Les groupes politiques européens

Les groupes politiques européens


Au début des années 1970, il n'existe pas encore de formation politique transnationale en Europe. Certes il y a, depuis la fin des années 1940, des mouvements européens proches des partis politiques ou des confédérations européennes de partis politiques. C'est notamment le cas des Nouvelles équipes internationales (NEI), de tendance démocrate-chrétienne, du Mouvement socialiste pour les États-Unis d'Europe (MSEUE) ou du Mouvement libéral pour l'Europe unie (MLEU). Mais ces ligues militantes ne constituent pas pour autant de véritables partis politiques.


Au sein de l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) puis du Parlement européen, les députés se réunissent selon leurs affinités idéologiques : libérale, démocrate-chrétienne ou socialiste. Il est en effet décidé de ne pas constituer des groupes nationaux afin de créer un esprit communautaire qui dépasse les antagonismes nationaux. Il en va de même au sein de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe.


Les grandes familles politiques se regroupent plus étroitement dans la perspective des premières élections directes au Parlement européen mais elles ne parviennent en général qu'à former des structures assez lâches à caractère confédéral. Les "partis européens" éprouvent des difficultés pour formuler un programme électoral cohérent pour les élections du Parlement européen. Six groupes politiques coexistent au sein du Parlement européen à la veille des premières élections au suffrage universel direct : le groupe socialiste (66 membres), le groupe démocrate-chrétien (53 membres), le groupe des libéraux et apparentés (27 membres), le groupe des démocrates européens de progrès (17 membres), le groupe conservateur européen (17 membres) et le groupe des communistes et apparentés (17 membres). Le Parlement européen, pourvu de 198 sièges, compte également des membres dits "non-inscrits" qui n'appartiennent à aucun groupe politique.


Le parti des socialistes européens


Les partis socialistes sont fédérés au niveau international au sein de l'Internationale socialiste (IS) fondée au XIXème siècle. Depuis la scission du mouvement socialiste après la révolution russe d'octobre 1917, les sociaux-démocrates sont regroupés dans la Deuxième internationale, dite d'Amsterdam, tandis que les communistes constituent la Troisième, celle de Moscou.


Disposant d'une structure de coopération internationale qui dépasse largement le cadre de la Communauté européenne, les socialistes sont peu enclins à se doter d'une fédération bien structurée au niveau du Parlement européen. Le 23 juin 1953, les membres socialistes de l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier constituent néanmoins un groupe parlementaire distinct. En octobre 1958, ils créent un bureau de liaison qui réunit deux fois par an les membres socialistes de l'Assemblée européenne.


Le congrès socialiste de Bruxelles, en juin 1971, donne naissance à une structure supranationale destinée à renforcer les rapports entre les partis socialistes et sociaux-démocrates et le groupe socialiste du Parlement européen : le Bureau des partis socialistes de la Communauté européenne. Après la disparition de cet organe, les socialistes créent le 5 avril 1974, notamment dans la perspective des élections directes au Parlement européen, l'Union des partis socialistes de la Communauté européenne (UPSCE) qui constitue une organisation régionale associée à l'Internationale socialiste. L'UPSCE, qui couvre tout le territoire de l'Europe des Neuf, ne se manifeste pas en public au cours de la campagne électorale mais sert plutôt d'organe de coordination.


