Le Conseil européen de Nice

Le Conseil européen de Nice


C’est à Nice que se tient, les 7, 8 et 9 décembre 2000, au terme de la présidence française, le Conseil européen qui va décider des modifications à apporter au Traité d’Union européenne : c’est le plus long Conseil qui s’est jamais tenu, en raison surtout des très vives divergences entre les gouvernements sur la réforme des institutions.


Avant l’ouverture du Conseil se déroule une session symbolique de la Conférence européenne des Quinze avec les représentants des douze pays reconnus comme candidats à l'adhésion à l’Union européenne, ainsi que celui de la Turquie et d’un observateur envoyé par la Suisse. La Conférence décide de s’élargir à d’autres États candidats éventuels (Ukraine, États des Balkans, Norvège, Islande et Liechtenstein) mais les Quinze refusent de fixer une date pour la fin des négociations alors en cours avec les Douze.


Puis, avant de commencer ses travaux, le Conseil, le Parlement européen et la Commission proclament conjointement par la voix de leurs présidents respectifs, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui précise les droits civils, politiques, économiques et sociaux des citoyens européens. Mais cette proclamation n’a qu’une valeur symbolique puisque la Charte ne sera pas incluse dans le traité, ce qui l’aurait rendue juridiquement contraignante, en raison de l’opposition britannique.


Avant d’aborder les questions institutionnelles, le Conseil de Nice prend des positions sur plusieurs dossiers, bien préparés par la présidence portugaise puis française. Le Conseil approuve le rapport sur la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et adopte les modifications à cet effet du traité d’Union européenne. Il adopte l’Agenda social européen demandé par la France pour renforcer et moderniser le volet social de l'Union en fixant pour cinq ans des objectifs concrets et prioritaires de lutte pour l’emploi et la protection sociale. Il adopte l’accord sur le Statut de la société anonyme européenne pour les firmes opérant dans plusieurs États membres, dossier en panne depuis 1970 en raison des désaccords sur la participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise. Il décide d’accélérer les mesures en matière de sécurité maritime (suite au naufrage du pétrolier Erika) par le renforcement des contrôles sur les navires et par l’élimination progressive des pétroliers à simple coque. Il décide de créer, à la suite de la crise de l’encéphalie spongiforme bovine (maladie de la « vache folle »), une Autorité européenne de la Sécurité alimentaire, mais simplement consultative. Le Conseil décide le renforcement de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et la mise en place d’Eurojust, organisme de coopération judiciaire pénale. Il adopte un plan d’action pour développer la mobilité en Europe des étudiants, des chercheurs et des enseignants. Enfin, il adopte une Déclaration sur l’Europe du Sport, demandée par la France, pour étendre l’« exception culturelle » par rapport aux lois du marché à une exception sportive pour permettre aux gouvernements et fédérations de mieux réguler le sport (en particulier le transfert de joueurs professionnels et la protection des jeunes sportifs).


Parmi les dossiers relatifs aux institutions, est adoptée sans difficulté la réforme du système juridictionnel communautaire dont les grandes lignes avaient été arrêtées par le Conseil européen de Feira sous présidence portugaise. Il s’agissait de faire face à l’accroissement considérable de nombre d’affaires introduites devant la Cour de justice et le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE), accroissement dû à l’extension des compétences de la Communauté et aux élargissements successifs de celle-ci à de nouveaux États membres. Le traité issu du Conseil de Nice apporte des modifications importantes à la structure et au fonctionnement des instances juridictionnelles afin d’accroître leurs capacités, en particulier par la possibilité de créer des Chambres juridictionnelles adjointes au TPI.


En ce qui concerne le système communautaire, deux réformes sont adoptées sans difficulté car l’expérience a montré leur nécessité et parce qu’elles ne mettent pas en cause les intérêts nationaux des États membres: les « coopérations renforcées » et l'accroissement des pouvoirs du président de la Commission européenne.


