Le Conseil de l’Europe, un laboratoire d’idées

Le Conseil de l’Europe, un laboratoire d’idées

 

Le Conseil de l'Europe se propose de réaliser une union plus étroite entre les États membres, de préserver les idéaux et les principes démocratiques qui sont leur patrimoine commun et de favoriser le progrès économique et social. Il n'est en revanche pas compétent pour les questions de défense, même si en 1951, peu après le déclenchement de la guerre de Corée, l'Assemblée s'empare des questions liées à la sécurité.

 

Pour Robert Schuman, qui a dû faire de larges concessions aux négociateurs britanniques, le Conseil de l'Europe se profile avant tout comme un laboratoire d'idées. Paul-Henri Spaak est le premier président de l'Assemblée dont sont également membres les plus grands ténors politiques d'Europe occidentale. L'institution nourrit d'immenses espoirs. En 1951, elle sert d'ailleurs de modèle pour l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Les différentes conceptions de l'Europe unie y sont discutées très librement car les députés ne sont pas liés par des contingences électorales nationales ou par des consignes de vote partisanes. Le Conseil de l'Europe se définit comme une enceinte de dialogue, de coopération et d'élaboration de textes-cadres dans des matières liées à l'identité européenne.

 

L'Assemblée du Conseil de l'Europe ne tarde pas à lancer divers plans en faveur de l'unification européenne. Y sont notamment discutés des projets de pools européens des transports, de la santé publique ou de la production agricole ainsi qu'un projet de marché commun européen et un programme de coopération économique entre les pays membres et leurs territoires d'outre-mer. L'Assemblée avance également des propositions favorables à une autorité politique fédérale. Mais aucune de ces recommandations n'aboutit car l'Assemblée ne parvient pas à mobiliser une majorité de ses membres sur des textes audacieux qui ont, de toute manière, peu de chances de passer la rampe du Comité des ministres.

 

Le Conseil de l'Europe joue néanmoins un rôle significatif en faveur de la coopération culturelle, sociale et scientifique. Il élabore en effet des conventions internationales dans des domaines aussi variés que la coopération universitaire et l'équivalence des études et des diplômes, l'étude des langues, la protection et la mise en valeur du patrimoine artistique et archéologique, la traduction et la diffusion d'œuvres littéraires européennes, l'harmonisation des systèmes de sécurité sociale, la lutte contre le chômage, l'uniformisation des passeports…

 

Le projet de Communauté politique européenne (CPE), élaboré entre septembre 1952 et mars 1953 par le comité ad hoc désigné au sein de l'assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), pose clairement la question de l'avenir du Conseil de l'Europe dont les fédéralistes déplorent précisément le manque de pouvoirs politiques.

 

La Grande-Bretagne, bien décidée à ne pas se laisser entraîner par les Six sur la voie d'une Europe de type fédéral tout en cherchant à se ménager la possibilité d'influencer, plus ou moins directement, le cours des événements saisit alors l'occasion pour présenter à ses partenaires européens un train de réformes institutionnelles visant à associer le Conseil de l'Europe au plan Schuman et au projet d'armée européenne.

 

Mais la réaction des autorités britanniques a aussi pour objectif de contrecarrer les initiatives prises en 1950 et en 1951 par l'Assemblée consultative de Strasbourg pour réformer le statut du Conseil de l'Europe dans le sens d'une véritable autorité politique européenne. Ainsi le 23 décembre 1950, l'Assemblée adopte-t-elle un protocole qui prévoit la transformation du Conseil de l'Europe en un législatif et un exécutif européens. Un an plus tard, le 11 décembre 1951, l'Assemblée consultative adopte à l'unanimité un nouveau projet de statut qui prévoit notamment l'intégration de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE) et des organismes culturels et sociaux du pacte de Bruxelles dans le Conseil de l'Europe. Trop ambitieux, ces projets sont refusés par le Comité des ministres.

 

La riposte britannique ne se fait pas attendre. Le 19 mars 1952, Anthony Eden, secrétaire au Foreign Office, soumet à ses homologues du Comité des ministres du Conseil de l'Europe un plan préconisant l'octroi d'une autorité politique du Conseil de l'Europe sur la CECA et sur la Communauté européenne de défense (CED) négociée par les Six. Opposé à la multiplication d'organismes européens, le gouvernement britannique explique vouloir faire du Conseil de l'Europe une institution dynamique et une structure à l'intérieur de laquelle pourraient s'insérer les institutions communautaires présentes et à venir. Pour Eden, ce système original à «double lien» ou à «double plan» doit permettre au Conseil de l'Europe de demeurer un organe de coopération intergouvernementale pour les États qui ne sont pas membres du plan Schuman tout en permettant aux Six de poursuivre leurs efforts d'intégration sans devoir pour autant créer de nouvelles institutions supranationales.

 

De nouveau précisé dans un aide-mémoire complémentaire remis le 28 avril 1952 aux délégués des ministres des quinze États membres du Conseil de l'Europe, le plan Eden n'entraîne cependant que l'application de certaines mesures concrètes et logistiques.

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