Le troisième pilier de l'Union européenne: justice et affaires intérieures

La coopération dans les domaines de la Justice et des Affaires intérieures


La mise en œuvre du marché unique avec la suppression des contrôles aux frontières intérieures posait le problème des conséquences de la libre circulation des personnes. Il fallait éviter que le grand espace européen ne favorise des trafics illégaux d’un pays à l’autre ou en provenance de pays tiers. Il fallait que les dispositions législatives et réglementaires nationales des États membres, souvent très différentes, soient coordonnées dans les domaines de l’immigration, de la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, d’armes et d’œuvres d’art, la criminalité organisée. Certes une certaine coopération intergouvernementale s’était déjà développée dans les domaines policier et juridique, mais de façon très insuffisante. Lors des négociations du traité de Maastricht, le chancelier Kohl insista sur la nécessité de mieux contrôler les mouvements de population, l’Allemagne ayant été obligée d’accueillir de nombreux immigrés d’Europe de l’Est.


Le traité sur l’Union européenne répond à ces préoccupations en instituant un troisième pilier intitulé « Justice et Affaires intérieures » (JAI), après le premier pilier « Communauté européenne » (CE) et le second « Politique étrangère et de sécurité commune » (PESC). Des domaines d’intérêt commun sont énumérés : politique d’asile, règles régissant le franchissement des frontières extérieures de l’Union, politique d’immigration et politique à l’égard des ressortissants des pays tiers, lutte contre la toxicomanie et la fraude de dimension internationale, coopération judiciaire en matière civile et pénale, coopération douanière et policière. Il est toutefois bien précisé que les États membres conservent les responsabilités du maintien de l’ordre public et de la sauvegarde de la sécurité intérieure.


S’agissant de matières très sensibles relevant de la souveraineté, c’est la méthode intergouvernementale qui est employée. La Commission européenne est « pleinement associée » aux travaux, mais elle ne dispose pas du monopole de proposition au Conseil comme dans le système communautaire. Les États membres peuvent également faire des propositions. Ils sont même les seuls à pouvoir le faire dans les domaines sensibles (coopération douanière et policière, coopération judiciaire pénale). Le Conseil des ministres adopte à l’unanimité des positions communes et peut décider des actions communes, dont les mesures d’application pourront être prises à la majorité qualifiée s’il en décide ainsi à l’unanimité. Mais, à la différence des règlements et directives du système communautaire, ces actions communes n’obligent les gouvernements qu’à les soumettre à leur parlement qui reste libre de les adopter ou non. En fait, peu des nombreuses actions communes adoptées ont été mises en œuvre par les États membres.


Étant donné l’imbrication des compétences du pilier JAI avec celles de la Communauté relatives au marché unique et à la libre circulation, des rapports sont prévus entre les deux piliers. C’est ainsi que pour les visas, une politique commune est nécessaire pour des raisons d’efficacité afin d’éviter qu’un afflux d’immigrants se produise dans un pays laxiste et se répande ensuite librement chez ses voisins. Aussi la politique des visas est-elle confiée à la Communauté européenne, les décisions étant préparées par la Commission à la demande de tout État membre et prises ensuite à la majorité qualifiée (l’exigence de l’unanimité risquant d’aboutir à l’impossibilité de politique commune). D’autre part, le Comité de coordination chargé de préparer les travaux du Conseil assure ces fonctions aussi bien pour les matières relevant du pilier JAI que pour celles de la compétence communautaire.


Enfin le traité prévoit une « passerelle » permettant de transférer au pilier communautaire, pour une meilleure efficacité, des matières relevant du pilier JAI, à l’exception de la coopération judiciaire pénale, de la coopération douanière et de la coopération policière. C’est ce qui sera décidé par le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997.


La méthode ancienne de coopération représentée par les conventions internationales – déjà largement utilisée par le Conseil de l’Europe et prévue par le traité de Rome, est mentionnée dans le traité de Maastricht pour le pilier JAI, qui cherche à la renforcer par l’adoption majoritaire des mesures d’application et la possibilité d’intervention de la Cour de justice des Communautés.

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