Réactions du Comité économique et social et des organisations professionnelles, syndicales et citoyennes
Réactions du Comité économique et social et des organisations professionnelles, syndicales et citoyennes1
La présentation officielle du rapport final du comité Werner suscite des réactions de la part des milieux européens et militants, mais aussi de la sphère économique et des affaires, des organisations professionnelles et syndicales. Des simples citoyens réagissent aussi2. Les médias (notamment la presse écrite et radiodiffusée) européens et internationaux relayent cet événement et contribuent à cette effervescence3. La nature des débats est variée. Il s’agit de réactions politiques, d’avis techniques ou encore des propositions concrètes, ainsi que des manifestations de l’engagement des citoyens en faveur de l’Europe. Grâce à la presse et à ses efforts d’information, l’opinion publique prend progressivement conscience du rôle actif qu’elle est amenée à jouer dans l’édification d’une «communauté de stabilité et de croissance», bâtie sur des ambitions et libertés communes4 et pourvue d’une identité spécifique par rapport à l’extérieur. Une monnaie commune, voire unique et des idéaux sociaux partagés, la perspective de participation directe au contrôle démocratique de cette communauté5 cristallisent de plus en plus un sentiment d’appartenance à une identité européenne naissante6.
Réactions du Comité économique et social
La consultation préalable des partenaires sociaux7 pour «les grandes lignes de la politique économique et les orientations quantitatives pour les éléments essentiels des budgets publics» figure parmi les préconisations du rapport Werner. Par conséquent, dès le 21 octobre 19718, le président du Conseil des CE transmet ce document pour information au Conseil économique et social (CES)9. Les propositions de la Commission concernant le plan par étapes10lui parviennent aussi, toujours pour information. Le CES, qui avait déjà commencé l’analyse du rapport Werner, prolonge ses débats sur le deuxième document. Il réagit à travers un rapport d’information11, auquel il consacre plusieurs délibérations12. Quelques mois plus tard, le programme de réalisation de l’Union économique et monétaire adopté par le Conseil consolide le rôle actif du CES dans ce processus, son intervention étant expressément mentionnée comme vecteur de la consultation des partenaires sociaux13.
On remarque que l’analyse du CES se focalise principalement sur le rapport Werner qu’il considère contenir «[…] tous les préceptes nécessaires pour permettre la réalisation, pendant la décennie en cours, d’une union économique et monétaire». Les propositions de la Commission («qui a voulu provoquer une décision politique de la part des Etats membres»14) sont ensuite intégrées à cette analyse. Émerge ainsi une série d’observations et de commentaires sur certains aspects majeurs laissés dans l’ombre, voire négligés par l’action pratique. Pour le CES, les progrès accomplis dans la construction d’une Europe intégrée doivent être continués par «la création sans délai d’une union économique et monétaire [sans laquelle] les avantages acquis sur le plan de l’union douanière comme sur celui de certaines politiques communes pourraient rapidement être remis en cause»15.
L’union économique et monétaire représente une modification intrinsèque de l’unification européenne et s’accompagne de la nécessité d’évoluer aussi vers une union politique. Le principe du parallélisme des progrès dans différents domaines – qui préside à l’articulation des propositions du rapport Werner – est une garantie dans cette direction16. « [Mais] il dépend essentiellement de l’action et de la vigilance permanente des gouvernements que cet équilibre soit respecté dans l’adoption et l’exécution des mesures concrètes»17. Les débats internes du CES mettent en lumière que les suggestions du rapport Werner, et davantage encore celles formulées par la Commission, ne tiennent pas compte de l’équilibre entre les processus18. D’aucuns estiment même que ce déphasage est contraire au communiqué de La Haye. Si cet équilibre n’est pas réalisé, les choix sur le parallélisme ou sur les priorités à donner à l’un ou à l’autre aspect de l’union économique et monétaire restent tout à fait théoriques. Il conviendrait donc de respecter la symétrie entre les progrès envisagés sur le plan monétaire et social, avec une dynamique plus lente, et ceux en matière économique et institutionnelle. L’unification économique et monétaire entraine nécessairement un transfert progressif des compétences des autorités nationales vers les institutions communautaires. De l’étendue de leurs attributions et des modalités de leur fonctionnement (notamment des procédures de vote) dépendra le degré de progrès possible vers l’étape finale. Ce transfert rend nécessaires des développements en matière de contrôle démocratique des institutions de la Communauté. La Commission est perçue comme le «centre moteur des décisions qui doivent être prises à la majorité».
Un climat social satisfaisant s’avère une condition essentielle de réussite. Les enjeux de l’Union économique et monétaire sont notables et il est évident que sans le soutien des populations et des représentants de la société civile organisée, dont les partenaires sociaux, elle ne pourra pas prendre corps Par conséquent, le CES s’engage à inciter et à organiser l’implication des partenaires sociaux dans l’édification de l’Union économique et monétaire19. Une première série d’orientations préconise d’organiser une large consultation des milieux économiques et sociaux sur les transformations envisagées. Le cadre et la portée de cette procédure restent à définir, notamment pour assurer aux représentants des horizons économiques et sociaux de tous bords la participation la plus appropriée, dans un processus fluide. Les débats internes au Comité révèlent que la mise en œuvre de la première étape, l’union économique et monétaire renforce inévitablement la tendance libérale des politiques industrielles puisqu’elles donnent un rôle prééminent aux aspects monétaires20. Les politiques économiques de la Communauté et des États membres se trouvent strictement liées et, par ailleurs soustraites aux pressions syndicales démocratiques21. En outre, le CES estime impératif d’être appelé à donner formellement son avis au sujet du rapport annuel sur la situation économique de la Communauté22.
