Les organes statutaires de l'UEO

Les organes statutaires de l’Union de l’Europe occidentale


Les organes statutaires de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) étaient au nombre de trois: le Conseil, l’Assemblée parlementaire et le Secrétariat général.


Le Conseil


Grâce à la modification du traité de Bruxelles en 1954, le Conseil consultatif(1) est devenu un Conseil organisé pour fonctionner de manière permanente. Le Conseil de l’UEO avait pour objet «de poursuivre une politique de paix, de renforcer leur sécurité, de promouvoir l'unité, d'encourager l'intégration progressive de l'Europe ainsi qu'une coopération plus étroite entre Elles et avec les autres organisations européennes» (article VIII, paragraphe 1). Il était également stipulé au paragraphe 3 qu’à la demande de l’une des hautes parties contractantes au traité, le Conseil était immédiatement convoqué en vue de permettre aux hautes parties contractantes de se concerter sur toute situation pouvant constituer une menace contre la paix(2), en quelque endroit qu'elle se produise, ou mettant en danger la stabilité économique.


Les fonctions du Conseil étaient définies par le traité qui stipulait que cet organe «pren[ait] à l’unanimité les décisions pour lesquelles une autre procédure de vote n’aura[it] pas été ou ne sera[it] pas convenue»(3) (article VIII, paragraphe 4). Si le processus intergouvernemental au sein du Conseil requérait l’unanimité, il procédait par consensus sans processus de vote. Seuls les dix États de plein droit prenaient les décisions relatives à l’UEO.


En pratique, cet organe intergouvernemental central à l’UEO n’avait pas fixé de périodicité en matière de réunions et la fréquence fut dépendante de l’actualité et des politiques de réactivation ou «d’endormissements» de l’organisation. Le Conseil était composé des représentants des États membres. Chaque État membre de plein droit exerçait à tour de rôle la présidence du Conseil(4) et les réunions se tenaient, en principe, dans le pays qui exerçait ladite présidence.


Le Conseil pouvait se réunir au niveau des représentants nationaux permanents (sur le Conseil permanent, cf. infra) ou au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la Défense (ces derniers à partir de 1984, année de la tentative de revitalisation de l’organisation par la déclaration de Rome). Certaines réunions ministérielles pouvaient néanmoins imposer une organisation séparée desdites réunions (Affaires étrangères et Défense) pour des raisons politiques. Les réunions ministérielles se déroulaient deux fois par an mais des réunions extraordinaires pouvaient être convoquées en cas de besoin. Le Conseil des ministres pouvait se réunir en plusieurs configurations: entre membres de plein droit, avec les États associés et observateurs, avec, en sus, les États partenaires associés. Les réunions avec les membres associés et observateurs avaient lieu généralement en matinée, celles avec les partenaires associés, dans l’après-midi.


Quant au Conseil permanent réuni sous la présidence du secrétaire général au siège de l’organisation et assurant la gestion courante de l’UEO assisté de délégués militaires, il était composé de représentants permanents des pays membres, la plupart ayant une double casquette, à savoir également en tant que représentants à l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). Cette représentation UEO fut organisée à partir des ambassadeurs nationaux en poste à Londres, puis, après le transfert à Bruxelles du Conseil et du Secrétariat général en janvier 1993, par les représentants permanents désignés essentiellement ou totalement pour cette tâche. Le Conseil permanent pouvait tenir des réunions élargies auxquelles participaient les directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères et de la Défense (Conseil permanent élargi) pour la préparation des conseils ministériels et rédiger des rapports au profit des ministres. Au début, le Conseil permanent accomplissait des tâches statutaires: l’adoption du rapport annuel et des réponses aux recommandations de l’Assemblée et aux questions écrites posées par ses membres (cf. infra), la mise en œuvre des protocoles du traité, ou encore l’adoption des décisions relatives à l’activité des agences. Depuis la réactivation de l’UEO dans les années 1980, le Conseil permanent reçut en outre pour mission d’élaborer des rapports au profit du Conseil des ministres grâce à l’existence, sous mandats permanents ou sous mandats spécifiques, de groupes de travail. Avec la décision de fermeture prise par les États membres parties, le Conseil permanent fut chargé d’organiser la cessation des activités de l’Organisation, de préférence pour la fin de juin 2011. «À cet égard, le Conseil permanent de l’UEO s’appuiera sur l’expertise et le soutien du Secrétariat général et consultera l’Assemblée au besoin. Il devra notamment se charger des aspects suivants: application du plan social au personnel du Secrétariat général de l’UEO, du Service administratif de Paris et de celui de l’Assemblée de l’UEO, sur la base du Plan social de 2000 et en consultation avec les représentants du personnel; gestion des pensions et règlement des questions liées aux locaux de l’UEO à Bruxelles et Paris»(5).

