V. Les institutions

Les institutions et organes de l'Union européenne


Évolution des institutions communautaires et des organes consultatifs


Parmi les sept institutions de l’Union européenne (UE) formellement reconnues comme telles depuis le traité de Lisbonne (Parlement européen, Conseil européen, Conseil, Commission européenne, Cour de justice de l'UE, Banque centrale européenne, Cour des comptes), quatre trouvent leur origine dans les traités fondateurs des Communautés. Il s’agit de la Commission, du Conseil, du Parlement (né sous le nom d’Assemblée) et de la Cour de justice. Ces quatre institutions fondamentales sont d’ailleurs les seules à être dotées d’un pouvoir général de décision qui détermine le développement de toutes les activités de l’Union. Souvent qualifiés de «triangle décisionnel», la Commission, le Conseil et le Parlement adoptent les actes juridiques communautaires. La Cour de justice, en tant qu’instance juridictionnelle, adopte des décisions judiciaires (notamment des arrêts et des avis) qui marquent l’évolution de l’ordre juridique communautaire.


Les institutions communautaires sont d’emblée assistées d’organes consultatifs.


Dès sa naissance en 1952, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) compte quatre institutions — Haute Autorité, Conseil spécial de ministres, Assemblée commune, Cour de justice — et un organe consultatif chargé d’assister la Haute Autorité, le Comité consultatif de la CECA.


En 1957, les traités de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom) prévoient également, de façon parallèle, quatre institutions — Commission, Conseil, Assemblée, Cour de justice — et un organe consultatif chargé d’assister la Commission, le Comité économique et social.


Toutefois, le 1er janvier 1958, la Convention relative à certaines institutions communes aux Communautés européennes entre en vigueur à la même date que les traités de Rome auxquels elle est annexée. Le but de cette convention est d’éviter la multiplicité d’institutions appelées à accomplir des missions analogues dans les trois Communautés européennes. La Convention prévoit une Assemblée unique et une Cour de justice unique, ainsi qu’un Comité économique et social commun à la CEE et à la CEEA.


De cette façon, à la date de la constitution des deux nouvelles Communautés, tandis que les trois organisations partagent une Assemblée et une Cour de justice, restent en place une Haute Autorité, deux Commissions et trois Conseils. Les deux nouvelles organisations partagent leur organe consultatif, le Comité économique et social, mais la CECA garde son propre comité, le Comité consultatif de la CECA.


Le 8 avril 1965, est signé à Bruxelles le traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, connu sous la dénomination courante de «traité de fusion des exécutifs». Suite à l’entrée en vigueur de ce traité, le 1er juillet 1967, un Conseil des Communautés européennes se substitue au Conseil spécial de ministres de la CECA, au Conseil de la CEE et au Conseil de la CEEA et une Commission des Communautés européennes se substitue à la Haute Autorité de la CECA ainsi qu'à la Commission de la CEE et à la Commission de la CEEA. Les trois Communautés partagent dorénavant quatre institutions: Commission, Conseil, Assemblée et Cour de justice.


Bien que le préambule du traité de fusion considère la création d’institutions communautaires uniques comme une étape vers l’unification des trois Communautés, et que le traité crée un budget et une administration uniques des Communautés, ainsi qu’un statut unique de leurs fonctionnaires et agents, cette unification ne va pas se produire (si ce n’est avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, v. infra). Organiquement fusionnées, les trois Communautés subsistent chacune avec sa personnalité juridique. D’ailleurs, conformément à la séparation fonctionnelle des trois organisations, les institutions communautaires gardent leurs compétences respectives dans le cadre de chaque traité.


Après la fusion des exécutifs, et jusqu’à la date d’expiration du traité CECA, le Comité consultatif de la CECA reste le seul organe spécifique à cette Communauté. Les activités du Comité consultatif sont ensuite reprises par le Comité économique et social dans le cadre du traité instituant la Communauté européenne (CE).


Les institutions et organes de l’Union européenne


La création de l’Union européenne par le traité de Maastricht de 1992, qui se superpose aux Communautés sans jouir d’une personnalité propre, ne modifie pas fondamentalement le dispositif institutionnel. Toutefois, le rôle du Conseil européen, en tant qu’organe politique, est précisé, tandis qu’un nouvel organe consultatif est créé, à savoir le Comité des Régions.


La Cour des comptes, créée en 1977, est également élevée au rang d’institution par le traité de Maastricht. Elle fut déjà prévue dès 1975, notamment suite au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés en 1971. Cette institution de contrôle financier s’ajoutait ainsi, à côté d’une institution de contrôle juridictionnel — la Cour de justice —, aux trois institutions décisionnelles (Commission, Conseil, Parlement).


Le traité de Lisbonne de 2007 fusionne l’Union européenne et les Communautés en une seule Union européenne qui jouit cette fois de la personnalité juridique. Techniquement, l’Union succède aux Communautés. Deux nouvelles institutions sont formellement reconnues en tant que telles, à savoir le Conseil européen et la Banque centrale européenne, ce qui porte le nombre d’institutions à sept.


