Colloques, conférences et séminaires

Philippe Maystadt

Conférence de Philippe Maystadt, président de la BEI: La gouvernance de l’eurosystème (Luxembourg, 15 novembre 2006)


I. Du Rapport Werner à l’Union économique et monétaire


1. Brève histoire de l’unification monétaire


Très vite après l’entrée en vigueur du Traité de Rome, est apparu en Europe le désir de prolonger l’intégration économique par l’unification monétaire.


L’ambition d’instituer l’Union Monétaire Européenne trouva l’occasion favorable de se manifester ouvertement dans les années 1960 avec le début de la crise du système monétaire international.


En effet, à partir de 1960, avec le déclin de la compétitivité américaine, la valeur du stock d’or de la « Federal Reserve » est devenue progressivement inférieure à celle des « Balances Dollar », selon la parité officielle de 35 $ l’once d’or fin. La création (1961) puis le démantèlement (1968) du Pool de l’or, comme l’institution des AGE 1 (à partir de 1961) illustrèrent bien le début et l’aggravation de la crise de défiance vis-à-vis du Dollar, jusqu’à l’effondrement de ce dernier dans les années 1970.


C’est dans ce contexte, notamment après la dévaluation du Franc français et la réévaluation du Mark allemand, que, à la conférence de La Haye (1-2 décembre 1969), les Six ont décidé sérieusement de réaliser progressivement l’Union Monétaire Européenne. Le rapport Werner (publié le 15 octobre 1970, à la suite du sommet de Copenhague) prévoyait la réalisation de cette union pour 1980. Par étapes, avec :


• Institution d’une monnaie communautaire ou, à défaut, de la convertibilité totale et irréversible des monnaies européennes.


• Centralisation de la politique monétaire, donc de la création des liquidités, pour orienter les économies européennes.


• Création du FECOM (Fonds Européen de Coopération Monétaire) qui devra se transformer en FME (Fonds Monétaire Européen), sur le modèle du FMI.




L’aggravation de la crise monétaire internationale n’a, malheureusement, pas permis l’application de ce plan (sauf en ce qui concerne la création du FECOM, réalisée le 3 avril 1973).


En 1972, est créé un système européen de change, connu sous le nom de « Serpent monétaire européen ». Dans un contexte d’instabilité de plus en plus grande des taux de change, les économies européennes, échangeant principalement entre elles, étaient particulièrement handicapées par les variations de change entre leurs monnaies. Pour éviter cet inconvénient, le principe du « Serpent » consistait à limiter à 2,25 % au maximum l’écart entre deux monnaies européennes extrêmes : les monnaies européennes 2 devraient fluctuer par rapport au Dollar 3 de ± 2,25 %, mais ensemble, et sans que la plus forte et la plus faible ne s’écartent l’une de l’autre de plus de 2,25 % 4.


Toutefois, le Serpent ne réussit pas à stabiliser durablement les monnaies en Europe, les pays participant au système le quittant puis y revenant...


En 1979, le mécanisme fut donc renforcé par la création du SME, Système monétaire européen. Ce dernier était basé sur l’Ecu. L’Ecu, European Currency Unit, Unité de Compte Européenne, était une construction théorique. Il n’existait pas comme moyen de paiement. C’était une moyenne pondérée des monnaies européennes en fonction du « poids » des économies qui participaient au système, une monnaie-panier.


Chaque monnaie était définie par rapport à l’Ecu, c’était son cours-pivot central. En même temps, on établissait une grille de cours-pivots bilatéraux de monnaie à monnaie appartenant au système. Autour de ces cours-pivots bilatéraux, des marges de fluctuation de +/- 2,25% étaient autorisées : cours-plafond (+ 2,25%), cours-plancher (- 2,25%).


A l’approche de ces cours-plancher ou -plafond d’une monnaie européenne par rapport à une autre, des interventions des deux pays concernés (achat et vente de monnaies ...) tentaient de maintenir la stabilité.


Un système aux limites évidentes



Ce système a amélioré la stabilité monétaire en Europe. Toutefois, la livre anglaise y a peu participé, la drachme grecque pas du tout jusqu’en mars 1998 ; d’autres monnaies disposaient de marges de fluctuation élargies (Espagne, Portugal, Italie).


En 1993, le SME ne s’est pas révélé suffisamment solide pour résister aux attaques spéculatives qui peuvent surgir dans les marchés financiers d’aujourd’hui ; les marges de fluctuation de 2,25% durent être abandonnées et remplacées par des bandes élargies à 15%.


En fait, la crise de 1993 a mis en évidence la faiblesse du SME dans un marché de plus en plus mondialisé, alors que les réserves dont les banques centrales disposent pour intervenir, sont nettement inférieures aux montants que les spéculateurs internationaux peuvent mobiliser (un gendarme qui roule en 2CV quand les voleurs roulent en Porsche !). Dans de telles conditions, vouloir maintenir les fluctuations dans les marges étroites accroît l’instabilité du système. Car la spéculation est encouragée puisqu’elle sait que le système, n’ayant pas les moyens de ses ambitions, ne peut pas lui résister longtemps !