Relevons que les membres associés, les observateurs, les associés partenaires furent dûment informés par la présidence du Conseil permanent au cours de ce processus. De même, le Conseil Affaires étrangères (UE) prit note de cette annonce par les États membres parties au traité de Bruxelles modifié dans ses conclusions du 26 avril 2010 en indiquant qu’il prenait acte «de la contribution importante de l’UEO au développement de l’architecture européenne de sécurité et de défense, y compris du rôle essentiel joué par l’Assemblée interparlementaire de l’UEO dans le développement d’une culture européenne en matière de sécurité et de défense».

L’extinction de l’UEO aurait permis de faire des économies, chiffrées par la France, en ce qui la concerne, de 1,5 million d’euros(6) et de 2 millions d’euros pour les Britanniques(7), et de donner toute visibilité à la PSDC de l’Union européenne dans le cadre du traité de Lisbonne. Relevons également que l’argumentaire financier fut mis en avant le 21 octobre 2008 par les autorités espagnoles pour suspendre toute participation de leurs parlementaires nationaux aux activités de l’Assemblée parlementaire de l’UEO. Le 30 mars 2010, le sous-secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, Chris Bryant, avait mis en avant l’existence de la PSDC de l’UE et les questions budgétaires pour souhaiter la dénonciation du traité de Bruxelles modifié.


C’étaient les groupes de travail du Conseil qui préparaient «techniquement» les décisions, qu’il s’agisse de celles impliquant l’Agence pour le contrôle des armements (ACA), les délégués militaires, le Comité militaire ou la Cellule de planification. Ces interactions furent d’autant plus nécessaires lors des quelques opérations UEO dans le cadre des missions dites de Petersberg, ou pour mieux appréhender des dossiers stratégiques d’actualité. Elles furent également présentes pour la coordination de missions OTAN et UEO dans les mêmes zones d’opération (Adriatique). Plusieurs groupes et sous-groupes de travail spéciaux ont été institués et/ou se sont succédé au cours du temps de l’organisation pour préparer les décisions ministérielles: le groupe de travail du Conseil (GTC) sur les questions politiques, institutionnelles ou générales et qui préparait toutes les réunions du Conseil; le groupe de travail spécial (GTS) réunissant des responsables des Affaires étrangères et de la Défense; le groupe des représentants des ministères de la Défense (GRD) traitant des questions de défense ayant des implications à long terme, le groupe politico-militaire (GPM) composé de délégués nationaux des Affaires étrangères et de la Défense; le groupe des délégués militaires (GDM) composé des représentants des chefs d’état-major des armées (planification et suivi de la Cellule de planification); le groupe Espace(8); le comité du budget (CBO); le comité de sécurité (CS); le comité des systèmes d’information et de communication (CSIC).


D’autres groupes furent chargés de travailler sur des sujets spécifiques: le groupe de travail politico-militaire (GTPM) sur l’identité européenne de sécurité et de défense (IESD) et les groupements de forces interarmées multinationales (GFIM); le groupe Méditerranée; le groupe d’expert en vérification FCE(9); le groupe de travail «Ciel ouvert»(10); le groupe IDS (initiative de défense stratégique). Le Conseil disposa également de groupes de travail qui provenaient du transfert, en 1994, de certaines activités de l’Eurogroupe(11) à l’UEO, ce qui accroît la complexité d’ensemble: groupe de travail du Conseil sur le Forum transatlantique; groupe logistique de l’Europe occidentale; groupe Eurocom (interopérabilité des communications tactiques terrestres); groupe Eurolongterm (élaboration des plans militaires sur le long terme). Le Conseil pouvait également faire appel aux services de l’Institut d’études de sécurité (Paris), en tant qu’organe subsidiaire.