Dans un contexte de crise économique prolongée, les socialistes éprouvent beaucoup de difficultés à mettre sur pied un programme électoral commun. Ils sont représentés dans chacun des pays membres et les intérêts électoraux nationaux des différents partis prévalent très souvent sur l'aspiration à un programme commun. Les difficultés économiques et sociales ne facilitent pas la recherche du consensus. Les socialistes communautaires sont certes, pour la plupart, favorables à la construction de l'Europe mais ils ne parviennent pas toujours à se mettre d'accord sur le rôle de la Communauté et sur celui de ses institutions. Ils s'opposent sur la nature politique de l'intégration européenne et la social-démocratie plaide avec force pour une Europe sociale fidèle à l'État-Providence pour mieux lutter contre le chômage. L'UPSCE se réunit à Helseneur (Danemark) en janvier 1976 pour tenter de définir un programme électoral commun. Les 23 et 24 juin 1978, les dirigeants des partis socialistes de la Communauté européenne se réunissent à Bruxelles pour adopter un sigle politique commun et pour lancer officiellement la campagne électorale européenne. La plate-forme électorale commune met l'accent sur la réduction du chômage, l'amélioration des conditions de travail, la défense de l'environnement, la formation et l'enseignement et l'élargissement de l'Europe communautaire.


Les élections du Parlement européen de juin 1979 rapportent 113 sièges sur 410 aux candidats socialistes qui récoltent plus de 26 % des suffrages. Le groupe socialiste représente alors le groupe le plus important au sein du Parlement européen élu.


Le parti populaire européen


Mouvement fédéraliste pro-européen fondé en 1947, les Nouvelles équipes internationales (NEI) se transforment en une Union européenne des démocrates-chrétiens (UEDC) en décembre 1965 lors du congrès de Taormina. L'UEDC collabore avec l'Union chrétienne démocrate de l'Europe centrale (UCDEC), créée à New York en 1950, et avec l'Union mondiale des démocrates-chrétiens instituée à Santiago du Chili en 1961.


L'UEDC, qui groupe dix-huit partis des pays de la Communauté européenne mais aussi d'Autriche, d'Espagne, de Malte, du Portugal et de Suisse, se présente comme l'aile européenne de l'Union mondiale de la démocratie-chrétienne (UMDC). Le 27 avril 1970, une Conférence permanente des groupes parlementaires et des partis démocrates-chrétiens des États membres de la Communauté européenne est également instituée. L'année suivante, la Conférence permanente donne à son tour naissance à un Comité politique des partis démocrates-chrétiens de la Communauté européenne.


Le 8 juillet 1976 à Luxembourg, le Parti populaire européen (PPE) lui succède officiellement sous la présidence de Leo Tindemans, Premier ministre belge et ancien président de l'UEDC. Fondé dans la perspective des premières élections au suffrage universel du Parlement européen, le PPE, qui a son siège à Bruxelles, est la fédération des partis démocrates-chrétiens de la Communauté européenne. En font partie : l'Union chrétienne-démocrate allemande (CDU/CSU), le Parti social-chrétien wallon (PSC) et le Parti chrétien du peuple flamand (CVP), le Centre des démocrates sociaux en France (CDS), le Fine Gaël irlandais, la Démocratie-chrétienne italienne (DC) et le Südtiroler Volkspartei (SVP), le Parti chrétien-social luxembourgeois (PCS-CSV), l'Appel des chrétiens-démocrates néerlandais (CDA) et la Nouvelle démocratie grecque (ND). Le PPE est également ouvert à des observateurs de partis démocrates-chrétiens issus des pays candidats à l'adhésion aux Communautés européennes : le Centre démocrate social portugais (CDS) et l'Equipo democrata cristiano des estado espagnol. Aucun représentant britannique ou danois ne figure dans les rangs du PPE. Chaque parti membre du PPE, de plus en plus hétérogène au fil des nouvelles adhésions partisanes, conserve une totale autonomie.


Le Parti populaire européen est la formation politique européenne qui a la structure la plus élaborée. Les décisions y sont prises à la majorité simple. Un bureau politique mensuel, un secrétariat permanent, un congrès semestriel, des publications et des réunions au sommet des chefs de gouvernement membres du PPE en assurent le bon fonctionnement. Des structures spécialisées sont rapidement mises en place qui s'adressent notamment aux jeunes, aux femmes et aux différentes catégories socioprofessionnelles.