Vers la monnaie unique


Dès 1989, les Européens étaient conscients de ces difficultés. Ils savaient que la seule solution à long terme était de remplacer les monnaies européennes par une monnaie unique.


Restaient à imaginer les conditions requises pour ce passage et les étapes pour la création d’une banque centrale européenne.


Le Traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, au bout d’une longue négociation, a précisé les étapes pour parvenir à une véritable Union économique et monétaire, l’UEM, et a rendu irréversible la marche vers la monnaie unique dont l’adoption était prévue au plus tard le 1er janvier 1999.


2. Quels arguments en faveur de la monnaie unique ?


La nécessité pour les Européens d’adopter une monnaie unique se fondait sur trois grands arguments.


2.1. Rendre le marché unique plus efficace


- La suppression des coûts liés aux opérations de change permet une économie estimée à environ 0,5% du PIB communautaire. C’est le fameux exemple du voyageur qui, muni de 1.000 francs luxembourgeois, faisait en une journée un saut dans chacun des autres pays de l’Union européenne, en changeant chaque fois son argent ; il revenait le soir avec moins de 500 francs sans rien avoir dépensé.


- Des gains plus importants résultent de l’élimination de l’incertitude en matière de taux de change. Les primes pour risque de change disparaissent.




- Seule la monnaie unique peut assurer la transparence parfaite à la concurrence par les prix. Dans le secteur financier en particulier, une vraie concurrence ne peut jouer entre établissements de crédit ou compagnies d’assurance que lorsque les produits financiers qu’ils offrent au public sont exprimés dans la même monnaie.


- En facilitant la réalisation d’économies d’échelle et de gamme par delà les frontières, l’union monétaire européenne renforce les entreprises européennes, face à la concurrence américaine ou japonaise.




Bref, la monnaie unique rend le fonctionnement du marché unique plus simple, moins coûteux et plus transparent.


2.2. Obtenir une réelle stabilité monétaire


Le deuxième argument en faveur de la monnaie unique est lié au besoin de stabilité monétaire.


En 1986, l’Acte Unique a autorisé la libre circulation des capitaux en Europe. Avant cette libéralisation des mouvements de capitaux, quelle était la situation ?


Nous avons vu que le SME visait à maintenir les taux de change européens dans des marges de fluctuation de plus ou moins 2,25%. Or, les pays gardaient la liberté de pratiquer des politiques monétaires différentes : contrôle plus ou moins strict de la masse monétaire, lutte plus ou moins sévère contre l’inflation, taux d’intérêt plus ou moins élevés ...


Par exemple, avant 1980, en France ou en Belgique, on n’était pas très effrayé de vivre avec une inflation relativement forte, alors que les Allemands, particulièrement marqués par l’hyper-inflation d’avant-guerre, lui faisaient une guerre farouche, en contrôlant strictement leur masse monétaire et en maintenant donc des taux d’intérêt élevés. Or, les capitaux n’aiment pas l’inflation qui leur fait perdre de la valeur et apprécient, par contre, les taux d’intérêt élevés ... Ils avaient donc tendance à passer de la France ou la Belgique, vers l’Allemagne. Leur fuite entraînait des risques de dévaluation dans les pays délaissés. Mais le contrôle des changes, qui complique et limite les mouvements de capitaux, ralentissait leur déplacement.


Grâce à ces contrôles des changes, malgré les politiques monétaires différentes, les taux de change pouvaient rester relativement stables. Bien sûr, il fallait se résoudre de temps en temps (assez souvent ...) à des changements de parité, lorsque, malgré le « filtrage » du contrôle des changes, le mark s’appréciait trop tandis que les francs belge ou français continuaient à se déprécier ...


Avec l’Acte Unique, que se passe-t-il ?


Dans le cadre de la réalisation du marché unique, l’Europe a opté pour la libre circulation des capitaux. Dès ce moment, si les pays d’Europe souhaitaient maintenir une certaine stabilité monétaire, alors que les capitaux pouvaient instantanément quitter les pays qui ne menaient pas une politique monétaire qui leur plaisait, une seule solution s’imposait : les politiques monétaires européennes devaient converger ; elles devaient perdre leur indépendance. Ceci s’est traduit par l’alignement de plusieurs banques centrales (Pays-Bas, Belgique, Autriche, France) sur la politique monétaire définie par la Bundesbank allemande. C’est ce qu’on a parfois appelé « la liaison du franc belge (ou du florin néerlandais ...) au deutsche mark ».


Toutefois, il n’était pas garanti, nous en avons eu la preuve à plusieurs reprises, que ces arrangements entre banques centrales soient suffisants pour faire face aux forces déstabilisatrices qui peuvent se développer dans un marché complètement intégré.


Dès lors, vu la nécessaire convergence des politiques monétaires, pourquoi ne pas créer une seule banque centrale responsable d’une seule politique monétaire et donc d’une monnaie unique ?


2.3. Construire l’Europe politique


Enfin, l’adoption de la monnaie unique était vue par ses promoteurs comme un pas décisif vers une véritable intégration politique de l’Europe.