Depuis le sommet de Marseille de novembre 2000 fixant le caractère «résiduel» de l’UEO, aucun Conseil ministériel n’a plus été convoqué, tandis que dès juillet 2001 les décisions relatives au Conseil telles celle sur l’approbation des budgets furent entérinées dans le cadre d’une procédure écrite. Le Conseil permanent a tenu sa dernière réunion au niveau des représentants permanents le 28 mai 2002 et seuls deux groupes de travail du Conseil restèrent actifs: le comité du budget de l’organisation et un groupe ad hoc pour des questions administratives et de gestion interne plus spécifiques. Théoriquement, le Conseil pouvait encore se réunir à Dix, essentiellement sur des problèmes de gestion. Les pays membres associés, observateurs et associés partenaires pouvaient continuer de désigner des représentants auprès du Conseil de l’UEO. Enfin, la possibilité subsistait de voir s’organiser des réunions du Conseil ou de groupes de travail à 21 ou à 28 pour les questions liées à l’Assemblée de l’UEO (cf. infra) nécessitant une contribution particulière des pays non membres de plein droit(12) en raison de la participation de leurs parlementaires aux travaux de cette instance.


Le Secrétariat général


Le Secrétariat général a été intégré dans l’article 2 du protocole n° IV qui lui attribuait la responsabilité administrative sur le personnel de l’ACA. Il faudra attendre la convention du 11 mai 1955 sur le statut de l’UEO pour voir se préciser ses compétences. Organe administratif, le Secrétariat général fut localisé à Londres (jusqu’au transfert à Bruxelles le 1er janvier 1993), quand bien même l’ACA et le Comité permanent des Armements (CPA) se trouvaient à Paris, proches, à l’époque, des commandements centraux de l’OTAN. Le secrétaire général de l’UEO présidait les réunions du Conseil permanent et assurait la coordination des activités des organes ministériels de l’UEO. Ce fut, à partir du 25 novembre 1999, l’Espagnol Javier Solana qui exerça la charge de cette responsabilité. La structure du Secrétariat général était pour l’essentiel composée dans les années 1990 du secrétaire général(13) et du secrétaire général délégué, de la division politique(14), du secrétariat du Conseil, du service presse et information, du service de traduction et de la division administrative, sans oublier le service administratif de Paris installé à partir de 2001(15). Si des liens formels et institutionnels ne furent pas organisés avec la Commission européenne, des relations informelles et des contacts spécifiques ont toujours existé avec certains représentants de l’UE et de l’Alliance atlantique. Ces relations évoluèrent en dent de scie en fonction des avancées européennes en matière d’IESD, de PESD et d’interactions autour du processus de Berlin Plus(16) entre l’OTAN et l’UE.


En ce qui concerne les réponses aux recommandations et aux questions émises par l’Assemblée de l’UEO, la rédaction d’un projet pouvait être confiée à l’un des pays membres ou au Secrétariat général. Le texte amélioré ou amendé était ensuite soumis au groupe de travail en vue de son adoption par le Conseil.


C’était le chef du Secrétariat général de l’UEO(17) qui donnait réponse aux questions et recommandations de l’Assemblée de l’UEO, après qu’il eut envoyé aux 28 États membres(18) un projet de réponse traduit avec un délai de réponse faisant jouer la pratique de la procédure du silence (accord tacite à cinq jours).


Le Secrétariat de l’UEO, installé rue de l’Association à Bruxelles à partir de juillet 2001, fut réduit en effectifs et en moyens(19). Avec la décision prise par les États parties de charger le Conseil permanent de l’UEO d’organiser la cessation des activités de l’Organisation dans le respect du délai prescrit par le traité de Bruxelles modifié et de préférence pour la fin du mois de juin 2011, l’expertise et le soutien du Secrétariat de l’UEO fut sollicité pour les questions administratives et de personnel, à la fois à Bruxelles et à Paris.


