Note méthodologique



La signature, le 25 mars 1957 à Rome, des traités instituant la Communauté européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom) constitue sans nul doute une étape essentielle dans l’histoire de la construction européenne. Après l’échec des projets de Communauté européenne de défense (CED) et de Communauté politique européenne (CPE) au milieu des années cinquante, l’Europe des Six marque, à travers la conclusion des traités de Rome, une avancée irréversible sur la voie de son intégration.

Le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) crée un marché commun généralisé caractérisé par une union douanière qui repose à la fois sur la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux et sur l’élaboration de politiques communes, notamment dans le secteur de l’agriculture et des transports. Le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) ou Euratom, qui doit consacrer l’importance civile de l’énergie atomique, crée, quant à lui, un marché commun nucléaire.

La ePublication «1955-1957 La relance européenne et les traités de Rome» constitue une nouvelle édition enrichie du dossier spécial «La genèse des traités de Rome 1955-1958» qui avait été réalisé à l’occasion des cinquante ans de la signature le 25 mars 1957, à Rome, des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique; il avait été publié en mars 2007 dans European Navigator.

La réalisation de l’édition enrichie de la ePublication s’appuie sur le cadre conceptuel défini dans le document stratégique du CVCE (CVCE Strategy Paper 2014-2017). Ce document est publié sur l’infrastructure de recherche du CVCE et est consultable ici. L’enrichissement porte notamment sur la méthodologie, la composition de la ePublication, la qualité et la pertinence de la sélection documentaire et les métadonnées associées aux ressources documentaires.

Question et hypothèse de recherche

La ePublication s’appuie sur une approche multidisciplinaire et mobilise l’histoire contemporaine, le droit et la science politique pour interroger le degré d’influence des facteurs endogènes et exogènes qui ont favorisé la relance de la construction européenne à la suite de l’échec des projets de CED et de CPE. Elle pose comme hypothèse de recherche principale que le dépassement des antagonismes entre États membres est favorisé par l’engagement d’une communauté épistémique formée d’hommes politiques et de fonctionnaires convaincus de la nécessité de la construction européenne1.

Principes gouvernant les recherches archivistiques et la sélection documentaire

Afin d’examiner l’influence des réseaux professionnels et de leurs idées sur la relance et le développement des négociations, depuis la conférence de Messine (juin 1955) jusqu’à la signature des traités de Rome (mars 1957), la ePublication s’appuie sur une exploration méthodique des archives historiques du Conseil de l’Union européenne à Bruxelles. Les documents issus de ce fonds constituent une partie importante des ressources documentaires publiées au sein de la ePublication. L’attention s’est notamment portée sur le fonds d’archives «CM3/NEGO Négociations du traité instituant la CEE et la CEEA» qui couvre toute la période de la relance de l’intégration européenne jusqu’à la signature des traités de Rome en 1957. Ce fonds a été constitué et préservé par le Secrétariat général du Conseil de ministres en charge du secrétariat du Comité intergouvernemental qui prépara les traités de Rome.

Les ressources documentaires sélectionnées présentent les multiples enjeux à la fois économiques, juridiques et politiques de la relance européenne. Elles concernent les négociations diplomatiques entre les délégations des Six (Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, République fédérale d’Allemagne).

L’analyse systématique des nombreuses réunions qui se sont déroulées pendant toute cette période (1955-1957) et qui ont réuni des ministres des Affaires étrangères, des fonctionnaires des administrations nationales, des experts, des représentants syndicaux et patronaux, met en exergue les positions défendues par les différents acteurs et contribue à suivre l’évolution du processus de négociation, aussi bien les avancées, que les points d’achoppements. Les documents d’archives reflètent notamment les difficultés auxquelles se sont heurtées les négociateurs, ainsi que les points de discorde qui ont été nombreux notamment autour de l’éventuelle association des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) à la future CEE, de l’harmonisation des prestations sociales, de la mise en œuvre d’un marché commun général ou bien du monopole de l’Euratom sur les approvisionnements en matière fissiles. À maintes reprises, les rapports de force ont été tels que les négociations ont failli échouer. La sortie de crise a été favorisée à la fois par la situation internationale (la crise de Suez qui éclate en 1956, conduit à un rapprochement des points de vue des parties) et par le résultat des dialogues bilatéraux entre les gouvernements français et allemand. Paris et Bonn, ont ainsi malgré de fortes divergences, pu trouver un compromis politique permettant la reprise et la conclusion des négociations de Bruxelles.

Les recherches archivistiques se sont aussi portées sur l’exploitation et la publication, en partie inédite, de documents d’archives en provenance d’autres fonds, notamment des Archives historiques de l’Union européenne à Florence (notamment les dépôts privés de Pierre Uri et du fonds du Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne), des documents issus de la Fondation Jean Monnet à Lausanne (portant sur le rôle du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe et l’action de Jean Monnet), des archives fédérales de la République fédérale d’Allemagne ou encore des archives du ministère des Affaires étrangères luxembourgeois déposées aux Archives nationales de Luxembourg (ANLux).