- Une intégration politique interne :


Disposer d’une même monnaie a, de tous temps, uni les hommes plus sûrement qu’il n’y paraît. Dotés d’une monnaie unique, les pays d’Europe seront, encore plus qu’avant, sur le même bateau économique, leurs intérêts plus que jamais communs, leur solidarité plus que jamais indispensable. La nécessité de décider ensemble de leur avenir s’imposera.


- Une intégration politique par rapport à l’étranger :


Nous avons vu que le dollar, depuis 1945, avait été l’un des vecteurs les plus importants de l’hégémonie américaine et qu’il était resté, faute de mieux, la devise internationale, malgré l’effondrement du système de Bretton Woods.


Monnaie unique d’un marché unique de 370 millions d’habitants, l’euro pourra jouer un rôle comme devise internationale et renforcer ainsi le contrepoids européen face à la puissance américaine. C’est dans cette perspective que Jacques Delors affirmait que « la monnaie unique, c’est aussi un instrument de puissance »5.


Cette perspective intéresse, bien sûr, au premier chef les Européens, mais aussi le reste du monde et les institutions internationales qui préfèrent un équilibre des forces à l’actuelle domination des U.S.A., face aux défis gigantesques que leur pose la mondialisation de l’économie.




La marche vers l’Union économique et monétaire s’inscrit directement dans la vision des « pères fondateurs » de l’Europe : faire en sorte qu’en intégrant leurs économies, les Européens se retrouvent tellement unis et forts qu’il leur devienne impensable, non seulement de se faire la guerre, mais aussi de ne pas prolonger l’union économique par une union politique.


3. Quelques questions discutées pendant la négociation du Traité de Maastricht


3.1. Pourquoi une convergence économique avant l’entrée dans l’Union monétaire ?


Une zone monétaire optimale, telle que la définissent la plupart des économistes, est une zone où existe la libre circulation des biens, services, capitaux et personnes et où les économies sont suffisamment proches pour que la réaction à un choc externe soit relativement similaire dans l’ensemble de la zone. Les principaux paramètres qui déterminent la valeur de la monnaie ne doivent pas être trop différents d’un point à l’autre de la zone. Un pays membre de l’Union monétaire qui accuserait un déficit public beaucoup plus élevé ou qui connaîtrait une inflation beaucoup plus forte que les autres pays membres risquerait, surtout s’il s’agit d’un pays relativement important, d’entraîner un affaiblissement de la monnaie au détriment de l’ensemble.


Bien sûr, sans volonté politique, il n’y a pas d’union monétaire possible et le meilleur contre-exemple des affirmations qui précèdent est l’unification monétaire allemande, réalisée sans aucune convergence préalable, entre deux économies radicalement différentes. L’impératif politique y fut nettement prévalent ; les Allemands ont même choisi, contre toute logique économique, de faire « comme si » un mark de l’Est valait autant qu’un mark de l’Ouest.


On a vu cependant le danger de pratiquer de la sorte ; pour les entreprises de l’ex-Allemagne de l’Est, les restructurations sont plus difficiles avec une monnaie surévaluée.


Il a donc paru plus sage de faire précéder le passage à la monnaie unique d’une phase de convergence durant laquelle les pays candidats doivent montrer leur capacité à maîtriser leur inflation, à contenir leur déficit budgétaire, à maintenir leurs taux d’intérêt bas et leur monnaie stable, comme ils devront le faire dans l’Union monétaire. En effet, dans une zone à monnaie unique, le comportement de chaque pays rejaillira sur la valeur de la monnaie de tous.


C’est pourquoi le Traité de Maastricht a fixé une série de critères de convergence, qui doivent être respectés pour entrer dans la monnaie unique. Les critères sont les suivants :


- une inflation faible : le taux d’inflation ne peut dépasser de plus de 1.5% celui des trois pays européens ayant l’inflation la plus faible ;


- un déficit public réduit : le déficit budgétaire ne peut dépasser 3% du PIB;


- une dette publique maîtrisée : le rapport de la dette au PIB doit tendre vers 60% à un rythme satisfaisant ;


- la stabilité du change : la monnaie nationale ne doit pas avoir subi de dévaluation pendant deux ans et doit être restée dans les marges normales du mécanisme de change du Système monétaire européen ;


- des taux à long terme limités : ils ne peuvent pas excéder de plus de 2% le taux des trois pays européens ayant l’inflation la plus faible.




3.2. Pourquoi une seule banque centrale européenne indépendante des gouvernements ?


On peut aisément comprendre qu’il n’y a qu’une seule banque centrale, responsable de la politique monétaire européenne, lorsqu’il n’y a plus qu’une seule monnaie européenne.


La Banque Centrale Européenne (BCE) est dirigée par un directoire de six membres nommés d’un commun accord par les gouvernements des Etats membres et par un conseil composé des membres du directoire et des gouverneurs des (ex-) banques centrales nationales.


