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L'Agenda 2000 et les perspectives financières 2000-2006

L’Agenda 2000 et les perspectives financières 2000-2006


Le Conseil européen de Madrid (15-16 décembre 1995) qui avait décidé le passage à l’euro pour le 1er janvier 1999 et décidé l’ouverture de la Conférence intergouvernementale (CIG) de révision du traité de Maastricht, s’était inquiété des conséquences du prochain élargissement sur les politiques communautaires et avait demandé à la Commission d’y réfléchir. Celle-ci, présidée par Jacques Santer, a procédé à ce travail de façon exhaustive et a présenté, le 16 juillet 1997, un volumineux document intitulé « Agenda 2000. Pour une Union plus forte et plus large » exposant sa vision de l’avenir de l’Union européenne, de ses perspectives de développement et des réformes nécessaires.


L’Agenda 2000 formule un avis sur l’ouverture des négociations d’adhésion avec ceux des pays candidats que la Commission estime en état de remplir les conditions exigées et propose les mesures nécessaires à leur préparation à l’adhésion. Quant aux conséquences de l’élargissement sur les politiques communautaires, la Commission estime qu’elles doivent se traduire, dans le cadre du budget communautaire, par la réforme de la politique régionale et de la politique agricole commune (PAC). A cet égard, l’« Agenda 2000 » formule des propositions qui vont provoquer de vives discussions en raison des intérêts divergents des États membres. Sur le plan financier, le budget communautaire, réformé depuis 1988 a continué à évoluer selon les mêmes tendances.


Du côté des ressources, les « ressources propres » prélevées par les États et transférées à la Communauté ont continué à diminuer. Les droits de douane sur les importations en provenance des pays tiers ont été réduits par les accords internationaux de désarmement douanier et par l’adhésion de nouveaux États membres. Leur part dans les ressources propres est tombée de 17,5 % en 1997 à 14,3 % en 2003. Les prélèvements agricoles, perçus sur les importations de produits agricoles couverts par la PAC pour compenser la différence entre les cours mondiaux et les prix communautaires garantis plus élevés, ont été réduits par l’autosuffisance alimentaire de la Communauté et leur part est tombée à 2,7 % des ressources en 1997 et 1,9 % en 2003. Aussi avait-il fallu recourir à d’autres ressources prélevées par les États sur leur propre budget. D’abord sur la taxe à la valeur ajoutée, selon une assiette plafonnée à un pourcentage du produit national brut (PNB) pour ne pas pénaliser les États membres les moins riches. Or le taux maximum applicable à cette assiette, qui avait été élevé de 1 % au début à 1,4 % en 1986, a été ensuite progressivement réduit à 1 % en 1999 et à 0,5 % à partir de 2004. Dans ces conditions, la ressource de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui avait été la principale ressource du budget communautaire, a vu sa part tomber à 44,6 % en 1997 et à 24,2 % en 2003. D’où la nécessité de développer une quatrième ressource pour assurer l’équilibre du budget, donc variable en fonction des besoins. Cette ressource est basée sur le PNB national des États membres (son taux était de 0,6198 % en 2003). Sa part est désormais prédominante dans le budget passant de 35,2 % des ressources en 1997 à 59,6 % en 2003.


Les deux ressources TVA et PNB apparaissent comme des contributions nationales, dépendantes de la conjoncture économique et dont les taux sont fixés par les États selon la règle de l’unanimité au Conseil. Ce qui explique les âpres discussions entre les gouvernements sur les dépenses communautaires et sur leur répartition entre les pays, chacun cherchant le « juste retour » de sa contribution par des dépenses communautaires sur son territoire, alors que les « ressources propres » avaient justement pour objet d’éviter ce genre de problème, habituel dans les organisations internationales. D’autant que la notion de juste retour budgétaire ne tient pas compte des avantages économiques acquis dans le cadre du Marché commun.


Il existe cependant des situations d’inégalité structurelle. La Grande-Bretagne, qui bénéficie peu des subsides de la PAC, a obtenu des rabais sur ses versements consacrés en 1984 par l’institution d’un système de correction consistant à lui rembourser chaque année les deux tiers du déséquilibre de l’année précédente entre sa contribution et ce qu’elle perçoit de la Communauté. Ce financement est assuré par les autres États membres au prorata de leur PNB, sauf l’Allemagne déjà en déséquilibre et dont la contribution bénéficie d’une réduction d’un tiers. Ce remboursement est devenu moins justifié en raison de l’accroissement du PNB britannique mais Londres s’est toujours opposée à sa remise en cause.


Du côté des dépenses, l’évolution engagée en 1988 s’est poursuivie avec le freinage des dépenses de garanties agricoles et le développement des interventions structurelles.


Pour les perspectives financières pluriannuelles 2000-2006, l’Agenda 2000 propose le « Paquet Santer » (en référence aux « paquets Delors I et II »). En ce qui concerne les ressources, la Commission n’estime pas nécessaire de dépasser le plafond de 1,27 % du PNB fixé en 1988. En effet un freinage spontané des dépenses s’est produit, les pays bénéficiant des fonds structurels fortement accrus n’ayant pu les utiliser complètement et les États candidats à l’euro ayant fait des efforts de rééquilibrage budgétaire. Pour l’avenir, la Commission estime que l’élargissement à venir n’aura qu’une incidence limitée avant 2006 et que, d’autre part, la croissance économique prévue à 2,5 % par an fera naturellement progresser les ressources. Le budget devrait ainsi passer de 92,5 milliards d’écus de crédits de paiements (aux prix de 1997) à 114,5 milliards en 2006. La répartition des ressources devrait toutefois évoluer : la Commission préconise l’allégement de la ressource TVA, trop lourde pour les pays les moins riches, compensé par l’augmentation de la ressource PNB, plus équitable. Du côté des dépenses, la Commission prévoit un ralentissement des dépenses agricoles, grâce à une réforme, à une nouvelle progression des actions structurelles et à une faible progression des dépenses pour les politiques internes, les actions extérieures et l’administration.


