La répartition des compétences entre les juridictions communautaires


Jusqu’à la création du Tribunal de première instance, toutes les voies de recours relevaient de la compétence de la Cour de justice.


La première répartition des compétences au sein de l’institution juridictionnelle a été effectuée par l’article 3 de la décision du 24 octobre 1988 instituant le Tribunal de première instance qui a attribué à la nouvelle juridiction compétence pour connaître en première instance, sous réserve d’un pourvoi devant la Cour de justice, de certaines catégories de recours formés par des personnes physiques ou morales, à savoir les recours des fonctionnaires et les recours en annulation, en carence et en indemnité introduits par des particuliers contre la Commission et relatifs à la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises en vertu du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) ou à l’application des règles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) concernant les prélèvements, la production, les prix, les ententes et les concentrations.


Les compétences du Tribunal, à l'origine limitées, ont été progressivement étendues par d’autres décisions du Conseil (du 8 juin 1993 et du 7 mars 1994) à tous les types de recours directs introduits par des personnes physiques ou morales contre les institutions ou les organes des Communautés, quelle que soit la matière concernée.


En outre, les règlements du Conseil n° 40/94 sur la marque communautaire, remplacé par le règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire (version codifiée), et n° 2100/94 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, tel que modifié par le règlement n° 2506/95, ont attribué au Tribunal compétence pour connaître des recours liés aux matières visées par ces règlements.


Le Tribunal n’avait toutefois pas compétence pour connaître ni des affaires soumises par des États membres ou par des institutions communautaires ni des questions préjudicielles, qui demeuraient de la compétence exclusive de la Cour [articles 168 A du traité CEE et 140 A du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom). Une modification de ces dispositions, introduite par le traité de Maastricht, permettant la dévolution au Tribunal de première instance de tous les types de litiges autres que les renvois préjudiciels, est restée sans suite].


Le traité de Nice du 26 février 2001, en ouvrant la possibilité de création de chambres juridictionnelles spécialisées, a opéré une nouvelle répartition des compétences entre la Cour de justice et le Tribunal de première instance.


Aux termes de l’article 225 du traité instituant la Communauté européenne (CE),


«1. Le Tribunal de première instance est compétent pour connaître en première instance des recours visés aux articles 230, 232, 235, 236 et 238, à l'exception de ceux qui sont attribués à une chambre juridictionnelle et de ceux que le statut réserve à la Cour de justice. Le statut peut prévoir que le Tribunal de première instance est compétent pour d'autres catégories de recours. […]


2. Le Tribunal de première instance est compétent pour connaître des recours qui sont formés contre les décisions des chambres juridictionnelles créées en application de l'article 225 A. […]


3. Le Tribunal de première instance est compétent pour connaître des questions préjudicielles, soumises en vertu de l’article 234, dans des matières spécifiques déterminées par le statut. […]»


Pour la mise en œuvre de cette disposition (ainsi que de l’article 140 A du traité CEEA), le Conseil a, par décision du 26 avril 2004 modifiant l’article 51 du statut de la Cour, précisé les compétences respectives de la Cour de justice et du Tribunal de première instance en matière de recours directs. Par ailleurs, par décision du 2 novembre 2004 adoptée sur la base des articles 225 A du traité CE et 140 B du traité CEEA, le Conseil a institué le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne qui, mis en place le 1er octobre 2005, est devenu opérationnel le 12 décembre 2005. En revanche, il n’est pas envisagé, pour le moment, d’attribuer au Tribunal de première instance compétence pour connaître d’une partie des questions préjudicielles.


Il résulte de ces dispositions combinées que, à l’heure actuelle, les compétences entre les trois juridictions communautaires se répartissent comme suit.


Les compétences de la Cour de justice


La Cour de justice est la juridiction suprême de l’Union européenne. Elle exerce une triple compétence, contentieuse, préjudicielle et consultative, statuant notamment sur:


— les recours en manquement (articles 226 à 228 du traité CE et 141 à 143 du traité CEEA);


— les recours en annulation et en carence de caractère institutionnel et, partant, de nature politique, à savoir les recours formés par les États membres, en vertu des articles 230 et 232 du traité CE et 146 et 148 du traité CEEA, et dirigés


– contre un acte ou une abstention de statuer du Parlement européen ou du Conseil, ou de ces deux institutions statuant conjointement, à l’exclusion des actes pris par le Conseil en sa qualité d’exécutif dans le domaine des aides d’État, de mesures de défense commerciale ou de la comitologie;


– contre un acte ou une abstention de statuer de la Commission au titre de l’article 11 A du traité CE (adhésion d’un État membre à une coopération renforcée).


