Le rapport final
Le rapport final
Avalisé lors de la réunion des ministres des Finances de Venise, le rapport intermédiaire occupa ensuite le centre des discussions dans l’ordre du jour du Conseil des ministres des 8 et 9 juin à Luxembourg, lequel approuva la poursuite des travaux du groupe Werner1. En sa qualité de président du groupe d’experts, Pierre Werner y exposa la réflexion relative au plan par étapes, présenta le contenu du rapport intérimaire et conclut à la nécessité d’approfondir les travaux. Dans sa note manuscrite établie pour son discours2, Pierre Werner, nuançant les pistes déjà évoquées à Venise, considérait que l’approfondissement thématique des travaux devait inclure six axes prioritaires.
Il s’agissait des aspects institutionnels, de la définition et mise en place d’instruments efficaces pour la coordination en matière de politique conjoncturelle (obligations assorties de sanctions), ainsi que de la politique économique à moyen terme. Il serait nécessaire de dégager des «propositions limitées et précises sur la politique budgétaire» et d’étudier davantage le financement du déficit et de l’impact sur la politique de liquidité générale dans le système économique. Un autre axe consistait en l’harmonisation générale des instruments de la politique monétaire et de la politique de crédit. En ce qui concerne les règles de change, il prévoyait précisément la «consultation des gouverneurs». Il recommandait également «l’examen de l’ensemble des fonds existants» (à propos duquel le nom de Triffin, ainsi que sa définition, étaient notés). Toutes ces propositions se retrouvent dans la décision du Conseil concernant l’approfondissement des travaux du groupe. L’obtention des avis du comité des gouverneurs des banques centrales sur des problèmes monétaires spécifiques y est aussi stipulée.
La contribution de Pierre Werner à la définition de la poursuite des travaux fut donc significative. Son autorité de président du groupe et son savoir-faire en matière de négociations ont permis aux instances de décisions (ministres des Finances, Conseil des ministres) de s’approprier les propositions du groupe et de les transposer dans des décisions officielles3.
Fort de cette nouvelle décision politique qui renforça le mandat qui lui avait été conféré suite au sommet de La Haye, le groupe Werner s’attela à l’approfondissement de ses travaux, auquel il consacra ses six réunions qui se sont déroulées entre le 24 juin et le 8 octobre 1970.
Sur la base du rapport intermédiaire, ainsi que des axes thématiques évoqués, les experts travaillèrent à l’élaboration du rapport final, auquel ils consacrèrent six réunions, qui se sont déroulées entre le 24 juin et le 8 octobre 1970. Les débats furent animés, parfois parsemés de vives oppositions. Mais le jeu d’intérêts, matérialisé par le soin de dégager le consensus autour d’une position commune, l’emporta sur les orgueils doctrinaires et politiques. Ce moment de grâce fut bref, car la France commença déjà à critiquer sévèrement le rapport.
Après sept mois de travail, débats, controverses, tractations et retournements de situation, le rapport final fut ainsi approuvé à l’unanimité et, le 8 octobre 1970, en sa qualité de président du groupe, Pierre Werner présenta officiellement le plan concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire de la Communauté.
Précisions du point d’arrivée de l’UEM et des aspects institutionnels
Respectant la structure et les points forts mis en exergue dans le rapport intermédiaire (point de départ, point d’arrivée du plan par étapes), le rapport final, enrichi et approfondi, présentait néanmoins des éclairages, solutions et moyens pratiques nouveaux. La définition du point d’arrivée était plus détaillée – et donc le contenu de l’union économique et monétaire de la première étape –, tout comme celle de la période de transition vers le point d’arrivée. Dans la perspective de l’introduction d’une monnaie commune, et d’une solidarité monétaire sur la scène internationale, et afin d’étayer les mesures à implémenter au cours de la première étape, le comité des gouverneurs des banques centrales – sous l’incitation de Pierre Werner et suite à la stratégie qu’il a mise au point avec le baron Ansiaux4 – a émis un avis technique sur des sujets monétaires spécifiques. Cet avis fait partie intégrante du rapport final, tout en gardant son caractère de document individuel.