Plusieurs difficultés apparurent autour des plans sociaux et versements d’indemnités des derniers employés(20) dans la mesure où dans un premier temps, la plupart des États membres de l’UEO avaient essayé d’échapper à leurs obligations en matière de pensions. L’organe qui fut chargé de gérer ces plans et de faire le suivi des pensions était l’agence satellitaire de l’Union européenne(21). Le centre satellitaire avait reçu une contribution supplémentaire des États membres pour les dépenses occasionnées. En effet, la décision du Conseil de l’UEO du 27 mai 2011 précisait que «les Dix reconnaissaient qu’ils étaient solidairement responsables, y compris sur le plan financier, à concurrence de la part qu’attribuait à chacun des Dix la clé de répartition régissant les contributions obligatoires à l’UEO, vis-à-vis du centre satellitaire de l’UE, de l’exécution des obligations administratives résiduelles de l’UEO»(22). Par facilité, une cellule chargée des pensions fut constituée dans les locaux du secrétariat du Conseil de l’UE à Bruxelles, agissant sous tutelle du Conseil d’administration à dix du CSUE.


L’Assemblée parlementaire


L’Assemblée parlementaire de l’UEO est née avec le traité de Bruxelles modifié (1954). À la différence du Parlement européen, les parlementaires de l’UEO n’ont pas été élus au suffrage universel direct. L’Assemblée fut organisée à partir de membres des parlements nationaux des États parties au traité dont les représentants siégaient à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. L’article IX du traité impliquait que l’Assemblée de l’UEO n’existait que par le biais de ses relations avec le Conseil ministériel qui devait lui présenter un rapport annuel. Cette forte limitation fut en partie levée par le volontarisme des parlementaires qui décidèrent, à travers la charte(23), d’élargir leurs pouvoirs. Ce fut le cas en octobre 1955 et par la suite lorsqu’il s’est agi d’introduire des statuts différenciés pour les délégations des parlementaires. Cependant, l’Assemblée de l’UEO n’avait aucun pouvoir législatif ni budgétaire et ne disposait que d’un très faible pouvoir de contrôle de l’exécutif, à savoir le Conseil.


Le siège de l’Assemblée de l’UEO était localisé à Paris et se réunissait deux fois par an en session plénière ordinaire dans l’hémicycle du Conseil économique et social français, place d’Iéna. D’autres sessions extraordinaires pouvaient avoir lieu et l’Assemblée pouvait parfois se réunir dans d’autres pays. L’Assemblée établissait elle-même son ordre du jour, adressait des recommandations et avis au Conseil qui devait y répondre, et elle se réservait aussi le droit de le désapprouver. Cependant, les actes de l’Assemblée n’avaient aucune conséquence institutionnelle et ne pouvaient véritablement infléchir l’action du Conseil de manière significative, nonobstant le principe du désaveu politique des gouvernements par l’Assemblée en cas de motion de désapprobation.


Bien que les membres de l’Assemblée de l’UEO fussent avant tout membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (et non membres nécessairement des commissions de la Défense ou des Affaires étrangères de leurs parlements nationaux respectifs), l’Assemblée a souvent joué le rôle de résonnance et de soutien à la cause de la défense européenne et des liens transatlantiques par les débats organisés et les rapports parlementaires déposés, rédigés le plus souvent avec l’aide des experts du Secrétariat permanent de l’Assemblée et de stagiaires temporaires. L’Assemblée organisait des colloques et les ministres des États membres pouvaient être entendus à leur demande par l’Assemblée lors des sessions, tout comme d’autres personnalités pouvaient y être invitées. L’Assemblée parlementaire de l’UEO était organisée en six commissions permanentes: commission de défense, commission politique, commission technique et aérospatiale, commission des questeurs, commission du règlement et des immunités, commission pour les relations parlementaires et publiques. Elle disposait également d’un greffier(24), d’un président, d’un Bureau, d’une Commission permanente et d’un Comité des présidents. L’Assemblée était organisée en groupes politiques: le groupe libéral, le groupe socialiste, le groupe fédéré des démocrates-chrétiens et des démocrates européens. Le Comité des présidents se composait du président de l’Assemblée en titre, des anciens présidents restés membres de l’Assemblée, des vice-présidents et des présidents de commissions. Organe directeur de l’Assemblée, ce Comité assurait la continuité des travaux; c’est lui qui, se réunissant entre les sessions, fixait le calendrier de celles-ci, en préparait l’ordre du jour et le projet de budget. Toutes ses décisions étaient soumises à ratification par l’Assemblée. Selon l’usage, les présidents des trois groupes politiques étaient invités par le président de l’Assemblée. Le Comité des présidents s’élargit à 24 autres membres de l’Assemblée pour former ladite Commission permanente chargée de prendre position sur les éventuels sujets d’actualité entre les sessions. Par un accord tacite généralement respecté, le président de l’Assemblée et les présidents des commissions voyaient leur mandat annuel renouvelé deux fois.