Le processus des « coopérations renforcées » institué par le Traité d’Amsterdam pour permettre à certains États de progresser plus vite que les autres dans la voie de l’intégration européenne avait été soumis à de très importantes restrictions qui rendaient sa mise en application improbable. Aucune n’avait été réalisée. Aussi, le Conseil de Nice apporte-t-il quelques assouplissements. Il élargit le champ d’application au deuxième pilier de l’Union, celui de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), mais avec des restrictions exigées par la Grande-Bretagne, l’Irlande et la Suède : une coopération renforcée devra se limiter, pour la politique étrangère, à la mise en œuvre d’action ou de position communes décidées par le Conseil à l’unanimité et ne pourra pas porter sur des questions ayant des implications militaires ni dans le domaine de la défense. Dans le premier pilier communautaire, la coopération renforcée ne pourra s’appliquer qu’aux domaines ne relevant pas exclusivement de la compétence communautaire et après avis conforme du Parlement européen s’il s’agit d’une question relevant de la codécision Parlement-Conseil. Enfin, le mécanisme de la coopération renforcée est assoupli. Le nombre d’États requis pour y avoir recours reste de huit, mais il va s’appliquer à un effectif non plus de 15 États, mais de 27 après l'élargissement. De plus, la possibilité prévue par Amsterdam d’un veto par un État hostile est remplacé par le droit d’appel de ce dernier au Conseil statuant à la majorité qualifiée. Ainsi des « groupes pionniers » auront la possibilité de se former dans les domaines du premier et du troisième pilier (Justice et Affaires intérieures) mais pas dans celui de la politique de défense.


La position du président de la Commission est renforcée pour faire face à son prochain élargissement et pour éviter le renouvellement d’incidents qui avaient marqué la Commission Santer. Le Conseil européen désignera désormais le président de la Commission à la majorité qualifiée et non plus par consensus, exigence qui avait permis à la Grande-Bretagne d'opposer son veto à la désignation de Jean-Luc Dehaene en 1994 pour la succession de Jacques Delors. De même, c’est à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité que le Conseil choisira, en accord avec le président désigné, les membres de la Commission avant leur confirmation par le Parlement européen. L’autorité du président sur la Commission est ainsi renforcée : il répartira les responsabilités entre les commissaires et pourra remanier cette répartition en cours de mandat. Après approbation du collège, il nommera les vice-présidents et pourra demander la démission d’un membre de la Commission s’il le juge nécessaire (ce qui n’avait pas été possible pour le président Santer).


Les discussions deviennent très difficiles lorsque le Conseil européen aborde le problème de la représentation des États dans les institutions élargies. Il s’agit de l’équilibre délicat entre les organismes et, surtout, de la place des États membres dans chacune des institutions c’est-à-dire de leur capacité d’influencer les politiques de l’Union européenne et de pouvoir éventuellement s’y opposer. Alors que l’objectif reste, en principe, de préserver l’efficacité du processus de décision en dépit de l’accroissement du nombre d'États membres, les gouvernements cherchent surtout à se donner les moyens de faire prévaloir des intérêts nationaux. Les débats sont d’autant plus âpres qu’il s’agit d’un « paquet » global résultant de marchandages et de compromis. L’hypothèse retenue est une Union européenne de 27 États : les Quinze, plus les Douze en cours de négociation, sans tenir compte d’éventuelles adhésions ultérieures (Turquie et États des Balkans).


Sur la composition de la Commission, l’accord n’est que partiel. La France et l’Allemagne souhaitent une Commission pas trop nombreuse afin qu’elle conserve cohésion et efficacité. A cet effet, elles acceptent, ainsi que l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Espagne, de renoncer à leur second commissaire pour réduire l’effectif. Mais les « petits » États déjà membres ou qui vont adhérer tiennent à avoir chacun un national dans la Commission. Il ne s’agit pas de « représentants » des États (ceux-ci siègent au Conseil des ministres) mais de ressortissants des pays exerçant leurs fonctions en toute indépendance. Pour des questions de prestige, tous les États tiennent à ce qu’un de leurs nationaux soit présent à la Commission.


Ainsi, le traité prévoit que les cinq « grands » n’auront plus qu’un commissaire à partir du 1er janvier 2005 comme les autres États. Dès son adhésion, chacun des nouveaux membres aura droit à un commissaire. Ce n’est qu’après l’adhésion d’un vingt-septième État que le Conseil à l’unanimité décidera du nombre de commissaires. Il n’est pas précisé qu’il sera inférieur à celui des pays membres. Si c’était le cas, le principe d’une rotation égalitaire pourrait éventuellement être adopté, reflétant l’éventail démographique et géographique de l’ensemble de l’Union. Le problème d’une Commission pléthorique n’a donc pas été réglé à Nice.


