Final political term and European challenges (1979–1984)

Dernier mandat politique et défis européens (1979-1984)


Après cinq ans dans l’opposition, le Parti chrétien-social (CSV) sort vainqueur du scrutin du 10 juin 1979 et passe de 18 à 24 députés. Les résultats des deux partis de la coalition précédente sont contrastés. Tandis que le Parti démocratique (DP) parvient à résister à l’usure du pouvoir et gagne un siège, le Parti ouvrier-socialiste (POSL) en perd trois1. Dans ces circonstances et après consultations avec les forces en place, le CSV et le DP renouent leur alliance et forment un gouvernement de coalition sous la houlette de Pierre Werner. Ce sera son dernier mandat, car en juillet 1984 il choisit de quitter la scène politique nationale, tout en poursuivant son engagement en faveur de l’Union économique et monétaire, ainsi que dans le développement des médias et de l’audiovisuel.


À l’issue d’élections qui avaient pris l’allure d’un véritable duel, Werner l’avait emporté sur Gaston Thorn en ce qui concerne les votes personnels. Thorn, qui devient vice-président de l’exécutif, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Économie et ministre de la Justice, sera bientôt pressenti à prendre les rênes de la Commission des Communautés européennes.


Au vu des grands défis de la législature – dont la gestion de la crise sidérurgique, la restructuration et la diversification socio-économique et les réformes de société – qui présageaient d’une forte implication du président du gouvernement en tant que modérateur entre les intérêts contradictoires, Pierre Werner se départi du portefeuille des Finances. Fort d’une expérience ministérielle de plus de vingt, il estime qu’assumer à part entière cette intense mission, notamment dans ses aspects budgétaire et fiscal, risquait d’entraver la disponibilité du ministre d’État. Il décide ainsi de donner priorité à l’initiative et à la coordination présidentielles au service de l’efficacité gouvernementale. Il ne retient que le ministère du Trésor dans ses attributions monétaires, de trésorerie et de crédit. Il choisit également de gérer les Affaires culturelles, ce qui aboutira sur la création d’un Fonds national culturel, ainsi que sur la loi linguistique2. «Le portefeuille des Finances est confié à Jacques Santer, pour qui le moment était venu de le placer à la tête d’un grand ministère à vision globale»3. Au cours de la période interviendront plusieurs remaniements ministériels, dont l’entrée au gouvernement de Jean-Claude Juncker, âgé alors de 28 ans, en tant que secrétaire d’État au Travail et à la Sécurité sociale4.


Notons également que lors des premières élections au suffrage universel direct pour le Parlement européen, le CSV remporte la moitié des six sièges revenant au Grand-Duché.


Dans sa déclaration politique d’investiture, Werner met en évidence que le gouvernement continuera de s'inspirer d'une ligne politique qui a permis au Luxembourg d'affirmer son existence et de préserver sa souveraineté, tout en poursuivant une insertion progressive dans un ensemble de solidarités et d'intégrations plus larges. Il réaffirme que: «La pierre angulaire de notre politique européenne demeure cependant notre participation à la Communauté Economique Européenne. Le Gouvernement souligne son engagement en faveur de l'œuvre d'intégration européenne, il s'emploiera à coopérer activement à la recherche de solutions aux problèmes fondamentaux que pose l'évolution future de l'Europe communautaire. […]L'élection directe du Parlement Européen, la prise de conscience de la nécessité d'agir en commun comme p. ex. dans les domaines de l'énergie, de l'environnement et de l'harmonisation des politiques sociales, la mise en route du système monétaire européen, sont autant de facteurs qui peuvent être prometteurs d'une relance européenne. Notre pays doit faire face aux répercussions que les politiques communes peuvent avoir sur notre politique nationale et orienter celle-ci de façon à figurer dans le concert européen comme membre, non seulement à part entière, mais économiquement, financièrement et socialement équilibré et fort.»5.