La composition de l’Assemblée était de 260 sièges en mai 2009. Elle incluait les parlementaires des États membres de plein droit, mais aussi des pays membres associés, à savoir tout État européen membre de l’OTAN, non membre de l’UE (Turquie, Norvège, Islande, Croatie, Albanie), des membres partenaires (Russie, Ukraine, ancienne République yougoslave de Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Moldavie) et des membres observateurs (les autres pays)(25). Selon le règlement de l’Assemblée (2008), le droit de vote ne concernait que les membres de plein droit (les Dix), le vote en commission intégrait en sus les membres associés. Tous les membres aux différents statuts avaient droit à la parole et tous avaient droit de présenter des amendements (à l’exception des États observateurs).


Le peu d’entrain (à partir des sessions de juin et décembre 2001) de Javier Solana, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – qui incluait la politique européenne de sécurité et défense (PESD) – mais aussi secrétaire général de l’UEO à répondre aux invitations de l’Assemblée de l’UEO à venir parler en son sein, avait pour explication officielle un calendrier toujours surchargé. Priorité était en fait donnée à la PESC-PESD qui concernait uniquement l’UE de sorte que l’organe parlementaire légitime le plus proche de son mandat de haut représentant restait, pour lui, le Parlement européen où les débats étaient généralement moins critiques et les louanges plus courantes (si ce ne fut à propos de la question du contrôle parlementaire de la PESD).


Ces dernières années, on peut affirmer que dans les faits, le Conseil de l’UEO ne fut pratiquement plus un interlocuteur pour l’Assemblée. Le plus souvent, dans ses réponses aux questions écrites et aux recommandations, du reste toujours laconiques, d’un à trois paragraphes en moyenne, le Conseil indiquait, à titre d’exemple, que:


«par la suite de décisions prises par les États membres de plein droit, ces sujets [étaient] débattus dans d’autres enceintes»(26) ou que les «États membres de l’UEO n’[avaient] pas l’intention de se servir du Conseil comme enceinte faisant double emploi avec les mécanismes par lesquels l’UE s’effor[çait] de développer la PESD»(27) ou encore que malgré «l’importance de cette question, le Conseil [tenait] à préciser qu’elle n’[était] pas actuellement inscrite à l’ordre du jour de ses travaux et qu’il n’[était] pas prévu qu’elle y figure dans un avenir prévisible»(28) et qu’enfin les questions abordées par l’Assemblée faisaient l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de la PESD, «que le Conseil appu[yait] pleinement» ou «apport[ait] pleinement son soutien»(29).


Tel n’était cependant pas le cas lorsqu’il s’agissait du budget des organes ministériels de l’UEO ou des aspects de coopération en matière d’armements autour du Groupe armement de l’Europe occidentale (GAEO) et de l’Organisation de l'armement de l’Europe occidentale (OAEO), tant qu’ils existaient. Cette sollicitude reposait sur la responsabilité de l’UEO dans ses fonctions résiduelles, à savoir les fonctions autres que celles liées à la gestion de crise, qui relevait du domaine de compétence de l’UE à partir de la décision du Conseil UEO de Marseille de novembre 2000.


Par crainte de disparaître ou d’être fortement marginalisée, l’Assemblée a élargi ses statuts, modifié sa charte et son règlement intérieur, édité des rapports fortement imprégnés de sujets autour de la PESD, tenté de prendre des contacts avec les organes bureaucratiques de l’UE s’occupant de sécurité-défense et transformé plusieurs fois son appellation par un sous-titre(30): «Assemblée européenne intérimaire de la sécurité et de la défense» (2000), puis «Assemblée interparlementaire européenne de la sécurité et de la défense» (2003) et enfin «Assemblée européenne de sécurité et de défense» (2008) afin de mieux être «associée» à la PESD, quand bien même le Parlement européen et le haut représentant pour la PESC (secrétaire général de l’UEO) ignoraient en grande partie l’Assemblée.