Sont également réservés à la Cour les recours, toujours en annulation et en carence, qui sont formés par une institution des Communautés ou par la Banque centrale européenne contre un acte ou une abstention de statuer du Parlement européen, du Conseil, de ces deux institutions statuant conjointement, ou de la Commission ainsi que par une institution des Communautés contre un acte ou une abstention de statuer de la Banque centrale européenne (article 51 du statut de la Cour);


— les pourvois contre les décisions du Tribunal de première instance et les réexamens des décisions dudit Tribunal statuant sur pourvoi (articles 225, paragraphes 1 et 2, du traité CE et 140 A, paragraphes 1 et 2, du traité CEEA);


— les renvois préjudiciels en interprétation et en appréciation de validité opérés par les juridictions nationales en vertu des articles 234 du traité CE et 150 du traité CEEA [cf. également articles 68 du traité CE et 35 du traité sur l’Union européenne (UE)] ou sur la base de protocoles particuliers concernant certaines conventions conclues entre États membres, tel le protocole du 3 juin 1971 attribuant à la Cour de justice la compétence pour interpréter la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (convention remplacée par le règlement du Conseil n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale);


— les demandes d’avis sur la compatibilité des accords internationaux de la Communauté avec les dispositions du traité CE (article 300) ou sur la compatibilité de certains accords avec les dispositions du traité CEEA (articles 103 à 105).


La Cour de justice est également compétente pour connaître de recours spécifiques à certains domaines, tels les recours (en manquement et en annulation) prévus par l’article 237 du traité CE, concernant l’activité de la Banque européenne d’investissement et des banques centrales nationales, et les différends entre États membres en connexité avec l’objet des traités, s’ils sont soumis à la Cour en vertu d’un compromis (articles 239 du traité CE et 154 du traité CEEA). En outre, l’article 229 A du traité CE, introduit par le traité de Nice, habilite le Conseil à confier à la Cour de justice la compétence pour connaître du contentieux des titres communautaires de propriété industrielle (cf., à cet égard, la proposition de décision du Conseil attribuant à la Cour de justice la compétence pour statuer sur les litiges relatifs au brevet communautaire – COM/2003/0827 final).


Par ailleurs, conformément à l’article 46 du traité UE, tel que modifié à Nice, la Cour de justice exerce les compétences qui lui sont explicitement réservées par ce traité, en particulier les compétences dans le cadre du titre VI relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale (article 35 du traité UE), dans le domaine des coopérations renforcées (titre VII et article 40 du traité UE, articles 11 et 11 A du traité CE) et les compétence spécifiques liées au respect des droits fondamentaux par les institutions (article 6, paragraphe 2, du traité UE) et au risque de violation grave par un État membre de certains principes fondamentaux (article 7 du traité UE). Aucune compétence n’est attribuée à la Cour en matière de politique étrangère et de sécurité commune (titre V du traité UE).


Les compétences du Tribunal de première instance


Le Tribunal de première instance est compétent pour connaître, au premier degré, des catégories de recours fixées par les articles 225 du traité CE et 140 A du traité CEEA (à savoir les recours en annulation, en carence, en indemnité, ainsi que les recours formés sur la base d’une clause compromissoire), à l’exception des recours en annulation et en carence réservés à la Cour de justice et des recours des fonctionnaires attribués au Tribunal de la fonction publique. Il est ainsi compétent pour statuer sur:


— les recours introduits par les personnes physiques ou morales et dirigés contre les actes des institutions communautaires, dont elles sont les destinataires ou qui les concernent directement et individuellement, ou contre une abstention de statuer de ces institutions;


— les recours formés par les États membres contre la Commission, à l’exclusion de ceux concernant une coopération renforcée dans le cadre du traité CE;


— les recours formés par les États membres contre le Conseil concernant les décisions en matière d’aides d'État, les actes adoptés en vertu d’un règlement relatif aux mesures de défense commerciale et les actes par lesquels le Conseil exerce directement des compétences d'exécution;


— les recours en responsabilité extra-contractuelle visant à obtenir réparation des dommages causés par les institutions communautaires ou leurs agents;


— les recours fondés sur une clause compromissoire, contenue dans des contrats passés par les Communautés, qui prévoit expressément la compétence du juge communautaire;


— les recours en matière de marque communautaire et de protection communautaire des obtentions végétales.


Le Tribunal de première instance est, en outre, compétent pour connaître des recours (pourvoi ou appel) formés contre les décisions des chambres juridictionnelles qui lui sont adjointes (articles 225 A, troisième alinéa, du traité CE et 140 B, troisième alinéa, du traité CEEA). La décision du Conseil instituant le Tribunal de la fonction publique a prévu que les décisions de cette juridiction peuvent faire l’objet d’un pourvoi, limité aux questions de droit, devant le Tribunal de première instance.


Les compétences du Tribunal de la fonction publique


Le Tribunal de la fonction publique «exerce en première instance les compétences pour statuer sur les litiges entre les Communautés et [leurs] agents en vertu de l'article 236 du traité CE et de l'article 152 du traité CEEA, y compris les litiges entre tout organe ou organisme et son personnel, pour lesquels la compétence est attribuée à la Cour de justice» (article 1er de l’annexe I du statut de la Cour, ajoutée audit statut par la décision instituant le Tribunal de la fonction publique).


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