L'élargissement jusqu'où ?

L’élargissement jusqu’où ?


L’élargissement de l’Union européenne va se poursuivre mais ses frontières ne sont pas fixées par les critères de Copenhague établis de 1993. L’article 49 TUE (anciennement article 237 TCEE) se limite à stipuler que « Tout État européen peut demander à devenir membre de la Communauté ». La demande d’adhésion du Maroc à la CEE a été refusée, le Royaume n’étant pas un pays européen.


L’élargissement aux dix pays d’Europe centrale et orientale après l’effondrement des régimes communistes a été considéré comme un « devoir historique » pour mettre fin à la division de l’Europe. Celui-ci accompli, une autre préoccupation est apparue, celle d’assurer la sécurité de l’Union élargie par rapport aux pays voisins instables. Le seul moyen envisagé a été de les inclure eux-mêmes dans l’Union, d’où la mise en route d’un véritable « engrenage de l’élargissement » qui n’est pas sans provoquer des réserves et des critiques.


C’est ainsi qu’a été traité le problème des Balkans occidentaux ravagés par les guerres ethniques à la suite de l’implosion de la Fédération yougoslave qui a provoqué l'intervention des États européens en Bosnie et au Kosovo, dans le cadre de l’ONU et de l’OTAN. Dès 1999, le Conseil européen d’Helsinki a adopté un processus de stabilisation et d’association. Ainsi la Croatie a signé l’accord de stabilisation et d’association (ASA) le 29 octobre 2001, l’ancienne République yougoslave de Macédoine le 9 avril 2001, l’Albanie le 12 juin 2006 et le Monténégro le 15 mars 2007. De plus, des sommets UE-Balkans ont lieu régulièrement depuis la première réunion à Zagreb, le 24 novembre 2000. Un programme d’« Assistance communautaire pour la restructuration, la démocratie et la stabilité » a également été prévu pour la période 2000-2006. Les pays concernés sont la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie-Monténégro, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, l’Albanie. En décembre 2002, le Conseil européen de Copenhague, en même temps qu’il décidait l’entrée des Dix, confirmait la vocation des cinq pays balkaniques à faire partie de l’Union.


La Croatie a posé sa candidature à l’adhésion le 21 février 2003. La Commission a donné son avis favorable le 20 avril 2004 en proposant un partenariat de pré adhésion. Les négociations d’adhésion ont commencé en octobre 2005. L’ancienne République yougoslave de Macédoine a demandé son adhésion le 22 mars 2004 après avoir signé, comme la Croatie, un accord d’association. Mais les autres pays sont beaucoup moins avancés. La demande d’association de la Bosnie, en novembre 2003, n’a pas reçu l’avis favorable de la Commission. En novembre 2005, les négociations en vue de la signature d’un accord de stabilisation et d’association ont été entamées. Les relations de l’Union avec la Serbie sont tributaires des négociations relatives au futur statut du Kosovo (autonome dans la Serbie ou indépendant). Depuis l’indépendance du Monténégro (22 mai 2006), ce pays a signé un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne (15 mars 2007). Quant à l’Albanie, des négociations en vue d’un accord d’association ont été entamées le 13 février 2003 et ont abouti à la signature d’un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne, le 12 juin 2006.


Ainsi, l’Europe des vingt-sept pourrait devenir, au bout d’un certain temps, l’Europe des trente-deux même si au lendemain du dernier élargissement à 27 États membres, seuls 3 États sont formellement candidats à l’adhésion, à savoir la Croatie, la Turquie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Les négociations d’adhésion avec la Croatie et la Turquie ont démarré le 3 octobre 2005. L'ancienne République yougoslave de Macédoine est devenue un pays candidat en décembre 2005, mais les négociations d’adhésion n’ont pas encore commencé. Deux États européens, restés jusqu’à présent à l’écart de l’Union, pourraient aussi se décider à la rejoindre. La Norvège, associée à l’espace Schengen et membre de l’Espace économique européen, doit déjà appliquer, à ce titre, un bon nombre des directives et des règlements de l’Union, sans pouvoir intervenir sur leur contenu. Elle doit participer au financement de l’élargissement de l’UE aux nouveaux États membres puisqu’elle aura accès à leurs marchés. D’où un sentiment de marginalisation qui pourrait conduire à un nouveau débat sur l’adhésion, rejetée en 1972 et en 1994. Quant à la Suisse, qui avait posé sa candidature en mai 1992 avant de la retirer en rejetant l’adhésion à l’Espace économique européen, elle a multiplié les accords bilatéraux avec l’Union dont elle se rapproche à petits pas, laissant ouverte l’éventualité d’une nouvelle candidature. Or, la Norvège et la Suisse remplissent d’ores et déjà les critères d’admission.