En ce qui concerne le Parlement européen, le traité d’Amsterdam avait fixé un plafond de 700 membres, considéré comme la taille maximum d’une assemblée délibérante, ainsi qu’une répartition des sièges prévoyant les adhésions. Ce point ne figure donc pas à l’agenda de la Conférence intergouvernementale (CIG). Mais les petits pays font pression pour obtenir le plus de sièges possible afin de compenser le nombre de leurs voix au Conseil qu’ils estiment insuffisant. Le Parlement devient donc une variable d’ajustement de l’ensemble institutionnel. Toutefois, la solution adoptée prend mieux en compte le poids démographique tout en atténuant la proportionnalité au profit des pays moyens et petits, comme c’était le cas depuis le début de la Communauté.


Alors que le Parlement des Quinze comptait 626 sièges, celui de l’Union à 27 en aura 732. D’où la réduction du nombre de députés européens pour les anciens membres. Seule l’Allemagne garde ses 99 sièges qu’elle a obtenus après sa réunification pour les élections européennes de 1994. La France, l’Italie, la Grande-Bretagne n’ont plus que 72 sièges chacune (au lieu de 87), l’Espagne 50 (au lieu de 64), les Pays-Bas 25 (au lieu de 31), la Belgique, la Grèce et le Portugal 22 chacun (au lieu de 25), la Suède 18 (au lieu de 22), l’Autriche 17 (au lieu de 21), le Danemark et la Finlande 13 (au lieu de 16), l’Irlande 12 (au lieu de 15), le Luxembourg conservant ses 6 sièges, chiffre justifié par la nécessité pour un petit pays de disposer d’une représentation pluraliste.


Les futurs États membres sont classés d’après le poids démographique : Pologne 50 sièges, Roumanie 33, République tchèque et Hongrie 20 chacune, Bulgarie 17, Slovaquie 13, Lituanie 12, Lettonie 8, Slovénie 7, Estonie et Chypre 6 chacune, Malte 5. En attendant l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, les sièges de celles-ci seront répartis provisoirement au prorata entre les Vingt-cinq. Rien n’est prévu au delà de vingt-sept États membres.


Le rôle du Parlement est renforcé. La procédure de codécision est étendue aux nouvelles matières soumises au vote du Conseil à la majorité qualifiée: non pas à toutes comme il le réclamait mais dans plusieurs domaines importants (politique industrielle, coopération judiciaire en matière civile et immigration).


La répartition des sièges aux deux comités consultatifs, le Comité économique et social (CES) et le Comité des régions (CdR) est fixée pour l’Union européenne à 27 : 24 sièges chacune pour l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l'Italie ; 21 pour l'Espagne et la Pologne, 15 pour la Roumanie, 12 pour les Pays-Bas, la Grèce, la République tchèque, la Belgique, la Hongrie, le Portugal, la Suède, la Bulgarie et l'Autriche ; 9 pour la Slovaquie, le Danemark, la Finlande, l'Irlande et la Lituanie ; 7 pour la Lettonie, la Slovénie et l'Estonie ; 6 pour Chypre et le Luxembourg ; 5 pour Malte. Soit un total de 344 sièges pour chaque comité.


L’extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil, pourtant considérée comme nécessaire pour faciliter la prise de décision dans le premier pilier communautaire et éviter, surtout dans une Union élargie à vingt-sept États, que l’exigence d’unanimité n’aboutisse à la paralysie, n’a que faiblement progressé. La Commission et le Parlement européen ont demandé la généralisation du vote à la majorité qualifiée pour toutes les décisions du Conseil à caractère législatif. Mais les grands États tiennent à conserver l’unanimité, c’est-à-dire un droit de veto, dans des matières qu’ils considèrent comme très importantes pour eux, la Grande-Bretagne sur les questions relatives à la fiscalité et à la politique sociale et la France sur les aspects culturels de la politique commerciale commune dans les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’Allemagne, jusque là très favorable au vote majoritaire, est devenue plus réticente en raison de la résistance des Länder à voir la législation communautaire empiéter sur leurs compétences, particulièrement dans les domaines de l’immigration, des visas, du droit d’asile, de la culture et de l’environnement. En effet, la révision constitutionnelle de 1993 a donné aux Länder un droit de codécision avec le gouvernement fédéral sur les affaires européennes, d’où la nécessité pour celui-ci de conserver la possibilité d’un veto.