Pour l’édification de l’union économique et monétaire, le CES considère la décennie 1970-1980 comme un délai maximal. Ce processus doit être assorti d’un «calendrier de réalisation» doté d’échéances, permettant tant la coordination des mesures dans différents domaines, que l’harmonisation des plans prospectifs établis par les gouvernements et le secteur privé. Pour le passage à la phase suivante, l’analyse des progrès accomplis et des mesures à prendre est capitale. Dès lors, la Commission est exhortée à soumettre ses propositions au Conseil bien avant la date du 1er mai 1973. Dans ce contexte, la définition précise de la première étape de trois ans est fortement saluée, même si une certaine prééminence du domaine monétaire par rapport aux préconisations en matière économique et institutionnelle est critiquée. Cette première étape contient également des actions d’ordre régional et structurel. Pour ce qui est des aspects économiques, le CES pointe le peu de progrès envisagé au cours de la première étape en matière de politique régionale et des politiques structurelles (politique sociale, politique des aides, politique énergétique et politique des transports)23; ce n’est que pour la seconde étape aux contours à peine ébauchés que l’on annonce des directives communes susceptibles de faire avancer parallèlement ces différents secteurs.
Le CES salue les aspirations d’identité monétaire de la Communauté. L’union économique nécessite un dispositif monétaire commun et l’individualisation monétaire de la Communauté est perçue comme un objectif audacieux, mais valable du rapport Werner. Les mesures concrètes proposées comportent d’une part le rétrécissement des marges de fluctuation entre les monnaies des États membres24, la mise en place d’un système communautaire de banques centrales, l’étude d’un fonds européen de coopération monétaire et, d’autre part, la définition des orientations générales de la politique monétaire et du crédit. Pour ce qui est du rétrécissement des marges de fluctuation, le CES estime que des résultats substantiels sont à attendre seulement lorsque les parités des monnaies partenaires les unes par rapport aux autres seront maintenues dans une relation fixe. Des progrès simultanés dans la coordination des politiques économique, fiscale et financière sont indispensables. En complément à la coopération monétaire interne émerge celle vis-à-vis de l’extérieur (qui doit aller de pair avec la mise en place d’une politique commerciale commune à l’égard des pays tiers). À cet effet, le Fonds européen de coopération monétaire est appelé, selon le CES, à jouer un rôle important. «[…] L’existence d’une position commune en matière monétaire ne sera pleinement reconnue à l’extérieur que lorsque sera créé un organisme constituant pour les États membres à la fois un centre de décision et un fonds de réserves. […] La proposition prudente contenue en cette matière dans le rapport Werner est la seule qui ait pu, dans les circonstances actuelles, faire l’unanimité». Le CES préconise que les travaux préparatoires soient menés au plus vite et le fonds institué dès que possible. En même temps, il est attendu que les banques centrales resserrent leurs liens pour préparer la mise en place de l’étape suivante où elles seront appelées à dégager de concert une politique commune.
Compte tenu de ce que toutes ces évolutions ont lieu dans le contexte de l’élargissement de la Communauté, le Comité considère nécessaire que les États candidats soient informés des progrès relatifs à la construction de l’union économique et monétaire. De cette manière, les nouveaux arrivants pourront, le moment venu, conjuguer plus rapidement leurs efforts à cette entreprise commune.
Par l’analyse comparative qu’il réalise du rapport Werner et des propositions de la Commission, le CES met en lumière des divergences inéluctables entre les deux documents dues à leur caractère différent. Le premier est le résultat d’une réflexion, le deuxième est la formalisation juridique en une résolution et deux projets de décision du Conseil de certaines suggestions issues cette réflexion25. Toutefois, le Comité remarque que «[…] les propositions de la Commission se situent en retrait par rapport à celles du groupe Werner. […]On regrette que la Commission ne se soit pas tenue de plus près au proposition du groupe Werner surtout en ce qui concerne les aspects institutionnels et les finalités politiques»26.
Réactions des organisations professionnelles, syndicales et citoyennes
Les associations professionnelles, les organisations syndicales, ainsi que parfois des simples citoyens ne restent pas indifférents à la publication du rapport Werner, ni des propositions de la Commission. Ils se montrent de plus en plus concernés par l’union économique et monétaire à l’édification de laquelle ils sont tout à la fois acteurs et témoins et alimentent le débat par leurs prises de position et commentaires publics27.
Les associations européennes des métiers de la finance sont celles qui réagissent les premières. Leurs propos, transmis au secrétariat général du Conseil des CE, ciblent des aspects spécifiques à leur secteur d’activité et sont très techniques. Le Groupement des caisses d’épargne de la Communauté économique européenne28 en accord avec la Fédération bancaire de la CE réagit dans un premier temps par un document portant sur le complément fiscal du plan par étapes29. Il se penche ensuite sur le rapport final Werner et sur les propositions de la Commission et ce, dans une approche comparative, qui imprègne d’ailleurs beaucoup de réactions de l’époque.