Si l’évaluation du point de départ est très similaire à ce qu’indiquait le rapport intermédiaire, le point d’arrivée – l’union économique et monétaire – est synthétiquement défini comme ayant sept caractéristiques.
Il a été prévu, tout d’abord, une convertibilité réciproque totale et irréversible des monnaies communautaires, sans fluctuation de cours et avec des rapports de parités immuables. Il a été jugé préférable que ces monnaies soient remplacées par une monnaie commune unique. La création de liquidités dans l'ensemble de la zone et la politique monétaire et du crédit devraient être menées de manière centralisée. La politique monétaire à l'égard du monde extérieur serait du ressort communautaire. Il en irait de même pour les données essentielles de l'ensemble des budgets publics et, en particulier, pour la variation de leur volume, l'ampleur des soldes et les modes de financement ou d'utilisation de ces derniers. Les politiques des États membres à l'égard du marché des capitaux seraient unifiées. Les politiques régionales et structurelles ne seraient plus exclusivement du ressort des pays membres. Enfin, une consultation systématique et continue des partenaires sociaux serait assurée au niveau communautaire.
La mise en place de l’union économique et monétaire exigerait des réformes institutionnelles, à savoir la création ou la transformation de certains organes communautaires auxquels devront être transférées des attributions exercées par les autorités nationales. L’accomplissement de cet objectif nécessiterait le développement progressif de la coopération politique, pour laquelle «l’union économique et monétaire s’avère ainsi comme un ferment pour le développement de l'union politique dont elle ne pourra, à la longue, se passer»5.
Des propositions détaillées au niveau de la construction institutionnelle n’ont pas été formulées, mais le groupe Werner affirma la mise en place impérative de deux organes supranationaux jugés indispensables à la maîtrise de la politique économique et monétaire à l'intérieur de l'union: un centre de décision pour la politique économique et un système communautaire des banques centrales.
Le centre de décision pour la politique économique agirait dans l’intérêt communautaire et exercerait de façon indépendante une influence décisive sur la politique économique générale de la Communauté. Il devrait ainsi être en mesure d'influencer les budgets, dès lors que le rôle du budget communautaire comme instrument conjoncturel serait insuffisant.6 Les modifications de parité de la monnaie unique ou de l'ensemble des monnaies nationales relèveraient également de ce centre de décision. Pour assurer le lien nécessaire avec la politique économique générale, sa responsabilité s'étendrait aux autres domaines de la politique économique et sociale qui auront été transférés au niveau communautaire.
Selon la vision du groupe Werner, le transfert à l'échelon communautaire des pouvoirs exercés jusque-là par les instances nationales irait de pair avec le transfert d'une responsabilité parlementaire correspondante du plan national à celui de la Communauté. Le centre de décision de la politique économique serait politiquement responsable devant un Parlement européen, qui devrait être doté d'un statut correspondant à l'extension des missions communautaires, non seulement du point vue de l'ampleur de ses attributions, mais aussi eu égard au mode d'élection de ses membres.
Le deuxième organe communautaire jugé indispensable serait un système communautaire des banques centrales. Dans sa mise en place, une structure telle que le «Federal Reserve System» des États-Unis pourrait servir de source d’inspiration. En concordance avec les exigences de la situation économique, cette institution communautaire serait habilitée à prendre des décisions de politique monétaire interne. Ses domaines de compétence concernent la liquidité, les taux d’intérêt, l’octroi de prêts aux secteurs public et privé. En matière de politique monétaire externe, elle serait compétente pour les interventions sur les marchés des changes et pour la gestion des réserves monétaires de la Communauté.