Le Conseil européen: origine et évolution


Le Conseil européen est au départ une instance de décision politique qui naît de l’institutionnalisation progressive des conférences des chefs d’État ou de gouvernement des États membres des Communautés européennes.


À l’origine, les traités constitutifs des Communautés ne prévoient pas de réunions au sommet des chefs d’État ou de gouvernement. Néanmoins, depuis 1961, s’instaure la pratique des sommets en dehors du système institutionnel des Communautés européennes. Lors du sommet tenu à Paris en décembre 1974, les chefs d’État ou de gouvernement, en vue d’assurer le développement et la cohésion d’ensemble des activités des Communautés et des travaux de la coopération politique (l’embryon de la future PESC), décident de se réunir, accompagnés des ministres des Affaires étrangères, trois fois par an et chaque fois que nécessaire, «en Conseil de la Communauté et au titre de la coopération politique» (Communiqué de la réunion des chefs de gouvernement de la Communauté, Paris, 9 et 10 décembre 1974).


L'Acte unique européen de 1986 institutionnalise le Conseil européen en indiquant qu’il réunit, au moins deux fois par an, les chefs d'État ou de gouvernement des États membres, ainsi que le président de la Commission, assistés par les ministres des Affaires étrangères et par un membre de la Commission. L’Acte unique européen ne définit pourtant pas le rôle du Conseil européen. C’est le traité sur l'Union européenne de 1992 qui précise enfin ses fonctions en énonçant qu’il donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations politiques générales.


L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, apporte d’importants changements.


Tout d’abord, le Conseil européen est formellement érigé en institution de l’Union et est doté d’un président stable qui est élu à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi (mandat renouvelable une fois). La composition du Conseil européen est également modifiée. Outre son président, qui ne peut exercer de mandat national, le Conseil européen rassemble les chefs d'État ou de gouvernement des États membres ainsi que le président de la Commission. Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité participe à ses travaux. Le traité de Lisbonne supprime la participation systématique des ministres des Affaires étrangères. Ils ne pourront assister leur chef d’État ou de gouvernement que si l’ordre du jour l’exige. De même, le président de la Commission ne peut être assisté par un commissaire – autre que le haut représentant, également vice-président de la Commission – que si les membres du Conseil européen donnent leur accord. Le Conseil européen se réunit désormais quatre fois par an, sur convocation de son président.


Le Conseil européen se place ainsi au sommet de l’édifice institutionnel comme instance politique d’impulsion, d’orientation et de fixation des priorités de l’Union. Depuis le traité de Lisbonne, il est même amené à prendre un certain nombre de décisions d’ordre institutionnel ou de nomination aux hautes fonctions, tandis que son président joue un rôle considérable dans la représentation extérieure de l’Union. Le renforcement progressif de son rôle de moteur politique au détriment de celui de la Commission européenne suscite des critiques de la part des défenseurs de la «méthode communautaire» et de l’«équilibre institutionnel» traditionnel, qui voient dans son intervention le risque d’un retour à la «méthode intergouvernementale».


La Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement


Le tableau des institutions et organes des Communautés, puis de l’Union, ne serait pas complet sans référence aux entités économiques mises en place par le traité instituant la Communauté européenne (CE) dans le but de gérer certaines politiques communautaires.


Créée en 1957 par le traité instituant la CEE, la Banque européenne d'investissement (BEI) est un organisme financier destiné à contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté européenne. Chargée au départ du financement de projets de développement régional, la mission de la BEI est davantage précisée à partir de la réforme opérée en 1986 par l’Acte unique européen et la définition d’une politique de cohésion économique et sociale que la BEI contribue notamment à réaliser.


Suite à la réforme du traité de Maastricht en 1992, le traité CE prévoit l’établissement d’une Banque centrale européenne (BCE) chargée de définir et de mettre en œuvre la politique monétaire de la Communauté européenne (CE) à partir du passage de ses États membres à la troisième et dernière phase de l’Union économique et monétaire (UEM). La Banque succède ainsi à l’Institut monétaire européen (IME) qui, pendant la deuxième phase de l’UEM, s’occupait de coordonner les politiques monétaires des États membres. Pour les États participant à la troisième phase, la BCE devient un organe spécifique de gestion de leur politique monétaire commune. Il faut souligner que la BCE peut adopter des actes juridiques.


À la différence des institutions et organes de l’UE, la BEI et la BCE sont dotées de la personnalité juridique. En outre, le traité de Lisbonne de 2007 a conféré le rang d’institution à la BCE.


Les organes subsidiaires


À côté des institutions et organes créés par les traités, il existe une multiplicité d’organes créés par les institutions elles-mêmes. On parle alors d’organes subsidiaires.


Parmi ces organes, il faut notamment citer les comités créés par le Conseil dans le but d’assister la Commission dans l’exercice des compétences d’exécution que le Conseil lui confère (cf. «comitologie»), ainsi que les organismes décentralisés créés par le Conseil pour la mise en œuvre de certaines politiques de l’Union (les agences et instituts de l’UE, par exemple l’Agence européenne pour l’environnement, le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur ou encore l’Institut d’études de sécurité et l’Europol).


Ces organismes décentralisés sont généralement dotés de la personnalité juridique.

Consulter au format pdf