Après la mise en lumière de la réflexion du comité Werner et saluant l’appui notable fourni par le Comité des gouverneurs des banques centrales, l’association regrette que les mesures pratiques proposées par la Commission soient en-deçà des préconisations du rapport Werner. «[…] Certains problèmes essentiels [n’ont] pas été abordés dans la résolution [de la Commission] et le contenu des décisions proposées s’écarte parfois des considérations formulées par le rapport Werner […] Ces divergences ne peuvent être toutes approuvées [sans autre forme de procès]»30. Les banquiers expriment leur déception pour l’absence de résultats du Conseil des ministres du 14 décembre 1970, mais ils estiment pourtant que dans l’intérêt même de l’union économique et monétaire «à un compromis hâtif [il est préférable d’aboutir à] des décisions nettes et réfléchies ultérieures»31. L’édification de l’union économique et monétaire a une signification hautement politique. De ce fait, le transfert à la Communauté des compétences nécessaires et le contrôle démocratique de ceux-ci requièrent, antérieurement à la mise en œuvre de la première étape, que les États membres s’engagent à arriver nécessairement à une union politique. Sur le fond, l’évolution institutionnelle est saluée, mais elle est considérée comme étant insuffisamment traitée par le comité et le rapport Werner32. La simple proposition de créer deux centres de décision33, sans une description détaillée de leurs structures et mécanismes, ni de leurs liens avec les organes existants (Conseil des ministres, Commission européenne) semble peu satisfaisante. En revanche, préconisant la responsabilité politique à l’égard du Parlement européen du centre de décision de la politique économique, mais pas de celui de politique monétaire, le rapport Werner se montre respectueux de l’autonomie des banques centrales. La Commission n’a pas la même approche et le Groupement la critique. Dans son projet de décision en matière de renforcement de la coopération entre banques centrales, la Commission conserve dans le chef des gouvernements la capacité de définir leurs orientations de politique de liquidités, de crédit et de taux d’intérêt «dans le cadre des lignes directrices fixées par le Conseil en matière de politique économique et monétaire»34. Il apparaît une remise en cause excessive de l’indépendance des banques centrales et de leur futur organe commun.
Pour ce qui est des objectifs économiques, le rapport Werner envisage de faire de la Communauté «un bloc de stabilité», tandis que dans ses propositions, la Commission semble atténuer cet accent, car la stabilité n’apparaît qu’en troisième lieu (après la croissance et l’emploi). Les banquiers jugent indispensable d’inclure dans les décisions concernant l’union économique et monétaire une plus nette obligation de lutter pour la stabilité, notamment pour la stabilité de la valeur monétaire. Dans le même esprit, ils appuient le principe de définir une attitude commune des Six dans les institutions financières internationales. Tout aussi prioritaires se dessinent les efforts visant à donner progressivement à ces monnaies une plus grande indépendance à l’égard du dollar américain.
L’Union des industries de la Communauté européenne (UNICE) réagit à son tour le 2 décembre 197035. Dans sa prise de position, elle passe en revue les éléments-clés définis dans le rapport Werner36. Les industriels saluent ses préconisations et tout particulièrement celles portant sur la consultation des partenaires sociaux préalablement à la mise en œuvre d’une politique communautaire.
L’UNICE met en garde contre le fait que la recherche des solutions aux problèmes institutionnels sensibles pourrait retarder une réalisation rapide et énergique de l’union économique et monétaire. Elle souligne aussi «l’importance du parallélisme entre l’harmonisation de la politique économique et la réalisation d’une collaboration monétaire plus étroite, les progrès atteints sur l’un ou l’autre plan ne pouvant que se renforcer mutuellement»37.
Les différentes étapes de l’union économique et monétaire doivent être conçues pour se conditionner les unes les autres. Lors de la première étape, il convient d’adopter des mesures efficaces pour maîtriser les conjonctures en veillant aux répercussions des actions entreprises par chaque État membre sur l’évolution économique des autres partenaires. Les industriels considèrent ainsi qu’un engagement formel, par accord mutuel, sur les objectifs de la politique économique est plus important encore que la concertation dans l’utilisation des instruments de la politique de conjoncture. Une évolution compatible des partenaires38 est propre à éviter des divergences dans le niveau des prix et, par la suite, des déséquilibres extérieurs qui conduisent nécessairement à des mesures protectionnistes ou à des modifications de parités. Pour une telle compatibilité, il est nécessaire de coordonner les politiques de régulation de la demande globale et de mettre en place une politique communautaire d’adaptation structurelle et régionale. La définition en commun des orientations-clés concernant les liquidités, les crédits aux secteurs public et privé et la politique des taux d’intérêt est essentielle. Tout comme la constitution d’un marché monétaire et financier européen, ainsi que la définition concertée des politiques budgétaires et régionales.
L’UNICE soutient la création d’un Fonds européen de coopération monétaire39 préconisé par le rapport Werner et regrette toutefois que la Commission ne présente pas encore de propositions précises quant au moment de l’instauration de ce Fonds. Le rôle de ce dispositif est essentiel. D’une part, le Fonds pourra constituer «la base d’une institution d’exécution d’une politique monétaire et financière communautaire à l’égard des pays tiers, dans le cadre de la coopération monétaire internationale. D’autre part, il sera la base d’une politique communautaire d’intervention mutuelle. Les industriels proposent qu’une fois définis, les mécanismes de soutien monétaire à court terme et de concours financier à moyen terme soient mis en œuvre à travers le Fonds. En fixant ainsi quantitativement ses possibilités d’intervention, l’adoption d’une politique commune vers l’extérieur prend une importance essentielle. L’UNICE préconise enfin que tout rétrécissement des marges des cours de change entre les monnaies des États membres s’accompagne de progrès parallèles en matière d’harmonisation des politiques économiques.