Au vu des transferts d’attributions nationales au niveau communautaire, le groupe Werner mit en évidence un certain nombre de problèmes politiques liés aux rapports entre le centre de décision de la politique économique et le système communautaire de banques centrales, ainsi que ceux entre les organes communautaires et les autorités nationales. «Tout en sauvegardant les responsabilités propres de chacun, il faudra garantir que l'organe communautaire compétent pour la politique économique et celui traitant des problèmes monétaires poursuivent les mêmes objectifs.»7
La première étape vers l’UEM: éléments clés
Censée commencer au 1er janvier 1971, la première étape a été prévue pour trois ans.
L’une des principales actions à entreprendre résidait dans le renforcement de la coordination des politiques économiques, qui serait soutenue par le développement d’un système d’information rapide et efficace entre les pays membres, permettant la définition en commun des orientations fondamentales de la politique économique et monétaire. Le groupe Werner signala que la coordination des politiques économiques signifierait nécessairement une contrainte, mais que l’implémentation et le développement de cette coordination ne seraient réalisées que progressivement. Les dispositifs et les actions à mettre en place devraient être subordonnés à la vision finale de l'union économique et monétaire. Au cours de la première étape, les mécanismes et les institutions nécessaires seraient instaurés et fonctionneraient sur la base des dispositions actuelles du traité. Cependant, les décisions prises devraient déjà s'inscrire dans le processus d'évolution qui devait déboucher sur la structure prévue pour la fin du plan par étapes.
Concernant les procédures à adopter, la coordination des politiques économiques était conçue comme devant s'articuler sur au moins trois examens annuels approfondis de la situation économique dans la Communauté8. De cette façon, des orientations de politique économique pourraient être définies en commun. Des consultations couvriraient la politique économique à moyen terme, la politique conjoncturelle, la politique budgétaire et la politique monétaire, et elles devraient conduire à la formation de décisions nationales conformes aux points de vue dégagés en commun. Les procédures de consultation seraient renforcées par leur caractère préalable et obligatoire.
Les organes clés communautaires chargés de la coordination des politiques économiques au cours de la première étape seraient le Conseil, la Commission ainsi que le comité des gouverneurs des banques centrales. Le Conseil serait l'organe central de décision pour la politique économique générale. La Commission devrait assumer des responsabilités importantes et, dans le cadre de ses compétences prévues par les traités, faire au Conseil toutes propositions utiles afin que celui-ci puisse statuer sur les matières en question. La Commission serait aussi en charge des contacts nécessaires avec les administrations nationales compétentes. Le comité des gouverneurs des banques centrales serait appelé à jouer un rôle d’importance grandissante concernant les problèmes de politique monétaire à la fois internes et externes. Les compétences du comité et la fréquence de ses réunions seraient adaptées afin d'assurer la préparation des aspects monétaires des réunions du Conseil, de réaliser la consultation courante et de permettre, en particulier, la définition des orientations générales de la politique monétaire et du crédit dans la Communauté.
Comme expression de la coordination des politiques économiques, un acte plus formel devrait être établi au moins une fois par an. Il s’agirait du «rapport annuel sur la situation économique dans la Communauté», qui serait transmis au Parlement européen, au Comité économique et social et aux gouvernements des États membres. Ces derniers le porteraient à la connaissance des parlements nationaux afin que ces organes puissent en tenir compte lors de la discussion des projets de budget. Une procédure analogue serait suivie pour les objectifs quantitatifs à moyen terme fixés au niveau communautaire.
La concertation avec les partenaires sociaux et leur association à la préparation de la politique économique communautaire était considérée comme un des principaux éléments assurant le succès de la réalisation de l'union économique et monétaire9. Dès la première étape, il faudrait établir des procédures de concertation régulière au niveau communautaire entre la Commission et les partenaires sociaux.