Ce vaste programme doit être approuvé par les États membres. C’est un paquet global dont les divers éléments sont âprement discutés et qui font l’objet de marchandages. Comme il s’agit de transfert dans l’affectation des ressources, chaque gouvernement essaie d’y perdre le moins possible. L’Allemagne, invoquant la charge de sa réunification, réclame la diminution de sa contribution nette, comme les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède. La France défend les aides agricoles dont elle bénéficie. La Grande-Bretagne refuse de renoncer au rabais sur sa contribution. Les pays du Sud s’opposent à la réduction des aides régionales alors qu’il faut transférer celles-ci vers les pays candidats à l’adhésion.


Après de difficiles négociations, le Conseil européen extraordinaire de Berlin (24-25 mars 1999) adopte les perspectives financières 2000-2006, sans aller jusqu’au bout des réformes proposées, en particulier pour l’agriculture. Le 6 mai, le Parlement européen, le Conseil et la Commission signent un nouvel accord interinstitutionnel par lequel ils s’engagent, pour le vote des budgets annuels, à respecter les plafonds de dépenses et à appliquer une certaine discipline dans les procédures budgétaires de l’Union.


Du côté des ressources, il est décidé de réduire la part de la TVA en ramenant le taux d’appel de 1 % à 0,5 % à partir de 2004 et de relever de 10 % à 25 % la part conservée par les États sur les droits de douane et les prélèvements agricoles, le manque à gagner étant compensé par la ressource PNB qui représentera près de 70 % des ressources à partir de 2004. Cette majoration est justifiée par l’accroissement des frais de lutte contre la fraude. En ce qui concerne la répartition des contributions entre les États membres, la Grande-Bretagne obtient le maintien de sa compensation mais l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, qui sont en situation de contributeurs nets de façon significative et durable, ne participeront à cette compensation que pour 25 % de ce qu’ils auraient dû payer, les 75 % restants devant à la part déjà assumée par la France et l’Italie (bénéficiaires nets faibles) et, dans une moindre mesure par les pays forts bénéficiaires nets grâce aux fonds structurels : la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande.


Toutefois les inégalités subsistent. Par rapport au PNB de chaque État, la différence entre les contributions (c’est-à-dire les deux ressources TVA et PNB) versées et les crédits opérationnels reçus (hors dépenses administratives) varie sensiblement.


Les gros contributeurs nets en volume sont l’Allemagne, la Grande-Bretagne en dépit du mécanisme correcteur, l’Italie, les Pays-Bas et la France. Mais la charge est très inégale par rapport au PNB de chaque pays : elle représente 0,51 % de celui pour les Pays-Bas, 0,29 % pour la Suède, 0,24 % pour l’Allemagne, 0,23 % pour l’Italie, 0,14 % pour la France et 0,17 % pour la Grande-Bretagne. L’Autriche et le Danemark sont des contributeurs nets modérés avec 0,11 % et 0,09 %, tandis que la Finlande est pratiquement équilibrée. La Belgique et le Luxembourg surtout, classés contributeurs nets selon les critères ci-dessus, ne le sont pas en réalité si l’on tient compte des dépenses administratives des institutions communautaires dont la capitale de ces pays est le siège. Les bénéficiaires nets sont les États recevant des fonds structurels et dont le solde positif représente un fort pourcentage de leur PNB : 2,39 % pour la Grèce, 2,14 % pour le Portugal, 1,5 % pour l’Irlande, 1,29 % pour l’Espagne qui, en volume, reçoit les aides les plus importantes devant la Grèce, le Portugal et l’Irlande (pour laquelle elles sont en voie de réduction).


Du côté des dépenses, l’objectif est de les stabiliser en termes réels, c’est-à-dire que leur augmentation ne résulte que de l’inflation. Les dépenses agricoles culmineront en 2002 puis diminueront. Les aides structurelles seront légèrement réduites, mais davantage concentrées sur les régions qui en ont réellement besoin. Une aide de préadhésion est prévue pour les pays candidats ainsi qu’une réserve de crédits en cas d’élargissement. Pour la période 2000-2006, les dépenses n’absorberont pas la totalité des recettes, une marge de sécurité étant prévue en deçà du plafond de 1,27 % du PNB.


L’adhésion de dix nouveaux États, décidée par le Conseil européen de Copenhague (12-13 décembre 2002) va être financée à un coût réduit. De 1990 à 2003, les dépenses communautaires de préadhésion se sont élevées à 19 milliards d’euros. De 2004 à 2006 l’aide s’élèvera à 37,5 milliards d’euros dont il faudra déduire 15,8 milliards de contributions des nouveaux membres au budget de l’Union, soit un chiffre net de 21,7 milliards d’euros. Au total, de 1990 à 2006, c’est 40,7 milliards d’euros qui auront été consacrés à préparer et à accompagner l’élargissement par l’utilisation de moyens existants et sans recours à des ressources supplémentaires.


Au total, le budget de l’Union, limité en pratique à 100 milliards d’euros, c’est-à-dire à peine plus de 1 % du PNB, est très insuffisant pour mener des politiques communes nécessaires dans des domaines essentiels (industrie, transport, recherche) comme pour aider efficacement les nouveaux États membres à se mettre à niveau et, en même temps, développer une politique de sécurité et de défense commune.


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