Introduction


Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale voient l’efflorescence de mouvements divers qui, en Europe occidentale, militent activement en faveur de l’unité européenne. Mais il ne faut guère de temps pour se rendre compte que si leur diversité est un enrichissement et une force pour l'action européenne, leur dispersion est en revanche de nature à nuire à la cause qu'ils défendent. N'est-il pas en effet paradoxal que ceux qui préconisent l'union de l’Europe ne commencent pas par la faire eux-mêmes? C'est la raison pour laquelle dès le mois de novembre 1947, un Comité international de coordination des mouvements pour l’unité européenne est constitué qui réunit les principaux mouvements, à l'exception toutefois de l'Union parlementaire européenne (UPE) qui, pour un temps, refuse d'y adhérer.


Aussitôt, le comité décide de sensibiliser les décideurs politiques et économiques à son projet. Mais il veut aussi marquer les opinions publiques en organisant un grand meeting pour l'Europe unie. Ce sera le congrès de La Haye en mai 1948. Ouvert par une adresse de la princesse Juliana des Pays-Bas et par un discours de l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill, le congrès réunit plus de huit cents personnalités de toutes tendances. Près de trente pays sont représentés par une délégation ou par des observateurs. Il s’agit à la fois d’hommes d’État, de parlementaires, d’industriels, de syndicalistes, d’hommes d’Église, de journalistes ou d’universitaires. Très ambitieux, le congrès poursuit trois objectifs: prouver l’existence dans tous les pays libres d’Europe d’un mouvement d’opinion en faveur de l’unité du continent, discuter les enjeux de son unité et proposer aux gouvernements des solutions pratiques, insuffler une vigueur nouvelle à la campagne internationale d’opinion. Pendant trois jours, les travaux du congrès se répartissent entre trois commissions: une commission politique, une commission économique et une commission culturelle.


Pour la première fois, la majorité des militants pro-européens, actifs parfois depuis l’entre-deux-guerres, se trouvent rassemblés. Il en résulte une atmosphère d'enthousiasme tout à fait particulière. Pour autant, il apparaît vite que deux tendances divisent les mouvements européens. D'une part, les «unionistes» demeurent résolument opposés à tout ce qui pourrait limiter la souveraineté des États. Ils consentent certes à des contacts et à des alliances internationales mais ils estiment important de procéder prudemment et graduellement. D'autre part, les «fédéralistes» réclament la création urgente d’une fédération dotée de pouvoirs propres susceptibles de s’imposer aux États membres. Certains sont même partisans de la thèse proudhonienne ou «intégrale» qui préconise une modification préalable de la structure interne des États membres par le biais d’une décentralisation politique, économique et culturelle. A l’issue des débats, les congressistes formulent une série de recommandations et adoptent des résolutions qui plaident notamment pour la mise en place rapide d'une Assemblée européenne délibérative, pour la rédaction d'une Charte des droits de l'homme assortie d'une Cour de justice pour la faire respecter, pour une union économique de l'Europe ou pour la création d'un Centre européen de la culture. Grâce aux deux cents cinquante journalistes présents, le succès médiatique de la manifestation est sans précédent.


Fort de la réussite du congrès de La Haye, le comité international de coordination prend en charge la concrétisation des trois résolutions. Mais il apparaît rapidement que la tâche est telle qu’elle ne peut plus être menée par les seuls soins des associations militantes. Aussi le comité international de coordination se transforme-t-il, le 25 octobre 1948 à Bruxelles, en un Mouvement européen. Dès sa création, celui-ci concentre son action sur la convocation d’une Assemblée européenne. C'est la création en 1949 du Conseil de l'Europe qui concrétisera, bien qu'en l'adaptant, ce projet. Le Mouvement européen organisera ensuite de nombreuses conférences sur les enjeux économiques, sociaux et culturels de l’unité européenne. Autant d’initiatives qui, dans la foulée du congrès de La Haye, annoncent les premières réalisations sur la longue voie de l’unification européenne.


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