Le Fonds européen de coopération monétaire (FECOM)

La sortie du serpent du tunnel ne signe pas le début de la stabilisation monétaire et un rétrécissement accru des marges de fluctuation. Le 5 avril l973 le règlement portant création du Fonds européen de coopération monétaire (FECOM) entre en vigueur1. Il est chargé d'assurer la concertation nécessaire au bon fonctionnement du système de change institué dans la Communauté, la mutualisation des soldes résultant des interventions des banques centrales en monnaies communautaires et la gestion de l'accord de Bâle du 9 février 1970 (soutien monétaire à court terme) ainsi que de l'accord du 10 avril 1972 (financement à très court terme). Nécessaire à la mutualisation, une unité de compte est créée et correspond à peu de chose près à la valeur du droit de tirage spécial du FMI2. La Banque des règlements internationaux est chargée de la conduite des opérations techniques. Aucune mise en commun des réserves des changes n'est opérée. Cependant, le règlement prévoit que les compétences du FECOM sont appelées à évoluer au fur et à mesure des progrès de l'union économique et monétaire.

Le FECOM favorise indiscutablement une concertation plus étroite et régulière entre les autorités économiques et monétaires européennes. Il n'empêche pas le délitement progressif du serpent. Dans une série d'arrêts sur les montants compensatoires, la Cour rappelle que le Conseil dispose du pouvoir d'édicter des mesures matérielles en matière conjoncturelle, afin de permettre à la Communauté d'accomplir ses missions3. L'appel n'est pas entendu. Les rares mesures prises en faveur d'une convergence renforcée des politiques économiques le sont sous la forme d'engagements politiques ou d'instruments peu directifs.

En fait, l'absence de mutualisation des réserves de change, les montants limités attribués à la politique régionale, le maintien de réflexes nationaux face au choc pétrolier d'octobre 1973,... contribuent à dessiner une Europe monétaire à deux niveaux. D'un côté les pays maîtrisant l'inflation, présentant des balances des paiements excédentaires et des monnaies qui s'apprécient. De l'autre côté, des pays frappés par une forte inflation, des balances des paiements déficitaires et des monnaies qui se déprécient. Ces pays supportent seuls la charge de soutenir leur monnaie lorsqu'elle atteint le cours-plancher. Ainsi la France sort du serpent le 19 janvier 1974 pour le réintégrer le 10 juillet 1975. Le 15 mars 1976, elle le quitte une nouvelle fois. L'accord monétaire du 23 août 1971 qui lie la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas est même suspendu en mars 1976. Dans le même temps, les changements de parité s'accélèrent dans le serpent, notamment des monnaies «fortes», afin d'alléger le poids des interventions des pays à monnaie faible. À compter de 1976, le serpent est réduit en pratique à sa plus simple expression, le serpent est au point mort. Le projet d'union économique et monétaire est à ce stade abandonné.



1Règlement (CEE) n°907/73 du Conseil du 3 avril 1973, instituant un Fonds européen de coopération monétaire, Journal officiel n°L 89 du 5 avril 1973, pp. 2-5. Le décalage avec le calendrier retenu par la conférence au sommet de Paris tient à l'opposition apparue dans les jours de négociation du règlement entre le Luxembourg et le Royaume-Uni concernant la localisation du FECOM.

2C'est-à-dire la valeur du dollar en or en 1944. Louis, Jean-Victor, Le Fonds européen de coopération monétaire, Cahiers de droit européen, 1973, n°3, p. 276.

3Arrêt de la Cour de justice du 24 octobre 1973, Balkan-Import-Export GmbH contre Hauptzollamt Berlin-Packhof, aff. 5-73, Rec. 1973, p. 1091.

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