Dans l’accomplissement de ses missions, la BCE doit pouvoir agir en toute indépendance. Il est en effet risqué de laisser un gouvernement interférer dans la politique monétaire. A la fois juge et partie, il peut être tenté d’être moins strict en matière de stabilité des prix. L’expérience nous a appris que l’inflation, une fois installée, était difficile et douloureuse à combattre et que, dans de petits pays très ouverts, elle était tout particulièrement néfaste. Mais laisser « filer » l’inflation peut être parfois tentant pour un gouvernement. Supposons que ce dernier autorise des hausses de salaires trop fortes. A terme, celles-ci risquent de faire perdre des emplois mais, dans l’immédiat, elles sont bien vues des électeurs bénéficiaires de ces hausses.


C’est pour éviter toute ingérence gouvernementale dans la politique monétaire que le Traité de Maastricht a garanti l’indépendance de la Banque centrale européenne. Celle-ci peut donc prendre en toute autonomie les mesures nécessaires si elle estime qu’il y a un risque que l’inflation dépasse le niveau jugé acceptable (autour de 2%). En particulier, la Banque centrale européenne peut décider de relever les taux d’intérêt même si cela n’est pas du goût des gouvernements.


C’est la raison pour laquelle le Traité prévoit que les membres du directoire et du conseil de la BCE ne peuvent solliciter ni accepter des instructions d’aucune autre instance, européenne ou nationale. Le mandat des membres du directoire est relativement long (huit ans) mais n’est pas renouvelable, de manière à assurer leur indépendance vis-à-vis des gouvernements.


Toutefois, l’indépendance de la BCE ne signifie pas que celle-ci doit travailler en vase clos. Le Président du Conseil des ministres européens des Finances (le Conseil Ecofin) et le membre de la Commission européenne en charge des affaires économiques participent aux réunions du conseil des gouverneurs de la BCE. Le Président de la BCE est invité à participer aux réunions du Conseil Ecofin lorsque celui-ci discute de questions relatives aux missions de la BCE. Celle-ci adresse un rapport annuel sur la politique monétaire au Parlement européen, au Conseil et à la Commission. Le Président de la BCE et les autres membres du Directoire peuvent, à la demande du Parlement européen ou de leur propre initiative, être entendus par les commissions compétentes du Parlement européen.


3.3. Comment faire fonctionner l’UEM au jour le jour ou « comment gouverner sans gouvernement » ?


Le principe de base de la « gouvernance » de l’Union Economique et Monétaire est que la politique monétaire est de la responsabilité d’une seule autorité européenne tandis que les politiques économiques continuent à relever des autorités nationales mais moyennant une certaine coordination et quelques règles communes.


La politique monétaire est la responsabilité exclusive de la Banque Centrale Européenne (BCE). Sa mission est définie par le Traité de Maastricht : elle doit « maintenir la stabilité des prix » et, sous réserve de ne pas porter préjudice au premier objectif, « apporter son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté » (art. 105). Il est faux d’affirmer que la BCE ne doit se préoccuper que de la stabilité des prix ; elle doit se soucier aussi d’apporter sa contribution à la croissance et à l’emploi. Mais il ne fait aucun doute que les auteurs du Traité ont voulu que la BCE donne la priorité à la lutte contre l’inflation, afin de sauvegarder le pouvoir d’achat de la monnaie européenne.


La politique de change, c’est-à-dire la politique visant à influencer le taux de change de l’euro par rapport aux autres monnaies, en particulier le dollar, est une compétence partagée entre le Conseil Ecofin et la BCE. Le Conseil peut, sur recommandation de la BCE ou après l’avoir consultée, fixer les orientations générales de la politique de change et la BCE est chargée de mettre en œuvre ces orientations.


Les politiques économiques continuent à relever des Etats nationaux. Toutefois, le Traité précise que ceux-ci « considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun » et qu’ils doivent les conduire « en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté (...) et dans le contexte des grandes orientations » définies en commun au niveau européen (art. 98-99). Face au pôle monétaire unifié, il apparaît en effet indispensable de coordonner les politiques économiques. Comment pourrait-on avoir une politique monétaire unique si les politiques budgétaires ou salariales des Etats membres sont divergentes ?


Politiques économiques et instruments de coordination


Les principaux instruments de coordination des politiques économiques actuellement en place sont :


« les grandes orientations des politiques économiques » : chaque année, celles-ci sont préparées par la Commission et adoptées par le Conseil ; les politiques nationales doivent s’y conformer ; une surveillance multilatérale, sous l’impulsion de la Commission, est mise en place et la procédure peut déboucher sur la mise en cause publique de l’Etat membre qui ne respecterait pas les grandes orientations (c’est ce qui s’est produit pour l’Irlande en 2001).


« le pacte de stabilité » : ce pacte interdit aux Etats membres de l’U.E.M. de laisser le déficit public croître au-delà de 3% du P.I.B. ; mais des facteurs pertinents, en particulier des réformes structurelles (pensions) peuvent être pris en compte pour justifier un dépassement temporaire de cette limite ; le pacte prescrit aux Etats membres de tendre à moyen terme vers un budget en surplus (pour les pays à endettement élevé) ou proche de l’équilibre (pour les pays à faible endettement) ; si la Commission estime qu’il y a un déficit excessif dans un Etat membre ou qu’un tel déficit risque de se produire, elle déclenche une procédure visant à amener l’Etat concerné à prendre les mesures nécessaires pour réduire le déficit ; selon la nouvelle règle du pacte révisé en 2005, l’Etat dispose de deux ans pour corriger ce déficit excessif; cette période peut même être prolongée en cas d’événements économiques inattendus et contraires (« unexpected and adverse economic events »), mais à condition que l’Etat concerné prouve qu’il a pris les mesures qui lui avaient été recommandées ; si l’Etat concerné ne réagit pas, il peut faire l’objet de sanctions financières.


