Les forces opérationnelles de l'UEO

Les forces opérationnelles de l’Union de l’Europe occidentale


Dans son article J.4, paragraphe 2, le traité de Maastricht du 7 février 1992 avait donné mandat à l’Union de l’Europe occidentale (UEO) «d’élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions de l'Union [européenne] qui ont des implications dans le domaine de la défense». L’objectif pour l’Union européenne (UE) était de disposer au travers de l'UEO d'un bras armé lui donnant une capacité d'intervention et des moyens de coercition militaire. Parallèlement, les États membres de l'UE qui sont membres de l'UEO se devaient aussi de renforcer la contribution européenne à la solidarité au sein de l'Alliance atlantique, plus connue sous l’expression de pilier européen de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) (cf. Déclaration n° 30 annexée au traité UE).


Auparavant, les forces européennes étaient des unités nationales pouvant être entraînées à évoluer de concert, aidées en cela par les manœuvres et exercices multinationaux, l’assimilation des normes OTAN et les politiques d’interopérabilité et de standardisation.


Dans le cadre de l’UEO aussi, quelques tentatives avaient été faites dans le domaine de la coopération militaire et policière opérationnelle comme les actions concertées dans le golfe Persique (1988-1990), les opérations coordonnées par l’UEO autour du conflit yougoslave (1992-1996), la formation de police en Albanie (1997-2001) et l’action conjointe en matière de déminage en Croatie (1999-2001). Cette coopération prit aussi la forme d’instruments de surveillance et de planification comme la création, le 27 juin 1991, d’un Centre d’interprétation d’images satellitaires ou encore la mise en place d’une Cellule de planification de l’UEO qui fut opérationnelle le 1er octobre 1992.


Dans le cadre de la négociation du traité de Maastricht et de la préparation du Sommet atlantique de Rome de novembre 2001, deux propositions furent mises sur la table. La première proposition, italo-britannique, constitua le fondement de l'accord au sein de l'Alliance en ce qui concerne l'identité européenne de sécurité et de défense (IESD). Elle s'appuyait sur la création d'une force de réaction européenne développée par les États membres de l'UEO aux fins de répondre à des menaces hors de la zone OTAN ou de réaliser des opérations de maintien de la paix. Parallèlement, l'initiative franco-allemande annonçait le développement de la brigade franco-allemande afin de la transformer à terme en un corps d'armée auquel s'adjoindraient des unités d'autres États membres de l'UEO, constituant ainsi le noyau d'un corps européen.


Ces initiatives engagées durant le mois d’octobre 1991 annonçaient à la fois l’avènement des groupes de forces interarmées multinationales (GFIM), à savoir les forces et capacités modulables détachables ponctuellement de la structure OTAN (cf. infra) Il faut également relever la définition de forces préexistantes mises à la disposition de l’UEO (forces «relevant» de l’UEO ou FRUEO). L’idée générale était que les unités multinationales puissent disposer de «plusieurs chapeaux» selon l’organisation qui allait être choisie comme maître d’œuvre de leur engagement sur le terrain: les forces étant à disposition de l’UEO ou de l’Alliance, en cas de crise et après accord politique national.


Les forces relevant de l’UEO (FRUEO)


Avec le traité de Maastricht et le Conseil de l’UEO tenu au château de Petersberg (Bonn) le 19 juin 1992, les États membres déclarèrent qu'ils étaient prêts à mettre à la disposition de l'UEO des unités militaires provenant de tout l'éventail de leurs forces conventionnelles.


Les unités militaires des États membres de l'UEO, agissant sous l'autorité de l'UEO, pourraient être utilisées pour un certain nombre de missions dites «de Petersberg», à savoir des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants; des missions de maintien de la paix; des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix (missions dites de Petersberg). Les unités proviendront des forces des États membres de l'UEO, y compris des forces ayant des missions OTAN – dans ce cas, après consultation avec l'OTAN – et seront organisées sur une base multinationale et interarmées.


Les États membres de l'UEO ont également décidé de mettre sur pied et d'organiser l'entraînement des capacités appropriées qui permettront le déploiement terrestre, maritime ou aérien des unités militaires de l'UEO en vue d'accomplir ces missions.