Actives dès le début dans les débats sur l’union économique et monétaire40, les organisations syndicales41 réagissent davantage après la publication du rapport Werner final et des propositions de la Commission42. Quelques jours avant la session du Conseil des ministres censée statuer sur la mise en route de la première étape de l’union économique et monétaire, la Confédération européenne des syndicats libres de la Communauté (CES) 43 fait part de son inquiétude. «[On] constate que les propositions pratiques pour la mise en place d’une union économique et monétaire donnent insuffisamment de garanties quant à l’exercice du contrôle démocratique au niveau où seront prises à l’avenir des décisions influençant directement les conditions de vie et de travail des peuples des Six pays de la Communauté. En particulier les travailleurs et leurs représentants risquent de ne plus retrouver au niveau de la Communauté les droits et les garanties acquises au niveau national»44. L’attribution de pouvoirs aux institutions communautaires en matière économique, fiscale, budgétaire doit être suivie du renforcement du contrôle démocratique: l’élargissement des pouvoirs du Parlement européen et son élection au suffrage universel sont devenus des conditions indispensables45. La mise en place d’une politique sociale s’impose et les mesures d’exécution doivent être simultanées à celles en matière économique et monétaire. La recherche de la stabilité conduira à l’introduction d’une politique de déflation qui se traduit in fine par une limitation des salaires. Une telle «politique des revenus» serait inacceptable. Selon la CES, l’Union économique et monétaire doit par conséquent être édifiée autour de plusieurs axes majeurs: le progrès social par l’expansion économique, le plein emploi dans un contexte de développement régional harmonieux et la répartition équitable du revenu national.
L’Organisation européenne de la Confédération mondiale du travail se réunit le 16 décembre 1970 à Bruxelles. Les discussions se focalisent sur l’union économique et monétaire, ainsi que sur les questions liées à l’emploi46. Il en résulte deux motions aussitôt transmises au président en exercice du Conseil des ministres47. L’Organisation n’entend pas se prononcer sur le fond des propositions de la Commission, «mais tient à souligner l’intérêt pour le développement de la Communauté de la réalisation des idées contenus dans le plan Werner»48. Ne cachant pas sa déception face à l’échec de la session du Conseil des ministres du 14 décembre, l’Organisation met en garde contre le risque de s’écarter des objectifs de la déclaration de La Haye. Elle demande avec insistance au Conseil d’arriver rapidement à un accord. Les instances communautaires doivent être dotées de compétences réelles, sous le contrôle démocratique du Parlement européen et en concertation avec les organisations européennes de travailleurs et d’employeurs. La mise en œuvre de l’union économique et monétaire pose avec acuité la question de l’union politique qui implique à un moment donné une révision du traité actuel. L’opinion publique attend que l’union économique et monétaire génère des résultats concrets et rapides en matière sociale. Le Conseil est donc invité à fixer au plus vite et avec précision les mesures à prendre au cours de la première étape de cette union.
Les militants pour la cause européenne, dont l’implication active mais discrète a appuyé les travaux du groupe ad hoc et contribué au consensus politique autour du rapport Werner49, réitèrent leur soutien à l’union économique et monétaire. Ainsi, la Ligue européenne de coopération économique50 confie à son panel monétaire l’examen du rapport Werner et les propositions de la Commission et, sur cette base, adopte une motion51.
Ce document met en exergue que «les travaux et le rapport du groupe Werner constituent sans aucun doute une contribution importante et très probablement décisive à l’intégration économique et monétaire de la Communauté»52. Il constate que le raisonnement et les conclusions du groupe d’experts sont très proches des propositions de la Ligue et souligne l’importance du parallélisme et de la complémentarité des mesures à prendre sur divers plans, tout en exhortant les États membres à assumer la volonté politique d’aller de l’avant pour mener à son terme ce processus irréversible. La première étape de l’union économique et monétaire, «pour laquelle le groupe Werner a avancé des propositions concrètes [qui] ont pratiquement été entérinées dans l’ensemble constitué par la communication et les projets de résolution soumis par la Commission au Conseil des ministres», revêt une importance particulière. Sa mise en place à partir du 1er janvier 1971 est une manifestation de la volonté politique précitée. Ensuite, les étapes prévues par le groupe Werner doivent être successivement franchies dans la période décennale impartie. La LECE appelle à ce qu’avant la première étape, une conférence intergouvernementale statue sur les réformes institutionnelles nécessaires pour la réalisation complète de l’union économique et monétaire.
La problématique de l’Union économique et monétaire déclenche aussi des réactions des simples citoyens, qui semblent motivés pour réagir et font spontanément part de leurs idées, propositions et suggestions. Les archives familiales Pierre Werner, ainsi que notamment les archives historiques de la Commission recueillent un certain nombre de lettres et télégrammes que des citoyens des États membres, mais également d’Autriche, de Suisse et des États-Unis adressent au groupe Werner, au Conseil et à la Commission pour exprimer leurs opinions en matière d’union économique et monétaire. Par exemple, par sa lettre du 18 novembre 1970 adressée au Conseil des ministres (no.103791/18 novembre 1970), Ferdinand Lindebauer de Salzburg propose de commencer l’union économique et monétaire justement par le volet monétaire et, dès que l’Europe aura défini sa propre identité (par une monnaie commune, voire unique des partenaires), de s’attaquer à une union monétaire entre l’Europe et les États-Unis. Un autre exemple est la lettre que Haller Belt, économiste américain, adresse le 31 janvier 1971 à Pierre-Paul Schweitzer, directeur exécutif du FMI (citoyen français, donc Européen) pour lui signaler son approche sur la maîtrise du phénomène inflationniste en Europe. Il envoie les mêmes propos à la Commission des CE (lettre du 11 février 1971), qu’il incite à prévoir, dans l’édification de l’union économique et monétaire, «la mise à nouveau en place du standard international de l’or entre les États membres et ce avant le 1er janvier 1971».