Dans l’esprit du groupe Werner, un accent tout particulier devrait être mis sur les efforts à accomplir en vue de la coordination et de l'harmonisation des politiques budgétaires. En fonction de la situation économique de chaque pays, des orientations quantitatives seraient indiquées pour les principaux éléments des budgets publics, notamment les recettes et les dépenses globales, la répartition de ces dernières entre investissement et consommation, le sens et l'ampleur du solde, avec une attention particulière qui serait consacrée aux modes de financement des déficits ou d'utilisation des excédents. Dès la première étape, des efforts seraient accomplis pour mettre au point et développer dans chaque pays des instruments analogues10.
En matière de politique fiscale, les impôts indirects passeraient au premier plan. Le système de la taxe sur la valeur ajoutée serait généralisé et un programme de rapprochement des taux adopté. Pour ce qui est des impôts directs, il faudrait harmoniser certains types d'impôts susceptibles d'avoir une influence directe sur les mouvements de capitaux à l'intérieur de la Communauté11.
Compte tenu du fait que la libération des mouvements de capitaux à l'intérieur du marché commun est restée en deçà des objectifs fixés dans le traité, le groupe Werner estima nécessaire d'engager rapidement des actions dans deux directions: l'abolition des obstacles aux mouvements des capitaux et, en particulier, des dispositions résiduelles de contrôle des changes, et une coordination des politiques à l'égard des marchés financiers. L'introduction en bourse des valeurs mobilières provenant des autres pays membres serait dépourvue de toute discrimination. En ce qui concerne la coordination des politiques à l'égard des marchés financiers, une distinction serait faite entre les aspects courants12 et les aspects structurels13.
Les orientations générales de la politique monétaire et de la politique du crédit seraient définies en commun et, dans ce contexte, les instruments de la politique monétaire et de celle du crédit mis à la disposition des pays membres devraient progressivement s’harmoniser. Afin d'assurer la coordination des politiques intérieures de la monnaie et du crédit, il serait procédé à des consultations préalables et obligatoires au sein du comité des gouverneurs des banques centrales14. L'harmonisation des instruments de la politique monétaire serait une des conditions nécessaires pour assurer la pleine efficacité de la coordination et le soutien mutuel des politiques monétaires.
Le processus engageant la réalisation de l'union économique et monétaire exigerait, dès la première étape, une intensification de la coopération en matière de politique monétaire extérieure. La solidarité des pays membres dans la détermination de leurs parités de change devrait se concrétiser par un renforcement des procédures de consultation en la matière. Une unité de représentation de la Communauté auprès du FMI et des autres instances financières internationales devrait être mise progressivement en place. La Communauté devrait progressivement adopter des positions communes dans les relations monétaires avec les pays tiers et les organisations internationales. Dans les relations de change entre États membres, la Communauté ne devrait en aucun cas se prévaloir de dispositions permettant un assouplissement du système international des changes. Dans ce cadre, le groupe Werner proposa des mesures spécifiques détaillées15. Il s’avérait indispensable de faire une étude approfondie sur les conditions de création et de fonctionnement du «fonds européen de coopération monétaire» (que le chapitre VI du rapport traite de manière détaillée), destiné à assurer la transition nécessaire vers le système communautaire des banques centrales prévu pour la phase finale, et d’en définir les statuts.
Au cours de la première étape, des dispositions institutionnelles devraient être préparées. Il faudrait ainsi mener à bonne fin les travaux préparatoires visant à adapter et à compléter le traité pour permettre, dans un délai suffisant avant la fin de la première étape et conformément aux procédures prévues à l'article 236 du traité de Rome, la convocation en temps utile d'une conférence intergouvernementale qui serait saisie des propositions élaborées en la matière. Ainsi se trouveraient engagées les procédures permettant d'établir les bases juridiques nécessaires à la transition vers la réalisation complète de l'union économique et monétaire et à la mise en œuvre des réformes institutionnelles essentielles qu’elle impliquerait. Au vu d’un bilan permettant de mesurer les progrès réalisés dans tous les domaines, le Conseil serait alors à même d'établir un nouveau programme d'action contenant des mesures à entreprendre sur la base du traité, ainsi que d'autres mesures dont la réalisation devrait attendre la révision du traité.
