Le Collège d'Europe

Le Collège d’Europe


Dans la résolution qu’elle adopte le 10 mai 1948 à l’issue du congrès de l’Europe à La Haye, la commission culturelle que préside l’écrivain et ancien diplomate espagnol Salvador de Madariaga appelle de ses vœux la création d'un centre européen de la culture et d’un institut européen de l’enfance et des questions de la jeunesse. Mais pendant les travaux de la commission culturelle, certains congressistes avancent également l’idée d’une université européenne.


Ces projets tardent néanmoins à se concrétiser. C’est la raison pour laquelle le père franciscain Karel Antoon Verleye saisit l’occasion pour proposer la ville historique de Bruges, en Belgique, comme futur siège du centre culturel. Informé, le fédéraliste suisse Denis de Rougemont, rapporteur de la commission culturelle au congrès de La Haye, se montre prêt à étudier cette éventualité. Mais il apparaît vite que c’est à Genève que s’installera le Centre européen de la culture (CEC) inauguré le 7 octobre 1950. Bruges conserve toutefois l’espoir d’abriter une section du CEC. Aussi un comité brugeois pour la réalisation de ce projet est-il mis sur pied dès le mois de septembre 1948. Il regroupe à la fois la section locale de l'Union européenne des fédéralistes (UEF) et l’association culturelle Les amis de Bruges que préside l’influent docteur Louis De Winter. Le sénateur et ancien ministre libéral Julius Hoste apporte également son soutien au projet d’un institut postuniversitaire européen. Très ambitieux, le projet d’une université européenne est repoussé à plus tard. En février 1949, l’appellation « Collège d'Europe » est adoptée. Le comité local reçoit aussitôt l’appui des autorités communales et du gouverneur de Flandre occidentale, le chevalier Pierre van Outryve d'Ydewalle.


Dans le même temps, dès sa création à Bruxelles en octobre 1948, le Mouvement européen se dote d’une section culturelle animée par Madariaga. Celle-ci met en place, dès janvier 1949 à Genève, un bureau d’études pour un centre européen de la culture. Rougemont, qui grâce à son action a rapidement acquis le statut de porte-parole officieux de la culture européenne, en est le directeur et le Français Raymond Silva, secrétaire général de l’UEF, le secrétaire général. Cinq mois plus tard, le Mouvement européen convoque une conférence culturelle et charge le bureau d’études de Genève d’en assurer l'organisation. Placée sous la devise « La culture au service de l’Europe, l’Europe au service de nos cultures », la conférence européenne de la culture se déroule à Lausanne en décembre 1949 sous la présidence de Madariaga. Pilotée par Hoste, devenu entre-temps président de la commission culturelle du Conseil belge du Mouvement européen, la commission des institutions, conformément aux recommandations contenues dans le rapport général de la conférence, donne son feu vert à l’ouverture du Collège d’Europe. Alors présidé par l’ancien Premier ministre Paul van Zeeland, fondateur de la Ligue européenne de coopération économique (LECE), le conseil belge du Mouvement européen intervient directement auprès du gouvernement belge pour accélérer les choses.


Très vite, il est décidé d'organiser, en septembre et octobre 1949, une session d'essai de trois semaines pour tester la viabilité du projet. Pour aider le comité local, une commission créée par la section culturelle du Mouvement européen est chargée de la préparation académique. La ville de Bruges accorde quant à elle l'aide financière nécessaire pour les aspects matériels et met un bâtiment à disposition. De son côté, le Mouvement européen prend en charge les dépenses académiques et désigne directeur de la session le professeur d’histoire moderne John Bowie (Université d’Oxford). Il est assisté par les professeurs de droit international Alphonse de Vreese (Université de Gand) et d’histoire ancienne Henri van Effenterre (Université de Caen). La sélection des étudiants se fait par l'intermédiaire des comités nationaux du Mouvement européen dont les propositions sont sanctionnées par la section culturelle du Mouvement européen. Inaugurée dans la salle gothique de l'hôtel de ville de Bruges, la session préparatoire poursuit trois objectifs: faire une première expérience du Collège d'Europe, voir les lacunes des étudiants de nationalités différentes au niveau de la formation européenne et former les participants aux enjeux de l’unité de l’Europe en les intéressant à l'action du Mouvement européen. Le thème général de la session est «L'enseignement de l'histoire et la formation d'un esprit européen dans les universités». Une vingtaine d’étudiants suivent les premiers cours et séminaires consacrés aux problèmes économiques, politiques, juridiques, historiques et culturels de l’unification de l’Europe. Sur la base d’un questionnaire discuté entre les participants, la structure du Collège prend définitivement forme (conception de la vie communautaire entre professeurs et étudiants, mode de recrutement des étudiants, méthodes de travail et disciplines enseignées). On préconise même l'absence de toute forme d'examens, résolution qui sera pourtant abandonnée après la troisième année académique.


En janvier 1950, soit un mois après la conférence européenne de la culture à Lausanne, le bureau exécutif du Mouvement européen nomme le socialiste néerlandais Henri Brugmans, président de l’UEF et professeur d’histoire littéraire à l’Université d’Utrecht, au poste de directeur du Collège d’Europe. Le 19 mai, celui-ci prend officiellement la forme d'un établissement d'utilité publique. L'arrêté constitutif est signé par le prince régent Charles le 20 juin, et les statuts sont publiés au Moniteur belge le 23 juin 1950. Il s’agit pour le nouvel établissement de « compléter la formation des étudiants dans le domaine des sciences humaines, envisagées sous l’aspect de la substitution d’une entité politique, économique, intellectuelle et sociale au cloisonnement actuel des États ». Le 24 août, l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe couronne l'entreprise en décidant de placer le Collège de Bruges sous sa haute protection.


Tout est ainsi mis en place pour accueillir, à partir du 12 octobre 1950, la première promotion du Collège d’Europe. Soit à peine plus de deux ans et demi après le congrès européen de La Haye. Les cours sont dispensés en français et en anglais. Doté d’une reconnaissance européenne, le diplôme du Collège doit satisfaire aux besoins «de recruter (...) une partie du personnel et des administrateurs nécessaires aux secrétariats permanents des futures institutions de l’Europe». Mais il doit aussi assurer aux étudiants de larges débouchés dans divers domaines professionnels de la vie européenne (enseignement et recherche, diplomatie, journalisme, politique, banque, industrie et commerce,...).


De nos jours, le Collège d'Europe - qui dispose désormais d'un autre campus à Natolin (Varsovie) - assure chaque année une formation complémentaire interdisciplinaire sur les questions européennes à plusieurs centaines d'étudiants d'Europe et du monde entier.

Consult in PDF format