D’autres pays font partie de l’espace géographique européen et participent de sa culture. Leur entrée dans l’Union européenne est envisageable pour certains.


La Russie est européenne pour une partie de son territoire. Mais c’est un ensemble géopolitique eurasiatique étendu sur deux continents donc distinct de l’Europe proprement dite, la limite géographique de l’Oural restant théorique. Son entrée dans l’Union européenne déséquilibrerait complètement celle-ci. D’ailleurs la Russie ne répondrait pas aux critères, n’ayant pas un régime suffisamment démocratique ni une économie de marché véritable. Mais elle tient à développer ses relations avec l’Union européenne, sa principale partenaire commerciale. D’où l’accord de partenariat et de coopération avec celle-ci du 24 juin 1994. Le 11e sommet russo-européen, qui a lieu à Saint-Pétersbourg en mai 2003, rassemble pour la première fois le chef d’État de la Russie et les chefs d’État ou de gouvernement des quinze pays membres de l’UE et des dix pays qui adhéreront en mai 2004. A cette occasion est créé un Conseil de partenariat permanent créant « quatre espaces communs » : espace économique intégrant les questions d’environnement et d’énergie, espace commun de liberté, de sécurité et de justice, espace de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure et espace de recherche et d’éducation englobant les aspects culturels.


La question d’une éventuelle adhésion se pose également pour certains des autres États issus de l’ex-Union soviétique, situés en Europe, avec lesquels l’Union européenne a conclu des accords de partenariat : Ukraine (14 juin 1994), Moldavie (28 novembre 1994), Belarus (6 mars 1995),bien que ce dernier ne sera pas ratifié.


Le Belarus ne peut envisager cette éventualité avec un président dictateur et un système économique de type soviétique. Pour la Russie, le Belarus constitue une position stratégique pour le passage de gazoducs vers l’Ouest. Un traité du 2 avril 1996 a renforcé l’intégration économique et politique entre les deux pays et donc l’influence russe au Belarus.


Le cas de l’Ukraine est différent. Elle s’est nettement séparée de la Russie, a adopté un régime de type présidentiel avec un parlement, a entamé des réformes économiques avec des privatisations. Un accord de partenariat et de coopération a été signé le 1er mars 1998 entre l’Ukraine et l’Union européenne. En même temps, les forces politiques pro-occidentales cherchent à rapprocher l’Ukraine de l’Union européenne et de l’OTAN pour affirmer son indépendance, mais elle doit ménager la Russie qui détient de larges pans de son économie et invoque la part importante de Russes dans la population pour faire pression.


Quant à la Moldova, ancienne province roumaine intégrée à l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale et devenue indépendante en 1991 après la dislocation de l’URSS, elle souhaite d’autant plus entrer dans l’Union européenne depuis que la Roumanie en est membre depuis 2007. Mais, la Moldova subit encore un régime de type communiste et elle n’a pas réussi ses réformes économiques. C’est le pays le plus pauvre d’Europe dont beaucoup d’habitants émigrent vers l’Union européenne. Surtout, les Russes sont installés dans la partie est de la Moldova, la Transnistrie. La population russo-ukrainienne majoritaire en Transnistrie se prononce pour l’indépendance de la Transnistrie en 1991 pour demander son rattachement à la Russie ou à l'Ukraine. En 1992, une guerre éclate entre les indépendantistes de la Transnistrie, soutenue par la Russie, et le gouvernement central établi à Chisinau, capitale de la Moldova. La même année, les présidents Eltsine et Snegur signent un accord de paix. Pourtant, l’indépendance de la Transnistrie n’a pas été reconnue sur le plan international. Par ailleurs, la Russie n’a pas respecté l’engagement d’évacuation de 1999. Elle continue d’entretenir des bases militaires qui lui permettent de surveiller l’Ukraine et d’éventuelles installations de l’OTAN en Roumanie, mais d’où proviennent de nombreux trafics. Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, les efforts de surveillance de la frontière ont été renforcés. La coordination en matière de surveillance de ces frontières extérieures de l’Union incombe à l’agence européenne Frontex, créée le 26 octobre 2004 et opérationnelle depuis le 5 octobre 2005. Fin juin 2004, l’OTAN a demandé le retrait des bases russes. En attendant, des manifestations se produisent régulièrement en Moldova pour le rattachement à la Roumanie, donc à l’Union européenne.



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