Pendant la période 1979-1984, le gouvernement Werner doit faire face à des problèmes majeurs. Il s’agit plus particulièrement de la restructuration sidérurgique avec son très sensible volet social, de la diversification économique par le biais des secteurs innovants (l’audiovisuel, la consolidation de la place financière), des tensions belgo-luxembourgeoises dans un environnement monétaire international trouble (inflation, chômage, baisse de l’investissement, déficit des échanges extérieurs), ainsi que des nécessaires réajustements de méthode et de mentalité face à la crise.


Comme ces brûlants dossiers sont imprégnés d’une dimension européenne intrinsèque, les Luxembourgeois estiment que des solutions valables ne peuvent émerger que dans le contexte européen, où ils misent sur la synergie avec les voisins. Elle devient effective avec la Belgique pour l’assainissement de la sidérurgie dans les deux pays, ainsi qu’avec l’Allemagne, pour solder des éléments toujours actuels d’un passé douloureux («mesures en faveur de personnes devenues victimes d’actes illégaux de l’occupant»). En revanche, plusieurs événements entament les relations traditionnelles de confiance entre les partenaires de la Grande Région. Le ménage monétaire belgo-luxembourgeois arrive au bout de la rupture suite à la dévaluation unilatérale du franc belge du 22 février 1982. À son tour, la France ravive les inquiétudes des milieux politiques et de la population luxembourgeoise. Et ce par sa volonté d’agrandir la capacité de la centrale nucléaire située à la frontière commune (le gouvernement luxembourgeois ayant renoncé à la réalisation d’une propre centrale dans la même région), mais surtout par son opposition constante face au projet des satellites de communication, composante vitale de la reconversion économique luxembourgeoise. La question récurrente du siège du Parlement européen revient aussi à l’ordre du jour et menace une nouvelle fois le statut du Grand-Duché comme capitale permanente des institutions communautaires.

1 La défaite des partis de gauche est retentissante. Le POSL ne recueille que 22,5 % des votes et réalise, avec 14 sièges, son plus mauvais score de l’après-guerre. Le Parti communiste perd la moitié de son électorat et n’est plus représenté à la Chambre que par deux députés. Quant au Parti social-démocrate, avec deux sièges, il recule au stade de groupuscule politique. Cf. Les gouvernements du Grand-Duché de Luxembourg depuis 1848. Luxembourg: SIP, 2011. Source: http://www.gouvernement.lu/1828371/Gouvernements_depuis_1848-version_2011.pdf (consultée le 16 juillet 2014).

2 Il s’agit de la Loi du 24 février 1984 sur le régime des langues. In Mémorial A n° 16 du 27.02.1984. Source: http://eli.legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/1984/02/24/n1 (consultée le 16 juillet 2014). «La langue nationale des Luxembourgeois est le luxembourgeois». Les langues administratives et judiciaires sont le français, l’allemand et le luxembourgeois. Le français est confirmé comme langue législative. Le trilinguisme est réaffirmé en tant que base de l’identité nationale.

3 WERNER, Pierre. Itinéraires luxembourgeois et européens. Evolutions et souvenirs: 1945-1985. Luxembourg: Éditions Saint-Paul, 1992, tome II, p. 238.

4 «Le poste de secrétaire d’État libéré par la promotion d’Ernest Mühlen (ministre de l’Agriculture et chargé des missions spéciales du ministère du Trésor, secteur des assurances) était particulièrement brigué. Au risque de mécontenter quelques aînés, je proposai au Grand-Duc le nom de Jean-Claude Juncker, après consultation de Spautz et de Santer et le vote positif du Conseil national (du CSV). […]. Sa nomination était bien dans la ligne du rajeunissement du personnel politique». Cf. WERNER. Itinéraires., T II, p. 245.

5 Déclaration gouvernementale. Déclaration faite par Monsieur Pierre Werner, Président du Gouvernement, le 24 juillet 1979, à la Chambre des Députés. In Bulletin de documentation, n° 3/1979, Luxembourg: Service information et presse, ministère d’État, Grand-Duché de Luxembourg, juillet 1979, pp. 24-38, cit. pp. 37 et 25.

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