L’Assemblée européenne de sécurité et de défense/Assemblée de l’UEO a tenu sa 60e et dernière session le lundi 9 mai 2011(31). Parmi les discours et interventions lors des dernières années de l’Assemblée, il fut question de l’avenir de la responsabilité et du «contrôle» parlementaire de la Politique européenne de sécurité et de défense de l’UE. Il s’agissait de réfléchir et d’avancer quelques propositions autour de l’idée d’une structure interparlementaire compétente en ces matières et qui réunirait parlementaires nationaux et parlementaires européens (PE). En effet, avec la dissolution de l’UEO et donc de son Assemblée parlementaire, on risquait de priver les parlements des pays de l’UE du «seul outil interparlementaire éprouvé dont ils dispos[ai]ent pour le suivi de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)»(32). L’objectif était de préserver le rôle des parlements nationaux dans le domaine de la PSDC en renforçant le dialogue interparlementaire.

Plusieurs propositions furent émises, y compris venant de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense/Assemblée de l’UEO, soucieuse de la continuité du contrôle interparlementaire. Robert Walter, son président, appela la présidence belge de l’UE/UEO au deuxième semestre 2010 à lancer une initiative(33). L’idée du parlementaire britannique(34) était de proposer la création d’une nouvelle structure interparlementaire légère mais permanente, estimant «qu’il y [allait] du respect des pouvoirs légitimes des parlements nationaux et de l’efficacité du contrôle démocratique, qu’ils [avaient] pleinement le droit, le devoir d’exercer au nom des citoyens qui les [avaient] élus». Il s’agissait en amont de proposer la mise en place d’un comité de pilotage sur la question, réunissant la présidence conjointe de la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et celle entrante de l’UE (belge à l’époque) représentée idéalement par les présidents du Sénat et de la Chambre, le président de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense/Assemblée de l’UEO, le président de la sous-commission sécurité-défense du PE, le président de la COSAC(35) et des représentants des commissions défense et des affaires étrangères des parlements nationaux. Cela afin de déterminer la voie à suivre «et en particulier de définir les bases juridiques et financières et de ce contrôle».

Relevons une résolution adoptée par le Sénat français qui recommanda la mise en place d’une structure permettant de réunir des parlementaires spécialisés dans les questions de défense parmi les États membres de l’UE. Celle de la COSAC qui proposa, lors de sa réunion à Madrid au printemps 2010 la création d’une version «défense» de sa conférence. Celle enfin du Parlement européen qui, prenant les devants, avait soutenu le rôle fondamental joué par les parlements nationaux en matière de contrôle de la PESC et de la PSDC, y compris en souhaitant aboutir à un accord lors de la Conférence des présidents des parlements de l’UE en avril 2011 (Bruxelles) en vue de lancer, dans la foulée, une assemblée interparlementaire dans ces domaines. Lors du vote des rapports d’Arnaud Danjean(36) et de Gabriele Albertini(37), le Parlement européen s’était prononcé pour la dissolution de l’UEO et de son Assemblée parlementaire, estimant que le contrôle parlementaire lui revenait de droit, même s’il reconnut que ce contrôle devait être partagé avec les parlements nationaux dans le cadre d’une formule de coopération renforcée reposant sur le protocole n° 1 annexé au traité de Lisbonne.




(janvier 2014)



(1) Article VII du traité de Bruxelles (1948).

(2) L’UEO a engagé cette procédure trois fois: en 1987 (guerre Iran-Irak), en 1991 guerre du Golfe et la même année au sujet de la guerre en Yougoslavie.

(3) La majorité des deux tiers était autorisée à propos des amendements à la liste de l’annexe III du protocole n° III sur demande de la République fédérale d’Allemagne et après recommandation du Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) à propos de la levée des restrictions à la détention par Bonn d’engins à longue portée et engins guidés, navires de guerre et bombardiers stratégiques. De même, il pouvait y avoir vote à la majorité simple sur les questions que lui soumettait l’Agence pour le contrôle des armements, sur l’autorisation à donner aux Britanniques à se retirer du continent et la fixation des stocks d’armes nucléaire, biologique et chimique des États membres autres que l’Allemagne fédérale sur le continent. Ces procédures avaient pour objet de délier certains États de leurs obligations.

(4) À compter de la décision du 12 septembre 1997, lorsque la présidence de l’Union européenne était assumée par une Haute Partie Contractante au traité de Bruxelles modifié, ladite partie exerçait également la présidence de l’UEO. Dans tous les autres cas, la présidence de l’UEO était exercée par une Haute Partie Contractante au traité de Bruxelles modifié suivant l’ordre de succession des présidences de l’UEO (par ordre alphabétique anglais) entré en vigueur le 1er janvier 1999.

