 427), R/2247/70 (Fin 2242/70), (ASS 1386). Communautés européennes, Conseil, note R/230/71 (Fin 48). Bruxelles: 05.02.1971. Archives historiques du Conseil des CE.

110 Ce principe est formulé par le ministre italien des Finances Emilio Colombo lors de la réunion des ministres des Finances qui s’est déroulée les 29 et 30 mai 1970 à Rome et qui a abouti à l’approfondissement des travaux du groupe Werner.

111 Proposition conjointe du ministre Emilio Colombo et du gouverneur de la Nederlandse Bank, Jelle Zijlstra, formulée à Venise le 30 mai 1970.

112 Voir MAES, Ivo et QUAGLIA, Lucia. The Process of European Monetary Integration: a Comparison of the Belgian and Italian Approaches. In National Bank of Belgium. Bruxelles: documents de travail – série de la recherche n° 40, août 2003.

113 Voir la section 4.2 intitulée «Réactions de la Commission».

114 Cf. Compte rendu de la quarante-quatrième session du Comité des gouverneurs des banques centrales. Bâle: 8 novembre 1970, BCE. Les représentants italiens au sein du Comité des gouverneurs qui prennent la parole à ce sujet sont Paolo Baffi, qui représente le gouverneur Guido Carli de la Banca d’Italia, et de Rinaldo Ossola. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

115 Voir Sitzung der Zentralgouverneure der EWG in Basel am 8. November 1970. Télégramme d’Otmar Emminger, vice-président de la Deutsche Bundesbank, au secrétaire d’État Johannes B. Schöllhorn, ministère fédéral de l’Économie, Francfort-sur-le-Main, 9 novembre 1970. Copie provenant des archives fédérales, Coblence.

116 Note sur lentrevue de ce jour du ministre Schiller avec lambassadeur italien Luciolli, Bonn, 24 février 1971. Service E.A. Copie provenant des archives fédérales, Coblence. BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft) / 293320.

117 Lors de la réunion du Conseil des ministres des 14 et 15 décembre 1970, le ministre italien du Trésor, Mario Ferrari-Agradi, insiste sur «un engagement politique précis qu’exige l’Union économique et monétaire». «La Communauté doit acquérir des pouvoirs de décision propres et ce n’est que dans l’optique d’un objectif final précis que les mesures de la première étape peuvent prendre leur sens». Il réclame également «l’adaptation des institutions» et précise qu’à son sens, il faudrait aller «au-delà du principe de l’unanimité» et «instaurer des consultations de plus en plus contraignantes». Le ministre italien prend position, ensemble avec ses collègues allemands et néerlandais, en faveur de la proposition de la Commission selon laquelle celle-ci soumettrait avant le 1er mai 1973 des projets de mesures conduisant progressivement à la réalisation complète de l’Union, y compris pour celles de ces mesures dont la mise en œuvre ne pourra s’effectuer dans le cadre des dispositions découlant du traité, des projets de modifications à apporter à celui-ci. Il soutient également l’idée d’un contrôle parlementaire correspondant en principe à celui exercé par les parlements nationaux. Pour ce qui est du délai de l’édification de l’Union économique et monétaire, il adhère à la formule française selon laquelle la Communauté et les gouvernements feraient «tout en leur pouvoir» pour mettre en place l’UEM au cours des dix prochaines années. Voir Le résultat des délibérations de la nuit dernière. Agence Europe, Bruxelles: bulletin quotidien n° 707 (nouvelle série), 15 décembre 1970.

118 Questions concernant la réalisation par étapes de lUnion économique et monétaire dans la Communauté. Documents R/2106/70 (Fin 427), R/2247/70 (Fin 2242/70), (ASS 1386).Communautés européennes, Conseil, note R/230/71 (Fin 48). Bruxelles: 05.02.1971. Archives historiques du Conseil des CE.

119 Les autorités néerlandaises sont fortement opposées au «compromis guillotine» élaboré de concert par les Français et les Allemands et jugé peu satisfaisant, mais elles l’acceptent «non seulement faute d’alternative», mais aussi en estimant que «les décisions ne peuvent pas être repoussées sans cesse». Cf. Message réf. J.M.A.H. Luns au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, 12 février 1971: NA, 02.05.313, Buitenlandse Zaken: blok 3, 1965-1974, Nationaal Archief, Repaire Haag, n° 19482. Le terme «compromis guillotine» (connu aussi comme «clause de prudence» ou «clause de sauvegarde») dont la formule appartient à Karl Schiller, signifie que les mesures monétaires de la première étape (réduction de la marge des fluctuations de change, un mécanisme de concours financier mutuel et la perspective d'un fonds de coopération monétaire) seront annulées si l’accord sur le passage à la deuxième étape n’est pas atteint en l’espace de cinq ans. Les circonstances historiques ont fait que cette clause, ayant suscité tant de débats, n’a jamais été appliquée, notamment en raison des bouleversements monétaires internationaux commencés en 1971.

