Le Conseil Ecofin

Le Conseil Ecofin

Depuis le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) de 1957, le Conseil constitue une institution dotée de la fonction législative et des fonctions de définition des politiques et de coordination des politiques économiques générales des États membres1. Le passage de la Communauté à la troisième phase de l'UEM confirme la place centrale qu'occupe le Conseil en matière de coordination des politiques économiques. Il est l'instance au sein de laquelle les États membres coordonnent leurs politiques économiques. Il prépare et adopte formellement les GOPE. Il constate l'existence d'un déficit public excessif et d'un déséquilibre macroéconomique excessif. Il adopte les recommandations invitant les pays concernés à corriger leur déficit ou leur déséquilibre, peut mettre les pays en demeure d'agir ou encore prononcer des sanctions à l'encontre des États.

Aux fins de lui permettre d'assurer une coordination efficace, le traité établit auprès de lui un comité dédié, le comité économique et financier (CEF). Ce comité succède au comité monétaire établi par le traité CEE de 1957 à partir de l'entrée de la Communauté dans la troisième phase de l'UEM.

Au titre de ses fonctions législatives, il revient au Conseil de préciser le régime juridique des interdictions de financement monétaire, d'accès privilégié des États membres aux établissements de crédit, de renflouement ou bien le régime de la procédure concernant les déficits publics excessifs. Sa compétence législative s'étend naturellement au volet monétaire de l'UEM. Le Conseil fixe le cadre de l'obligation de consultation de la BCE par les autorités législatives nationales, définit les contours du pouvoir répressif de la BCE, arrête les mesures d'harmonisation des valeurs unitaires et des spécifications techniques des pièces en euro ou encore les mesures d'application relatives aux fonctions monétaires et aux opérations assurées par le SEBC. Enfin, le Conseil partage le pouvoir avec le Parlement de réviser certaines dispositions techniques des statuts du SEBC. Il peut aussi attribuer des missions spécifiques à la BCE en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit. Le Conseil est aussi compétent pour arrêter les dispositions en remplacement du protocole (n°12) sur la procédure concernant les déficits excessifs2. Ce protocole définit notamment les valeurs de référence du déficits et de la dette publics au-delà desquelles la procédure peut être déclenchée.

La prégnance de la logique intergouvernementale au sein de l'UEM ressort tout particulièrement au niveau des instruments juridiques ouverts au Conseil et aux procédures législatives retenues pour les adopter. Les instruments juridiques non contraignants (recommandations) sont la règle et ceux contraignants limités aux situations les plus graves (constatation de l'existence d'un déficit excessif, prononcé de sanctions par exemple). Le traité de Lisbonne a étendu la procédure législative ordinaire au domaine de l'UEM, alors qu'elle en était jusqu'alors très largement exclue. Toutefois, les procédures législatives spéciales demeurent maintenues un nombre important d'hypothèses (définition du régime des interdictions des articles 123 à 125 du traité FUE, formulation des orientations générales de politique de change notamment). L'importance politique, la portée économique et monétaire de certaines mesures conduisent aussi à ce que l'unanimité soit un mode de vote répandu au sein de l'UEM3 et ce, malgré la réduction de son champ par le traité de Nice puis par le traité de Lisbonne.

L'attribution de compétences étendues au Conseil se justifie assurément par la nature délicate de la compétence exercée par l'Union européenne dans le volet économique: l'UE coordonne des politiques dont la définition et la conduite relève des compétences nationales. Elle veille à la mise en œuvre de principes de saine gestion des finances publiques. Par sa nature mixte, supranationale et intergouvernementale, le Conseil est le lieu approprié de la coordination et de la discipline budgétaire. En même temps, placée sous la responsabilité quasi-exclusive du Conseil, la coordination et la discipline budgétaire s'exposent à une mise en œuvre fondée sur des considérations d'opportunité que d'efficacité. Ainsi, le 25 novembre 2003, le Conseil refuse de statuer concernant les mises en demeure adressées à la France et à l'Allemagne que la Commission lui recommande d'adopter. La procédure pour déficit excessif est suspendue dans le silence du traité. L'affaire est portée devant la Cour de justice laquelle juge que cette décision viole la procédure pour déficit excessif4.

La révision du Pacte de stabilité et de croissance qui intervient au printemps 2005 à la suite de ces difficultés d'application conserve au Conseil sa marge d'appréciation. Tout au plus, la Commission se voit-elle confiée des fonctions d'alerte additionnelles censées suppléer tout éventuel silence ou blocage au Conseil. Le traité de Lisbonne suspend aussi le vote de l’État pour l'adoption des mesures le concernant. En 2010-2011, ce statu quo n'est plus possible: l'élargissement du champ de la coordination, son approfondissement par le déploiement d'un nouveau régime de sanctions exigent au titre de l'effet utile de limiter le rôle du Conseil5. C'est l'objet de l'introduction d'un nouveau mode de vote: la majorité qualifiée inversée. Une proposition ou une recommandation de la Commission est réputée adoptée par le Conseil, sauf si une majorité qualifiée d’États membres (parmi ceux autorisés à voter) s’y opposent dans un délai de dix jours à compter de son adoption par la Commission. Cette modalité de vote spécifique s’applique pour toutes les sanctions prises dans le cadre des volets préventif et correctif du PSC, ainsi que dans le cadre de la procédure pour déséquilibre macroéconomique6. Les décisions dont le mode de vote est défini dans le traité ne sont pas concernées.

1Article 16, paragraphe 1, du traité FUE, en liaison avec l'article 120 du traité FUE.

2Article 126, paragraphe 14, du traité FUE.

3RIDEAU, Joël, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes, Paris: L.G.D.J., 1994. spéc. p. 494-499.

4Arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 2004, Commission contre Conseil, aff. C-27/04, Rec. 2004 p. I-6649, point 89.

5Considérant (7) du règlement (UE) n° 1173/2011 du Conseil, précité.

6 Articles 4, paragraphe 2, 5, paragraphe 2, et 6, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1173/2011 du Conseil, précité ; et article 3, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 1174/2011 du Conseil, précité.

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