Les forces furent progressivement désignées à partir du Conseil des ministres à Petersberg: le Corps européen (ou Eurocorps), la force amphibie anglo-néerlandaise, puis la division multinationale (Centre1). Il en fut de même pour le groupe aérien commun (GAE) franco-britannique créé par l'accord de Chartres du 18 novembre 1994 et qui s’ouvrit à d’autres pays par la suite, mais également pour l'Eurofor et l'Euromarfor (1995), pour l’état-major du premier corps germano-néerlandais (1997) et enfin pour la force amphibie hispano-italienne (1997).


À l’époque, la principale unité multinationale qui pouvait être mise à la disposition de l’UEO fut le corps d'armée européen dont la création fut annoncée par la France et l'Allemagne le 16 octobre 1991. Le Corps européen (crée le 22 mai 1992 par décision au Sommet de La Rochelle) s’ouvrit à d’autres pays contributeurs – Belgique (25 juin 1993), Espagne (1er juillet 1994) et Luxembourg (7 mai 1996) –, dès l’instant où les pays fondateurs acceptèrent que la force puisse être également à disposition de missions de l’Alliance atlantique (accord sur les conditions d’emploi avec le SACEUR de l’OTAN le 21 janvier 1993). Avec un quartier général à Strasbourg opérationnel depuis le 5 novembre 1993 et des forces blindées et mécanisées associées au combat lourd, l’Eurocorps à une vocation essentiellement terrestre.


Malgré le non-engagement sur le terrain des missions de Petersberg sous l’emblème de l’UEO ou des gestions de crise dans le cadre de l’OTAN (sauf en tant que quartier général pour la KFOR au Kosovo, la SFOR en Bosnie-Herzégovine et l’ISAF en Afghanistan), l’Eurocorps est considéré par les analystes comme l’amorce d'une armée européenne, avec une structure de planification, une capacité de décision, une capacité d'action.


La division multinationale (Centre) aéromobile et aéroportée de l’OTAN composée d'unités belges, britanniques, néerlandaises et allemandes fut aussi proposée comme unité à disposition de l’UEO lors du Conseil des ministres de l’UEO à Rome le 19 mai 1993 (au même moment, il fut question de la force amphibie anglo-néerlandaise). Quant à l’Eufor et à l’Euromarfor dont la création fut annoncée au Conseil de Lisbonne du 15 mai 1995, ils constituaient respectivement une force opérationnelle rapide européenne à dimension terrestre et une force maritime européenne multinationale préconfigurée mais non permanente disposant en sus de capacités amphibies. La France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal furent les États participants aux deux forces associées aux opérations dites méridionales.


Depuis le sommet UEO de Marseille du 13 novembre 2000 et l’inclusion de certaines fonctions de l’UEO dans l’UE, les FRUEO sont devenues des forces multinationales à la disposition de l’OTAN et de l’UE (politique européenne de sécurité et de défense, PESD). Elles s’ouvrent parfois à de nouveaux États membres participants et elles s’engagent dans un processus de plus grande flexibilité, d’interopérabilité et de plus grande réactivité.


Les groupes de forces interarmées multinationales


Quant aux groupes de forces interarmées multinationales (GFIM), le concept fut adopté lors du sommet de l'OTAN de janvier 1994. Ainsi l'UEO devait pouvoir utiliser non seulement les forces et les ressources des alliés européens (FRUEO) mais aussi des moyens collectifs de l'Alliance atlantique tels que les systèmes de communications, les structures de commandement, les outils intégrés et les capacités d’expertise et de planification des états-majors. Tous ces éléments devaient pouvoir renforcer le pilier européen dans l’Alliance et soutenir les missions européennes sous contrôle indirect de l’OTAN. Au vu des tensions politiques et diplomatiques, des ambiguïtés autour du projet et du degré d’autonomie politique et stratégique des Européens dans les années quatre-vingt-dix – débat entre européistes et atlantistes –, l’accord ne fut finalisé que fin 2003 dans le cadre, cette fois, des relations UE-OTAN (déclaration dite de Berlin-Plus).


(décembre 2009)



(1) En territoire allemand.

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