120 Adoptée le 22 mars 1971 par le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres, cette résolution marque la mise en route officielle de la première étape de l’Union économique et monétaire. Citant dans son préambule la volonté politique des Six de s’engager dans l’édification d’une Union économique et monétaire par la mise en œuvre d’un plan par étapes, la résolution fait paradoxalement référence au rapport intérimaire du comité Werner et non pas au rapport final, dont les grandes lignes précisent le contenu de la première étape de l’UEM, tout en esquissant le contour et les points forts pour qu’une telle construction puisse prendre corps en une décennie. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

121 Voir aussi l’article «Die Einigung von Brüssel» dans Die Welt (11 février 1971). Unabhängige Tageszeitung für Deutschland. Hambourg: Die Welt, 11.02.1971, n° 35. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

122 Déclaration de Karl Schiller sur la mise en place d'une Union économique et monétaire. Bonn: 10 février 1971. In La Communauté européenne: De la Conférence au Sommet de La Haye à l'Europe des Dix. Bonn: Office de presse et d'information du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

123 Il est intéressant de signaler qu’à l'initiative de Karl Schiller, l’Allemagne demande une forte coordination européenne des politiques budgétaires nationales, présageant ainsi l’émergence d’une autorité politique à côté de la future banque centrale. Ne souhaitant aucun engagement dans une communautarisation concrète et une harmonisation de la politique économique et financière, la France s'y oppose. On décida de reporter la décision et le débat cessa.

124 Les archives familiales Pierre Werner montrent que sur l’incitation du baron Ansiaux, président du Comité des gouverneurs des banques centrales, soutenu par le président Werner et ayant un solide support Benelux, le renforcement de la solidarité monétaire et les conséquences de la participation éventuelle du Royaume-Uni aux mécanismes de la coopération monétaire ont suscité des analyses détaillées. Il en est de même pour l’impact de la livre sterling sur le Fonds européen de réserve. Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)» et la section 4.2 intitulée « Réactions du Parlement européen». Notons que les milieux anglo-saxons, notamment académiques, des think tanks et les milieux bancaires, se tiennent informés de l’avancement des travaux du groupe Werner et de la réflexion autour du plan par étapes.

125 L’adhésion britannique ne fait pas partie du périmètre d’analyse du corpus numérique de recherche consacré au rapport Werner.

126 Publié le 20 mai 1970, le rapport Werner intérimaire trace les objectifs stratégiques d’une Union économique et monétaire à atteindre dans une décennie. Cette construction sera finalisée, dans l’idéal, par l’adoption d’une monnaie unique en guise de garantie de l’irréversibilité du processus. Il est à remarquer que, vu l’imminence de l’adhésion britannique, le groupe ad hoc s’y est penché dès le début de ses débats. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

127 Sir Edward Richard George Heath (1916–2005), homme politique britannique, membre du Parti conservateur, dont il fut président (1965-1975). Il fut Premier ministre du Royaume-Uni entre 1970 et 1974 et durant son mandat, le Royaume-Uni entra dans la CEE (adhésion concrétisée le 1er janvier 1973).

128 Voir le discours d’Edward Heath, Premier ministre britannique, du 21 juillet 1971devant la Chambre des Communes décrivant le déroulement et les enjeux des négociations en cours à Bruxelles pour l'adhésion du pays à la Communauté économique européenne (CEE). (Document consulté le 10 octobre 2012.)

129 Entre novembre 1967 et juin 1970, dans le gouvernement de Harold Wilson, le Trésor britannique fut dirigé par Roy Jenkins (1920-2003), membre marquant du Parti travailliste. Ce partisan de la cause européenne deviendra plus tard président de la Commission (1967-1970).

130 La contribution britannique aux progrès de l’union monétaire européenne constitue un des principaux sujets de l’agenda des discussions à Londres que Valéry Giscard d’Estaing (24 novembre 1970) et Karl Schiller (25 novembre 1970) ont avec le ministre britannique Roy Jenkins. Cf. Télégramme diplomatique allemand de lambassade de la RFA à Londres, n° 886747b bmwi d, Bonn n° 4239 du 27.11.1970. Copie des archives fédérales, Coblence.BArch B 102 (Bundesministerium für Wirtschaft) / 264601.

131 Cf. Interview de Monsieur Henri Werner, fils de Pierre Werner, enregistré au CVCE le 1er juin 2010 et Archives familiales Pierre Werner. (Interview consultée le 10 octobre 2012).

132 Le Mémorandum sur la coordination des politiques économiques et sur la coopération monétaire au sein de la Communauté, document élaboré par la Commission des CE, plus connu sous le nom de «mémorandum Barre I» ou «plan Barre I», a été publié le 12 février 1969. Les propositions qui y sont contenues visent la coordination des politiques économiques et la coopération monétaire au niveau communautaire. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

133 Déclaration de M. Heath sur la politique commerciale et monétaire de la CEE. Note de l’ambassadeur de France en Grande-Bretagne à Son Excellence Monsieur Maurice Schuman, ministre des Affaires étrangères, ministère des Affaires étrangères et européennes de la République française. Londres: 30 mars 1972. Fonds CE, direction des Affaires économiques et financières, service de coopération économique, série PM, vol. 972, section UEM/Relations bilatérales/Le Royaume-Uni, dossier PM 19.3. La Courneuve: Archives diplomatiques françaises.

134 Le rapport Werner prévoit un centre de décision pour la politique économique responsable devant le Parlement européen et un système de banques centrales, organisé selon le modèle du Federal Reserve System américain en charge de la politique monétaire commune (liquidités, taux d’intérêt, taux de change, etc.).

135 Voir la section 2.2 intitulée «Déroulement des travaux du comité Werner».

136 Voir GRYGOWSKI, Dimitri. Les États-Unis et l’unification monétaire européenne. Bruxelles: Éditions PIE Peter Lang, 2009, pp. 215-131. Voir aussi le chapitre 5 intitulé «La mise en œuvre du rapport Werner».

137 Ibid, p.120

138 Cf. l’article «Common Market agrees on Monetary Union designed to give Europe a single currency». In Wall Street Journal, 6 juin 1971.

139 «Europe’s defense against America’s deficit». In Wall Street Journal, 29 juillet 1971.

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