« les lignes directrices pour l’emploi » : le but est de développer une stratégie coordonnée pour la promotion de l’emploi ; il s’agit notamment de comparer la situation de chaque Etat par rapport à ceux qui ont le taux d’emploi le plus élevé (« benchmark »), d’établir la liste des mesures qui sont susceptibles de donner les meilleurs résultats (« best practices ») et d’examiner combien de ces mesures sont mises en œuvre dans chaque Etat (« scorecard ») ; ces lignes directrices sont proposées par la Commission et adoptées chaque année par le Conseil ; ce dernier peut adresser des recommandations spécifiques aux Etats qui ne tiennent pas suffisamment compte des lignes directrices dans leurs politiques de l’emploi ; le Traité précise que ces lignes directrices doivent être compatibles avec les « grandes orientations des politiques économiques ».




Sous la présidence luxembourgeoise, en avril 2005, il a été logiquement décidé de fusionner les « grandes orientations des politiques économiques » et les « lignes directrices pour l’emploi » dans un seul et même document, qui devient ainsi la pierre angulaire de la coordination au niveau européen.


Sur cette base, les Etats membres doivent établir un programme de réformes pour 3 ans et faire rapport chaque automne sur la mise en œuvre de ce programme. La Commission analyse alors ces rapports et en présente une synthèse en janvier. Se fondant sur ce « progress report », la Commission peut proposer des amendements aux lignes directrices, si cela s’avère nécessaire.


Cette approche plus intégrée constitue certainement un progrès. Néanmoins, on peut considérer que la coordination au sein de l’euro-zone est encore insuffisante.


II. Les problèmes de coordination dans l’organisation institutionnelle actuelle


1. La coordination des politiques


L’organisation actuelle des politiques économiques dans la zone euro se fonde, implicitement, sur ce qu’il est convenu d’appeler « la règle de Tinbergen », du nom du célèbre économiste néerlandais Jan Tinbergen, qui, dans les années 50, a montré que pour pouvoir atteindre un objectif de politique économique donné, il faut disposer, et se servir, d’un instrument spécifique. Autrement dit, il faut avoir à sa disposition autant d’instruments de politique économique qu’il y a d’objectifs à atteindre, faute de quoi certains objectifs risquent de se révéler inatteignables.


Dans la zone euro, il ne semble pas, a priori, que l’on déroge à la règle de Tinbergen. En effet, la politique monétaire a la tâche de réaliser l’objectif de stabilité des prix, la politique budgétaire des États membres a pour mission d’assurer la stabilité macroéconomique, tandis que la politique structurelle a pour but de procurer une croissance durable.


Bien entendu, pour atteindre les objectifs de politique économique, il ne suffit pas de respecter la règle de Tinbergen. Il faut, en outre, que chaque politique soit bien adaptée, de façon à atteindre l’objectif qui lui est assigné. Cette affirmation peut paraître banale, mais c’est loin d’être le cas, comme on le voit très bien dans la pratique. Par ailleurs, aucune politique et aucun objectif n’existent de manière isolée. Il y a des interdépendances entre les différentes politiques et leurs objectifs, et si le processus de prise de décision en matière de politique économique n’en tient pas compte, il demeure inévitablement en deçà de son optimum.


Je traiterai, pour commencer, de la politique monétaire. Elle est certes bien adaptée pour atteindre l’objectif d’un taux d’inflation peu élevé, mais on ne voit pas bien comment il est tenu compte, actuellement, dans la définition de l’objectif en matière d’inflation pour la zone euro, du rôle de soutien que la politique monétaire pourrait jouer dans la réalisation des objectifs des politiques budgétaire et structurelle. Je reviendrai sur ce point un peu plus tard.


Étroitement liée à la politique monétaire, dans le cadre de l’Eurosystème, est la question du rôle extérieur de l’euro. L’extension de l’usage de l’euro comme monnaie de réserve à travers le monde a déjà grandement influencé, et continuera d’influencer de manière importante, les politiques économiques au sein de la zone euro. La part de l’euro dans les réserves de change mondiales est passée de 18 % en 1999 à 25 % à la fin de 2004, et il y a de bonnes raisons de penser que le rôle de l’euro comme monnaie internationale s’amplifiera encore à l’avenir. Cette situation a des conséquences directes sur la demande d’euros, sur le taux de change entre l’euro et les autres devises, sur la situation monétaire et l’environnement macroéconomique au sens large dans la zone euro, et sur la compétitivité des coûts de production en Europe. Tout cela signifie que le rôle extérieur de l’euro contribuera, de manière significative, à façonner le paysage économique européen, et qu’il faudra en tenir compte dans la définition des politiques.


