Le nouveau Parlement européen
Le nouveau Parlement européen
L’élection du Parlement européen au suffrage universel: les prémices
Depuis les années cinquante, les députés de l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) réclament régulièrement l'élection du Parlement européen, qui lui succède, au suffrage universel. Parce qu'elle est avant tout un organe consultatif, aucun État ne donne en effet suite à la disposition du traité CECA qui prévoit pourtant la possibilité pour les États membres d'organiser les élections directes à l'Assemblée commune. L'article 138 du traité de Rome prescrivant l'élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct n'est pas davantage pris en compte par le Conseil. Les fédéralistes plaident pourtant avec force pour un renforcement de la légitimité démocratique de l'institution. Pendant les années soixante, les députés européens prennent le relais et ne cessent de multiplier les démarches et les résolutions pour obtenir satisfaction et transformer l'Assemblée en un lieu d'expression de la volonté populaire européenne. Mais la France s'y oppose pendant de longues années. Les membres de l'Assemblée continuent donc à être désignés par les parlements nationaux.
De l'avis du général de Gaulle, le Parlement européen, qui à l'origine ne dispose pas de pouvoir budgétaire et législatif à proprement parler, ne doit pas être élu au suffrage universel. A ses yeux, le Conseil des ministres est le seul législateur autorisé de la Communauté économique européenne (CEE). Il fait également savoir qu'il y aurait peu de sens à vouloir mobiliser l'électorat pour une institution peu connue et dénuée de véritables pouvoirs politiques. La France met enfin en garde contre une faible participation électorale qui serait préjudiciable à l'institution et contraire aux objectifs recherchés. Mais en pratique, par voie coutumière, les pouvoirs législatifs et de contrôle du Parlement s'élargissent pourtant au cours des années soixante et soixante-dix. La problématique de l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen fait ainsi l'objet de nombreuses études telles que le Rapport Vedel.
En mars 1971, la Commission européenne met sur pied un groupe de travail présidé par Georges Vedel, doyen honoraire de la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris, afin d'examiner toutes les implications d'un renforcement des compétences institutionnelles et budgétaires du Parlement. Le 25 mars 1972, le groupe ad hoc de personnalités indépendantes publie son rapport détaillé. Le document préconise notamment l'extension graduelle des pouvoirs législatifs du Parlement européen dans le sens d'une véritable co-décision. Le rapport propose aussi que le président de la Commission, nommé par le Conseil, soit ensuite investi par le Parlement avant que soient désignés les autres commissaires. Le groupe plaide pour la mise en place d'un système de concertation entre les parlements nationaux et le Parlement européen. Le Rapport Vedel se prononce en faveur de l'élection au suffrage universel direct du Parlement sans définir pour autant de procédure électorale uniforme.
Ce n'est qu'en 1974 que le président français Giscard d'Estaing accepte l'idée de l'élection directe du Parlement qu'il lie toutefois à la création du Conseil européen censé créer un véritable gouvernement européen. Aux sommets de Bruxelles des 12-13 juillet et du 20 septembre 1976, une série de décisions sont prises pour finaliser l'élection au suffrage universel. Ce choix est ratifié par tous les membres de la Communauté à une très forte majorité même si, en France, les gaullistes et les communistes s'y opposent radicalement. L'Acte du 20 septembre maintient la possibilité de cumuler un mandat électif au Parlement européen avec un autre dans une Assemblée nationale. Il confie également au Parlement la tâche d'élaborer un projet de procédure électorale uniforme. La tenue d'élections directes, initialement prévues pour mai-juin 1978, doit être reportée dans l'attente de l'adoption de la législation habilitante requise dans chacun des États membres. Ainsi, le 13 décembre 1977, la Chambre des Communes repousse le système de scrutin proportionnel par régions que propose le gouvernement britannique. La première élection du Parlement européen au suffrage universel a lieu les 7 et 10 juin 1979. Elle porte de 198 à 410 le nombre des membres du Parlement européen.
Les pouvoirs du Parlement européen
Le Parlement européen, même élu au suffrage universel, n'a toujours pas de compétence législative, contrairement à un parlement national. Certes, le contrôle du pouvoir politique est inscrit dans les traités de Paris et de Rome, et, depuis 1970, le Parlement a partiellement acquis le pouvoir budgétaire, mais le Conseil des ministres demeure le seul organe législatif de la Communauté. Le Parlement fait alors une interprétation extensive du traité pour s'octroyer de nouveaux pouvoirs concrétisés ensuite par des accords interinstitutionnels souvent incorporés au traité sous la forme de procédures formelles.
Fort de sa nouvelle légitimité démocratique, le Parlement européen aspire à étendre son rôle en matière législative, voire constitutionnelle. Ces revendications sont renouvelées à chaque occasion qui se présente : les députés multiplient les questions parlementaires écrites et orales pour attirer l'attention. En fin de compte, le Parlement européen développe son action de contrôle. Dans ce domaine, il dispose d’un réel pouvoir à l’encontre de la Commission qu’il peut censurer mais il n'utilise cependant pas cette arme lourde de conséquences. En revanche, il s’octroie en tant que corollaire à son pouvoir de censure, un droit d’investiture. Ainsi dans la pratique, la Commission nouvellement nommée se présente devant lui pour lui exposer son programme. Cette procédure est partiellement avalisée par la déclaration solennelle sur l'Union européenne adoptée par le Conseil européen de Stuttgart, le 19 juin 1983. Cette dernière prévoit la consultation du bureau du Parlement avant la nomination du président de la Commission. Parallèlement, le Parlement étend son pouvoir consultatif à d’autres domaines que ceux expressément prévus par les traités. Ainsi, la Commission s’engage, dans une communication du 30 mai 1973, à consulter le Parlement sur toute proposition d’actes normatifs et sur tout autre texte non normatif tel que des programmes ou des déclarations.
En matière budgétaire, les parlementaires militent en faveur d'un rééquilibrage pour diminuer les dépenses agricoles et augmenter les fonds structurels. Le Parlement européen peut rejeter le budget annuel et les budgets supplémentaires et se prononcer sur la gestion du budget par la Commission à l'occasion d'un vote de décharge. Il dispose aussi d'un pouvoir informel d'initiative budgétaire afin de lancer des programmes communautaires ponctuels à destination des citoyens européens.