Dossiers thématiques

La CEI face à l'héritage de l'URSS

La CEI face à l’héritage de l’URSS


À l’origine, la CEI est également destinée à régler les problèmes posés par la dévolution de l’héritage de l’URSS (nationalités, territoires, héritage de l’appareil étatique de l’URSS, etc.). En fait, c’est la République fédérale de Russie qui s’empare de l’héritage de l’Union soviétique: le Kremlin, le ministère des Affaires étrangères, le commandement unique des armes nucléaires stratégiques, la place de membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU, les réserves d’or et de diamants et les ressources pétrolières. En contrepartie, elle reconnaît l’intangibilité des frontières avec ses partenaires, ce qui est important pour les républiques ayant de fortes minorités russes (Ukraine, Kazakhstan). Après l’effondrement de l’URSS, les frontières ne seront pas mises en causes officiellement entre les anciennes RSS. En revanche, dès les premiers signes d’implosion de l’URSS, certaines RSSA et RA manifestent une volonté d’autogestion ou d’indépendance vis-à-vis des anciennes RSS.


Libérés par l’éclatement de l’URSS, les nationalismes exacerbés par les conflits religieux fragilisent l’indépendance des États caucasiens en particulier. Selon la constitution de l’URSS, les RSS peuvent bel et bien faire sécession de l’Union. Cependant, les constitutions des RSS ne confèrent pas les mêmes droits à leurs RSSA et RA. En proclamant l’indépendance de la république du Haut Karabagh en 1991, les Arméniens de cette région, autonome à l’époque de la RSS d’Azerbaïdjan, affaiblissent considérablement la république d’Arménie. La Communauté internationale estime en effet que la République autoproclamée du Haut Karabagh bénéficie du soutien logistique militaire de la part de l’Arménie et inflige à cette dernière des sanctions. Pourtant, l’Arménie ne reconnaît pas officiellement la république du Haut Karabakh, mais elle refuse de condamner ses incursions en Azerbaïdjan qui provoquent la chute du pouvoir en place. Gueïdar Aliev, ancien apparatchik et nouvel homme fort en Azerbaïdjan, accepte de négocier avec les séparatistes mais sans issue. Le conflit autour du Haut-Karabagh est considéré à ce jour comme un des nombreux conflits gelés du Caucase.


Depuis l’indépendance de la Géorgie, les Abkhazes refusent au nom des peuples à disposer d’eux-mêmes l’autorité du gouvernement de Tbilissi et obtiennent l’appui des Tchétchènes, eux-mêmes en conflit avec Moscou à propos de revendications similaires, des Balkars et des Kabardes qui veulent à leur tour créer une république des peuples du Caucase du Nord. Les Ossètes du Sud qui, depuis 1989 contestent leur appartenance à la république de Géorgie et exigent leur indépendance pour s’unir aux Ossètes du Nord dont le territoire est situé à l’intérieur des frontières de la Russie. Cette poudrière prend feu de nouveau le 8 août 2008 lorsque des troupes géorgiennes, invoquant la sauvegarde de l’intégrité territoriale de la Géorgie, lancent une opération d’envergure pour restaurer leur autorité sur le territoire de l’Ossétie du Sud, ce qui provoque l’intervention de l’armée russe au détriment des troupes géorgiennes et la sortie de la Géorgie de la CEI.


En conclusion, l’URSS donne lieu à un travail de reconstruction politique non achevé. En dépit des efforts de Gorbatchev, l’éclatement de l’URSS est inévitable et légal compte tenu du droit de sécession. De son implosion naît la CEI, organisation confédérale qui a pour but de gérer le lourd héritage de l’empire soviétique. En réalité, c’est la Fédération de Russie qui succède à l’URSS. La CEI, qui a notamment pour ambition de régler les conflits postsoviétiques à l’échelle intergouvernementale, échoue dans cette mission. Elle ne réussit pas non plus à empêcher les risques de balkanisation dans le Caucase, d’autant moins que certains interprètent la CEI comme l’extension naturelle de le Russie. Dans cette optique, la CEI s’insère dans le processus de construction étatique non abouti de l’empire tzariste et de l’Union soviétique.

Consulter au format pdf