La Communauté politique européenne
La Communauté politique européenne
Parallèlement à la négociation des modalités de la Communauté européenne de défense (CED), l'idée d'une Communauté politique européenne (CPE) se développe. Car après avoir abandonné tout espoir de voir le Conseil de l'Europe se transformer un jour en une véritable autorité politique européenne, les milieux pro-européens des Six cherchent en effet une nouvelle voie pour assurer l'élaboration d'un statut politique européen pour chapeauter et contrôler démocratiquement la future armée européenne. Aussi, après la signature du projet de traité instituant la CED, le 30 mai 1952, l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe demande-t-elle aux six gouvernements de charger l’Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) – destinée à devenir l'Assemblée de la future CED – d’élaborer un projet de CPE.
Le 23 juillet 1952, sans même attendre l’entrée en fonction de l’Assemblée de la CED, les gouvernements des Six confient à l’Assemblée de la CECA – que préside l'ancien ministre belge des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak – le soin de rédiger, endéans un délai de six mois, un projet de statut politique européen. Pour se conformer au projet de traité CED, l’Assemblée de la CECA doit toutefois être augmentée d'autant de délégués qu’il convient afin d'atteindre l’effectif prévu pour chaque pays à la future Assemblée CED. Trois délégués allemands, français et italiens sont aussitôt cooptés au sein de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe. La nouvelle Assemblée ainsi constituée prend le nom d’Assemblée ad hoc, c'est à dire formée pour cette tâche déterminée. Une commission constitutionnelle est immédiatement désignée en son sein et confiée à la présidence du délégué allemand Heinrich von Brentano.
Cette commission réfléchit dès lors aux institutions devant doter la future Communauté politique européenne. Ils élaborent une Constitution de type parlementaire aux tendances fédérales nettement affirmées. Les députés prévoient en effet l'instauration d'un Parlement bicaméral composé d'une Chambre des Peuples élue au suffrage universel direct et d'un Sénat européen désigné par les parlements nationaux. Le Parlement ne contrôlerait pas seulement l'exécutif mais pourrait agir en tant que véritable organe législatif, capacité jusqu'alors réservée au Conseil des ministres de la CECA. L'Assemblée ad hoc propose également la mise en place d'un Conseil exécutif, gouvernement effectif de la Communauté, responsable devant la Chambre des Peuples et dont le président aurait été choisi par le Sénat européen. Le texte projette en outre l'établissement d'une Cour de justice et d'un Conseil économique et social.
Par ailleurs, l'élaboration de cet ambitieux projet fournit l'occasion aux Pays-Bas, dont l'économie très ouverte est fortement tournée vers l'exportation, de proposer l'ouverture entre les Six d'un marché commun, sans droits de douane ni contingents. En décembre 1952, le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Jan Willem Beyen, demande à ses partenaires que la future CPE reçoive une importante dimension économique par la mise en place d'un marché unique non-sectoriel dans lequel les facteurs de production pourraient circuler librement sous la garantie d'une autorité supranationale. Un marché commun pour toutes les marchandises apparaît cependant comme trop risqué à de nombreux pays qui se départissent difficilement d'une tradition protectionniste.
Adopté presqu'à l'unanimité par l'Assemblée en mars 1953, le projet de traité est immédiatement remis aux six ministres des Affaires étrangères de la CECA. Mais les réactions sont plutôt réservées. Les uns pensent qu'il faut d'abord réaliser la CED avant de pouvoir aborder la réalisation d'une communauté politique. Les autres regrettent la suprématie du pouvoir parlementaire et proposent de rédiger un nouveau projet qui partage le pouvoir législatif entre le Conseil exécutif et le Conseil des ministres nationaux. Le projet fait alors l'objet de longues négociations diplomatiques qui s'essoufflent peu à peu. Finalement, le 30 août 1954, le refus de l'Assemblée nationale française de ratifier le Traité instituant la CED entraîne automatiquement l'abandon du projet de Communauté politique européenne dont il est le corollaire institutionnel.