J’en viens maintenant à la politique budgétaire. À ce sujet, il est généralement convenu que les mécanismes de stabilisation automatiques sont utiles et qu’il faut les laisser fonctionner sans entraves. Toutefois, dans beaucoup de pays, en raison des excès du passé, la capacité de la politique budgétaire à contribuer à la stabilité macroéconomique est fortement limitée. Par ailleurs, les politiques budgétaires des pays de l’UE ont généralement souffert d’une tendance à suivre l’évolution conjoncturelle ; autrement dit, elles s’assouplissent lorsque la conjoncture est favorable et elles se durcissent lorsque la conjoncture se retourne, ce qui a pour effet d’amplifier les fluctuations cycliques, au lieu de les lisser. De plus, dans l’organisation actuelle de la politique budgétaire, il n’y a rien qui mette en évidence le coût potentiel de l’inaction face aux questions de viabilité à long terme, comme celle que pose, par exemple, le vieillissement de la population. Il n’y a pas non plus, dans le cadre actuel, d’éléments intrinsèques incitant à apporter des améliorations structurelles aux politiques budgétaires, comme un rehaussement de la qualité et de la productivité à long terme de la dépense publique, par exemple. En résumé, il n’y a tout simplement pas de lien, dans l’état actuel des choses, entre politiques budgétaires et croissance à long terme.


Cela nous amène à la question de la politique structurelle. Il y aurait certes beaucoup à dire sur la faiblesse des mesures prises jusqu’à présent pour inciter à mettre pleinement en œuvre l’agenda de Lisbonne. En ce qui concerne la coordination de la politique structurelle avec les politiques monétaire et budgétaire, force est de constater que le bilan, à l’heure actuelle, est assez maigre. De fait, chaque État membre a la latitude de coordonner, ou non, sa politique budgétaire et sa politique de réforme structurelle. S’il est clair que les différents pays, et l’UE dans son ensemble, sont sensibilisés aux conséquences budgétaires à long terme des mutations structurelles, telles que le vieillissement de la population, le rôle de soutien que la politique budgétaire pourrait jouer, à moyen terme, pour faciliter les réformes de structure est, quant à lui, beaucoup moins reconnu. Une des raisons en est, bien sûr, le fait que dans nombre d’États membres la marge de manœuvre en matière budgétaire est très limitée.


2. La coordination entre pays


Abordons maintenant la coordination des politiques entre les pays de la zone euro. Comme je l’ai rappelé, l’organisation actuelle dans ce domaine repose sur le principe de la délégation de la politique monétaire à une instance supranationale, ce que l’on peut considérer comme étant la forme ultime de coordination. Les politiques budgétaire et structurelle, par contre, relèvent des domaines de compétence des différents États membres, sans qu’il y ait de coordination entre eux.


L’absence de coordination des politiques budgétaire et structurelle pratiquées dans les différents pays peut entraîner des coûts économiques, tant directs qu’indirects. En témoigne, par exemple, la concurrence fiscale néfaste à laquelle se livrent les pays pour attirer des entreprises étrangères en réduisant toujours davantage l’impôt sur les sociétés. Cette forme de « course vers le bas » induit des coûts économiques directs pour tous les pays concernés. On pourrait aussi, à titre d’illustration, prendre le cas d’un projet d’infrastructure qui doit relier deux pays, mais qu’aucun des deux pays concernés n’accepte de financer au prétexte que l’autre pays en tirerait davantage profit. Dans un tel cas, l’absence de coordination des politiques a un coût indirect pour chacun des deux pays, puisque les retombées positives du projet leur échappent.


Beaucoup considèrent que les réformes structurelles, puisqu’elles sont essentiellement de nature microéconomique, génèrent peu de retombées externes. C’est pourquoi il appartiendrait à chaque pays de réaliser ses propres réformes de façon indépendante. Il est vrai, effectivement, que dans certains domaines — celui du marché du travail, par exemple — la plupart des avantages de la libéralisation profitent au pays qui opère la réforme structurelle. Bien entendu, une partie du supplément de croissance qui est généré aura un effet d’entraînement pour les pays voisins, par le biais des échanges commerciaux, mais il n’est pas évident que le taux de croissance à long terme de l’Espagne, pour prendre un exemple, serait fortement influencé du seul fait d’une amélioration du fonctionnement du marché du travail en Allemagne. Les principaux bénéficiaires d’une telle réforme seraient, de loin, les citoyens allemands eux-mêmes.


Si les effets d’entraînement que l’on peut attendre d’une coordination des réformes structurelles entre pays sont sans doute relativement modestes, la coordination des politiques est néanmoins souhaitable. Toutefois, avant de défendre cette thèse, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse et de poser la question : comment expliquer que les pays aient pu s’entendre pour coordonner leur politique monétaire, alors qu’il ne leur a pas été possible d’exploiter les avantages découlant d’une coordination des politiques budgétaire et structurelle ?


