La résurgence des identités nationales

La résurgence des identités nationales


L’organisation de l’URSS perdure sans la moindre modification d’ordre structurel de 1956 à 1990. L’État fédéral soviétique est composé de 15 entités fédérées, les RSS. Les RSS, qui en tant que Républiques souveraines gardent leur propre constitution, sont à leur tour divisées en régions (ou oblast) à l'exception des RSS de Lettonie, de Lituanie, d'Estonie et de Moldavie qui ont une structure unitaire. Certaines républiques fédérées (Russie, Géorgie, Arménie, Ouzbékistan et Tadjikistan) comportent dans leur structure des républiques socialistes soviétiques autonomes qui jouissent d’un certain degré d'auto-gouvernance. Par ailleurs, certains territoires au sein de la RSFSR et des RSS de Tadjikistan, Géorgie et Azerbaïdjan bénéficient d’un statut de région autonome.


Tant que le régime communiste soviétique arrive à contenir et à contrôler les revendications civiques et sociales de la population dans les différentes RSS, la raison d’être de l’Union n’est pas mise en cause. La politique de la direction du Parti est naturellement de maintenir la cohésion de l’ensemble alors que chaque nationalité cherche à obtenir le maximum d’avantages. Pour réaliser ses objectifs, la direction du Parti utilise les différents moyens qui sont à sa disposition: octroi de crédits, autonomie culturelle plus ou moins étendue, le tout assorti de mesures répressives contre le «nationalisme exagéré» lorsque le contrôle du pouvoir central devient trop lâche. Le facteur national joue donc en faveur d’une décentralisation du pouvoir. Toutefois, le Kremlin veille à ce que les limites fixées par le centre ne soient pas dépassées.


Jusqu’au milieu des années 1980, Moscou réprime tout mouvement qualifié de «nationalisme exagéré» qui parfois se transforme en révoltes sporadiques et guerres civiles. Lorsque l’engrenage des réformes démocratiques de Gorbatchev déstabilise le pouvoir soviétique central et ses relais dans les RSS, les mouvements nationalistes s’appuient sur les articles 70 et 72 de la loi fondamentale pour appuyer leurs aspirations à l’autonomie, voir à l’indépendance.


Dans les pays Baltes, disputés depuis des siècles par Slaves, Germains et Suédois, et indépendants de 1920 à 1939, des révoltes ont lieu tout au long de l’ère communiste. Inspirés par les espoirs d’indépendance des États du bloc de l’Est et encouragés par la mise en place d’un gouvernement semi-démocratique en Pologne, des manifestations en faveur du retour à l’indépendance éclatent simultanément dans les trois pays baltes entre 1988 et 1989. Des revendications particulièrement violentes resurgissent également dans les républiques transcaucasiennes qui se rappellent de leur passé d’indépendance parfois pluriséculaire. En menaçant Moscou d’appliquer l’article 70 de la loi fondamentale, les fronts populaires nationaux exigent, dans un premier temps, la fin de la prépondérance du pouvoir central et de la RSFSR sur les autres RSS.


Confronté à une situation politico-économique préoccupante, Gorbatchev s’exprime en faveur de la réforme constitutionnelle du 1er décembre 1988 qui permet des candidatures multiples et libres aux prochaines élections. La nouvelle Assemblée législative, élue le 26 mars 1989, a donc pour ambition de légitimer le pouvoir central et de conforter l’Union. Deux-tiers du Congrès des députés du peuple sont désormais des membres élus au suffrage universel, à bulletin secret et sur candidatures multiples. Or, les premières élections législatives libres montrent l’échec des candidats de Gorbatchev et l’émergence des réformateurs radicaux et des nationalistes. L’arrivée au Soviet suprême de représentants de fronts populaires nationaux, tel le front de Lituanie, le Sajudis, illustre bien la débâcle de Gorbatchev. En conséquence, les nationalistes trouvent une tribune formidable pour véhiculer leurs idées indépendantistes et nationalistes. Ainsi, en laissant s’exprimer librement les particularismes nationaux, la démocratisation du régime favorise un regain de tension génératrice de troubles, voire de guerres civiles entre les peuples que l’histoire et la région avaient de tout temps opposés, tels que les Arméniens orthodoxes et les Azéries musulmans.


Pour contrer les nationalismes et assurer la survie de l’Union soviétique d’une manière ou d’une autre, Gorbatchev tente de rallier les Républiques autour d’un nouveau projet d’Union. Cette Union serait la base pour le renouveau du fédéralisme soviétique au sein d’une URSS de plus en plus démocratique. Le nouveau traité reçoit un accueil favorable des républiques d’Asie centrale qui recherchent surtout le soutien économique de la RSFSR et l’accès au marché de l’Union soviétique. En mars 1991, Gorbatchev engage un référendum populaire sur l’avenir de l’Union soviétique qui se tient dans neuf républiques dont les populations se prononcent favorablement à la signature d’un nouveau traité d’Union. L’Arménie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Géorgie et la Moldavie, gouvernées par leurs fronts populaires nationaux respectifs, ne participent pas au référendum. En avril 1991, lors du sommet de Novo-Ogarevo, Gorbatchev et les dirigeants des neuf républiques décident d’accélérer l’établissement d’un nouveau traité d’Union. Gorbatchev estime que la signature du nouveau traité par un premier groupe de RSS aurait un effet d’entrainement sur les autres Républiques.

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