La CEE et les deux blocs

La CEE et les deux blocs


Face à l’unification européenne et à l’établissement du Marché commun, les États-Unis et l’Union soviétique adoptent des positions opposées. En effet, dans leur lutte d’influence en Europe occidentale qui reste au centre de leurs préoccupations diplomatiques, les deux Grands réagissent de manière différente à l’émergence du pôle européen.


Les États-Unis soutiennent dès le départ les efforts d’intégration des Six et les relations commerciales euro-américaines se font dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). La Communauté économique européenne (CEE) constitue très vite l’ensemble économique le plus important au monde derrière les États-Unis et s’affirme comme un acteur majeur dans les relations commerciales internationales. La croissance rapide du marché commun et, au début des années soixante, la perspective de l’élargissement des Communautés au Royaume-Uni, risque pourtant de mettre l’économie américaine en difficultés. C’est ainsi que le président américain John F. Kennedy propose en 1962 un partenariat atlantique entre l’Europe et les États-Unis. Alors que le gouvernement américain laisse entrevoir des relations égales entre la Communauté européenne et les États-Unis dans les relations commerciales, il n’est pourtant pas question de partager le leadership dans le domaine militaire. Le grand dessein du président américain prévoit notamment la participation des Européens à la constitution d’une force multilatérale (MLF) sous commandement américain dans le cadre de l’OTAN. Alors que le projet est accueilli favorablement par le Royaume-Uni et les partenaires de la France, il échoue finalement en raison de l’opposition du président français Charles de Gaulle. Dans sa conférence de presse de janvier 1963, il conteste le leadership américain dans le domaine des forces stratégiques et s’oppose à l’entrée du Royaume-Uni aux Communautés européennes, réduisant ainsi considérablement la portée de la proposition américaine.


Les dirigeants soviétiques ont de leur côté condamné, dès la naissance de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), toute idée d'intégration européenne. Ils voient d’un mauvais œil la renaissance de l’économie ouest-allemande dans le cadre du marché commun et dénoncent l’emprise des États-Unis sur l’Europe. Ce n’est qu’au moment de la détente dans les relations Est-Ouest au début des années soixante que les premiers contacts entre la CEE et le Conseil d'assistance économique mutuelle (COMECON) s’établissent, mais les relations commerciales se situent essentiellement sur un plan bilatéral. De même, toujours dans le contexte de la détente, l’Union soviétique établit des relations diplomatiques avec plusieurs États de l’Europe occidentale, notamment avec la France et la République fédérale d’Allemagne.


Si la CEE arrive à s’affirmer comme acteur international majeur sur le plan économique, il en est tout autre sur le plan politique. La France et le Royaume-Uni poursuivent leur propre programme nucléaire et la force de frappe conventionnelle est trop faible au regard de leur doctrine de représailles massives pour garantir la défense du continent européen sans l’aide des États-Unis. La reprise des tensions entre les deux Grands lors de la crise de Berlin et la crise de Cuba met la Communauté sous tension. En effet, l’Europe risque de se trouver au centre du conflit qui oppose les Etats-Unis et l’Union soviétique. Ce n’est que suite au dénouement de la crise des missiles et le début de la période de coexistence pacifique que la situation se détend. Ainsi, en absence d’une politique étrangère commune et compte tenu de sa faiblesse militaire, la Communauté est souvent confinée au statut d’observateur dans les altercations entre les deux Grands.


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