Les propositions du Parlement européen

Les propositions du Parlement européen


Désireux de se démarquer des diverses initiatives gouvernementales de réforme institutionnelle ou politique des Communautés européennes au début des années quatre-vingt, le Parlement européen, élu pour la première fois au suffrage universel en juin 1979, adopte, le 14 février 1984, un projet de traité instituant l'Union européenne ou "projet Spinelli". Partiellement inspirée par le projet de Communauté politique européenne abandonné suite à l'échec de la Communauté européenne de défense (CED) en août 1954, l'ambition de l'Assemblée est également d'user de la légitimité démocratique que lui confère désormais son élection directe pour faire progresser l'unité européenne par le bas, c'est-à-dire par les représentant élus des citoyens européens, et non plus par le haut sur la base d'initiatives gouvernementales et diplomatiques.


Ancien commissaire européen, l'eurodéputé italien Altiero Spinelli fonde en 1980 le "Club du Crocodile", du nom du restaurant strasbourgeois où se réunissent les parlementaires décidés à doter l'Europe unie d'une constitution fédérale. Le 9 juillet 1981, le Parlement adopte une résolution qui appelle à créer une commission institutionnelle afin de définir les objectifs principaux de l'Union européenne. Constituée en janvier 1982, la commission institutionnelle dont Spinelli est nommé rapporteur et coordinateur élabore un avant-projet de traité. Le 14 septembre 1983, le Parlement européen confie à la commission institutionnelle le soin de rédiger un projet de traité après avoir examiné le rapport de Spinelli sur le contenu de l'avant-projet.


Adopté le 14 février 1984 par le Parlement européen à une très large majorité (237 voix contre 31 moins 43 abstentions), le projet de traité d'Union européenne fixe comme objectif ultime la réalisation d'une union fédérale européenne. Essentiellement centré sur le volet politique, le projet Spinelli fonde les institutions sur le modèle communautaire, accorde au principe de subsidiarité une fonction décisive et généralise le vote du Conseil à la majorité simple en rendant exceptionnel le recours à la notion d'intérêt national vital. En vertu du principe de subsidiarité, l'Union européenne devrait seulement intervenir lorsque son activité est jugée plus efficace qu'une action menée séparément par les États. D'un point de vue législatif, Spinelli innove également en distinguant les lois et les règlements et en accordant au Parlement européen un pouvoir de codécision. La Commission conserve sa fonction d'organe exécutif et le Conseil européen se voit notamment attribuer la responsabilité de fixer les nouvelles compétences de l'Union et de mener à bien la coopération politique et les relations internationales. Un recours en cassation devant la Cour de justice est envisagé qui permet d'infléchir les décisions des juridictions nationales de dernière instance qui n'auraient pas correctement appliqué le principe du renvoi préjudiciel. Le projet Spinelli préconise enfin l'achèvement rapide du grand marché intérieur et la participation de tous les États membres au Système monétaire européen (SME).


Préparé sans concertation aucune avec les gouvernements des États membres, le traité peut être immédiatement ratifié par les Parlements nationaux pour court-circuiter les États et le Conseil des ministres puisque le Parlement européen en tant que tel ne dispose d'aucun pouvoir constitutionnel. Mais cette initiative originale n'est pas suivie d'effets. Aucun parlement national, hormis le parlement italien qui salue la démarche de Spinelli, n'examine le projet de traité. Celui-ci, contrairement aux espoirs formulés par Altiero Spinelli, ne figure d'ailleurs pas au centre des débats d'opinion liés à la seconde élection du Parlement au suffrage universel direct les 14 et 17 juin 1984. Cependant, le 24 mai 1984, François Mitterrand, président de la République française et président en exercice du Conseil européen, s'engage devant le Parlement européen à soutenir le projet de traité d'Union européenne. Il suggère d'engager des conversations préparatoires entre les dix États membres en vue d'une réforme institutionnelle. Au printemps 1985, les travaux du Comité Dooge, mis en place un an auparavant pour l'examen des questions institutionnelles et l'amélioration de la coopération communautaire et politique européenne, rappellera l'intérêt de l'esprit et des méthodes du projet de traité adopté par le Parlement européen.


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