La commission politique

La commission politique


L’élaboration de la résolution finale de la commission politique, que préside l’ancien président du Conseil des ministres français Paul Ramadier, suscite des débats longs et animés.


En réalité, la commission politique réunit près de la moitié des congressistes présents à La Haye. Les travaux se déroulent dans la grande salle du Dierentuin au Jardin botanique puis à la Ridderzaal. Son bureau comprend, outre Ramadier, les rapporteurs Leslie Hale, député conservateur, et René Courtin, délégué général du Conseil français pour l’Europe unie, et les secrétaires Henry Hopkinson, ancien ministre britannique, et André Noël, député français. Finalisé par René Courtin et par Duncan Sandys, président du Comité international de coordination des mouvements pour l’unité européenne (CICMUE), le projet de résolution fait l’objet de nombreuses propositions d’amendements mises au point par un comité de rédaction et soumises au vote à main levée. Au risque parfois d’aboutir à un texte qui s’apparente au plus petit commun dénominateur.


Malgré une représentation importante, la délégation française se présente en ordre dispersé face à la cohésion britannique. Si bien que la plupart des suggestions françaises sont repoussées, notamment celles, jugées coupables de corporatisme, de Claude-Marcel Hytte, directeur général de La République moderne et de l’avocat français Claude Lussan prévoyant la désignation d'une partie des membres de l'Assemblée européenne par des organismes représentatifs tels que les syndicats. Parmi les autres interventions les plus marquantes de la commission politique, on peut citer celles d’André François-Poncet, ambassadeur de France, et de Jean Drapier, chef de cabinet adjoint de Paul-Henri Spaak, Premier ministre belge, sur la participation de l'Allemagne ou celles des députés travailliste Ronald Mackay et conservateur Harold Macmillan en faveur d'une Assemblée élue par les Parlements nationaux. Les débats de la commission politique sont aussi l’occasion pour les observateurs des pays d’Europe centrale et orientale et de l’Espagne de manifester leur attachement à la cause européenne et d’affirmer leur volonté de prendre part à l’unification de l’Europe. La nécessité de créer un passeport européen et un ministère des Affaires européennes dans chaque pays est également évoquée de même que le besoin d’associer à l’Europe unie les pays et les territoires d’outre-mer (PTOM) attachés à certaines métropoles européennes. Certains congressistes s’opposent sur la manière de définir un régime démocratique. D’autres plaident pour la mise en place d’un Conseil extraordinaire de l’Europe composé des représentants des gouvernements. En ce qui concerne l’élaboration d’une Charte des droits de l’homme, plusieurs intervenants insistent sur la conception spécifiquement européenne des rapports entre les citoyens et l’État. Ils s’opposent ainsi à ce que l’Europe unie prennent à son compte la seule Déclaration universelle des droits de l’homme que préparent alors les Nations unies.


Mais la proposition qui fait le plus d’effet est celle de Paul Reynaud. Ancien président du Conseil des ministres français, il formule en effet un projet hardi. Appuyé par Édouard Bonnefous, président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, il s’efforce de démontrer la nécessité de faire élire les membres de la future Assemblée européenne non par les parlementaires nationaux mais directement par les peuples. Il y voit le meilleur moyen d’intéresser les opinions publiques aux questions européennes. Il propose aussi que les parlementaires partisans de l’unité européenne déposent immédiatement sur le bureau de leur parlement respectif un projet de loi tendant à organiser dans les pays intéressés l’élection de représentants à l’Assemblée européenne à raison d’un représentant pour un million d’habitants. En mars 1948 déjà, Reynaud et Bonnefous avaient déposé à l’Assemblée nationale une proposition de résolution invitant le gouvernement de Paris à prendre dans les plus brefs délais l’initiative d’engager des négociations avec les différents pays européens pour convoquer une Constituante européenne. Mais à La Haye, l’initiative de Paul Reynaud provoque de vives réactions de la part des congressistes de tendance unioniste et des représentants des petits pays qui craignent que la majorité des sièges à l’Assemblée européenne soit réservée aux grandes puissances. Après de longues heures de discussion, la majorité de la commission politique rejette cette formule jugée par trop radicale. Sans doute les congressistes se rendent-ils compte que l’unité européenne ne pourra se concrétiser qu’avec le concours des gouvernements et des parlements nationaux. D’où la nécessité d’adopter une recommandation plus modérée.


Adopté à l’unanimité par la commission politique dans la nuit du 9 au 10 mai, le texte de la résolution est présenté par Ramadier le matin même au cours d'une séance plénière présidée par le député conservateur Anthony Eden, ancien ministre britannique des Affaires étrangères. Il est ratifié à l'unanimité par le congrès. Il déclare notamment:


— que l'heure est venue pour les nations de l'Europe de transférer certains de leurs droits souverains pour les exercer désormais en commun


— que doit être convoquée de toute urgence une Assemblée européenne élue par les Parlements dans leur sein ou au dehors


— qu'une commission doit immédiatement préparer une Charte des droits de l'homme et définir les critères auxquels se reconnaîtra une démocratie


— qu'une Cour de justice devra faire respecter la Charte


— que l'Union ou la Fédération européenne (le texte ne tranche pas sur ce point) ne constituera une menace contre aucune nation.



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