Le Centre européen de la culture

Le Centre européen de la culture


Prévue dès le début de 1948 dans un rapport préparatoire et aussitôt recommandée par la résolution culturelle adoptée à l’unanimité le 10 mai 1948 à l’issue du congrès de l’Europe à La Haye, la création d’un centre permanent européen de la culture ne se fait pas sans mal. Dès le lendemain du congrès, l’écrivain fédéraliste suisse Denis de Rougemont, rapporteur de la commission culturelle, s’en fait pourtant le champion et défend l’idée d’une unité spirituelle de l’Europe. C’est que la culture se trouve rapidement aux cœurs des enjeux idéologiques qui travaillent le continent. Ainsi, dès le mois d’août 1948, le congrès mondial des intellectuels pour la paix qui est organisé à Wroclaw (anciennement Breslau) voit les communistes s’imposer et confirme la division de l’Europe en deux camps opposés.


La réponse occidentale ne se fait pas attendre. En octobre 1948, le tout nouveau Mouvement européen met en place une section culturelle placée sous la présidence de l’écrivain et ancien diplomate espagnol Salvador de Madariaga. C’est déjà lui qui présidait la commission culturelle du congrès de La Haye. Sans tarder, la section culturelle du Mouvement européen mène une enquête qui fait ressortir que la Suisse est le pays le mieux préparé pour abriter le centre. En plus d’une situation géographique centrale et de certaines facilités de financement, la Suisse jouit en effet d’un statut de neutralité qui se prête particulièrement bien au domaine des activités culturelles. De plus, elle apparaît comme un îlot intact de l’Europe. La ville de Genève, cosmopolite par tradition, n’est d’ailleurs pas étrangère aux débats culturels européens. Déjà en septembre 1946, les Rencontres internationales de Genève rassemblent en effet des intellectuels, des écrivains, des artistes et des musiciens qui s’entretiennent de l’état et de l’avenir de l’«esprit européen». Et Denis de Rougemont figure parmi les conférenciers appelés à s’exprimer sur les assises et sur la mission de la civilisation européenne.


Dès le 5 février 1949, le Mouvement européen décide l’ouverture immédiate d’un bureau d’études pour le Centre européen de la culture sous la direction de Denis de Rougemont assisté par le Français Raymond Silva. C’est chose faite dix jours plus tard à Genève, au Palais Wilson. Le bureau d’études a notamment pour fonction de coordonner la mise en place d’une bibliographie des écrits relatifs à l’union européenne, de collecter la documentation existante sur toutes les activités culturelles qui militent en faveur d’une union européenne, de préparer la future conférence européenne de la culture, d’organiser des émissions communes pour les radios européennes ou encore de former les cadres du Mouvement européen à travers des cours liés aux enjeux européens.


Le 6 septembre 1949, dès sa première réunion à Strasbourg et sur proposition de sa commission des Affaires culturelles et scientifiques, l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe vote à l’unanimité une résolution tendant à la création du centre. Rougemont assurant la direction du bureau d’études, il est logiquement à la manœuvre pour organiser à Lausanne, du 8 au 12 décembre 1949, la conférence européenne de la culture dont il est le rapporteur général. C’est le Belge Paul-Henri Spaak, président de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, qui ouvre solennellement la manifestation. Sur la base d’un questionnaire adressé en juillet aux groupes culturels nationaux du Mouvement européen, les débats s’organisent autour d’une commission des institutions européennes, d’une commission des échanges et d’une commission de l’éducation et de l’enseignement. Le projet de Centre européen de la culture focalise les travaux de la commission des institutions. La conférence approuve les activités du bureau d’études de Genève et adopte une résolution qui demande que ce dernier soit transformé, dans les plus brefs délais, en un Centre européen de la culture. Enfin, le 21 janvier 1950, le comité exécutif du Mouvement européen entérine à Londres le projet. Le rôle reconnu au Centre est triple: dresser l’inventaire des forces culturelles en Europe, coordonner les efforts dispersés et prendre toutes les initiatives utiles pour développer le sentiment européen, à l’exprimer et à l’illustrer.


Conçu comme un catalyseur d’échanges et comme un lieu de rencontre pour tous les créateurs et les acteurs de la culture, le Centre cherche à leur fournir des instruments de coordination (bibliothèque, documentation et archives,...), un foyer d’études et des initiatives dans le domaine de l’éducation. L’institution doit aussi servir de base pour une nouvelle politique de l’esprit au niveau européen. Avec l'aide de la section culturelle du Mouvement européen, le Centre européen de la culture, placé sous la direction de Denis de Rougemont, est inauguré à Genève le 7 octobre 1950. Ses ressources proviennent de dons et de subventions privées et publiques et des cotisations de ses membres. Son secrétariat demeure installé au Palais Wilson, ancien siège de la Société des nations (SDN), mais le Centre tient ses réunions et ses conférences au château de Coppet, ancienne propriété de Madame de Staël, au bord du lac Léman. Il s’installera ensuite à la Villa Moynier. Il vise à promouvoir la culture européenne pour en faire le fondement de l’union de l’Europe. Malgré des moyens matériels limités, le Centre européen de la culture s’efforce de constituer des réseaux culturels et de sensibiliser le monde de l’enseignement et les intellectuels aux principes fédéralistes de l’unité de l’Europe à travers de nombreuses rencontres ou encore la traduction et la diffusion d’œuvres littéraires européennes. Il adopte pour devise «Que rien ne soit à moi qui puisse être à un autre» qui met volontairement l’accent sur l’idée des réseaux culturels. Le Centre européen de la culture n’est rattaché à aucune organisation internationale ni à aucune instance gouvernementale. Au cours de ses premières années d’existence, le Centre européen de la culture se penche notamment sur des thèmes tels que le dialogue Europe-Amérique, la situation de la musique en Europe, les échanges culturels entre l’Europe et l’Union soviétique, l’éducation et le civisme européens, l’université européenne ou encore le monde de l’édition en Europe.


Aujourd'hui doté d'antennes dans plusieurs États membres de l'Union européenne mais également actif dans d'autres régions telles que les Balkans, le Centre européen de la culture est une organisation non gouvernementale (ONG) de droit suisse qui déploie toujours des projets qui visent à favoriser le dialogue des cultures, notamment auprès des jeunes citoyens.

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