Les mesures non-conventionnelles
Les mesures non-conventionnelles
Les mesures non-conventionnelles sont des mesures de politique monétaire temporaires dont l'objectif est le rétablissement des canaux de transmission de la politique monétaire et in fine un soutien au crédit bancaire et à la liquidité sur le marché monétaire. Les mesures non-conventionnelles se regroupent en trois catégories1. En réponse aux turbulences de la crise financière, puis des dettes souveraines, la BCE recourt à ces mesures conventionnelles baptisées «politique de soutien renforcé au crédit.»
Les mesures d'assouplissement quantitatif
Les mesures d'assouplissement quantitatif (ou quantitative easing, QE) sont des mesures par laquelle la banque centrale propose une quantité illimitée de monnaie aux banques commerciales. La saturation de la demande de monnaie de celles-ci doit conduire à ce qu'elles dépensent les encaisses excédentaires, c'est-à-dire qu'elles octroient à nouveau des prêts bancaires aux ménages et aux entreprises. Ces mesures compensent les dysfonctionnements du canal du taux d'intérêt. Face à l'intensification de la crise financière à l'automne 2008, la BCE modifie les modalités de ses opérations principales de refinancement: l'ensemble des demandes de monnaie présentées par les établissements de crédit sont servies; les critères relatifs aux garanties exigées par la BCE aux banques pour leur fournir la liquidité (les collatéraux) sont élargis; la durée moyenne des opérations est allongée avec le développement d'opérations à trois, six et douze mois. En décembre 2011 et en février 2012, la BCE lance deux opérations de refinancement de très long terme exceptionnelles à trois ans (ou very long-term refinancing operations, VLTRO) par lesquelles elles fournit un peu plus de 1 000 milliards d'euro de liquidité aux banques. Cependant, lorsque les taux d'intérêt sont très bas, les agents anticipent leur remontée et préfèrent thésauriser la liquidité excédentaire fournie: l'épargne s'accumule sans que l'investissement ne soit relancé (phénomène de «trappe à liquidité»). Pour cette raison, la banque centrale tend, de façon complémentaire, à concentrer son offre de monnaie vers des agents dotée d'une capacité de dépense certaine: l'État et les collectivités publiques. Ce sont les mesures d'assouplissement du crédit (ou credit easing).
Les mesures de «forward guidance»
Les mesures d'orientation des anticipations des taux futurs consistent pour la banque centrale à s'engager sur la trajectoire future de se taux directeurs. Ces mesures doivent contribuer à abaisser les taux d'intérêt à moyen et long termes et à les rapprocher du taux directeur de la banque centrale. Elles prennent la forme d'engagements explicites en faveur du maintien à un niveau très faible ou nul le taux directeur pendant une période de temps significative. Le 4 juillet 2013, le conseil des gouverneur de la BCE annonce en ce sens que «The Governing Council expects the key ECB interest rates to remain at present or lower levels for an extended period of time.» C'est l'expression du principe de forward guidance.
Les mesures d'assouplissement du crédit
La troisième catégorie de mesures non conventionnelles est constituée des mesures d'assouplissement du crédit (ou credit easing). Celles-ci tendent de contourner le blocage du canal du crédit provoqué soit par le phénomène de «trappe à liquidité», soit de tensions sur certains segments-clefs des marchés financiers. La banque centrale agit alors comme un «intermédiaire de dernier ressort» en finançant directement l'économie. De fait, la crise des dettes souveraines que connaissent plusieurs États membres en 2010 et 2011 (Grèce, Irlande, Portugal) est source de fortes tensions sur les marchés obligataires. La réévaluation à la hausse des risques attachés à la détention des titres de dette de ces pays menace de les rendre impropres pour être utilisés comme garanties dans les opérations de prêt entre les banques commerciales et entre celles-ci et la BCE. Pour l'ensemble de ces raisons, la BCE lancent des programmes d'achat de titres à compter du printemps 2009: programme d'achat ferme d'obligations sécurisées (ou covered bond purchase programme, CBPP), programme d'achat de titres souverains à long term (ou securities market programme, SMP). Les critères entourant l'éligibilité des titres de dette sont assouplis. En septembre 2013, un nouveau programme d'achat de titres souverains remplace le SMP: le programme d'opérations monétaires sur titres (ou outright monetary transactions, OMT). Il permet d'acquérir des titres de dette émis par les États sur le marché secondaire sous certaines conditions. Début novembre 2013, la BCE détient 57 milliards d'euro de titres acquis en application du programme CBPP et 184 milliards d'euro de titres en application du programme SMP. À cette date, le programme OMT n'a pas encore été mis en œuvre. L'accumulation par la BCE de titres de dette souverains est critiquée en interne et par la Bundesbank qui y voit une remise en cause de l'interdiction de financement monétaire de la dette publique et une menace pour l'indépendance de la BCE. En conflit sur ce sujet avec les autres membres du conseil des gouverneurs, le président de la Bundesbank, Axel Weber, démissionne de ses fonctions en février 2011. En septembre 2011, Jürgen Stark, membre du directoire, fait de même. Un recours contre le programme d'achat de titres souverains de la BCE est déposé par des économistes et juristes allemands au printemps 2013.
1Clerc, Laurent, Les mesures non conventionnelles de politique monétaire, Banque de France, Focus, 23 avril 2009, n°4.