Le traité sur l'Union européenne

Les caractéristiques du traité sur l'Union européenne


Le traité est intitulé « sur l’Union européenne » et non « d’Union européenne ». Ce n’est pas une constitution définitive, mais une étape dans le processus évolutif d’intégration européenne. Des étapes ultérieures doivent être franchies. Il comporte d’ailleurs une clause de révision par une nouvelle conférence intergouvernementale dès 1996, clause demandée par les États qui estiment insuffisantes certaines dispositions du traité (l’Allemagne et la France pour la politique étrangère commune, la co-décision avec le Parlement européen par l’Allemagne, la répartition des matières entre les piliers pour la Belgique, …).


L’objectif fixé est « une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe », formule vague déjà employée en 1949 pour le Statut du Conseil de l’Europe, organisation intergouvernementale. La formule « Union à vocation fédérale » demandée par la majorité des délégations n’a pu être adoptée en raison de l’opposition britannique, alors que plusieurs des objectifs déclarés de l’Union ont une connotation fédérale (monnaie commune, espace sans frontières intérieures, citoyenneté, politique étrangère et de défense commune). Il est précisé que « l’Union respecte l’identité nationale de ses États membres ».


La structure institutionnelle de l’Union est celle des trois piliers distincts : Communauté européenne – terme remplaçant celui de Communauté économique puisque ses compétences sont étendues à d’autres domaines (éducation, culture, santé, environnement…), Politique extérieure et de sécurité commune, Justice et Affaires intérieures. La cohésion de ces piliers de nature différente (le premier communautaire, les deux autres intergouvernementaux, doit être assurée par un cadre institutionnel unique comprenant le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement dont le rôle est de donner à l’Union les orientations et les impulsions, le Conseil des ministres, la Commission, le Parlement, la Cour de justice. En fait, c’est le Conseil qui va jouer le rôle essentiel car il est compétent pour les trois piliers tandis que la Commission, tout en étant associée à toutes les activités du Conseil, n’a le monopole de proposition que pour les affaires communautaires. Le Parlement n’a qu’un rôle consultatif pour les deuxième et troisième piliers et la Cour de justice en est pratiquement exclue. Le traité définit la structure et les objectifs de chacun des piliers avec un échéancier des dispositions à adopter dans les années suivantes.


Le premier pilier de l’Union européenne est constitué par la « Communauté européenne », l’adjectif « économique » disparaissant en raison de l’extension de ses compétences à d’autres domaines. Il s’agit de dépasser la notion d’« Europe marchande », mais d’assurer le développement équilibré du grand ensemble européen dans tous les domaines. Il n’est toutefois pas question que la Communauté intervienne partout. Le traité formule le principe de « subsidiarité » selon lequel elle n’interviendra que lorsque les objectifs de l’Union ne pourraient être atteints par les seuls États membres. Ce principe ne doit s’appliquer qu’aux domaines de compétence partagée avec les États et non aux domaines de compétence exclusive de la Communauté, ce que les Britanniques auraient voulu pour rapatrier des compétences.


Une citoyenneté européenne est instituée qui ne supprime pas la citoyenneté nationale mais s’y ajoute pour faire prendre conscience aux citoyens de l’identité européenne en leur conférant des droits nouveaux : voter et être éligibles aux élections européennes et municipales dans l’État de l’Union où ils résident et non plus seulement dans leur pays d’origine, adresser des pétitions au Parlement européen et saisir son médiateur, recourir dans un pays tiers à la représentation diplomatique d’un autre État de l’Union au cas où n’existerait pas une représentation du sien.


