Conclusion1


Économiste et juriste, homme politique et diplomate, acteur de marque de la construction européenne et notamment de l’intégration monétaire, participant à l’édification du Luxembourg contemporain, membre des milieux académiques, actif dans les réseaux économiques européens et outre-Atlantique, Pierre Werner est une personnalité polyvalente qui a traversé le XXe siècle.


Entré dans la vie politique luxembourgeoise à l’aube des années 1950, Pierre Werner est intimement associé, et dès le début, aux grands dossiers de la construction européenne. La bataille des sièges et la consécration du Luxembourg comme l’une des trois capitales permanentes des institutions communautaires2, le «compromis de Luxembourg», le «plan Werner» comptent parmi les aboutissements auxquels sa contribution est essentielle. En raison de son caractère réservé, il a toujours gardé la discrétion au sujet de ses efforts et de son implication personnelle dans divers événements. Il en dévoilera davantage dans ses mémoires3 qu’il publiera après son retrait de la vie publique et dans lesquelles il effleurera divers aspects des quarante années de vie politique luxembourgeoise et internationale.


L’exploration des archives que Pierre Werner a commencé à constituer avec minutie depuis les années 1950 et qu’il a complétées tout au long de sa vie apporte une lumière nouvelle sur l’histoire de la construction européenne.


***


La première étape des recherches est focalisée sur le rapport Werner. Tout d’abord en raison de la portée de ce document pour l’histoire de la construction européenne et, outre l’intérêt scientifique, pour la signification de ses conclusions et leur résonance particulière dans le contexte de l’actuelle crise économique et financière. Ensuite, parce que les travaux du comité Werner se sont déroulés en comité restreint, dans une atmosphère confidentielle et, de ce fait, l’alchimie du plan Werner, l’état d’esprit qui a entouré son élaboration et l’obtention du compromis politique y afférent ne ressortent nullement des archives officielles4. Enfin, parce que les archives inédites de la famille Werner révèlent des informations nouvelles sur l’implication et la contribution personnelles de Pierre Werner aux travaux du groupe d’experts et à la rédaction du plan par étapes.


C’est ainsi que ce corpus numérique de recherche5, articulé autour d’un recueil de sources d’une grande richesse et diversité6, dont certaines inédites7, et contient aussi une étude scientifique8 réalisée justement par l’exploitation intensive des sources primaires et corrélées. Cette étude, faisant partie intégrante du corpus, propose une véritable «relecture» du rapport Werner en abordant son contexte, le déroulement des travaux, son incidence sur la poursuite du chemin vers l’Union économique et monétaire. L’étude est présentée aussi bien en version intégrale (simplifiée), qu’en version sectionnée et enrichie, correspondant à la structuration des ressources publiées. Le traitement des chapitres et des sections ainsi que l’analyse des questions abordées dans ce cadre ne visent pas à l’exhaustivité.


Le sujet examiné, le rapport Werner, nous a amenés à nous focaliser sur la période 1968-1974, avec l’année 1970 en point d’orgue. Le souci de cohérence et de mise en perspective historique ont cependant justifié le fait que l’analyse intègre des éléments antérieurs et postérieurs (1945 à aujourd’hui) à la période du rapport Werner.


Un regard synthétique sur l’ensemble des travaux accomplis pourra mettre en lumière les résultats suivants:


1. L’étude s’ouvre par un exposé liminaire des circonstances ayant conduit à la création du comité Werner, avec une mise en exergue du sommet de La Haye, le tout avec, pour toile de fond, le contexte monétaire international de l’après-guerre et l’environnement économique et monétaire des années 1960. Cette section9 recueille une riche collection de sources représentatives pour cette problématique, y compris sur les plans monétaires proposés à l’époque par différents pays et par la Commission de la C.E. À travers l’étude scientifique, on a étayé, depuis la fin des années 1950, la genèse de la pensée monétaire de Pierre Werner, illustrée par un recueil de textes consistant (discours, études, articles, interviews de presse, etc.)10. Le lecteur pourra ainsi cerner l’étendue de la vraie passion que Pierre Werner nourrissait pour l’étude des phénomènes monétaires, à travers la présentation de ses idées en faveur de l’établissement d’une monnaie européenne d’abord commune, ensuite unique (qui anticipent les propositions de la Commission11), de ses échanges de longue date avec des économistes réputés (Fernand Collin, Jacques Rueff, Robert Triffin), ainsi qu’avec les militants de la cause européenne (Jean Monnet), ce qui permet de mieux comprendre que sa désignation à la tête du comité d’experts ne fut ni le fruit du hasard, ni un choix éminemment politique, mais un geste de raison en faveur d’un homme dont la réputation à forger des consensus s’était révélée à la suite du «compromis de Luxembourg»12.


