Themendossier

Le régime général

Le régime général

Depuis l’éclatement du système monétaire international en 1971 et les accords de la Jamaïque de janvier 1976, les monnaies fluctuent les unes par rapport aux autres en fonction de l’offre et de la demande.

Le traité prend acte de cette situation tout en considérant qu'elle n'est pas figée. L'article 138 du traité FUE fixe comme mission au Conseil d'«assurer la place de l’euro dans le système monétaire international». Cette disposition insérée par le traité de Lisbonne prend acte de l'importance de l'euro dans les échanges mondiaux et de la responsabilité monétaire mondiale qui en incombe à l'Union européenne (UE).

Le traité FUE distingue trois types de relations de change que l’Union européenne (UE) peut développer et gérer dans cette perspective: (i) un système de taux de change fixe avec un ou plusieurs pays, ce qui inclut le retour à un système de type Bretton Woods; (ii) un système de zones-cibles similaire à celui mis en place par l'accord du Plaza en 1985; (iii) un système de change flottant. Certains systèmes de change sont en revanche exclus, en particulier un régime de caisse d'émission (ou currency board) dans la mesure où l'émission de monnaie au niveau interne est strictement subordonné à une couverture correspondante en monnaie étrangère. Un tel dispositif remettrait en cause l’autonomie de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).

La définition de la politique de change par le Conseil

Le traité prévoit deux procédures distinctes selon la nature des relations de change considérées: régime de change fixe ou régime de change flottant. La première hypothèse est lourde de conséquence pour l'UE puisqu'elle exigerait des interventions pour maintenir le cours de l'euro dans les marges autorisées, ce qui pourrait affecter la conduite de la politique monétaire. Elle associe par conséquent très étroitement la BCE à la procédure. Le Conseil, agissant soit sur recommandation de la BCE, soit sur recommandation de la Commission et après consultation de la BCE en vue de parvenir à un consensus sur la stabilité des prix, peut adopter, modifier ou abandonner les cours centraux de l'euro dans le système des taux de change1. La deuxième hypothèse s'inscrit dans la perspective d'une coordination internationale des politiques de change, par exemple au niveau international (G7/8, G20, FMI). À l'instar des accords du Plaza ou du Louvre, les engagements internationaux souscrits sont non-contraignants. Dans ce contexte, le traité prévoit que le Conseil puisse formuler des orientations générales de politique de change vis-à-vis de monnaies d’États tierces. Il statue soit sur recommandation de la Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de la BCE. Si l'exigence de parvenir à un consensus avec la BCE sur la stabilité des prix n'est plus mentionnée, le Conseil doit cependant veiller à ce que ses orientations ne n'affectent pas l'objectif principal du SEBC. En tant que détenteur de la quasi-totalité des avoirs de réserve de change dans la zone euro, la BCE conduit les opérations de change conformément aux arrangements arrêtés par le Conseil en matière de change.

Enfin, la négociation même d'accords monétaires ou change relève également du pouvoir du Conseil. Compte tenu des incidences possibles sur la politique monétaire, la BCE doit être consultée préalablement à l'adoption de la recommandation de la Commission au Conseil sur les arrangements relatifs aux négociations et à la conclusions de ces accords. Ces arrangements doivent assurer que l’Union exprime une position unique. La Commission est pleinement associée aux négociations2.

Les États membres conservent la compétence de négocier dans les instances internationales et de conclure des accords internationaux à la double condition de ne pas porter atteinte aux compétences de l’Union et aux principes de l’arrêt de la Cour de Justice AETR de mars 19713

À ce jour, aucune des deux procédures pour la conclusion d'un accord de change fixe ou pour l'adoption d'orientations n'a été mise en œuvre. S'agissant de la mise en œuvre de cette dernière procédure, le Conseil européen de Luxembourg des 12 et 13 décembre 1997 indique que cela suppose «des circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de désalignement manifeste». Ce qui est manifeste ou non est laissée à l'appréciation du Conseil.