Concernant les compétences de la Communauté, les plus importantes ne sont pas modifiées : Politique agricole commune, Union douanière, Politique des transports, Politique de la concurrence. La Politique commerciale commune n’a été que légèrement amendée. En revanche, les politiques instaurées par l’Acte unique sont élargies. La politique de cohésion économique et sociale doit réduire l’écart entre les niveaux de développement des différentes régions et les Fonds structurels seront réformés. Un Fonds de cohésion prévu pour aider les pays dont le PNB par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire (Espagne, Grèce, Irlande, Portugal) est mis en service dès le 1er avril 1993. La politique de recherche et de développement technologique doit regrouper toutes les actions dans ces domaines ce qui est réalisé par le programme-cadre pluri-annuel qui reste décidé par l’unanimité du Conseil, et la Commission n’a pas réussi à obtenir, par le traité de Maastricht, d’élargir ses compétences d’exécution, d’où des lenteurs et une efficacité insuffisante. La politique de l’environnement, en revanche, est fortement renforcée par le passage à la majorité qualifiée du Conseil, sauf exceptions demandées par les pays du Sud en raison du coût financier des mesures proposées et qui tiennent à pouvoir s’y opposer. Mais lorsqu’un État demande une dérogation à un programme communautaire sur l’environnement, il doit accepter une procédure de contrôle des mesures nationales provisoires.


Enfin, le traité d’Union comporte des chapitres nouveaux relatifs à l’éducation et à la culture, à la santé publique, à la protection des consommateurs, au développement des réseaux transeuropéens pour répondre à l’ouverture du grand marché. Mais si un chapitre a été introduit sur l’industrie, il ne prévoit – en raison des dissensions entre dirigistes et libéraux – que des consultations et d’éventuelles mesures décidées à l’unanimité à la demande de l’Allemagne. Il n’y a de chapitre nouveau consacré à la politique énergétique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas entendant conserver la libre disposition de leurs ressources en pétrole et gaz naturel.


En ce qui concerne la politique sociale, le traité d’Union reprend le chapitre du traité de Rome, légèrement renforcé par l’Acte unique, qui vise essentiellement à promouvoir une coopération étroite entre les Etats membres dans le domaine social. Des directives européennes ont été adoptées en matière d’hygiène et de sécurité du travail, et de rapprochement des législations sociales nationales. Mais les réalisations restaient limitées par les disparités de droits sociaux entre États membres. Pour aller plus loin, la Charte des droits sociaux fondamentaux a été adoptée le 9 décembre 1989 par les Onze seulement en raison du refus de la Grande-Bretagne, pour garantir ceux-ci dans la perspective de l’ouverture du grand marché intérieur et donner à la Communauté une dimension sociale. Mais les résultats ont été très limités. Aussi lors de la négociation du traité d’Union était-il nécessaire d’aller plus loin. La Grande-Bretagne est toujours hostile à la communautarisation d’une partie de la politique sociale. Toutefois, le Premier ministre John Major, plus souple que Margaret Thatcher, accepte de ne pas bloquer l’adoption de nouvelles dispositions, à condition d’en être exempté. D’où l’adoption, en annexe au traité d’un protocole (n°14) comportant un accord entre les Onze sur la politique sociale comportant des prescriptions minimales adoptées par voie de directives. C’est seulement avec l’arrivée au pouvoir du travailliste Tony Blair, que la Grande-Bretagne acceptera l’inclusion de cette politique sociale dans le traité d’Union lors de sa réforme par le traité d’Amsterdam (18 juin 1997).


Les institutions du pilier communautaire sont renforcées pour une meilleure efficacité et davantage de démocratie.


Au Conseil des ministres, qui prend les décisions, l’usage de la majorité qualifiée – déjà étendue par l’Acte unique à la réalisation du grand marché – a été étendu à de nombreux secteurs des nouvelles politiques de la Communauté (éducation, santé, formation professionnelle, protection des consommateurs, politique sociale…), mais sa portée est réduite lorsqu’il s’agit d’adopter seulement des recommandations. L’unanimité est maintenue pour les dispositions constitutionnelles (révision du traité, admission de nouveaux États membres, ressources propres du budget communautaire…), et aussi pour certaines politiques (cohésion économique et sociale, fiscalité, programme cadre de recherche, industrie, culture, environnement…). Là aussi les Britanniques ont freiné et Allemands et Français se sont montrés prudents.