2. On a pu réaliser la reconstitution de l’ensemble des réunions du comité Werner dans leur succession – les séances plénières et les consultations d’experts, y compris au sein des comités spécialisés de la Commission de la C.E. – avec l’identification des participants, de la problématique débattue, des principaux documents présentés13, ainsi que des principales opinions en présence et leurs influences respectives14.


Nos recherches et l’analyse des sources inédites, y compris des témoignages audiovisuels recueillis par le CVCE, nous ont permis d’identifier trois versions différentes de la désignation de Pierre Werner comme président du groupe15.


3. L’action de Pierre Werner au niveau de la méthode et dans la coordination du groupe d’experts est doublée par une contribution personnelle de substance sur le fond du plan par étapes.


3.1 Lors de la réunion préliminaire, Pierre Werner fournit à ses collègues les grandes lignes de son approche sur un plan qui pourra conduire à la monnaie unique. Il fournit un aperçu comparatif des propositions avancées par les gouvernements allemand, belge, luxembourgeois et par la Commission, en relevant leurs principales étapes, avec les zones de consensus et de désaccords constatés16, dont deux points essentiels qui sont la mise en commun des réserves des Six et la création d’une banque centrale communautaire.


3.2 Sur le fond du rapport, Pierre Werner propose une méthode du plan par étapes17, que le comité fait sienne.


Après avoir assumé la médiation décisive pour rapprocher les points de vue divergents au sein du comité et pour obtenir un accord autour du plan intérimaire (22 mai 1970), Pierre Werner propose les lignes d’approfondissement des travaux du groupe d’experts autour de six axes prioritaires, dont les aspects institutionnels, des instruments efficaces pour la coordination en matière de politique conjoncturelle et de politique économique à moyen terme, et des instruments de coordination budgétaire18.


3.3 Pierre Werner a aussi œuvré en faveur de la dimension extérieure de l’UEM que le plan par étapes supposait19. Une idée qui revient constamment, c'est la consolidation de (la future) identité monétaire et la solidarité européenne en faisant parler les Six d’une voix commune dans les organisations financières internationales revenant constamment.


Pierre Werner s’implique directement dans la rédaction de la version anglaise du rapport, ainsi que dans sa diffusion dans le monde académique et politique anglophone, notamment en Grande-Bretagne, et ce à travers des conférences et des débats avec le Premier ministre britannique Edward Heath.


4. Après avoir exposé de manière détaillée le contenu du rapport intermédiaire et du rapport Werner final, nous nous sommes focalisés sur le rôle de premier plan joué par le Comité des gouverneurs des banques centrales, dont l’avis technique fait partie intégrante du rapport20. Des archives inédites nous ont permis de révéler les relations étroites et suivies de Pierre Werner avec les membres belges et français de son groupe, qui ont contribué de manière significative au contenu et à l’obtention du consensus autour du rapport final.


Durant les travaux du groupe ad hoc, Pierre Werner est particulièrement actif au sein du comité d’action pour les États-Unis d’Europe présidé par Jean Monnet. Les échanges publics et confidentiels entre les deux hommes sont très intenses à partir de mai 1970, dès que les contours du rapport intérimaire se dessinent21. Ils se sont beaucoup concertés au sujet des réseaux d’influences à activer, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas, ces deux pays étant les plus réticents à une position commune au Conseil. Les bons offices de Monnet auprès de Willy Brandt ont porté leurs fruits, tout comme les démarches du baron belge Snoy et d’Oppuers auprès de son collègue néerlandais, le ministre des Finances, Witteveen.