(5) Déclaration de la présidence du Conseil permanent de l’UEO au nom des Hautes Parties Contractantes au traité de Bruxelles modifié – Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni, Union de l’Europe occidentale –, Bruxelles, 31 mars 2010.

(6) Audition de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, Assemblée nationale, Paris, 17 juin 2009. Le budget de l’UEO était chiffré à 13 millions d’euros en 2010.

(7) Communiqué du Foreign Office, cité dans Europe diplomatie & défense, n° 308, Agence Europe. Bruxelles: 7 avril 2010.

(8) Anciennement, sous-groupe ad hoc sur les questions spatiales.

(9) Traité FCE: traité sur les forces conventionnelles en Europe, signé à Paris le 19 novembre 1990 par les États membres de l'OTAN et du pacte de Varsovie.

(10) Traité de surveillance réciproque à partir du ciel des activités et installations militaires de l’OTAN et du pacte de Varsovie, signé le 24 mars 1992 et entré en vigueur le 1er janvier 2002.

(11) L'Eurogroupe a rassemblé des gouvernements européens dans le cadre de l'OTAN de 1968 à 1993. Sa mission était la coordination des politiques des pays européens en vue d’une certaine standardisation des matériels militaires. À la suite de la décision prise le 24 mai 1993 par les ministres de la Défense participant à l'Eurogroupe, les activités de celui-ci en matière d'entraînement dans le domaine médical (EUROMED) ont été transférées à l'OTAN, et ses fonctions en matière d'information et de télécommunications (EUROCOM) avaient été transférées à l'UEO. L'Eurogroupe proprement dit a été dissous le 1er janvier 1994.

(12) À partir de 2002, aucune contribution financière supplémentaire aux budgets de l’UEO n’avait été demandée aux pays non membres de plein droit.

(13) Dès 1992, le secrétaire général put bénéficier des conseils d’un expert militaire.

(14) Section politique de défense, politique de sécurité, affaires générales et planification; secrétariat du GAEO et, à partir de 1992, doté d’un expert militaire au service du secrétaire général.

(15) L’Institut d’études de sécurité passant sous l’autorité de l’UE, cette dernière n’avait pas l’autorité pour gérer le bâtiment appartenant à l’UEO.

(16) Les accords dits de «Berlin plus» ont été signés lors du sommet de l’Alliance atlantique en avril 1999. Ils organisent la cession garantie des moyens et capacités de l’OTAN au profit de l’UE pour des opérations de gestion de crise lorsque l’OTAN ne désire pas s’engager elle-même. Ces accords furent formalisés en 2003 et mis en œuvre pour la première fois dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine en avril 2003.

(17) À savoir le Français Arnaud Jacomet à partir de juillet 2001

(18) Si la thématique concernait la gestion, la circulation s’effectua d’abord entre les Dix, puis fut diffusée à 28.

(19) Son organigramme comprenait fin 2010 le chef du Secrétariat du Conseil; le service administratif de Paris; la section Conseil; la section Administration & Finances; la traduction; la préparation et mise en lecture publique des archives; les finances; la sécurité; le service logistique; le bureau d’ordre. Ses effectifs étaient de 65 personnes à la même époque.

(20) Cf. le rapport d’information de GREENWAY, John. Les conséquences de la fermeture de l’Assemblée, Commission des questeurs, Assemblée européenne de sécurité et de défense. Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale, Paris, 15 juin 2010; BARNETT, Doris. Projet de budget de l’Assemblée pour 2011, Assemblée européenne de sécurité et de défense, Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale, Paris, 30 novembre 2010; GROS-VEREYDEN, Nicolas. UEO, quand le neveu vient au secours de l’oncle, www.Bruxelles2.eu, 12 août 2011; Le personnel rejette le plan social, communiqué de presse n° 56/2010, Assemblée européenne de sécurité et de défense, Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale, Paris, 2 décembre 2010.