Après la première étape: transition vers le point d’arrivée
La première étape serait suivie d’une phase ultérieure, dont le groupe Werner a défini les grandes lignes. Il était ainsi envisagé une coordination encore plus poussée des politiques nationales, suivie de leur harmonisation par l'adoption de directives ou de décisions communes et, in fine, par le transfert de responsabilités des autorités nationales aux autorités communautaires. Au fur et à mesure que des progrès seraient réalisés, des instruments communautaires seraient créés pour prendre la relève ou compléter l'action des instruments nationaux.
La coordination des politiques économiques et monétaires, dont les éléments fondamentaux auraient été mis en place, devrait se renforcer par la prise en compte toujours plus intense de l'intérêt commun. Ceci devrait d'abord être le cas en matière de politique conjoncturelle. Pour ce faire, il faudrait dégager les oppositions et les lignes de convergences des politiques nationales, afin de pouvoir définir des stratégies visant à la réalisation d'un optimum communautaire (qui ne serait pas nécessairement une simple juxtaposition des optimums nationaux). Parallèlement, il faudrait rendre progressivement plus contraignantes la définition et l'orientation générale de la politique économique et assurer une harmonisation suffisamment poussée des politiques monétaire et budgétaire.
Les programmes de politique économique à moyen terme devraient être axés de plus en plus sur des objectifs communautaires. En matière de politique budgétaire, les instruments analogues développés au cours de la première étape seraient progressivement appliqués en commun. La suppression des obstacles de nature diverse et l'harmonisation des structures financières devraient permettre d'aboutir à un véritable marché commun des capitaux par l'interpénétration progressive des marchés nationaux.
Parallèlement aux actions visant l’équilibre global, il importerait d’envisager des actions portant sur certains aspects structurels intimement liés à la réalisation de ce processus. Dans ce contexte, les actions communautaires devraient concerner essentiellement la politique régionale et la politique de l'emploi. Leur réalisation serait facilitée par l'accroissement des interventions financières effectuées au niveau de la Communauté. En outre, il faudrait progressivement arriver à une orientation communautaire en matière de politique industrielle, de politique des transports, de l'énergie, du logement et de l'aménagement du territoire.
En matière monétaire, le groupe Werner préconisait le renforcement des liens intracommunautaires de façon à faciliter la transition vers l'union économique et monétaire. L'équilibre entre les économies des États membres serait assuré par la libre circulation des facteurs de production et par des transferts financiers des secteurs public et privé. Au cours de la deuxième étape, les progrès déjà enregistrés en matière de convergence des politiques économiques et monétaires devraient permettre aux États membres de ne plus recourir de façon autonome à l'instrument de modification de la parité. Au moment du passage au stade final, les modifications autonomes de parité seraient totalement exclues.
Pour la préparation de l'étape finale, il faudrait constituer aussitôt que possible un «fonds européen de coopération monétaire» placé sous l'autorité des gouverneurs des banques centrales. Si les techniques d'intervention sur les marchés des changes prévues pour la première étape fonctionnaient normalement et si une convergence suffisante des politiques économiques était réalisée, le fonds pourrait éventuellement être instauré dès la première étape. Son implémentation serait impérative au cours de la deuxième étape. Ce fonds devrait absorber les mécanismes de soutien monétaire à court terme et de concours financier à moyen terme. Au fur et à mesure des progrès réalisés vers l'union économique et monétaire, le fonds deviendrait graduellement un organe de gestion des réserves au niveau communautaire pour s'intégrer au stade final dans le système communautaire des banques centrales qui serait alors créé. En outre, il faudrait activer l'harmonisation des instruments de politique monétaire afin de faciliter le renforcement de la politique communautaire dans ce domaine.