1 Sauf mention contraire, tous les documents cités dans la présente étude ont comme source www.cvce.eu.
2 Cette conclusion ressort de nos recherches dans les archives familiales Pierre Werner, notamment conformément aux documents présents dans les cartons réf. PW 047 intitulée Groupe Werner: Antécédents, préparatifs et réunions 1968-1970 et réf. PW 048 intitulée Intégration monétaire de l’Europe. Le Plan Werner 1970, d’une part, et dans les fonds des Archives Historiques du Conseil des CE et de celles de la Commission des CE d’autre part.
3 Voir la section 4.6 intitulée «Le rapport Werner dans les médias internationaux de l’époque».
4 Inscrites depuis 1957 dans le traité de Rome, les quatre libertés fondamentales des biens, des services, des personnes et des capitaux, sont reprises dans le rapport Werner. «L'union économique et monétaire permettra de réaliser une zone à l'intérieur de laquelle les biens et les services, les personnes et les capitaux circuleront librement et sans distorsions de concurrence, sans pour autant engendrer des déséquilibres structurels ou régionaux». Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté (rapport Werner). Luxembourg: 8 octobre 1970, supplément au Bulletin 11/1970, p. 15. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
5 Les débats au sein du groupe Werner aboutissent à la conclusion que le centre de coordination de la politique économique qui prend corps dans l’union économique et monétaire doit être placé sous le contrôle démocratique du Parlement européen, élu par suffrage universel. Archives familiales Pierre Werner, réf. PW 048.
6 La première référence expresse à l’«identité européenne» se trouve dans la «Déclaration sur l’identité européenne» adoptée par les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la Communauté lors du sommet de Copenhague des 14-15 décembre 1973. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
7 Au sens du comité Werner, le terme «partenaires sociaux» est très vaste comprenant «toutes les organisations représentatives de la vie économique et sociale».
8 Réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté, Doc. 16.956/II/70/8 octobre 1970. Communautés européennes. Le Conseil. Bruxelles: 21 octobre 1970. Archives historiques du Conseil des CE.
9 Le Comité économique et social européen a été institué par le traité de Rome (1957), avec pour but d'associer les représentants de la vie économique et sociale à la réalisation du marché commun. Il s’agissait de donner l’opportunité aux forces économiques et sociales organisées de faire entendre leur opinion lors du processus décisionnel communautaire. À l’origine (art. 198), le Comité ne se réunissait qu’à la demande du Conseil ou de la Commission et sa consultation obligatoire n’était prévue par les traités que dans un nombre réduit de domaines (agriculture, libre circulation des personnes et des services, transports et politique sociale). Ses membres sont nommés par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition des États membres, pour un mandat de quatre ans. Ils sont répartis en trois groupes qui représentent respectivement les employeurs, les salariés et les divers intérêts économiques et sociaux. Le sommet de Paris de 1972 décide d’accorder le droit d’initiative au Comité. Ainsi, depuis la modification de son règlement intérieur en 1974, le Comité peut émettre des avis de sa propre initiative. Le Comité n’est pas une des institutions communautaires telles qu'énumérées par les dispositions des traités constitutifs, mais il dispose d'une autonomie d'organisation et de fonctionnement. Son statut et son rôle lui confèrent une place différenciée parmi les nombreux comités qui assistent les institutions.
10 Il s’agit de la Communication et propositions de la Commission au Conseil relatives à l’institution par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté, Doc. COM (70)/1250. Bruxelles: 29 octobre 1970. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
11 Le 9 novembre 1970, la section spécialisée du CES constitue un groupe d’études sur l’«Union économique et monétaire» présidé par M. Aschoff. Le rapporteur (M. Ameye) et le corapporteur (M. Ventejol) rendent leur rapport le 26 novembre 1970.
12 Il s’agit de la 92e session plénière du Comité économique et social tenue à Bruxelles les 27 et 28 janvier 1971, ainsi que de la séance ordinaire du 28 janvier 1971. Le compte rendu des délibérations du CES est publié le 22 février 1971.
13 Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres concernant la réalisation par étapes de l'Union économique et monétaire dans la Communauté, 22 mars 1971. In Journal officiel des Communautés européennes, 27.03.1971, n° C 28. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
La délégation française avait subordonné son accord pour la résolution à la mention expresse du Comité économique et social comme seule cadre de consultation des partenaires sociaux.
14 Compte rendu des délibérations au Comité économique et social relatif à l’échange des vues sur le rapport d’information concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté, 92e session plénière. Bruxelles: 27 et 28 janvier 1971, Doc. CES 80/71/mha,/Bruxelles, 22 février 1971, p. 0288. Archives historiques de la Commission des CE.
15 Rapport d’information de la section spécialisée pour les questions économiques sur le «Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté». Rapporteur M. Ameye, CES/70 fin/ mha. Bruxelles: 2 décembre 1970, Communauté économique européenne, p. 3. Archives Historiques de la Commission des CE. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
16 Voir section 3.2 intitulée «Le rapport final».
17 Ibid., p. 5.
18 Pour l’édification de l’Union économique et monétaire, le rapport Werner stipule le parallélisme entre le développement économique et la coopération monétaire sur lesquels s’aligne, à partir d’un stade plus avancé, la coopération politique. Or, le CES est d’avis que la priorité est donnée aux éléments d’ordre monétaire ce qui transgresse le principe du parallélisme.