(21) Le choix de cette agence (anciennement rattachée à l’UEO) aurait été dicté par l’obligation de trouver un organisme qui puisse gérer à l’unanimité pour le compte des Dix et dans une formation spécifique plusieurs dossiers postérieurs au 30 juin 2011: suivi du plan social UEO de 2010, pensions des anciens membres du personnel, gestion du contentieux entre l’UEO et les anciens membres du personnel, mise en œuvre des décisions de la Commission de recours compétente, liquidation des avoirs de l’UEO en assistant les États membres.

(22) Cf. source: http://www.weu.int/documents/Decision_UEO_fr.pdf. La décision fait également référence à la décision du Conseil de l’UE (2011/297/PESC) du 23 mai 2011.

(23) Sorte de préambule au règlement intérieur de l’Assemblée.

(24) Nommé par l’Assemblée sur proposition du Comité des présidents.

(25) Ces différentes appellations furent modifiées par le passé en fonction du statut changeant des États par rapport à l’UE et à l’OTAN.

(26) Ceci à propos par exemple de la réponse du Conseil à la recommandation n° 704 sur la sécurité dans les Balkans (mars 2002), à la recommandation n° 697 sur les nouveaux développements en Russie, en Biélorussie et en Ukraine (4 décembre 2001), à la recommandation n° 713 sur le développement d’une capacité européenne d’observation spatiale pour les besoins de la sécurité de l’Europe (5 juin 2002), à la recommandation n° 722 sur l’Europe de la défense et la puissance maritime (3 juin 2003), à la recommandation n° 737 sur la sécurité en Europe et la stabilisation du Moyen-Orient (3 décembre 2003), à la recommandation n° 742 sur les forces terrestres européennes projetables (2 juin 2004), etc.

(27) À propos par exemple de la réponse du Conseil à la recommandation n° 695 sur la politique de sécurité et de défense de l’Europe face au terrorisme international (3 décembre 2001).

(28) Il s’agissait par exemple de la réponse du Conseil à la recommandation n° 700 sur le transport stratégique européen (5 décembre 2001), à la recommandation n° 701 sur la maîtrise des armements chimiques et biologiques (5 décembre 2001), à la recommandation n° 734 sur les forces aériennes européennes projetables (1er décembre 2003), etc.

(29) À propos par exemple de la réponse du Conseil à la recommandation n° 707 sur le renseignement européen: les nouveaux défis (4 juin 2002), à la recommandation n° 729 sur les activités spatiales européennes en matière de défense et le développement de l’autonomie dans le domaine des lanceurs (4 juin 2003), etc.

(30) Le sous-titre n’a jamais été reconnu juridiquement par les gouvernements. Dès lors, lorsque l’Assemblée de l’UEO déposait sa demande de budget auprès du Conseil, elle utilisait toujours pragmatiquement le seul en-tête «Assemblée de l’UEO». En effet, toute autre appellation aurait amené la concrétisation des avertissements provenant de certaines capitales de geler leur contribution nationale au budget de l’Assemblée; ce qui aurait eu des implications sur la clef de répartition budgétaire totale. À partir de 2008, en couverture des rapports de l’Assemblée, le sous-titre était devenu titre alors que l’appellation «Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale» passait en sous-titre.

(31)Rappelons que la date du 9 mai est, chaque année, la journée de l’Europe. Le 7 avril 2011, l’Assemblée avait encore rencontré le Conseil permanent de l’UEO/Comité politique et de sécurité de l’UE (le COPS) dans le cadre de ses échanges de vue semestriels avec les représentants du Conseil permanent.

(32) Déclaration de Robert Walter, président de l’Assemblée de l’UEO, Paris, 15 juin 2010.

(33) Précisons que la Belgique est dépositaire du traité de l’UEO.

(34) WALTER Robert. Contrôle parlementaire de la PESC et de la PSDC: la voie à suivre. Paris: mai 2010. Cf également le rapport de De Decker Armand. Mise en œuvre du Traité de Lisbonne: le contrôle interparlementaire de la PSDC – Réponse au rapport annuel du Conseil, document 2097, Assemblée de l’UEO, Paris: 28 mars 2011.

(35) Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes.

(36) Résolution du Parlement européen du 10 mars 2010 sur la mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité et la politique de sécurité et de défense commune (2009/2198(INI)).

(37) Résolution sur le rapport annuel 2008 du Conseil au Parlement européen sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), en application du point 43 (partie II, section G) de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 (2009/2057(INI)).

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