1 «En vue de la mise en œuvre de ses décisions et de façon à faire préciser, aussi rapidement que possible, certains aspects institutionnels et techniques des accords intervenus, le Conseil invita le groupe ad hoc présidé par M. Werner à lui présenter son rapport final au début du mois de septembre 1970. Il a précisé son mandat en le chargeant en particulier de l’élaboration concrète des modalités pratiques de la première étape». Cf. Communiqué rédigé par la présidence belge à l’issue du Conseil des ministres, Luxembourg, 8-9 juin 1970. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048, intitulée «Intégration monétaire de l’Europe. Le Plan Werner: 1970».
2 Ibid.
3 Voir le chapitre 2 intitulé «Création et déroulement des travaux du comité Werner (mars-octobre 1970)».
4 Voir la section 2.2 intitulée «Déroulement des travaux du comité Werner».
5 Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté (rapport Werner). Luxembourg, 8 octobre 1970, supplément au Bulletin 11/1970, p. 12. Source: www.cvce.eu. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
6 Le rôle du centre de décision est jugé particulièrement significatif notamment en ce qui concerne le niveau et le sens des soldes ainsi que les méthodes de financement des déficits ou d'utilisation des excédents.
7 Ibid., p. 14.
8 Avec une périodicité trisannuelle, ce calendrier restait pourtant relativement souple. Le groupe Werner estimait que les examens auraient lieu à dates fixes. Au début, ces dates seraient choisies de façon à obtenir la meilleure adaptation possible aux échéances en vigueur actuellement dans les États membres pour l'établissement et l'adoption des budgets. Par la suite, les échéances en question seraient synchronisées afin de permettre une plus grande efficacité dans la coordination des politiques. Un premier examen fut envisagé au printemps, permettant de faire le bilan de la politique économique de l'année écoulée et d'adapter, éventuellement, celle relative à l'année en cours aux exigences de l'évolution économique. En même temps, un premier échange de vues aurait lieu afin de préparer la réunion suivante. En outre, les objectifs quantitatifs à moyen terme seraient mis à jour, selon la procédure prévue pour l'établissement des programmes de politique économique à moyen terme.Afin de parvenir à la définition d'orientations quantitatives pour les principaux éléments de l'ensemble des budgets publics de l'année suivante et de permettre aux gouvernements d'être informés des réactions communautaires avant qu'ils n'arrêtent de façon définitive leur projet de budget ordinaire et extraordinaire, un deuxième examen, peu avant le milieu de l'année, dégagerait les premières orientations de la politique à engager pour l'année suivante et ferait le point sur la politique à mener pendant l'année en cours. Cette analyse s'effectuerait dans le cadre des comptes économiques et permettrait d'établir des budgets économiques préliminaires. Un troisième examen, prévu pour l'automne, permettrait de fixer plus en détail les orientations dégagées au cours de l'été. Des budgets économiques, compatibles entre eux, seraient alors établis. Ils contiendraient, pour la politique budgétaire, les mêmes éléments que dans l'examen précédent, complétés par les données additionnelles qui n'auraient pu être disponibles auparavant. Les orientations fixées dans les budgets économiques serviraient de référence aux autorités compétentes pour la détermination de la politique monétaire et du crédit. À l'occasion de cet examen, le Conseil arrêterait, sur proposition de la Commission, un «rapport annuel sur la situation économique de la Communauté» indiquant, en particulier, les orientations de politique économique à court terme pour l'année suivante. Les recommandations quant aux orientations de la politique économique à suivre s'adresseraient de manière spécifique et détaillée à chaque pays membre. Le groupe suggéra également la mise en place d’un arrangement de portée générale prévoyant que, dans le cas où certaines recommandations donneraient lieu à une procédure de vote, le pays concerné s'abstienne.