Les archives indiquent aussi la confrontation entre les approches économiste (Allemagne, Pays-Bas) et monétariste (France) qui sous-tend les travaux du groupe d’experts, et dont l’aboutissement sera le parallélisme entre la coopération économique et la coordination monétaire des États membres. En tant que président du groupe ad hoc, Pierre Werner s’est investi avec objectivité dans l’obtention de ce résultat final équilibré, et ce, malgré ses convictions antérieures plus proches des thèses monétaristes que des thèses économistes22.


5. Le rapport Werner23 donne la définition complète de l’Union économique et monétaire. L’objectif final est d’aboutir à la convertibilité irréversible des monnaies des États membres, à la libération totale des mouvements de capitaux et à la fixation irrévocable des taux de change, voire au remplacement des monnaies nationales par une monnaie unique. La politique monétaire à l'égard du monde extérieur serait du ressort communautaire. Sa réalisation est envisagée en trois étapes étalées sur une période de dix ans (1971-1980)24. Le résultat final c’est l’avènement d’une communauté de prospérité et de croissance. Le rapport préconise la création d’un «centre de décision pour la politique économique» placé sous le contrôle démocratique du Parlement européen (élu par suffrage universel), ainsi que d’un «système communautaire de banques centrales», cette construction institutionnelle impliquant une révision des traités. L’accomplissement de cet objectif nécessite le développement progressif de la coopération politique. L’union économique et monétaire s’avère ainsi comme un ferment pour le développement de l'union politique dont elle ne pourra, à la longue, se passer. Pour la mise en place des politiques communautaires, la consultation régulière des partenaires sociaux est de mise. Le plan par étapes recèle certaines faiblesses. Il s’agit, tout d’abord, du fait que le plan par étapes part d’une logique de parités fixes, malgré l’apparition des premiers craquements du système de Bretton Woods. Ensuite, il est question de son caractère relativement schématique au sujet de la définition des deuxième et troisième étapes de l’UEM, ainsi qu’en matière d’architecture institutionnelle25.


6. Les réactions des institutions européennes (Parlement, Conseil et Commission) des États membres, de la société civile et des médias au rapport Werner26, ainsi qu’aux propositions de la Commission ont été mises en lumière, tout comme l’accueil que les milieux politiques et publics européens, que bon nombre de personnalités, d’organisations (syndicats, académiques, etc.) et même des simples citoyens ont réservé au rapport Werner. Des documents inédits tels que les lettres de Jacques Rueff27 et de Willy Brandt28 en sont l’illustration.


7. La mise en œuvre du rapport Werner dans le contexte des troubles monétaires européens et internationaux et la suspension du processus sous les effets de la crise économique mondiale de 197329 sont traitées de manière moins détaillée, à l’exception du FECOM, avec une mise en évidence du recueil des sources provenant notamment des archives privées de Pierre Werner.


8. Après la suspension de la mise en œuvre du rapport Werner, de nombreuses initiatives30 politiques (telles que le «plan Spierenburg», le «rapport du groupe de Lord Cromer», le «rapport Tindemans», etc.) et scientifiques (les débats autour du concept de «monnaie parallèle» et les propositions des professeurs Mundell, Magnifico, le «manifeste de la Toussaint») ont vu le jour à l’aube de 1980.


Presque trente ans plus tard, le rapport du comité Delors rend justice au plan Werner. Dans ses mémoires, Jacques Delors écrit: «(Dans le rapport du comité Delors)…nous nous sommes mis d’accord sur les trois phases, reprises du rapport Werner: première phase, consacrée au renforcement de la coordination, à partir du 1er juillet 1990; deuxième phase de transition vers la phase finale, préparant les institutions définitives de l’Union économique et monétaire; phase finale où seraient fixés irrévocablement les taux de change des monnaies entre elles et avec la monnaie unique»31.


