Le rapport Tindemans
Le rapport Tindemans
Le sommet de Paris des 9 et 10 décembre 1974 charge Leo Tindemans, Premier ministre de Belgique, de préparer un rapport permettant de définir ce qu'il y a lieu d'entendre par le concept d'"Union européenne". Les Neuf marquent de la sorte leur accord sur une relance de la construction européenne freinée par la crise économique et les menaces de désintégration de la Communauté. Fédéraliste de la première heure, Tindemans consulte les institutions européennes qui, toutes, lui soumettent un rapport mais aussi des centaines de personnalités représentatives des milieux politiques, économiques, syndicaux, associatifs et intellectuels dans les neuf pays de la Communauté. Le rapport sur l'Union européenne est rendu public le 29 décembre 1975. Il est présenté le 2 avril 1976 au Conseil européen de Luxembourg qui lui consacre un échange de vues préliminaire.
Sans aller jusqu'à proposer l'élaboration d'un nouveau traité, le rapport Tindemans plaide pour une consolidation des institutions existantes et pour un développement des politiques communes. Il veut élargir le pouvoir et l'autorité de la Commission et propose, pour ce faire, une procédure de désignation du président par le Conseil suivie d'une investiture par le Parlement. Tindemans suggère aussi de renforcer le pouvoir du Parlement européen, qu'il espère voir élu au suffrage universel dès 1978, en lui conférant un pouvoir d'initiative jusque-là réservé à la seule Commission. Le rapport plaide enfin pour l'extension du vote majoritaire au sein du Conseil et pour l'allongement de la durée de la présidence de la Communauté par un État membre à une année complète au lieu des six mois pratiqués.
Le rapport Tindemans préconise en outre un élargissement des compétences de la Communauté européenne dans les domaines monétaires, énergétiques, sociaux et régionaux. En matière de politique étrangère, le document prévoit une obligation juridique des États membres de parvenir à une position commune, éventuellement par recours au système majoritaire. Dans un contexte de détente sur la scène diplomatique internationale, l'objectif du chef du gouvernement belge est de permettre à l'Europe des Neuf de s'exprimer d'une seule voix vis-à-vis de l'extérieur. Il plaide également pour la création d'une agence européenne d'armements. Soucieux de rapprocher l'Europe des citoyens, Tindemans préconise la mise sur pied d'une politique européenne de l'éducation ainsi qu'une plus grande protection de l'environnement et des droits des consommateurs. Sur le plan économique, le Premier ministre belge développe enfin une série de propositions visant à consolider et à communautariser les mécanismes du serpent monétaire européen afin d'assurer une plus grande stabilité monétaire internationale.
Malgré son caractère pragmatique et volontairement modéré, le rapport Tindemans ne provoque pas l'enthousiasme au sein des gouvernements des États membres. Dans un contexte difficile de grave récession économique – on compte alors près de six millions de chômeurs dans la CEE- le rapport déçoit en effet les milieux fédéralistes qui le jugent trop timoré alors que les responsables politiques nationaux estiment au contraire déjà faire tout ce qui apparaît alors de l'ordre du possible. De nouveaux abandons de souveraineté nationale ne sont pas davantage à l'ordre du jour. Le projet du démocrate-chrétien Tindemans irrite enfin les cercles de gauche qui estiment dangereux de laisser aux forces de droite l'initiative en matière d'unification européenne. Le rapport Tindemans, qui est examiné lors du Conseil européen de La Haye du 30 novembre 1976, ne connaît aucune suite concrète immédiate hormis la demande faite au Conseil des ministres des Affaires étrangères et à la Commission européenne de rédiger un rapport annuel sur les progrès de l'Union européenne.