9 «[…] il convient que les grandes orientations de la politique économique ne soient adoptées qu'après les avoir consultées». Cf. Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté (rapport Werner). Luxembourg, 8 octobre 1970. In Journal Officiel des Communautés Européennes, supplément au Bulletin 11/1970, Luxembourg, octobre 1970, p. 19.
10 À titre d'exemple, on peut citer, du côté des recettes, les «régulateurs fiscaux», et du côté des dépenses, les «budgets conjoncturels». Les régulateurs fiscaux autoriseraient des modifications rapides des taux d'imposition pour un montant et pour une période limitée; les budgets conjoncturels permettraient d'ajouter ou de retrancher des budgets définitifs un certain pourcentage des dépenses.
11 En l'occurrence, il s'agirait notamment de l'harmonisation du régime fiscal appliqué aux intérêts provenant des valeurs mobilières à revenus fixes et aux dividendes. Il faudrait également entamer et poursuivre activement l'harmonisation de la structure des impôts sur les sociétés.
12 Pour les aspects courants, les pays membres procéderaient à des consultations régulières concernant la politique d'équilibre des marchés, les problèmes que posent à l'intérieur et à l'extérieur de la Communauté les mouvements de capitaux et amorceraient une concertation des politiques nationales dans ces domaines.
13 Les aspects structurels cibleraient des actions d'harmonisation de certaines formes de placement, les instruments juridiques des transactions «techniques» dans une série de domaines, comme par exemple la réglementation régissant l'activité des institutions de crédit et des investisseurs institutionnels, l'information et la protection des porteurs de valeurs mobilières, les conditions de fonctionnement des bourses, les incitations à l'épargne.
14 Ces consultations revêtiraient les modalités suivantes: le comité des gouverneurs examinerait périodiquement, au moins deux fois par an, la situation et les politiques de chaque pays membre en matière monétaire. Au terme de chaque examen, et compte tenu des conclusions dégagées par le Conseil pour la politique économique, des orientations seraient définies concernant la conduite des politiques monétaires et du crédit, principalement en ce qui concerne le niveau des taux d'intérêt, l'évolution des liquidités bancaires et l'octroi de crédit aux secteurs privé et public. Les mesures à prendre devraient correspondre aux orientations dégagées par le comité des gouverneurs et faire l'objet d'une information mutuelle préalable à leur application.
15 Dès le début de la première étape, à titre expérimental, les banques centrales, agissant de concert, limiteraient en fait les fluctuations des cours de change entre leurs monnaies à l'intérieur de marges plus étroites que celles résultant de l'application des marges en vigueur pour le dollar à l'époque de la mise en place du système. Cet objectif serait atteint par une action concertée sur le dollar. Après cette période expérimentale, la limitation des marges pourrait être officiellement annoncée.
L'action concertée sur le dollar pourrait être complétée par des interventions en monnaies communautaires, d'abord à la limite puis à l'intérieur des marges. Ces interventions devraient être cependant conçues de telle façon que, au cours de la première étape, les facilités de crédit auxquelles elles pourraient donner lieu ne puissent aller au-delà de celles prévues par le mécanisme de soutien monétaire à court terme. De nouvelles réductions des marges de fluctuation des cours de change entre monnaies communautaires pourraient être décidées. La première des actions évoquées devrait intervenir au début de la première étape, lorsque le Conseil aura adopté le plan pour la réalisation de l'union économique et monétaire; pour les actions ultérieures, le groupe a estimé préférable de ne pas suggérer un calendrier rigide. C'est pourquoi le groupe propose que le comité des gouverneurs fasse deux fois par an un rapport au Conseil et à la Commission sur le déroulement des actions en cours et sur l'opportunité d'adopter des mesures nouvelles. Sur cette base et en fonction des progrès réalisés dans la convergence des politiques économiques, le Conseil, ou les États membres réunis au sein du Conseil, prendraient les décisions appropriées. Toutefois, cette procédure ne serait pas nécessaire pour des réductions de fait des marges intracommunautaires pouvant découler de l'action concertée des banques centrales.