Afin de mieux cerner les nombreux aspects des négociations de Val Duchesse, les recherches se sont aussi portées sur l’exploitation des Documents diplomatiques français et belges permettant ainsi d’éclairer à travers la publication de notes, de mémorandums, d’échanges consulaires les positions respectives de deux pays dans la mise en place des futurs traités de Rome.

La réalisation d’une série d’entretiens exclusifs par le CVCE avec des témoins d’époque permet d’apporter un éclairage circonstancié des documents diplomatiques. On y trouve notamment les témoignages de Charles Rutten, Hubert Ehring, Pierre Pescatore, Max Kohnstamm, André Dubois, Hans-August Lücker, Albert Breuer, Pasquale Antonio Baldocci, Jean François-Poncet, Bino Olivi et de Henri Rieben.

Les entretiens réalisés par le CVCE sont complétés par d’autres sources proposant notamment des témoignages de Paul-Henri Spaak, Walter Hallstein, Hans von der Groeben, Maurice Faure, Christian Pineau, Jean-François Deniau, Pierre Uri, Dirk Spierenburg, Émile Noël, Paolo Emilio Taviani, Robert Rothschild, ainsi que par des archives audiovisuelles d’époque concernant la conférence de Messine, la conférence de Venise, les négociations de Val Duchesse et la signature des traités de Rome.

Structure de la ePublication

La ePublication est structurée en cinq grandes sections organisées selon une approche chronologique: La relance de l’intégration européenne; Le Comité intergouvernemental crée par la conférence de Messine; La Conférence intergouvernementale pour le Marché commun et l’Euratom; La signature et la ratification des traités de Rome; L’entrée en vigueur des traités de Rome.

Les sections se décomposent en plusieurs niveaux. Chacun est introduit par un article de contexte. Celui-ci se distingue par sa capacité à présenter de façon claire, simple et précise les thèmes examinés. Le texte se distingue par son objectivité (vérification soigneuse des références et des sources employées), la précision de son propos, sa qualité argumentative (ordonnancement des idées et des arguments), son caractère complet (capacité à saisir l’ensemble des volets et dimensions du sujet) et sa dimension multidisciplinaire. Le texte offre la possibilité d’une lecture à plusieurs niveaux, selon les acquis et le niveau de spécialisation des enseignants et des étudiants.

À chaque niveau est également associée une sélection de ressources documentaires. Celle-ci se distingue par la diversité de nature (documents institutionnels, correspondance, biographies, commentaires de doctrine/littérature grise, articles de presse,…), de discipline (documents juridiques, analyse économique,…), d’origine géographique et linguistique et de format (textes, images, enregistrements audiophoniques et/ou audiovisuels, schémas,…) des documents.

Une chronologie détaillée et interactive des années 1954 à 1958 et une bibliographie indicative complètent l’ensemble. Les références bibliographiques sont celles sur lesquelles l’auteur s’appuie pour la réalisation de la ePublication, ainsi que les sources d’information (ouvrages, articles scientifiques, monographies, sites internet,…) dont la consultation permet d’approfondir la compréhension du sujet traité. Prises dans leur ensemble, les références bibliographiques se distinguent par leur qualité scientifique, ainsi que par leur dimension interdisciplinaire, la diversité de leur langue de publication.

1 Sur le concept de communauté épistémique: RUGGIE, John Gerard. International Responses to Technology: Concepts and Trends. International Organization, été 1975, vol. 29, n° 3, p. 557-583; HAAS, Peter M. Introduction: Epistemic Communities and International Policy Coordination. International Organization, hiver 1992, vol. 46, n° 1. Knowledge, Power, and International Policy, p. 1-35. Pour une présentation générale: BOSSY, Thibault, et EVRARD, Aurélien. Communauté épistémique. Dans: BOUSSAGUET, Laurie, JACQUOT, Sophie, et RAVINET, Pauline (dir.). Dictionnaire des politiques publiques. Paris: Presses de Sciences Po, 2010, p. 140-147. Pour une analyse des réseaux professionnels dans les négociations des traités de Rome, voir par exemple: GERBET, Pierre. La «relance» européenne jusqu’à la conférence de Messine. Dans: SERRA, Enrico (éd.). Il relancio dell’Europa e i trattati di Roma. La relance européenne et les traités de Rome. The Relaunching of Europe and the treaties of Rome. Bruxelles: Bruylant, Milan: Giuffré, Paris: LGDJ, Baden-Baden: Nomos Verlag, 1989, p. 61 et s.

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