19 Si le Comité économique et social n’agit pas activement pour consolider son rôle, il y a le risque de voir s’établir des contacts directs entre les institutions communautaires, d’une part, et les partenaires sociaux, d’autre part, diluant ainsi ses fonctions de manière substantielle.
20 «Il ne semble pas que les problèmes monétaires auxquels les pays ont à faire face – les fluctuations des cours de change et les spéculations auxquelles elles donnent lieu – puissent être réglées par des mesures qui, en définitive seront imposées par les grandes sociétés capitalistes. […] La politique économique et monétaire favorise les monopoles européens les plus puissants et on peut douter qu’elle soit capable de faire contrepoids à la mainmise des sociétés américaines en Europe». Ibid., p. 303.
21 C’est la conclusion aux discussions sur les difficultés affrontées par les syndicats italiens en matière d’emploi et du développement du Mezzogiorno. La participation des syndicats à la prise de décisions démocratiques sur le plan communautaire est jugée essentielle.
22 Consultation prévue dans la décision du Conseil relative au renforcement des politiques économiques à court terme des États membres (adoptée le 22 mars 1971).
23 En constatant que l’on dispose de déclarations d’intention, mais sans mesures concrètes, le Comité avance la proposition d’établir un inventaire de la «situation actuelle» (synonyme du début de la première étape de l’Union économique et monétaire) et de procéder à l’harmonisation de l’appareil statistique des États membres de manière à ce que l’évaluation du point de départ soit très fidèle à la réalité.
24 Le rapport Werner inscrit le développement de la coopération monétaire européenne dans le cadre du système de Bretton Woods qui s’appuie sur une logique de taux de change fixes, mais ajustables. Compte tenu que l'Accord monétaire européen instituait une marge spécifiquement européenne de fluctuation par rapport au dollar (+/- 0,75 %) dans le cadre des accords de Bretton Woods, le dollar est forcément pris en compte dans le système de stabilisation préconisé par le rapport Werner. Il prévoit ainsi dans un premier temps, la réduction progressive des marges de fluctuation de chaque monnaie européenne par rapport au dollar.
25 Dont certains axes ont été ébauchés par le rapport Marjolin de 1962 – qui suggère «le besoin d'une monnaie unique, afin de réussir le Marché commun» – et poursuivis ensuite dans la réflexion interne de la Commission.
26 Cf. Rapport d’information de la section spécialisée pour les questions économiques sur le Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire de la Communauté, Rapporteur M. Ameye, CES/70 fin/ mha. Bruxelles: 2 décembre 1970. Communauté économique européenne, p. 14. Archives Historiques de la Commission des CE.
27 On a pu ainsi identifier dans les archives familiales Pierre Werner des déclarations, motions, propositions, lettres personnelles (adressées, par exemple, aux représentants permanents des États membres), lettres ouvertes à la presse, communiqués de presse, etc.
28 Fondée à Bruxelles le 23 avril 1963, cette association regroupe les institutions d’épargne des six États membres de la CEE. À la fin de 1969, ces banques gèrent environ 100 millions de livrets d’épargne, un capital total de 72,7 milliards UC de dépôts et des portefeuille-titres de 19,5 milliards UC. Voir BLONDEL Danièle et VAN PUYVELDE, Theodor. La Communauté économique européenne et les caisses d'épargne. In Revue économique. Volume 17, n° 4, 1966, p. 690.
29 Prise de position sur le complément fiscal au plan par étapes de la Commission des Communautés Européennes pour la création d’une union économique et monétaire, Doc. PAS/DB 42-4./27 novembre 1970, Groupement des caisses d’épargne de la Communauté économique européenne. Bruxelles, Archives historiques du Conseil de la CEE. Dans ce document sont exposées des propositions concrètes quant aux impositions des placements et des dividendes d’actions, aux impositions des intérêts des placements, dépôts et obligations.
30 Avis relatif au Rapport du groupe Werner du 8 octobre 1970 (Doc. 16956/II/1970) et à la Communication de la Commission Européenne du 29 octobre 1970 (Doc. COM 70/1250) sur l’institution par étapes de l’union économique et monétaire, Doc. F 87/70/2 février 1971, Groupement des caisses d’épargne de la Communauté économique européenne. Bruxelles, 02 février 1970, p. 2, Archives historiques du Conseil des CE.
31 Ibid.
32 «Le comité Werner avait d’emblée déclaré son incompétence pour faire des propositions à propos des structures politiques. Mais il ne pouvait manquer d’évoquer la nécessité de la formulation centrale de ces politiques, quitte à ce que le pouvoir de décision restât aux mains des structures existantes, à savoir pour la politique économique, du Conseil et de la Commission». WERNER, Pierre. Itinéraires luxembourgeois et européens. Évolutions et souvenirs: 1945-1985. Luxembourg, Éditions Saint-Paul, 1992, 2 tomes, tome 2, p. 132.
33 Il s'agit, premièrement de la création d'un centre de décision pour la politique économique qui devra influencer la formation des budgets nationaux, procéder aux modifications de parité de la monnaie unique ou de l'ensemble des monnaies nationales (conséquence logique de la fixité des parités). Et, en deuxième lieu, dans la constitution d'un système communautaire des banques centrales qui prendrait des décisions de politique monétaire interne (liquidité, taux d'intérêt, crédit) et externe (intervention sur les marchés des changes et gestion des réserves).
