Le Luxembourg et la construction européenne

Le Luxembourg et la construction européenne


Après la Deuxième Guerre mondiale, le Luxembourg abandonne sa politique de neutralité et se lance dans une nouvelle politique de coopération internationale dans les domaines économique et militaire. Déjà en septembre 1944, les gouvernements en exil du Luxembourg, de la Belgique et des Pays-Bas avaient signé à Londres une convention douanière instituant le Benelux. Le 16 avril 1948, le Luxembourg signe à Paris la convention portant création de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), rassemblant les pays de l'Europe occidentale qui acceptent l'aide américaine du plan Marshall. À ces ententes économiques viendront s'ajouter de nouvelles alliances militaires. Le 17 mars 1948, le Luxembourg signe en effet le traité de Bruxelles instituant l’Union occidentale qui établit une coopération militaire et économique entre les cinq États fondateurs. Un an plus tard, le 4 avril 1949, le pays adhère à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dont les membres s’engagent à une assistance mutuelle en cas d’agression.


À la fin des années quarante, le Luxembourg est donc membre des plus importantes alliances économiques et militaires d’après-guerre. Avec sa participation aux premiers projets d’intégration européenne, le pays poursuit sa nouvelle politique étrangère. Le 5 mai 1949, le Grand-Duché signe à Londres le Statut du Conseil de l’Europe par lequel les États membres s’engagent, dans le cadre d’une organisation de coopération politique, à préserver les principes de la démocratie et du respect des droits de l’homme.


Le 9 mai 1950, Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères d’origine luxembourgeoise, propose la mise en commun des ressources de charbon et d'acier de la France et de l’Allemagne dans une organisation ouverte aux autres pays d'Europe. La création d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) donne le vrai coup d’envoi à l'intégration européenne. Compte tenu de sa situation géopolitique, le Luxembourg peut difficilement rester à l’écart. Par ailleurs, l’avenir du pays dépend largement de la réconciliation franco-allemande sur laquelle repose l'organisation européenne.


Pour la première fois, des États souverains envisagent de transférer une part de leurs compétences à une organisation supranationale. L’enjeu pour le Luxembourg est considérable. L’abandon des droits de douane sur la sidérurgie, qui constitue de loin le secteur d’activité le plus important du pays, suscite de nombreuses craintes. Le 18 avril 1951, le Luxembourg signe finalement le traité instituant la CECA et confirme son engagement sur la voie de l'intégration européenne. Le traité entre en vigueur le 23 juillet 1952.


Compte tenu de l’importance de la sidérurgie dans l’économie luxembourgeoise, le pays occupe une place particulière parmi les Six. Le Luxembourg est directement représenté dans toutes les institutions de la nouvelle Communauté, qui seront provisoirement installées à Luxembourg. En effet, dans la nuit du 24 au 25 juillet 1952, après d'interminables négociations diplomatiques à Paris sur le choix du siège de la CECA, Joseph Bech, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, propose la ville de Luxembourg comme lieu d'installation provisoire de la nouvelle organisation. Ses homologues acceptent, soulagés, une proposition qui permet aussitôt le début des travaux, sans pour autant devoir trancher définitivement sur une question controversée. La capitale du Grand-Duché devient ainsi le siège provisoire de la Haute Autorité, du Comité consultatif et de la Cour de justice de la CECA. Les réunions du Conseil spécial de ministres y ont également lieu. Même si les séances de l’Assemblée se tiennent à Strasbourg, un embryon d'administration parlementaire est, de même, constitué au Luxembourg. Cette décision est d’une importance capitale pour la ville qui devient, selon l’expression de Jean Monnet, «un carrefour de l’Europe»(1).


Suite à l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) et à l’abandon du projet d’une Communauté politique européenne (CPE) qui devait la chapeauter, la Communauté traverse une crise grave. Pour en sortir et pour relancer l’intégration européenne, les Six se mettent d’accord pour créer un Marché commun. Pour le Luxembourg, cela pose un problème tant sur le plan économique que sur le plan de la libre circulation des travailleurs. Après des négociations difficiles, des mesures de protection temporaires sont accordées au Grand-Duché et le 25 mars 1957, les traités de Rome instituant une Communauté économique européenne (CEE) et une Communauté européenne d’énergie atomique (CEEA ou Euratom) sont signés.


La question du siège des institutions européennes est cependant loin d’être réglée avec la décision prise en 1952. En 1965, la signature du traité de fusion des exécutifs des trois Communautés (CECA, CEE et CEEA) entraîne le regroupement de la plupart des services du Conseil et de la Commission à Bruxelles. Le Luxembourg perd le siège de la Haute Autorité de la CECA, mais s’assure en contrepartie la présence des institutions judiciaires et financières européennes dans sa capitale. Dans la décision de 1965, la ville de Luxembourg est mentionnée, au même titre que Bruxelles et Strasbourg, comme étant un lieu d’installation provisoire des institutions communautaires. En 1992, une décision est enfin prise concernant la fixation des sièges des institutions. Cette décision est confirmée par le protocole n° 8 annexé aux traités par le traité d'Amsterdam de 1997.


La ville de Luxembourg est le siège la Cour de justice et le Tribunal de première instance, la Cour des comptes et de la Banque européenne d'investissement. Par ailleurs, le Secrétariat général du Parlement européen et ses services, de même que quelques services de la Commission y sont installés. Pendant les mois d'avril, de juin et d'octobre, le Conseil tient également ses sessions à Luxembourg.


Depuis les débuts de la construction européenne, le Luxembourg veille à assumer pleinement son rôle de membre à part entière d'une Communauté en constante évolution, tout en préservant sa propre identité. À dix reprises, le pays a assuré la présidence du Conseil de l'Union européenne. Par ailleurs, dans le cadre de la rotation semestrielle de la présidence du Conseil, la présidence du Conseil européen lui est dévolue en sept occasions. Malgré les modestes ressources diplomatiques et matérielles dont elle dispose, la présidence luxembourgeoise a toujours été à la hauteur des attentes.


Trois Conseils européens tenus sous présidence luxembourgeoise sont notamment à souligner: en décembre 1985, les chefs d'État ou de gouvernement des Dix parviennent à un accord de principe sur une réforme des institutions des Communautés qui permet l’adoption de l’Acte unique européen en février 1986; en juin 1991, le projet de traité sur l'Union de la présidence luxembourgeoise sert de base aux négociations qui aboutissent au traité de Maastricht; en décembre 1997, l’Union européenne parvient à un accord sur son élargissement vers les pays d’Europe centrale et orientale. Du 1er janvier au 30 juin 2005, en assurant la présidence de l'Union européenne à 25, le Luxembourg se retrouve une fois de plus sur le devant de la scène européenne et internationale.



(1) Jean Monnet: Mémoires, Fayard, Paris 1976, p.434

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