Présidé par un chef de gouvernement en exercice ou honoraire, le PPE s'est donné pour objectif l'union politique de l'Europe sur la base d'une constitution fédérale. Lors du premier congrès du parti tenu à Bruxelles les 6 et 7 mars 1978, le PPE affiche sa volonté de parvenir à une fédération européenne telle que proposée par Robert Schuman le 9 mai 1950. Il prend à son compte l'essentiel du contenu du rapport Tindemans de 1975. En réponse aux dissensions internes relatives à la dénomination du parti et au bien-fondé de la référence chrétienne, l'intitulé "Groupe démocrate chrétien du Parlement européen (Groupe du PPE)" est adopté. Aux élections de juin 1979, les candidats du PPE remportent 29,6 % des suffrages exprimés et 107 sièges de député sur 410. Depuis cette date, le PPE s'est imposé comme l'une des premières forces politiques transnationales représentées au sein du Parlement européen.


Les libéraux et démocrates européens


En avril 1947, les libéraux créent une Union mondiale libérale qui ne regroupe cependant que les partis libéraux européens et n'a, en pratique, que peu d'audience. Elle se transforme la même année à Oxford en une Internationale libérale.


Le 26 mars 1976, les libéraux constituent à Stuttgart une Fédération des partis libéraux et démocratiques de la Communauté européenne. En font partie le Parti libéral démocrate allemand (FDP), les Partis républicain (PR) et radical-socialiste français (PRS), le Parti des réformes et de la liberté de Wallonie (PRLW) et le Parti de la liberté et du progrès flamand (PVV), le Parti populaire pour la liberté et la démocratie néerlandais (VVD), le Parti démocratique luxembourgeois (DP), le Parti libéral italien (PLI) et le Parti républicain italien (PRI), le Parti libéral britannique (LPO) et le Venstre libéral danois. Huit des neuf États de la Communauté sont représentés au sein de la Fédération libérale. La déclaration de Stuttgart fixe comme objectif politique des libéraux la transformation de la Communauté européenne en une Union européenne dotée d'une Constitution libérale et démocratique.


Le 18 juillet 1977, la Fédération décide de participer à la campagne électorale pour l'élection du Parlement européen sous le sigle unique des "Libéraux et démocrates européens" (LDE).


Lors des élections au Parlement européen de 1979, les libéraux remportent 14 % des suffrages et décrochent 39 sièges sur 410. Ils constituent le troisième groupe de l'Assemblée par ordre d'importance après les groupes socialiste et démocrate chrétien.


Les autres groupes politiques


Le Parlement européen de 1979 est largement dominé par les trois familles politiques traditionnelles : socialiste, démocrate-chrétienne et libérale. Mais d'autres groupes politiques sont également représentés, parmi lesquels figurent les communistes, les différents partis de droite qui ne se reconnaissent pas dans la démocratie-chrétienne, les partis d'extrême-droite, les partis régionaux ou autonomistes et les groupes indépendants.


Les communistes


Dans les années soixante-dix, les communistes sont bien représentés en Italie et en France. L'eurocommunisme à l'italienne, qui met en exergue la distance à l'égard de Moscou, ne rime pas très bien avec la ligne plus orthodoxe des autres partis communistes européens qui n'ont pas encore clairement marqué leur indépendance vis-à-vis des intérêts politiques de l'URSS. Dans leur grande majorité, les partis communistes sont toujours hostiles à la Communauté européenne qu'ils estiment être un instrument capitaliste, même si leurs positions deviennent plus nuancées que par le passé.


Les partis non-inscrits


Les partis conservateurs ou nationalistes, comme les conservateurs britanniques ou les gaullistes français, ne veulent pas sacrifier les intérêts nationaux de leur pays sur l'autel européen. Ils ne réussissent pas à constituer un authentique groupe parlementaire qui va au-delà d'un simple organisme de coordination technique, car ils ne parviennent pas à surmonter les divergences d'intérêts entre les formations membres.

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