Aussi les progrès sont-ils très limités. Alors que la Commission a préconisé que sur 70 cas de vote à l’unanimité, une cinquantaine passent à la majorité qualifiée, ce sont seulement 29 dispositions du traité d'Union européenne, qui sont modifiées. Beaucoup sont d’importance secondaire, visant surtout des procédures. Pour cinq d’entre elles, la mise en œuvre est conditionnelle ou reportée à plus tard : ainsi à la date du 1er mai 2004 pour les mesures dans le domaine de l’immigration clandestine et la circulation de ressortissants d’États tiers. L’exception la plus remarquable est obtenue par l’Espagne : le maintien de l’unanimité sur les aides régionales dont elle est la plus forte bénéficiaire va lui permettre de s’opposer à leur réduction jusqu’en 2014 en dépit de sa croissance économique.


Pour la mise en œuvre des votes à la majorité qualifiée, l’enjeu capital est la pondération des voix au Conseil des ministres, c’est-à-dire leur répartition entre les États membres. A Nice, c’est le dernier point abordé par le Conseil européen et le plus durement disputé puisqu’il s’agit pour les États de leur capacité à peser sur les décisions prises à la majorité qualifiée. Les grands États veulent que la nouvelle répartition des voix rétablisse un équilibre avec les autres membres détruit par les élargissements successifs. Leur poids relatif a diminué de la Communauté des Six à l’Union des Quinze alors qu’ils continuent de rassembler la plus grande partie de la population et de la richesse de l’ensemble. De plus, les grands craignent qu’avec l’entrée de 12 nouveaux membres, moyens et petits (sauf la Pologne), ils puissent être dans une situation minoritaire. D’ailleurs, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne ont subordonné leur renoncement à deux commissaires chacun à la revalorisation de leur poids au Conseil des ministres.


Une solution simple a été proposée par la Commission : une décision ne sera adoptée que si elle réunit la majorité numérique des États membres et la majorité de la population totale de l’Union. L’Allemagne y aurait tout intérêt car elle pèserait davantage. Ce principe de la double majorité, simple et compréhensible pour les citoyens, n’a cependant pas été retenu car il rompait trop avec les équilibres déjà consacrés entre les anciens membres. Toutefois, il faut bien tenir compte des inégalités de population. Mais la France tient à conserver la parité avec l’Allemagne, principe politique respecté dès la création des Communautés, mais désormais contesté par l’Allemagne réunifiée qui a déjà bénéficié de l’accroissement de sa représentation au Parlement européen et veut obtenir davantage de voix au Conseil que les autres grands. Le président Chirac s’y oppose en dépit du déséquilibre démographique (82 millions d’Allemands contre 59 pour la France). Aussi est-il décidé d’attribuer 29 voix chacune à la France, à l’Allemagne, à la Grande-Bretagne (60 millions d’habitants) et à l’Italie (58 millions). D’où la revendication d’États moins peuplés que les grands, mais qui veulent pourtant être considérés comme tels : l’Espagne (40 millions) et la Pologne (39 millions) obtiennent 27 voix chacune, c’est-à-dire presqu’autant qu’eux.


Puis viennent les pays de taille moyenne. La Roumanie (22 millions) aura 14 voix. Les Pays-Bas (16 millions) disposeront de 13 voix, décrochant ainsi de la parité traditionnelle avec la Belgique (10 millions) qui, malgré ses protestations, doit se contenter de 12 voix, comme le Portugal, la Grèce, la Hongrie et la République tchèque, qui ont dix millions d’habitants également. Les pays d’environ 8 millions d’habitants (l'Autriche, la Suède et la Bulgarie) auront 10 voix chacun, ceux de 5 millions 7 voix (le Danemark, la Finlande et la Slovaquie), ainsi que ceux de près de 4 millions : (l'Irlande et la Lituanie). Tous les autres États reçoivent le minimum de 4 voix en dépit des écarts de population : la Lettonie (2,4 millions), la Slovénie (2), l'Estonie (1,5), Chypre (0,75) et le Luxembourg (0,44). Seule Malte n’a que 3 sièges (0,38).


