Le deuxième pilier de l'Union européenne: la politique étrangère et de sécurité commune
La politique étrangère et de sécurité commune
Au sein de la Conférence intergouvernementale sur l’Union politique et au Conseil européen de Maastricht, les discussions avaient été vives sur le projet de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) en raison du problème posé par la compatibilité avec l’Alliance atlantique, les Français et les Allemands voulant une véritable défense commune tandis que les Britanniques s’en tenaient à une simple politique de défense commune. Finalement, l’accord était réalisé sur une politique de défense qui pourrait conduire à une défense commune. Ces objectifs allaient entrer dans le cadre élargi de la Coopération en politique étrangère commencée en 1970 et renforcée par l’Acte unique européen des 17-28 février 1986 qui imposait la consultation entre les États.
Le traité sur l’Union européenne comporte donc un « pilier » Politique étrangère et de sécurité commune de nature strictement intergouvernementale.
Les objectifs sont « la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l’indépendance de l’Union », du « renforcement de la sécurité de l’Union et de ses États membres sous toutes ses formes ». C’est aussi le « maintien de la paix et de la sécurité internationale, la promotion de la coopération internationale, le développement et le renforcement de la démocratie et de l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Pour atteindre ces objectifs, le traité prévoit la « coopération systématique entre États membres sur les questions de politique étrangère et de sécurité ». Le Conseil des ministres des Affaires étrangères peut définir à l’unanimité une « position commune » dans les domaines présentant un intérêt commun, position à laquelle les États doivent conformer leur politique nationale. Lorsque les États membres ont des « intérêts importants en commun » et en fonction des orientations données par le Conseil européen, le Conseil peut décider à l’unanimité d’une « action commune », dont il définit les objectifs et les moyens, seules les mesures d’exécution pouvant être prises à la majorité qualifiée, à la condition - imposée par la Grande-Bretagne - que le Conseil unanime l’ait autorisé. Devant le risque évident de blocage par veto, il est toutefois déclaré que « pour les décisions qui requièrent l’unanimité, les États membres éviteront, autant que possible, d’empêcher qu’il y ait unanimité lorsqu’une majorité qualifiée est favorable à la décision ».
Dans le domaine de la PESC, la Commission n’a pas, comme dans les affaires communautaires, le monopole des propositions sur lesquelles le Conseil doit décider. Mais elle peut saisir le Conseil comme tout État membre. D’autre part les moyens économiques de politique étrangère (aides, embargos, négociations commerciales) restent de son ressort. Elles est donc forcément impliquée. Le Parlement est informé, procède à des débats sur la PESC et peut adresser des questions et recommandations au Conseil, mais son rôle n’est que consultatif.
Quant à la Cour de Justice des Communautés, elle n’est pas compétente, les États n’acceptant pas d’engagement juridique dans le domaine de la PESC.
Pour la mise en œuvre de la PESC, l’Union, qui ne dispose pas d’une représentation diplomatique propre, doit coordonner les représentations diplomatiques et consulaires des États membres dans les pays tiers et au sein des différentes organisations internationales, en particulier au Conseil de sécurité de l’ONU et dans les différentes organisations des Nations unies. L’État exerçant la présidence semestrielle du Conseil, représente l’Union pour les matières relevant de la PESC. Il est responsable de la mise en œuvre des actions communes. Il est assisté par la présidence précédente et par la suivante (c’est le système de la « troïka ») pour assurer la continuité. La Commission est pleinement associée.
Les résultats obtenus par la PESC dans les années suivant le traité de Maastricht ont été limités. En raison d’une part de l’absence de structures permanentes : il ne s’agit que de la juxtaposition des administrations nationales aux différents niveaux : réunions des ministres des Affaires étrangères, réunions du Comité politique formé des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères. La présidence semestrielle trop brève chargée de représenter l’Union européenne, doit assumer en même temps des tâches nationales. Le partage des relations extérieures entre le Conseil et la Commission rend la coordination difficile. La PESC ne dispose pas d’un financement spécifique et ses dépenses sont couvertes par le budget communautaire et des contributions nationales ; leur répartition donnant lieu à des contestations quant à l’usage de la procédure communautaire ou intergouvernementale. Surtout l’ambiguïté subsiste sur les objectifs de la PESC. En novembre 1993, le Conseil européen a défini cinq actions communes à mener : conflit en Bosnie-Herzégovine, pacte de stabilité en Europe centrale et orientale, soutien au processus de paix au Moyen-Orient, rapports avec la Russie, soutien à la transition démocratique et multiraciale en Afrique du Sud. Mais s’agit-il de vastes programmes d’action ou d’objectifs limités en fonction des circonstances ? Les États membres peuvent avoir des interprétations différentes.
Certes la déception la plus vive est celle relative au conflit yougoslave. Les États membres n’ont pas été d’accord pour intervenir dès le début du conflit. Ensuite ils ont fourni des contingents à l’ONU et à l’OTAN pour intervenir et imposer un règlement de paix, mais n’ont pas utilisé le « bras armé » de l’Union de l’Europe occidentale. L’Union européenne a ainsi donné l’impression d’être incapable de prévenir et de régler un conflit survenant à sa porte. Toutefois elle a joué un rôle diplomatique important à partir de novembre 1993 en définissant un plan d’action dont s’inspirera le « groupe de contact » (USA, ONU, Union européenne, Russie) et qui sera appliqué par les accords de Dayton imposés par les États-Unis et signés à Paris.
Sur un plan plus général, la PESC a permis de développer une activité diplomatique à l’échelle mondiale. L’Union européenne a engagé un dialogue politique avec de nombreux États, en particulier avec les pays candidats à l’adhésion pour mieux les préparer. Elle a déployé une diplomatie préventive pour réduire les risques de tension dus aux problèmes de minorités en Europe centrale (Pacte de stabilité signé à Paris le 21 mars 1995). Elle a conclu des accords de partenariat avec la Russie (24 juin 1994) puis avec les autres républiques ex-Soviétiques. L’Union européenne a développé une stratégie globale envers certaines zones géographiques et établi des contacts avec les organisations régionales d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine. Elle a engagé une action d’association euro-méditerranéenne (Conférence de Barcelone, 27 et 28 novembre 1995). Elle a maintenu la position commune sur le conflit israélo-arabe adoptée au Conseil européen de Venise (12-13 juin 1980) reconnaissant les droits du peuple palestinien comme ceux d’Israël. Elle a soutenu sans y participer le processus de paix animé par les États-Unis et assisté l’Autorité palestinienne.
L’Union européenne s’efforce d’améliorer les relations transatlantiques en mettant en œuvre un plan d’action conjoint avec les États-Unis (3 décembre 1995) pour établir un partenariat équilibré. Mais c’est difficile : les États-Unis veulent conserver le leadership et utilisent les rapports bilatéraux avec les États européens ; ceux-ci ne sont pas toujours d’accord sur les positions à l’égard de l’Amérique. Or sur la plupart des grands problèmes internationaux, les Européens ne peuvent encore rien faire sans les Américains.