Dans un témoignage audiovisuel consacré au cheminement de l’idée de la monnaie unique32, Jacques Delors affirme également: «On peut dire que la philosophie d’ensemble de ce que nous avons proposé et même l’architecture du rapport Delors s’inspirent très fortement du rapport Werner… Le rapport du comité Delors s’inscrit dans le droit fil du rapport du comité Werner».


1 Sauf mention contraire, tous les documents cités dans la présente étude ont comme source www.cvce.eu.

2 Le programme d’urbanisation et l’aménagement du «quartier européen» de Kirchberg a été un atout majeur du pays dans la «bataille des sièges». Sur le plan luxembourgeois, Pierre Werner a beaucoup œuvré à la diversification économique et notamment à la consolidation de la place financière internationale à partir des années 1960, à l’éclosion de l’idée du pavillon maritime luxembourgeois, au développement du secteur audiovisuel et surtout à la mise sur pied du projet des satellites ayant conduit à la création de la Société européenne des satellites (SES).

3 WERNER, Pierre. Itinéraires luxembourgeois et européens. Evolutions et souvenirs: 1945-1985. Luxembourg: Éditions Saint-Paul, 1992, tomes I et II.

4 Rappelons le fait qu’au début de ses travaux, le comité Werner a fixé comme règle de ne pas établir de comptes rendus pour les réunions où les controverses sont significatives et les désaccords importants. Les réunions donnant lieu à des accords font l’objet de comptes rendus succincts.

5 Voir l’Introduction (notamment le point 2. Corpus numérique de recherche), dans laquelle les aspects méthodologiques de notre démarche sont explicités.

6 S’agissant des sources primaires, le corpus compte environ 650 documents, y compris du matériel de recherche à caractère multimédia (archives audiovisuelles, documents iconographiques) provenant de différents fonds d’archives, dont principalement les archives familiales Pierre Werner.

7 Les archives inédites de la famille Werner liées au plan par étapes ont été explorées de manière intensive. Des recherches non exhaustives dans d’autres fonds d’archives publics et privés, luxembourgeois et internationaux ont complété la variété de nos sources. Le volet de témoignages historiques sur Pierre Werner et son rôle dans l’édification de l’Union économique et monétaire recueillis par le CVCE apporte une valeur ajoutée spécifique et des éléments nouveaux au profit de la communauté des chercheurs.

8 L’étude scientifique approfondie a le même intitulé et la même structure que le corpus et fait partie intégrante de celui-ci. Elle est publiée en version intégrale, ainsi qu’en version sectionnée et enrichie. Chaque section du corpus peut exister de manière autonome, étant parfaitement compréhensible tant du point de vue des sources que des explications.

9 Chapitre 1 intitulé «Contexte de la création du comité Werner».

10 Les papiers privés Pierre Werner nous dévoilent des dossiers documentaires détaillés d’une surprenante richesse, qu’il a constitués méthodiquement et classés lui-même dès 1952. Elles contiennent des textes, pour la plupart manuscrits, au sujet de l’intégration monétaire européenne, accompagnés de nombreux articles, souvent commentés, parus dans la presse luxembourgeoise, européenne et internationale.

11 Pierre Werner, en pointe sur l’intégration monétaire des Six, est le premier à lancer certaines propositions présentes ultérieurement dans le plan Barre I (12 février 1969) suggérant, dès l’automne 1967, lors d’une réunion des ministres des Finances, «la nécessité de la révision des marges de fluctuation des monnaies européennes, la création d’un réseau de soutien pour lutter contre les mouvements spéculatifs, l’unification des unités de compte». Les propositions de la Commission rejoignent celles que Pierre Werner avait énoncées un mois auparavant dans son «programme d’action en cinq points», qui trace une voie pratique pour l’intégration monétaire européenne et où le principe de la consultation préalable, renforcé ensuite par la nécessité de l’unanimité et la prévention de tout acte unilatéral, est déjà prévu. La solidarité UEBL et Benelux ressortent aussi.