34 Cf. à l’art. 1 de la «Décision du Conseil, du 22 mars 1971, relative au renforcement de la collaboration entre les banques centrales des États membres de la Communauté économique européenne». In Journal officiel n° L 073 du 27/03/1971, p. 0014.
35 Lettre de Frédéric Berg, président de l’Union des industries de la Communauté Européenne à Walter Scheel, président du Conseil des ministres de la CE, Doc. FB/AG/14.C.1. Bruxelles, 2 décembre 1970. Archives familiales Pierre Werner.
36 Pour parvenir à l’union économique et monétaire le rapport Werner préconise la coordination des politiques économiques, monétaire et budgétaire, la libéralisation des mouvements de capitaux à l’intérieur de la Communauté, la fixation irréversible de la parité relative des monnaies nationales et un système intégré des banques centrales. Pour atteindre les objectifs visés, certaines compétences devront être transférées du niveau national au niveau communautaire, ce qui implique, à juste titre, l’établissement d’un contrôle démocratique avec une base parlementaire. Si toutes les actions de la première étape peuvent se fonder sur les dispositions du traité de Rome, certaines de celles à entreprendre dans la phase de transition requerront des modifications du traité.
37 «Réalisation par étapes de l’Union économique et monétaire», l’Union des industries de la Communauté européenne. Annexe à la lettre de Frédéric Berg, président de l’Union des industries de la Communauté européenne à Walter Scheel, président du Conseil des ministres de la CE, Doc. FB/AG/14.C.1.Bruxelles: 2 décembre 1970. Archives familiales Pierre Werner.
38 Cf. Troisième programme de politique économique à moyen terme de la CE (1971-1975), qui vise à orienter les politiques de croissance et de stabilité des États membres sur la base d’objectifs communs. Ce programme comporte des orientations chiffrées et des actions structurelles, ainsi que des procédures permettant sa mise en œuvre, en liaison avec la politique conjoncturelle. (Journal officiel des Communautés européennes, 1er mars 1971, n° L49/5. Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes). (Document consulté le 10 octobre 2012.)
39 La création d’un Fonds européen de coopération monétaire placé sous l’autorité du Comité des gouverneurs des banques centrales est stipulée dans la section VI du rapport Werner. (L’instauration d’un Fonds européen de réserve est stipulée dans les décisions du sommet de La Haye, 1-2 décembre 1969). Prévue éventuellement dès la première étape, son implémentation est impérative au cours de la deuxième. Ce Fonds était censé absorber les mécanismes de soutien monétaire à court terme et ceux du concours financier à moyen terme. Le Fonds sera institué le 3 avril 1973. Règlement CEE N°907/73 du Conseil, du 3 avril 1973, instituant un Fonds européen de coopération monétaire. In Journal officiel des Communautés européennes, 5 avril 1973, n° L 89. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
Voir la section 5.2 intitulée «Les difficultés du serpent monétaire et le FECOM».
40 Alors que le rapport intérimaire du comité Werner est dans sa phase de rédaction finale, la Confédération européenne des syndicats libres dans la Communauté élabore un document intitulé «Observations du Comité Exécutif au sujet de l’élaboration par étapes d’une union économique et monétaire» qu’elle envoie le 15 mai 1970 au secrétariat général du Conseil des ministres des CE. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
41 Voir la section 2.2 intitulée «Déroulement des travaux du comité Werner». Notons que les syndicats sont parmi les premiers à réagir au sujet d’une union économique et monétaire. La primauté revient au Deutscher Gewerkschaftsbund, qui «disposé à assumer sa part de responsabilité en participant aux décisions démocratiques que suppose la constitution d’une union économique et monétaire […] a élaboré une proposition de plan par étapes» qu’il soumet au président de la Commission européenne Jean Rey en date du 20 mars 1970, précisément le jour où le groupe Werner entame ses réunions officielles. Cette prise de position complète le volet documentaire du comité ad-hoc. Dans sa proposition, la confédération des syndicats allemands estime que «l’objectif d’une union économique et monétaire est l’amélioration durable du bien-être matériel et moral dans la Communauté, qui permettra de renforcer la position économique et politique de l’Europe […] Cet objectif ne pourra être atteint que grâce à une croissance constante, au plein-emploi et à la stabilité et doit être complété par la compensation des disparités régionales et sociales». La première étape prévoit la création des conditions nationales indispensables à une union économique et monétaire, parmi lesquelles le rapprochement et la création, le cas échéant d’instruments de politique sociale et économique nouveaux dans les États membres. Des rapports économiques nationaux élaborés et publiés chaque année par les gouvernements des États membres permettront de constater les progrès réalisés. L’harmonisation entre les États membres en matière des projections nationales et des mesures envisagées, s’impose. La deuxième étape envisage la création des conditions nécessaires à une union économique et monétaire de la Communauté et dans la troisième étape est attendu son achèvement. Le volet social émerge donc comme point d’intérêt marquant dans l’édification d’une union économique et monétaire, ce à quoi le comité Werner est sensible (et la teneur du rapport final en fait largement preuve. Cf. Vorschlag für einen Stufenplan zur Errichtung einer Wirschafts- und Währungsunion in der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft, Deutscher Gewerkschaftsbund, Bundevorstand, Düsseldorf, 20 mars 1970, Archives historiques de la Commission européenne BAC 375/1999 575, vol. 1, pp. 0059-0067.