La gestion quotidienne de l'euro par la BCE

En l’absence d’accords formels ou d’orientations générales, la gestion quotidienne de l’euro revient à la BCE. Cependant, compte tenu du faible degré d’ouverture de l’économie de la zone euro (12 %) et du faible risque d’inflation importée, la BCE tend à pratiquer une politique de «douce négligence» (ou benign neglect). Une action sur les marchés de change n’est envisagée que si les évolutions du taux change de l’euro sont susceptible de relancer l’inflation4. Par ailleurs, l’efficacité d’une intervention de la BCE est discutée: ses réserves de change s’élèvent à peine à 2,5 % du montant en euros des transactions quotidiennes sur les marchés des changes. «Une politique habile de communication peut produire des résultats relativement comparables sans que l’achat ou la vente de devises soient effectivement nécessaires»5. Ainsi, face à la politique de sous-évaluation du yuan par rapport aux autres grandes monnaies internationales, le Conseil Ecofin fait part en octobre 2007 de son mécontentement contre la politique de change chinoise. Une mission composée des présidents de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, et de la BCE, Jean-Claude Trichet, et du commissaire aux affaires économiques et financières, Joachin Alumnia, est constituée pour demander aux autorités de Pékin de laisser s'apprécier le yuan.

L'évolution du cours de l'euro

L'euro flotte par rapport aux autres monnaies. Sa première cotation sur les marchés de change le 4 janvier 1999, à 1 euro contre 1,1789 dollar US, 133,73 Yen et 10,7255 yuan6. S’ensuit une longue chute du cours de la monnaie unique. Le 26 octobre 2000, l’euro atteint son point le plus bas et s'échange au taux d'1 euro pour 0,8252 dollar. À cette longue chute va suivre une remontée toute aussi longue. Le 28 décembre 2004, l’euro connaît un pic: 1 euro vaut 1,3633 dollar, puis baisse à nouveau tout au long de l’année 2005 jusqu’à se stabiliser autour de sa valeur d’introduction entre juillet 2005 et avril 2006. Et depuis le 9 décembre 2005, date où l’euro cote 1,1785 dollar, c’est-à-dire sa valeur d’introduction, c’est l’escalade. Le point le plus haut est atteint le 15 juillet 2008, avec un taux dollar/euro de 1,5990. La crise financière de 2007/2008, puis la crise économique et sociale, et enfin, la crise des dettes souveraines, ont pour effet de faire évoluer à la baisse le taux de change dollar/euro, avec une succession de bas et de hauts: 1,2460 le 27 octobre 2008 ; 1,5120 le 3 décembre 2009; 1,2155 le 1er juin 2010; 1,4477 le 17 août 2011; 1,2768 le 27 mars 2013; 1,3805 le 24 octobre 2013.

1Article 219, paragraphe 1, du traité FUE.

2Article 219, paragraphe 3, du traité FUE.

3 CJCE, Commission c. Conseil, aff. 22/70, du 31 mars 1971. La Cour y indique notamment que «dans la mesure où les règles communautaires sont arrêtées pour réaliser les buts du traité, les États membres ne peuvent, hors du cadre des institutions communes, prendre des engagements susceptibles d’affecter lesdites règles ou d’en altérer la portée.»

4 Selon le FMI (World Economic Outlook, 2003), une variation de 10 % du cours du change entre l’euro et le dollar conduirait à une hausse des prix au sein de la zone euro de 0,2 % seulement.

5Angel , Benjamin, Euro fort, Euro faible: fantasmes et réalités, RMCUE, 2007, n°510, juillet-août, p. 439-443.

6Conformément à l'ex-article 123, paragraphe 4, du traité CE, l’ECU a remplacé l’euro à la valeur d’1 ECU pour 1 euro au début de la troisième phase de l'UEM. La cotation de l’euro contre le dollar et les autres monnaies à l’ouverture des marchés a donc été égale à celle de l’ECU à la clôture des marchés le jeudi 31 décembre 1998.

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