L'accord monétaire européen

L'accord monétaire européen (1959-1972)

Le passage à la convertibilité n'est pas sans péril. Il signifie que les règlements des soldes des balances des paiements entre les pays se réalisent selon les règles du marché des changes. Certes, les pays européens conviennent tous de marges de fluctuations limitées du cours de leur monnaie vis-à-vis du dollar1 (ie. des marges inférieures à celles prévues en application des accords de Bretton Woods). Cependant, il est craint que les pays à «monnaie faible» n'en reviennent au bilatéralisme et à des pratiques discriminatoires dans leurs relations avec les pays à «monnaie forte» afin de protéger leurs réserves en or ou en devises. Une telle évolution annulerait les progrès accomplis par l'Union européenne de paiements (UEP). Ainsi que l'explique le président du Comité directeur de l'Union en 1957,

«C'est la raison pour laquelle on est venu, au cours des discussions, à envisager la création de certaines garanties d'ordre institutionnel pour assurer en toutes circonstances le maintien du niveau de multilatéralisation déjà atteint en matière d'échanges et de paiements. Ainsi naquit, pendant l'été 1954, l'idée d'un Fonds européen destiné à accorder à la place des crédits automatiques de l'UEP, des prêts à court terme, afin que les pays plus faibles puissent, à leur tour, se conformer à certaines règles de convertibilité. Les discussions intervenues au sujet d'un tel Fonds européen ont cependant révélé clairement qu'il serait opportun d'envisager, à titre de corollaire à l'institution de ce Fonds, une reconduction partielle du système multilatéral de règlements de l'UEP; ainsi deviendrait plus difficile une résurrection des méthodes bilatérales et serait maintenu un des avantages essentiels de la forme multilatérale de l'UEP, celle consistant précisément à éviter aux pays membres la recherche d'un équilibre avec chacun de leurs partenaires bilatéraux, pour n'exiger qu'un équilibre global à l'égard de l'ensemble des pays membres.»2


L'objet de l'AME

Pour des raisons psychologiques, monétaires et financières, il est jugé que l'UEP ne saurait être reconduite, fut-ce avec des réajustements. La solution d'une nouvelle institution adoptée au nouvel environnement monétaire est préférée3.

L'Accord monétaire européen (AME) est signé le 5 août 1955 par les dix-sept pays membres de l'Organisation européenne de coopération économique. Il retient la création d'un Fonds européen et d'un système de règlements multilatéral. Il entre en vigueur à la terminaison de l'UEP, le 1er janvier 1959. Cette entrée en vigueur tardive s'explique par les difficultés rencontrées par les pays membres pour assurer la convertibilité externe de leur monnaie en 1954-1955.

L'AME est un instrument temporaire établi pour une durée de trois ans éventuellement prorogeable après un examen général de son fonctionnement. Cet examen intervient au terme d'un an s'agissant du système de règlements. L'Accord prend fin le 31 décembre 1972 à la suite de l'éclatement du système monétaire international.

Le fonctionnement de l'AME

La structure institutionnelle de l'Accord reprend celle de l'UEP. Le fonctionnement du Fonds et du système de règlements est assuré sous l'autorité du Conseil de l'OECE par un Comité directeur et par la Banque des règlements internationaux, agissant en qualité d'agent. Les décisions du Conseil et du Comité directeur sont obligatoires pour les parties signataires de l'Accord.

Doté de 600 millions de dollars fournis par les pays membres et les États-Unis, le Fonds a pour objet d'accorder des crédits à court terme (2 ans) aux pays participants qui rencontrent des difficultés temporaires de balance globale des paiements, afin de leur permettre de maintenir le niveau de leurs mesures de libération intra-européenne. Lorsque l'intervention du Fonds sera requise, sont déjà appelées les contributions des pays européens qui ont été transférées de l'UEP. Ce n'est qu'une fois celles-ci épuisées que seront appelées les contributions complémentaires des États-Unis et des pays européens. L'AME organise ainsi une véritable assistance intra-européenne. Le Fonds sert aussi de fonds de roulement au système de règlements.

Deuxième instrument de l'AME, le système de règlements est conçu pour fonctionner de façon accessoire par rapport aux mécanismes de marché. Tout autre solution aurait conduit à nier la convertibilité nouvelle des monnaies participantes. Par conséquent, les règlements via l'AME ne comportent plus d'éléments automatiques et obligatoires (notification mensuelle des soldes, octroi de crédits). En outre, ils s'effectuent en dollars sur la base des cours acheteurs et vendeurs notifiés par les États membres. Cela incite ces derniers à régler leurs besoins de devises sur les marchés de change, sauf si les cours n'y atteignent les limites extrêmes des marges de fluctuation4.

1Les marges de fluctuation des monnaies participantes étaient limitées à ±0,75% contre le dollar, soit une flexibilité maximale de 3% entre deux monnaies en cas de retournement complet des taux pratiqués sur les marchés.

2von Mangoldt-Reiboldt, Hans-Karl, De l'Union européenne de Paiements à la convertibilité monétaire, Revue économique, 1957, vol. 8, n°1, p. 84.

3Pour de plus amples détails: Penglaou, Charles, La liquidation de l'Union européenne de paiements et l'accord monétaire européen, Revue économique, 1959, vol. 10, n°5, pp. 765-766.

4von Mangoldt-Reiboldt, Hans-Karl, De l'Union européenne de Paiements à la convertibilité monétaire, Revue économique, 1957, vol. 8, n°1, p. 87.

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