L'intégration des Etats membres n'appartenant pas à la zone euro

L'intégration ultérieure des États membres n'appartenant pas à la zone euro

Les États membres qui n’ont pas adopté l’euro au 1er janvier 1999 ou qui sont entrés dans l’Union européenne (UE) postérieurement au 1er janvier 1999 font à cette date ou à celle de leur adhésion l’objet d’une dérogation provisoire. En tant que membres de l'UE, ils sont tenus au respect de l'objectif de réalisation de l'union économique et monétaire, étape conduisant à une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens. Un protocole annexé par le traité de Maastricht au traité CE sur le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire soulignait le caractère irréversible de l'établissement de la monnaie unique1. Le traité de Lisbonne l'a supprimé. Le principe d'irréversibilité demeure valable. Sauf exception, la non appartenance à la zone euro est conçue comme provisoire.

La différenciation des droits et des obligations

Le statut d'État membre hors de la zone euro fait l'objet d'un régime juridique général dit de dérogation, défini au chapitre 5 Dispositions transitoires du titre VIII sur La politique économique et monétaire. Des précisions sont apportées dans les statuts du SEBC concernant les rapports entre les banques centrales nationales de ces États et la BCE2. Les droits et obligations en matière de politique économique sont, pour l'essentiel, identiques à ceux des États membres participant à la zone euro: ils doivent traiter leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun, les coordonner au sein du Conseil conformément aux grandes orientations des politiques économiques, éviter les déficits excessifs, bénéficier d'une assistance financière de l'UE en cas de graves difficultés actuelles ou prochaines, etc. La différence tient à l'absence de pouvoirs contraignants de l'UE à leurs égards, que ce soit en matière de coordination des politiques économiques, de discipline macroéconomique et de discipline budgétaire. Ils ne sont pas liés non plus par les règles propres aux États membres de la zone euro prises sur le fondement de l'article 136 du traité FUE. Ils sont également exclus des mécanismes de solidarité établis par les États membres de la zone euro (i.e. facilité européenne de stabilité financière, mécanisme européen de stabilité). Deux exceptions à cette différenciation: le Pacte pour l'Euro, engagement politique initialement des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, est ouvert à leur participation. Requalifié Pacte pour l'Euro plus lors du Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 mars 2011, il comprend, outre les États membres de la zone euro, la Bulgarie, le Danemark, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance permet également aux États membres n'appartenant pas à la zone euro de s'y rallier, une option retenue par tous sauf le Royaume-Uni et la République tchèque.

La différenciation est plus prononcée dans le pilier monétaire. Certes, chaque État membre en dérogation est tenu d'assurer l'indépendance de sa banque centrale nationale. Celle-ci conserve ses compétences dans le domaine de la politique monétaire, conformément au droit national. Les pouvoirs de la Banque centrale européenne ne s'y appliquent pas.

Dans le domaine de la politique de change, l’État membre en dérogation conserve sa compétence. Il doit traiter sa politique de change comme un problème d'intérêt commun. Il est invité par le traité à tenir compte des expériences acquisses grâce à la coopération dans le cadre du mécanisme taux de change. Par une résolution de juin 1997, le Conseil européen reconduit un nouveau mécanisme de change (mécanisme de change européen 2, MCE 2) en lieu et place de celui mis en œuvre à compter de 1979 afin de fixer un cadre de stabilité monétaire entre la zone euro et les États membres en dérogation. La participation au MCE 2 est facultative quoique exigée au titre de la satisfaction des critères de convergence.

Afin d'assurer la stabilité des changes entre les monnaies de ces pays et l'euro sur la voie de la convergence, le bénéfice du concours mutuel leur demeure ouvert en cas de difficultés ou de menace grave de difficultés dans la balance des paiements3. Une aide financière de 6,5 milliards d'euro est accordée par l'UE à la Hongrie en novembre 2008, de 3,1 milliards d'euro pour la Lettonie en janvier 2009 et de 5 milliards d'euro à la Roumanie en mars 2009 – complétés d'une aide préventive d'1,4 milliard d'euro en juin 2011 et augmentée à 2 milliards d'euro en octobre 2013.