12 Réputé pour avoir contribué de manière substantielle au «compromis de Luxembourg» en janvier 1966, le Premier ministre luxembourgeois était considéré comme une personnalité capable de sortir la Communauté de l’impasse. D’ailleurs, cette médiation européenne couronnée de succès dans un moment difficile alimente l’idée d’une éventuelle candidature de Pierre Werner à la présidence de la Commission de la CE, mais qu’il refuse, en choisissant de poursuivre son mandat électif national. Ce fait historique n’est pas sans nous rappeler l’histoire récente, presque quarante ans plus tard, lorsqu’un autre Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, fera le même choix.

13 Voir aussi DANESCU, Elena Rodica. Synthèse sur le calendrier et la problématique du comité Werner (mars 1970-mars 1971). (Document consulté le 10 octobre 2012.)

14 Chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».

15 Section 2.1 intitulée «Désignation de Pierre Werner à la présidence du comité d’experts – trois versions».

16 C’est une approche que la Commission des CE s’appropriera entièrement et qui imprégnera par la suite toutes ses études et papiers documentaires fournis au comité ad hoc.

17 Il s’agit en fait de la vision du plan luxembourgeois en cinq points pour une union monétaire que Pierre Werner avait présentée le 26 janvier 1968 à la tribune de Europaforum à Sarrebruck, à laquelle il avait été invité aux côtés de Jean Monnet et de Walter Hallstein. Son intervention avait suscité l’intérêt et avait reçu un accueil favorable des milieux politiques et publics européens. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

18 Le 29 mai 1970, devant les ministres des Finances des Six réunis à Venise et ensuite devant le Conseil réuni les 8 et 9 juin à Luxembourg, Pierre Werner expose le rapport intérimaire du plan par étapes et poursuit sur la nécessité d’approfondissement des travaux. Dans l’ébauche de son discours, révélée par ses archives, il considère l’approfondissement thématique autour de six axes prioritaires, dont les aspects institutionnels, des instruments efficaces pour la coordination en matière de politique conjoncturelle et de politique économique à moyen terme et des instruments de coordination budgétaire. Pour ce qui est des règles de change, il prévoit précisément la «consultation des gouverneurs des banques centrales». Toutes ces propositions vont se retrouver dans la décision du Conseil concernant l’approfondissement des travaux du groupe et finalement dans le rapport final. Notons également que profondément imprégné par le modèle luxembourgeois d’économie sociale de marché, Pierre Werner proposera lors du Conseil du juillet 1970 «de consulter les partenaires sociaux en cas de décision monétaire importante». Le «rapport Delors» – élaboré sous la coordination d’un promoteur reconnu de l’Europe sociale – ne contiendra plus cette exigence. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

19 Les archives privées montrent aussi qu’au cours de la période 1969-1970, Pierre Werner avait des contacts réguliers avec les autorités fédérales et politiques américaines et entretenait de bonnes relations avec les milieux financiers d’outre-Atlantique. Les banquiers luxembourgeois particulièrement présents aux États-Unis, ainsi que ses liens avec les ambassadeurs des États-Unis au Luxembourg lui offraient autant d’opportunités pour recueillir les éléments qui l’intéressaient en tant que président du comité ad hoc. Les réunions annuelles du FMI, auxquelles il participait comme gouverneur pour le Luxembourg, et les nombreuses occasions protocolaires y étant associées ont permis aux membres du comité Werner et aux ministres des Finances des Six de s’entretenir de manière informelle avec leurs collègues américains et autres fonctionnaires et experts internationaux et de tester ainsi leurs perceptions et commentaires sur divers aspects du plan par étapes. Les notes manuscrites de Pierre Werner font état de deux rencontres avec le président du FMI, qu’il avait déjà consulté sur l’identité monétaire européenne, et de plusieurs échanges avec le président du Federal Reserve Board des États-Unis, M. Burns. Dans l’agenda des discussions, la problématique européenne était de mise.

