Introduction

Adopté en décembre 2007, le traité de Lisbonne marque la fin d'un cycle de révision de la «charte constitutionnelle» des Communautés européennes. En l'espace de vingt ans, la procédure de révision générale des traités est mise en œuvre à six reprises et cinq nouveaux traités sont entrés en vigueur: l'Acte unique européen (1986), le traité de Maastricht (1992), le traité d'Amsterdam (1997), le traité de Nice (2001) et le traité de Lisbonne (2007). Seul le traité établissant une Constitution pour l'Europe (2004) n'aboutit pas, son processus de ratification est abandonné à la suite des référendums négatifs français et néerlandais du printemps 2005. La crise économique, financière et budgétaire qui frappe l'Union européenne (UE) et la zone euro depuis 2008 rouvre le débat sur une nouvelle révision des traités à l'horizon 2015 dont l'objet serait de garantir la pérennité de la monnaie unique.

Le transformisme des traités communautaires

Cette capacité des traités à se transformer1 est le propre du droit communautaire, droit d'intégration selon la qualification que lui donna Paul Reuter, le juriste de l'équipe Monnet2. La promotion de la paix, objectif premier de l'oeuvre communautaire3, est «chose plus complexe et plus obscure que la guerre proprement dite, comme la vie est plus obscure et profonde que la mort», nous rappelle le poète4. Sa réalisation et sa préservation exigent un questionnement continu, afin de répondre aux effets de l'intégration elle-même comme aux aspirations nouvelles des peuples européens. En cela, «l’intégration européenne n’est pas un être mais un devenir; elle n’est pas une situation acquise mais un processus; elle n’est pas un résultat, mais l’action devant mener à ce résultat.»5

Ceci étant, l'évolution du droit rend la connaissance et la compréhension des traités malaisée pour les hommes de loi mais aussi et surtout pour les citoyens. Le sujet est traditionnel et touche l'ensemble de la matière juridique. Le doyen Ripert a pu déplorer avec vigueur les assauts répétés du législateur français contemporain contre ce modèle de concision et de stabilité que fut longtemps le code civil français de 18046. Dans le cadre de la construction communautaire, cette instabilité du droit menace la lisibilité du sens de l'intégration européenne. Si, comme l'observent Renaud Dehousse et Joseph H. Weiler, «l’intégration doit être considérée comme un processus, menant graduellement au fil du temps, à une augmentation des échanges entre les différentes sociétés concernées, ainsi qu’à une forme de gouvernement plus centralisée […] ce caractère évolutif rend toute évaluation du rôle des éléments juridiques dans ce processus plus difficile.» C'est le paradoxe de l'intégration européenne. Son dynamisme nourrit la réalisation d'une «union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe». L'accumulation de réformes, souvent complexes et négociées en huis clos par les hauts fonctionnaires et les dirigeants politiques des États membres, accroît chez les citoyens le sentiment qu'ils sont les exclus d'un processus dont ils sont au centre, dont ils sont le centre7.

La transparence constitue une ligne de force de la déclaration sur l'Avenir de l'Union européenne adoptée par le Conseil européen, réuni à Laeken les 14 et 15 décembre 2001. «L'Union européenne fonctionne actuellement avec quatre traités. Les objectifs, les compétences et les instruments politiques de l'Union se trouvent dispersés dans l'ensemble de ces traités. Si l'on veut plus de transparence, une simplification est indispensable», est-il ainsi déclaré8. Plus de dix ans après, l'objectif est partiellement atteint. Le réaménagement du droit constitutionnel communautaire par le traité de Lisbonne constitue formellement une révision des traités antérieurs. Une certaine simplification est cependant opérée puisqu'il ne subsiste que deux traités pour régler les missions, l'organisation et le fonctionnement de l'Union européenne. Le traité sur l'Union européenne expose les objectifs, les grands principes et les valeurs de l'Union, son cadre institutionnel, les procédures de révision, d'adhésion et de retrait des traités. Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (l'ex-traité instituant la Communauté européenne) détaille notamment les compétences, les politiques conduites par l'Union, la composition et les pouvoirs de ses institutions, les instruments juridiques et financiers à sa disposition.

L'évolution des traités communautaires sur le long terme demeure peu documentée. Le présent corpus aborde cette problématique sous trois angles: pourquoi adopter/réviser un traité? Comment est-il négocié? Quel débat suscite son adoption ou sa ratification? Pour répondre à ces questions, le corpus propose aux utilisateurs près de 1300 ressources documentaires issues d'une centaines de sources distinctes. Ceci étant, le corpus n'entend pas être exhaustif: il offre une «boîte à outils» aux utilisateurs, un point de départ pour de nouvelles analyses sur le droit constitutionnel de l'Union ou pour l'approfondissement de recherches en cours.



1Selon l'expression de Denys Simon (Le système juridique communautaire, 3e éd., Paris: PUF, 2001, p. 101 et s.

2Reuter, Paul, Organisations européennes, Paris: Les cours de droit, 1960.

3Article 3, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne.

4Valéry, Paul, La crise de l’esprit. Deuxième lettre, dans Valéry, Paul, Europes. De l’antiquité au xxe siècle. Paris: Éditions Robert Laffont, 2000, p. 409.

5Constantinesco, Léontin-Jean, La nature juridique des Communautés européennes, Leçon donnée à l'Université de Liège, Liège, 23 novembre 1978.

6Ripert, Georges, Les forces créatrices du droit. Paris: LGDJ, 1954, p. 18 et s

7Voir Cour de justice des Communautés européennes, arrêt du 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec. p. 3.

8Conseil européen, Déclaration de Laeken sur l'Avenir de l'Union européenne, Annexe I des conclusions du Conseil européen, Laeken, 14 et 15 décembre 2001, SN 300/1/01 REV 1, p. 23.

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