La Commission voit son rôle renforcé par la pratique même du vote majoritaire au Conseil puisque ses propositions, dont elle a le monopole ont davantage de chances d’être adoptées. De plus, sa légitimité démocratique est accrue par le fait que le Parlement européen élu au suffrage universel a désormais un droit de regard sur sa nomination par les gouvernements et d’approbation du nouveau collège, qui se présentera devant lui avec son programme. Toutefois la Commission n’a pas reçu, comme elle le demandait, l’extension de son pouvoir d’exécution des règlements adoptés par le Conseil, ce dernier tenant à intervenir dans des cas spécifiques. De plus, la Commission doit continuer à obtenir, pour définir les modalités d’exécution, l’approbation de nombreux comités où siègent des représentants nationaux.


C’est le Parlement européen qui bénéficie le plus des réformes institutionnelles apportées par le traité d’Union européenne. Outre l’accroissement de son rôle dans la nomination de la Commission, il bénéficie de l’extension de la procédure d’ « avis conforme », c’est-à-dire du droit d’approuver ou de refuser les décisions du Conseil dans certains domaines importants. Il en disposait déjà pour l’admission de nouveaux membres, l’association d’États tiers, mais ce droit est étendu à de nouveaux cas : dispositions relatives au droit de circulation et de séjour des citoyens européens, création du Fonds de cohésion, mise en œuvre des fonds structurels, modification de certaines dispositions du statut du système européen des Banques centrales, adoption d’une procédure uniforme dans tous les États pour l’élection des parlementaires européens, modalités de certains accords internationaux. En revanche, le Parlement n’a pas obtenu l’avis conforme pour la révision du traité d’Union alors que, dès son élection au suffrage universel il avait revendiqué un rôle constituant, ni sur les dispositions relatives aux ressources propres du budget communautaire.


Dans le domaine législatif, le Parlement européen avait, dès son élection au suffrage universel, le droit de « décision » avec le Conseil des ministres sans l’obtenir. L’Acte unique (1986) lui avait donné une première satisfaction en instituant une « procédure de coopération » permettant aux parlementaires de rejeter ou d’amender une décision du Conseil, mais laissant, en cas de désaccord, le dernier mot à ce dernier. Cette procédure était limitée aux décisions majoritaires du Conseil pour la mise en œuvre du grand marché intérieur. Le traité sur l’Union européenne étend la « coopération » à certains domaines des nouvelles compétences communautaires, mais pas à tous les cas où le Conseil se prononce à la majorité qualifiée. De toute façon, elle ne s’applique pas aux politiques communes (politique agricole, politique commerciale).


De plus grande portée est l’instauration, par le traité de Maastricht, d’une procédure supplémentaire, celle de la « codécision législative ». Ce processus complexe vise à renforcer le droit d’amendement du Parlement, avec l’intervention de la Commission et, si nécessaire, d’un comité paritaire de conciliation et une « navette » entre Parlement et Conseil pour parvenir à un accord. Celui-ci doit être approuvé par la majorité qualifiée du Conseil et la majorité absolue du Parlement. Sinon, la proposition n’est pas adoptée. Le Parlement se voit donc reconnaître le droit au dernier mot. Mais le champ de cette procédure est strictement limité à certaines mesures : celles concernant le marché intérieur qui bénéficiaient déjà de la procédure de « coopération » et qui sont déjà pratiquement entrées en vigueur (liberté de circulation et d’établissement, rapprochement des législations…), et celles relatives à la recherche, l’environnement, l’éducation, la culture, la santé, qui concerne directement les citoyens, mais où l’action communautaire se limite le plus souvent à compléter les actions nationales. C’est néanmoins une première étape importante, la « codécision » pouvant être élargie par la suite lors de la révision du traité.


Les progrès dans la démocratisation des institutions communautaires s’accompagnent ainsi d’une complexité croissante et d’un manque de visibilité pour le citoyen, puisque se juxtaposent quatre procédures de saisie du Parlement : consultation, coopération, codécision, avis conforme.


Le système communautaire est complété avec la création par le traité de Maastricht, à la demande de l’Allemagne fédérale, d’un Comité des Régions formé des représentants des collectivités régionales et locales alors que le Comité économique et social institué par les traités de Rome réunit les représentants des différentes catégories de la vie économique et sociale. Ces deux Comités doivent être consultés par le Conseil dans un certain nombre de cas et peuvent prendre l’initiative d’émettre des avis s’ils le jugent nécessaire.


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