L'inapplication aux États membres en dérogation de droits et d'obligations matériels liés à l'appartenance à la zone euro entraînent la suspension des droits de vote de leurs représentants pour l'adoption des mesures d'application y afférentes. Sur le plan institutionnel, leurs représentants n'assistent pas aux réunions informelles des ministres de l'économie et des finances (Eurogroupe), mais peuvent participer à certaines discussions au sein du sommet de la zone euro à condition d'avoir ratifié le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance4. Ces pays ne participent pas à la désignation des membres du directoire de la BCE et leurs ressortissants ne peuvent pas être élus à ces fonctions. Les gouverneurs de leurs banques centrales ne sont pas membres du conseil des gouverneurs. En revanche, ils sont membres du conseil général de la BCE, lieu de consultation sur les sujets d'intérêt commun entre les différentes catégories de gouverneurs.

Les règles du traité liées au processus de convergence continuent d'être applicables à l'égard des États membres en dérogation. La BCE exerce les missions héritées à ce titre de l'Institut monétaire européen.

Les régimes spécifiques du Royaume-Uni et du Danemark

Deux États membres n'appartiennent pas à la zone euro en application de régimes spécifiques: le Royaume-Uni et le Danemark. Chacun a obtenu lors des négociations du traité de Maastricht un protocole les autorisant à demeurer hors de l’union monétaire aussi longtemps qu’ils le souhaitent (droit de réserve ou d’opt out). La spécificité du régime danois se limite à cette réserve: pour le reste, il est assimilé à un État membre faisant l'objet d'une dérogation et est soumis aux mêmes droits et obligations qu'eux. Au contraire, le Royaume-Uni bénéficie, en plus de son droit de réserve, de plusieurs autres arrangements spécifiques. Le pays (et non pas sa banque centrale) conserve ses pouvoirs dans le domaine de la politique monétaire. Ainsi, sa banque n'est pas tenue d'être indépendante. Il s'efforce d'éviter un déficit public excessif, là où tous les autres évitent un tel déficit. Conformément à leur protocole respectif, le Royaume-Uni et le Danemark doivent faire connaître leur intention de participer ou non à la troisième phase de l'UEM avant que ne débute la procédure d'examen de convergence. Le gouvernement danois fait part de son intention de ne pas pas participer à la phase finale de l'UEM le 3 novembre 1993. Le gouvernement britannique fait de même le 30 octobre 1997. Chaque pays peut modifier sa notification à tout moment. Dans ce cas, il relèvera du statut d’État membre en dérogation et devra introduire la monnaie unique dans le respect des conditions générales. La décision du Royaume-Uni de rester hors de la zone euro s'appuie formellement sur un test supplémentaire dont le pays s'est doté et qui est composé de cinq critères économiques.

La procédure d'examen de convergence

Tous les deux ans (ou plus tôt, s’ils en font la demande), la Commission et la BCE procèdent à l’examen de la situation des États membres en dérogation au regard des critères de convergence (les mêmes que ceux appliqués pour les États ayant adopté l’euro en 1999). Tout État les satisfaisant est autorisé par le Conseil à adopter la monnaie unique. Le Conseil se prononce après discussion au sein du Conseil européen et après consultation du Parlement européen. Depuis le traité de Lisbonne, les représentants des États membres de la zone euro adoptent une recommandation à l'attention du Conseil5. Les conditions à remplir pour adopter la monnaie unique ne peuvent être interprétées de façon moins souples ou plus rigoureuses qu'elles ne l'ont été en mai 1998 pour la désignation des États qualifiés pour l'établissement de l'union monétaire au 1er janvier 1999. La Grèce est entrée dans la zone euro le 1er janvier 2001, la Slovénie le 1er janvier 2007, Chypre et Malte le 1er janvier 2008, la Slovaquie le 1er janvier 2009, l’Estonie le 1er janvier 2011 et la Lettonie le 1er janvier 2014. Au printemps 2006, la Lituanie se voit refuser l'entrée dans la zone euro en raison d'un niveau d'inflation supérieur à 0,1 point par rapport à la valeur de référence.



1Protocole (n°24) annexé au traité CE.

2Articles 42 et 43 des statuts du SEBC.

3Article 143 du traité FUE.

4Article 12, paragraphe 3, du traité MES.

5Article 140, paragraphe 2, du traité FUE.

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