À l’évidence, la réponse à cette question est autant d’ordre politique qu’économique. La délégation à une autorité supranationale de la politique monétaire et de la politique de taux de change se justifie par les retombées très importantes que ces politiques peuvent avoir sur l’ensemble des économies concernées. Déléguer la politique monétaire est le moyen le plus sûr d’empêcher la survenance de chocs liés aux changements brusques de politique monétaire ou aux dévaluations compétitives. Étant donné qu’un risque de dévaluations compétitives est toujours latent dans une zone économique où coexistent de multiples monnaies et que ces dévaluations ne sont porteuses, en fin de compte, que de désavantages pour l’ensemble des pays, il est éminemment raisonnable de convenir d’une organisation qui les rend impossibles une fois pour toutes.


En revanche, pour la politique budgétaire, le maintien de son caractère national s’explique à la fois par un motif économique et par un motif politique. Le motif économique est que les États membres, ayant perdu leur autonomie monétaire, ont besoin d’un autre instrument de stabilisation macroéconomique, d’autant que les cycles conjoncturels ne sont pas très bien synchronisés au sein de la zone euro. Il y a par ailleurs, et c’est le motif politique, le désir manifeste des États membres de conserver leur autonomie fiscale. Ces deux raisons l’ont, du moins jusqu’à présent, toujours emporté sur l’argument selon lequel la coordination des politiques budgétaires permettrait de bénéficier d’effets d’entraînement dans l’ensemble des pays.


Les arguments en faveur de l’organisation actuelle des politiques structurelles sont similaires, sauf que, d’une part, les sensibilités politiques à ce sujet sont sans doute plus aiguës qu’en matière de politique budgétaire et que, d’autre part, les retombées potentielles sur d’autres pays sont plus faibles. Voilà pourquoi c’est sans doute dans le domaine structurel que les perspectives d’une coordination des politiques des différents pays semblent les plus lointaines, même si, comme je tenterai de l’expliquer, c’est précisément en cette matière que la coordination pourrait apporter des avantages importants.



III. Vers une meilleure gouvernance de l’Eurosystème


Quelles sont les modifications, porteuses d’avantages économiques concrets, que l’on pourrait apporter à la gouvernance de l’Eurosystème ?


Commençons par la coordination entre les politiques économiques. Les réformes structurelles seraient plus aisées à mettre en œuvre si elles pouvaient recevoir un soutien de la politique budgétaire. Et, inversement, les réformes structurelles renforcent l’efficacité à long terme de la politique budgétaire. L’UE a commencé à prendre en compte ce constat à travers la réforme du Pacte de stabilité et de croissance. Il est désormais accepté que la mise en œuvre de réformes favorisant la croissance à long terme puisse justifier que l’on s’écarte temporairement des objectifs de déficit budgétaire fixés initialement. Bien que cette disposition ne confère pas beaucoup de marge de manœuvre aux pays qui connaissent un déficit important, il s’agit là d’un pas dans la bonne direction.


La politique monétaire peut, elle aussi, apporter un certain soutien à cet égard. Naturellement, la Banque centrale européenne accueillera une telle suggestion avec circonspection, mais il est clair qu’il existe des complémentarités entre politique monétaire et réformes structurelles. Le défi consiste à organiser la coordination et à s’assurer que les engagements souscrits sont respectés par tous. La Banque centrale européenne n’accepterait bien entendu pas qu’on lui force la main, mais, à condition que les Etats s’engagent sérieusement sur la voie des réformes structurelles, elle devrait pouvoir être en mesure de soutenir leur action, en aidant à atténuer les effets négatifs que ces réformes provoquent généralement à court terme.


Au sujet de la coordination des politiques entre pays, il est souhaitable, même si les retombées des réformes structurelles sont limitées, que l’UE joue un rôle en pointe dans la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. L’UE possède en effet un avantage par rapport aux pays considérés individuellement, sur le plan de l’information et de la coordination, et elle est en outre capable de s’affranchir de certaines contraintes politiques qui freinent la mise en œuvre des réformes dans les différents pays.


Qui plus est, la coordination des réformes de Lisbonne entre les différents pays peut, à son tour, faciliter la coordination des politiques structurelles et macroéconomiques que je viens d’évoquer. Quand des réformes des marchés des biens et du travail sont introduites dans un pays de la zone euro, on constate que les prix n’ont tendance à baisser que dans ce seul pays. Or, les taux d’intérêt à court terme sont déterminés par le niveau de l’inflation dans l’ensemble de la zone euro et ne sont guère influencés par des événements se produisant dans un seul pays, surtout s’il s’agit d’un pays de petite dimension. Par conséquent, dans le pays qui a entrepris des réformes, le taux d’intérêt réel augmente, ce qui a pour effet, dans un premier temps, de freiner la demande intérieure et d’allonger la période de transition. Par contre, des mesures de dérégulation introduites de manière synchronisée dans tous les pays de la zone euro induisent une baisse de l’inflation dans l’ensemble de la zone, ce qui permet de pratiquer une politique monétaire plus conciliante. Ce second scénario a de toutes autres conséquences sur le niveau de la demande intérieure et, dans ce cas, l’investissement et la consommation augmentent, l’un et l’autre, à un stade beaucoup plus précoce de la phase de transition. C’est pourquoi, même en l’absence d’effets d’entraînement substantiels, une coordination entre pays pourrait favoriser le succès des réformes structurelles.


