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La Conférence intergouvernementale sur l'Union économique et monétaire

La Conférence intergouvernementale (CIG) sur l'Union économique et monétaire


La mise au point du traité instituant l'Union économique et monétaire (UEM) entre les États de la Communauté bénéficie d'une base de départ solide : le rapport Delors visant à l'établissement par étapes d'une monnaie unique gérée par une banque centrale. Le terrain est donc largement déblayé. Mais les points essentiels restent à régler.


En ce qui concerne la Banque centrale européenne (BCE), la Bundesbank, longtemps hostile à l'abandon du deutschemark, exige qu'elle soit comme elle indépendante des gouvernements. La France l'accepte même si son ministre des Finances, Pierre Bérégovoy, souhaite contrebalancer cette indépendance par un renforcement du Conseil des ministres des Finances de l'Union (Ecofin) afin de faire de ce dernier une sorte de "gouvernement économique" pour la concertation des politiques budgétaires et fiscales. Mais les Allemands s'y refusent, craignant un dirigisme qui menacerait l'indépendance de la Banque. Ainsi, un choix décisif est fait : l'Union monétaire sera complète avec la monnaie unique sous l'autorité de la Banque centrale tandis que l'Union économique ne consistera qu'en une coordination des politiques nationales par le Conseil des ministres de l'Économie et des Finances, les États membres restant responsables de leurs politiques économiques. Cela ne sera pas sans conséquences en cas de crise et de désaccords entre eux.


Un autre problème est celui des conditions de participation à la monnaie unique en raison des situations économiques très inégales des différents pays. Des critères doivent être définis afin de réserver la valeur de la monnaie commune. Dans ce domaine, la France se montre plus rigoureuse que l'Allemagne. Le président Mitterrand estime en effet que le déficit de l'ensemble des dépenses publiques (budget de l'État, des collectivités locales et dépenses sociales) ne doit pas dépasser 3 % du Produit intérieur brut (PIB). C'est déjà ce qu'il avait imposé en France lorsqu'il avait pris le tournant de la rigueur en 1983. Il n'accepte pas la proposition allemande de prendre en compte les dépenses d'investissement et préfère une règle plus simple et plus stricte. De fait, le déficit budgétaire en France n'atteint que 1,8 % du PIB en 1992 contre 3,5 % pour l'Allemagne qui doit faire face aux charges de la réunification. Dans tous les autres pays, sauf au Danemark, en Irlande et au Luxembourg, le déficit est alors supérieur à 3 %. L'Italie, dont le déficit est proche de 10 %, estime que l'entrée dans la monnaie unique est un choix politique qui ne peut dépendre de seuls critères économiques. L'Allemagne s'oppose à cette conception mais la France suggère de tenir compte de la tendance pour apprécier les résultats des critères. Quant à la Grande-Bretagne, il est évident qu'elle n'acceptera pas la monnaie unique.


La négociation est conduite essentiellement par les ministres des Finances des États membres et leurs directeurs du Trésor, sous la présidence luxembourgeoise (Jean-Claude Juncker) au premier semestre 1991 et néerlandaise (Wim Kok) au second, sans beaucoup de coordination avec la conférence parallèle des ministres des Affaires étrangères sur l’Union politique.


L’Union économique et monétaire (UEM) a pour objet l’adoption d’une monnaie unique. A cet effet est créé pour l’instituer et la gérer le Système européen des banques centrales composé de la future Banque centrale européenne (BCE) et des banques centrales des États membres, indépendant des gouvernements nationaux comme des institutions communautaires. Son objectif principal est de maintenir la stabilité des prix.


La monnaie unique sera réalisée en trois étapes. La première déjà commencée au 1er juillet 1990 avec la libération des mouvements de capitaux et des paiements entre les États membres et avec les pays tiers, avec le début de la concertation pour assurer la convergence des politiques économiques. La deuxième phase commencera le 1er janvier 1994. Les politiques économiques des États seront encadrées par l’adoption de « grandes orientations » par le Conseil avec comme objectif la réduction des déficits publics. Un Institut monétaire européen (IME) sera mis en place pour renforcer la coopération entre les banques centrales nationales et la coordination des politiques monétaires. Il sera également chargé de préparer le passage à la troisième phase, c’est-à-dire l’installation de la Banque centrale européenne et le passage à la monnaie unique. La fixation de la date de la troisième étape se fait malgré les réticences du gouvernement de Bonn qui ne veut pas être lié par un calendrier malgré les assurances reçues sur l’indépendance de la Banque centrale et les critères de convergence. C’est au Conseil européen de Maastricht (9–10 décembre 1991) que le président Mitterrand, appuyé par le président du Conseil italien Giulio Andreotti, a pu faire décider que l’UEM entrerait en vigueur au 1er janvier 1997 si la majorité des États membres remplissait les conditions, sinon au plus tard le 1er janvier 1999 la monnaie unique sera adoptée par les seuls États en mesure de la faire. C’est donc une décision irrévocable.


Pour être admis dans l’UEM, les États doivent remplir plusieurs « critères de convergence ». Un taux d’inflation moyen mesuré par une stabilité des prix à la consommation (pas plus de 1,5 % de plus que la moyenne des trois États ayant les meilleurs résultats) et un taux d’intérêt à long terme qui ne dépasse pas de plus de 2 % celui des trois États membres précédents. La monnaie devra avoir appartenu durant les deux dernières années au moins au Système monétaire européen et n’en avoir pas dépassé les marges de fluctuation. Enfin les finances publiques devront être saines. Le déficit ne devra pas dépasser 3 % du Produit intérieur brut (PIB) pour les dépenses publiques (administrations centrales, régionales, locales et fonds de sécurité sociale) et la dette publique devra rester inférieure ou égale à 60 % du PIB. Le principe des critères sera explicité dans le Traité sur l’Union européenne (article 109 j) mais les éléments chiffrés ne seront fixés que par deux protocoles interprétatifs (nos 5 et 6). Ceux-ci pourraient, à la différence du traité, être modifiés par le Conseil des ministres, mais seulement à l’unanimité.


Le Conseil européen de Maastricht décide que le choix des États admis à l’UEM ne se fera pas uniquement en fonction des critères techniques, mais aussi politiques en tenant compte de la tendance. La décision d’admission sera prise par le Conseil à la majorité qualifiée mais au niveau des chefs d’État et de gouvernement.


Quant aux pays réticents, ils subordonnent leur engagement dans la troisième phase à un référendum pour le Danemark (protocole n° 12), à une modification ultérieure de sa position pour la Grande-Bretagne (protocole n° 11).



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