42 Les documents d’archives auxquels on fait référence sont les positions de la Confédération européenne des syndicats libres dans la Communauté et l’Organisation européenne de la Confédération mondiale du travail (groupant des organisations syndicales d’inspiration chrétienne et autres organisations démocratiques). La Confédération mondiale du travail s’est auto-dissoute lors de son congrès du 31 octobre 2006 pour permettre l’intégration de ses membres au sein de la nouvelle Confédération syndicale internationale.
43 La Confédération européenne des syndicats (CES) regroupe la plupart des organisations syndicales européennes, étant reconnue comme l'un des principaux partenaires sociaux européens. Son embryon est constitué par les syndicats de mineurs et d’ouvriers de la métallurgie qui adhérant en 1952 à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui mettent en place un comité de coordination dans le cadre de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, intitulé Secrétariat social européen (SSE) Après la signature du traité de Rome (1957) est établi un Secrétariat syndical européen qui rassemble ses adhérents de l’Europe des Six. En parallèle, la Confédération internationale des syndicats chrétiens met en place l’Organisation européenne des syndicats chrétiens (CISC). En 1960, les syndicats de la CISL des pays appartenant à l’Association européenne de libre-échange se rassemblent à leur tour dans un secrétariat européen. En 1969, le SSE devient la Confédération européenne des syndicats libres, puis avec l’adhésion des syndicats CISL des pays de l’AELE en 1973, elle devient la Confédération européenne des syndicats, à laquelle adhère ensuite l’Organisation européenne des syndicats chrétiens.
44 Cf. Lettre de Theo Rasschaert, secrétaire général de la Confédération des syndicats libres dans la Communauté au président du Conseil des ministres des Communautés européennes, Bruxelles, 11 décembre 1970. La lettre est accompagnée d’une «Position du Comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats libres sur la création de l’Union économique et monétaire». Archives historiques du Conseil des CE.
45 La Confédération souligne que les droits acquis par les organisations syndicales au niveau national exigent des structures de concertation au niveau communautaire donnant les mêmes droits et garanties qu’au niveau national.
46 Il s’agit tout particulièrement de la mise en place du Comité permanent pour l’emploi des Communautés européennes (CPE) mis en place suite à la décision du Conseil des ministres des Affaires sociales réunis le 26 novembre 1970 et comme résultat de l'adoption de la décision du Conseil 70/532/CEE, du 24 décembre 1970 [Journal officiel L 273, 17.12.1970]. Sa création répondait à un souhait émis par les représentants des organisations des employeurs et des travailleurs lors de la conférence sur les problèmes de l'emploi qui s’est tenue à Luxembourg les 27 et 28 avril 1970.
47 Lettre de Jan Kulakowski, secrétaire général de l’Organisation européenne de la CMT au président en exercice de la CE, Doc. DE/5-744/70-FS-VM IV.12. Bruxelles, 21 décembre 1970. Archives historiques du Conseil des CE et Archives familiales Pierre Werner.
48 Cf. L’union économique et monétaire, annexe II à la lettre de Jan Kulakowski, secrétaire général de l’Organisation européenne de la CMT au président en exercice de la CE, Doc. DE/5-744/70-FS-VM IV.12. Bruxelles, 21 décembre 1970. Archives historiques du Conseil des CE et Archives familiales Pierre Werner.
49 Voir la section 2.2 intitulée «Déroulement des travaux du comité Werner». Tel que les documents d’archive nous prouvent, les milieux académiques et universitaires européens et des États-Unis se montrent très intéressés par les travaux du groupe Werner, d’autant plus que les solutions pratiques dégagées sont accompagnées de définitions théoriques concernant l’union économique et monétaire. Lors de sa participation à un séminaire portant sur la zone monétaire optimale à Madrid au début du mois de février 1970, le représentant de la Commission est sollicité pour fournir aux professeurs présents, notamment américains, des informations sur les divers plans de construction par étapes de l’union économique et monétaire, ainsi que les documents en question. Plus de douze demandes se présentent, mais c’est seulement les sollicitations des professeurs Triffin et Machlup qui sont finalement honorées.
50 La Ligue européenne de coopération économique (LECE) est une organisation fondée en 1946 par le Belge Paul Van Zeeland, le Polonais Josef Retinger et le Néerlandais Pieter Kerstens, auxquels sont venus rapidement se joindre d'autres personnalités européennes, dont le Français Edmond Giscard d'Estaing, le Britannique Harold Butler et l'Allemand Herman Abs. Bien qu’en mai 1948 au Congrès de La Haye, la LECE compte parmi les fondateurs du Mouvement européen, elle n’est pas un mouvement de masse, mais plutôt un «groupe de pression intellectuel» au service de la construction européenne, soucieux d'exercer sa mission en toute indépendance à l'égard des intérêts privés ou des pouvoirs publics. Cette mission comprend d'abord l'éducation européenne de ses membres par la circulation entre eux de l'information et l'organisation de débats sur les grands sujets européens. La Ligue repose avant tout sur des comités nationaux.
51 Déclaration de la Ligue européenne de coopération économique (LECE) sur l’Union économique et monétaire de la Communauté européenne, Doc. 2204/11 décembre 1970. Bruxelles, 11 décembre 1970. Ce document est transmis au secrétariat général du Conseil des ministres CE qui le distribue, le 23 décembre 1970 aux représentants permanents des États membres. Archives familiales Pierre Werner. (Document consulté le 10 octobre 2012.)
52 Ibid. La LICE qualifie la réflexion du groupe Werner sur l’intégration monétaire de la Communauté européenne comme «pièce essentielle de son unification économique» et remercie la Commission «pour l’appui qu’elle a donné aux recommandations du groupe Werner».