La question de la coordination entre politiques et entre pays est intimement liée au mode d’organisation du processus de prise de décision et de représentation de la zone euro, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE. Au départ, quand l’Union économique et monétaire a été conçue, l’on s’attendait à ce que tous les pays de l’UE y adhèrent plus ou moins rapidement. A l’heure actuelle, la majorité des Etats membres de l’UE ne font pas partie de la zone euro. La coordination de la politique monétaire avec les politiques budgétaire et structurelle dans les pays de la zone euro, d’une part, et dans les pays qui n’en font pas partie, d’autre part, sont deux choses fondamentalement différentes. Aussi longtemps qu’il y aura des pays membres de l’UE qui n’appartiendront pas à la zone euro, la coordination des politiques au sein de la zone euro et à l’extérieur de celle-ci ne pourra pas suivre les mêmes schémas. Or, les décisions relatives à la zone euro sont prises par le Conseil Ecofin. Les ministres des finances des pays dont la monnaie est l’euro se réunissent informellement dans ce qu’il est convenu d’appeler l’ « Eurogroupe ». Mais l’Eurogroupe ne peut pas prendre de décision ; c’est le Conseil Ecofin, qui réunit les 27 ministres des finances, qui peut décider, même si seuls les pays de la zone euro sont concernés. Le projet de traité constitutionnel reconnaissait officiellement l’existence de l’Eurogroupe (art. III-195) et prévoyait que ses membres élisent un président pour deux ans et demi (ce qui a été anticipé par l’élection de J.-Cl. Juncker). En outre, le projet de traité prévoyait que les Etats membres qui font partie de la zone euro pourraient désormais adopter de manière autonome des mesures spécifiques en vue de renforcer la coordination économique et budgétaire (art. III-194). Enfin, le projet de traité disposait que les droits de vote des Etats qui ne font pas partie de la zone euro seraient suspendus lors de l’adoption par le Conseil Ecofin de recommandations visant un Etat de la zone euro en cas de non-respect des « grandes orientations des politiques économiques » ou de déficit excessif (art. III-197-4).


Ces quelques modifications constituaient un réel progrès, devenu nécessaire au vu du nombre important d’Etats membres qui ne participent pas (encore) à l’euro. Mais on sait ce qu’il est malheureusement advenu de ce projet de traité ...


D’autre part, il faut bien reconnaître que, dans la plupart des Etats membres, ce ne sont pas les ministres des finances qui sont compétents dans les matières où les réformes sont les plus attendues. Même s’ils en parlent beaucoup et mentionnent les réformes structurelles dans tous leurs communiqués, les ministres des finances ne fixent pas à eux seuls l’agenda de ces réformes et n’ont que peu d’influence sur leur mise en œuvre. Les chefs de gouvernement qui sont, eux, responsables de cet agenda des réformes, ne se rencontrent jamais dans le cadre d’une réunion de type « Eurogroupe ». Il me semble donc qu’il serait utile que, une ou deux fois par an, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la zone euro se réunissent dans cette formation.


En ce qui concerne la représentation de la zone euro à l’extérieur de l’UE, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de voix unique parlant au nom de la zone euro. En particulier, au Fonds monétaire international et à la Banque Mondiale, les Etats membres continuent à occuper des sièges différents. Pour ce qui est du G7, la situation est pour le moins bizarre : 4 pays de l’UE y sont représentés, dont 3 appartiennent à la zone euro, et l’UE y est représentée par le président de la Commission. Il est clair que cette situation n’est pas tenable à terme. Une zone qui est intégrée sur le plan économique devrait parler d’une seule voix quand elle participe à des débats portant sur la gestion macroéconomique mondiale. Ce n’est que si elle parle d’une seule voix, forte et stable, que l’Europe pourra avoir dans ces instances une influence correspondant à son poids dans l’économie mondiale.




(1) AGE = Accords Généraux d’Emprunt signés entre le FMI et le G10 (dont la Suisse qui n’est pas membre du FMI) en vue d’accroître les ressources du FMI.

(2) Des Six de la CEE à l’époque, et de quatre autres pays non encore membres de la CEE (G.-B., Irlande, Danemark, Suède, déjà candidats à l’adhésion. Adhésion effective, sauf Suède, le 1er janvier 1973).

(3) Dollar qui devait fluctuer de ± 2,25 % par rapport à l’or (avec la parité 38 $ l’once d’or fin, après la dévaluation du $ de 7,89 % en décembre 1971 ; 42,22 $ l’once d’or fin, après la dévaluation du $ de 10 % en février 1973).

(4) Il ne s’agit pas de ± 1,125 % (soit la moitié de ± 2,25 %), comme certains le disent et qui n’a aucun sens.

(5) J. Delors : L’unité d’un homme , Paris, Odile Jacob, 1994, p. 241. Sur les avantages d’un système monétaire international plus symétrique, voy. Ph. Maystadt : "L’euro et le système monétaire international", in Annales de Droit de Louvain , 1998, n° 1; pp. 11-15.

Im PDF-Format einsehen