La mise en place de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme

La mise en place de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme

 

Le 4 novembre 1950, les représentants des États membres du Conseil de l'Europe signent à Rome la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, inspirée notamment des travaux des mouvements pro-européens ayant participé en mai 1948 au congrès de l'Europe à La Haye.


En effet, à partir de juillet 1949, le Conseil de l'Europe est saisi d'un projet de convention par le Mouvement européen et en août 1949, lors de sa première session, l’assemblée consultative du Conseil de l'Europe adopte une résolution relative aux droits de l’homme vite reprise par le Comité des ministres et par les gouvernements. Sous la présidence du député conservateur britannique Sir David Maxwell Fyfe, co-rapporteur de la commission juridique du Mouvement européen et membre actif de la commission culturelle du congrès de l’Europe à La Haye, la commission des questions juridiques et administratives du Conseil de l’Europe adopte comme base de ses travaux l’avant-projet de convention rédigé par l’ancien ministre français Pierre-Henri Teitgen qui préside la commission juridique du Mouvement européen. Ce document s’attache à la solution de trois problèmes:

 

- Énumérer et définir les droits et les libertés à garantir

- Indiquer comment seront fixées les conditions d’exercice de ces droits et libertés

- Préciser le mécanisme de la garantie collective de ces droits.

 

En ce qui concerne le premier point, l’assemblée estime que seule peut être assurée la garantie des droits de la démocratie politique en attendant celle des droits sociaux. Aussi ratifie-t-elle le choix fait par la commission des dix droits et libertés repris à la Déclaration universelle des droits de l’homme telle qu’adoptée en décembre 1948 par l’assemblée générale des Nations unies. Mais faute d’un accord sur la définition du droit de propriété et du droit des parents de choisir par priorité le genre d’éducation à donner à leurs enfants, l’assemblée décide de renvoyer à la commission les paragraphes relatifs à ces deux droits en la chargeant d’en élaborer pour la prochaine session une formulation plus précise. Son projet prévoit en outre l’engagement pris par les gouvernements de procéder à intervalles raisonnables, à tout le moins pour certains sur le territoire métropolitain, à des élections au suffrage universel, libre et secret et d’autoriser la critique et l’opposition politiques.

 

Ayant ensuite à fixer les conditions d’exercice de ces droits et libertés, l’assemblée consacre le principe selon lequel chaque État membre aura compétence pour organiser dans ses frontières l’exercice des libertés garanties. Enfin, l’assemblée consultative reconnaît unanimement la nécessité d’un contrôle juridictionnel et recommande la création d’une Cour européenne des droits de l’homme même si elle prévoit que les États pourront également soumettre leurs litiges à la Cour de La Haye. L’institution d’une Commission européenne des droits de l’homme, organe d’enquête et de conciliation, est recommandée.

 

Dans le cadre des débats consacrés par l’assemblée à la question des droits de l’homme, le sénateur catholique belge Étienne de la Vallée Poussin, membre de l’UPE, soulève le problème des personnes déplacées. Mais la question est reportée sine die. Les travaux du Conseil de l’Europe ne restent pas longtemps sans suite.

 

La demande du Congrès de la Haye, en mai 1948, d'élaboration d'une charte des droits de l'homme et de création d'une cour de justice chargée de la faire respecter, se concrétise finalement à Rome le 4 novembre 1950 avec la signature par douze États membres du Conseil de l’Europe et un pays associé, la Sarre, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme, CEDH). La CEDH entre en vigueur le 3 septembre 1953, à la date du dépôt par le Luxembourg du dixième instrument de ratification auprès du Secrétaire général du Conseil de l'Europe. Depuis son entrée en vigueur, elle protège, par le biais d’un mécanisme juridictionnel contraignant, les droits civils et politiques des particuliers, dont les droits de la personne (droit à la vie, interdiction de la torture…), les droits du citoyen (liberté de pensée, d’expression, d’association…) et les droits du justiciable (droit à un procès équitable, pas de peine sans loi.


À la différence des traités internationaux de type classique, basés sur le principe de la réciprocité entre les États contractants, la Convention crée des obligations objectives pour les États, à l’égard des particuliers, indépendamment du comportement des États cosignataires. Telle est précisément l’originalité de la CEDH, celle d’octroyer à l’ensemble des valeurs communes et supérieures qu’elle définit la force du droit positif en le dotant d’un système de garantie collective, auquel ont recours tant les États que les individus.

 

La Convention instaure ainsi un «ordre public international», à caractère impératif, auquel les États parties ne peuvent pas déroger dans l’adoption et l’application de leurs normes juridiques internes. Et ceci sans porter atteinte à l’autonomie nationale des États dans leur appréciation des dispositions de la Convention. En effet, le principe de la subsidiarité, d’après lequel il incombe en premier lieu aux États de garantir le respect des droits de l’homme au niveau national, trouve son application pratique dans la règle de l’épuisement des voies de recours internes.

 

Fidèle aux principales propositions du Mouvement européen, la Convention renvoie à un double mécanisme de contrôle puisqu’il repose à la fois sur la Commission et sur la Cour européennes des droits de l’homme. L'accord fixe une commission européenne des droits de l'homme qui vérifie les recours introduits par les États contractants ou les personnes physiques et morales qui sont soumis à la Cour européenne des droits de l'homme. Les arrêts de la Cour sont obligatoires et ne peuvent faire l'objet d'aucune procédure d'appel. C'est le 12 juillet 1954 que la Commission européenne des droits de l'homme tient sa première session.

 

Depuis les années cinquante, le Conseil de l’Europe est ainsi à l’origine de toute une série de traités internationaux par lesquels les États parties s’engagent à protéger les droits et les libertés de toute personne relevant de leur juridiction.


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