Le total des voix sera ainsi, pour un total de 27 États, de 345 et la majorité qualifiée de 258 voix lorsqu’il s’agit d’une décision prise sur proposition de la Commission. Dans les autres cas, la majorité de 258 voix doit exprimer le vote d’au-moins deux tiers des États membres. Le seuil de la majorité qualifiée à 27 sera ainsi voisin de 74 %, ce qui est plus élevé qu’à Quinze et rend la décision plus difficile à adopter. De plus, une troisième condition a été imposée par l’Allemagne qui fait ainsi prendre en considération son poids démographique : un membre du Conseil pourra demander, lors de la prise de décision à la majorité qualifiée, de vérifier si les États constituant cette majorité représentent au moins 62 % de la population totale de l’Union. Sinon, la décision ne sera pas adoptée. Ainsi, loin de faciliter la prise de décision d’une Union élargie, le Traité de Nice la rend plus difficile avec l’exigence de trois conditions : majorité pondérée des voix, majorité numérique des États membres, majorité de la population de l’Union.


Ces dispositions n’ont été adoptées par le Conseil européen qu’après des débats très vifs, dans la fatigue générale, le lundi 11 décembre, à quatre heures vingt du matin. D’où les approximations des données chiffrées, parfois contradictoires en raison des concessions de dernière minute. Il faudra du temps aux diplomates pour mettre au point le texte définitif qui ne sera signé que le 26 février 2001.


Le Traité de Nice rend certes possible l’élargissement en fixant la place des nouveaux États membres dans les institutions de l’Union européenne. Mais il n’a pas débattu des problèmes majeurs de l’avenir de l’Union et il a démontré une fois de plus les insuffisances de la méthode de négociation intergouvernementale. Aussi le traité est-il accompagné d’une « Déclaration relative à l’avenir de l’Union », exigée par l’Allemagne, chargeant les présidences suédoise et belge de 2001 d’organiser un large débat et de faire rapport au Conseil européen de Laeken (Bruxelles) en décembre 2001 qui prendra les initiatives nécessaires pour délimiter les compétences entre l’Union et les États membres (c’est la revendication des Länder), fixer le statut de la Charte des droits fondamentaux, simplifier les traités et définir le rôle des parlements nationaux dans l’architecture européenne. Une nouvelle CIG sera convoquée en 2004 pour apporter aux traités les changements nécessaires. De fait, dès le début 2001, l’Allemagne relancera le débat sur l’avenir de l’Union, ce que la France estime prématuré, et le chancelier Schröder se prononcera le 30 avril en faveur d’une intégration plus poussée.


Bien que le gouvernement français se félicite d’avoir abouti à un compromis rendant possible l’entrée de nouveaux États membres, Jacques Chirac, président en exercice du Conseil de l'Union européenne, qui vient présenter le traité le 12 décembre 2000 au Parlement européen, est vivement critiqué par les leaders des groupes politiques et par le président de la Commission européenne Romano Prodi. Si le Parlement approuve les dispositions du traité sur la Commission et les coopérations renforcées, il regrette la non-inscription dans celui-ci de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les limites de l’extension de la codécision Conseil-Parlement, le dépassement de l’effectif de 700 parlementaires pour la future Europe élargie ainsi que la répartition des sièges entre nationalités. Le Parlement européen adopte, le 14 décembre, une résolution reprochant aux gouvernements d’avoir « fait passer leurs intérêts nationaux à court terme avant les intérêts de l’Union ». Le Parlement ne peut cependant pas s’opposer au traité car il ne dispose pas de l’avis conforme, comme pour les traités d’adhésion. Aussi les parlements belge et italien menacent-ils de ne pas ratifier le traité si le Parlement européen est défavorable. Ils ne le feront cependant pas car les pays candidats verraient leur admission retardée.


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