20 Chapitre 3 intitulé «Le rapport Werner».

21 Bien avant, mais aussi durant l’élaboration du plan Werner, Pierre Werner a eu maintes discussions avec Jean Monnet, Jacques Rueff, Wilfried Baumgartner (qui fut son professeur à Paris et qu’il rencontra ultérieurement dans leurs fonctions officielles respectives), Hermann Abs (banquier allemand réputé, qu’il connaissait du temps du début de sa carrière), le professeur Robert Triffin. Pierre Werner a également utilisé ces contacts dans diverses phases de consolidation et de développement spécifique de la place financière du Luxembourg. Dans les années 1970, en tant que ministre des Finances, Pierre Werner a mis sur pied un «groupe de travail informel pour la place financière». Bon nombre de personnalités luxembourgeoises et internationales ont participé aux débats.

22 Compte tenu de certains de ses écrits antérieurs, Pierre Werner avait des convictions monétaristes, qu’il n’hésite pas à mettre en avant en tant que ministre des Finances pour la sauvegarde des intérêts vitaux du Grand-Duché de Luxembourg liés à la consolidation de la place financière internationale. Mais en tant que président du comité d’experts, il a agi avec une objectivité exemplaire. Aux yeux de Pierre Werner, réaliser des progrès décisifs vers l’union monétaire ne nécessiterait pas d’entamer la souveraineté nationale des pays communautaires vu que, telle que «l’histoire des confédérations et fédérations montre à suffisance, le dernier bastion de la souveraineté nationale n’est pas la monnaie, mais l’impôt, en tant que distributeur du revenu national». (Cf. Pierre Werner. Déclaration de Monsieur Pierre Werner, ministre d’État, président du gouvernement luxembourgeois, faite à la conférence des Chefs d’État ou de gouvernement. La Haye: 1er décembre 1969. In: Bulletin de documentation n° 14 du 10 décembre 1969, Luxembourg, service Information et Presse, ministère d’État, Grand-Duché de Luxembourg, décembre 1969, pp. 3-7. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

23 Chapitre 3 intitulé «Le rapport Werner».

24 La première étape censée commencer le 1er janvier 1971 et s’étendre sur trois ans visait à assurer que l’infrastructure économique soit appropriée et puisse préparer le terrain pour les progrès institutionnels. La seconde étape reposerait sur les développements économiques et institutionnels de la première étape, menant, dans la troisième, à une fixation des taux de change et, dans l’idéal, à une monnaie unique. (Une forte préférence fut exprimée pour l’adoption d’une monnaie unique plutôt que pour le maintien des monnaies nationales, même si une monnaie unique n’était pas considérée comme essentielle).

25 Voir BAER, Gunter D.; PADOA-SCHIOPPA, Tommaso. The Werner Report Revisited. In: Collection of Papers. Luxembourg: Committee for the Study of Economic and Monetary Union, avril 1989, pp. 53‑60.

26 L’intitulé «rapport Werner» n’est pas une formule journalistique mais le sous-titre même que ce document a porté lors de sa première présentation officielle le 8 octobre 1970 et de sa soumission par le comité d’experts au Conseil et à la Commission. Ultérieurement, dans la version envoyée au Parlement européen, la Commission omettra ce sous-titre. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

27 Lettre de Jacques Rueff à Pierre Werner, 28 octobre 1970, contenant la fameuse phrase: «L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas». Cette phrase est extraite d’un article publié en 1950 dans la revue Synthèses (Bruxelles, 4e année, n° 45) et reproduite dans l’ouvrage L’âge de l’inflation, Paris: Éditions Payot, 1963, pp. 123-129. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

28 Lettre de Willy Brandt à Pierre Werner, 1er février 1970. (Document consulté le 10 octobre 2012.)

29 Chapitre 5 intitulé «La mise en œuvre du rapport Werner».

30 Chapitre 6 intitulé «Le rapport Werner et la poursuite du chemin vers l’Union économique et monétaire dans les années 1980».

31 DELORS, Jacques. Mémoires. Paris: Editions Plon, 2004, p. 338.

32 Source: Pierre Werner – testimonies at the threshold of the 21st century. Transcription, extrait du film documentaire, Commission européenne, 1999.

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