Le problème international de la réunification allemande

Le problème international de la réunification allemande


La réunification n’est pas seulement une affaire interallemande. Le statut de l’Allemagne et particulièrement celui de Berlin, ne peut être modifié qu’avec l’accord des quatre puissances victorieuses en 1945. Or celles-ci peuvent s’inquiéter de la formation, au centre de l’Europe, d’un État de 80 millions d’habitants dont l’importance politique, économique et financière risque de rompre l’équilibre et de menacer la stabilité que la division de l’Allemagne avait contribué à établir.


Aussi, Helmut Kohl et son ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher s’emploient-ils à rassurer. Dans son programme du 28 novembre, le chancelier a affirmé que l’unité allemande se fera dans le cadre de l’Europe communautaire. Puis il s’est engagé à ce que l’Allemagne unifiée reste dans l’OTAN. Il promet que la réunification se fera en concertation étroite avec les Alliés. Le Conseil européen de Strasbourg (8-9 décembre) lui en donne acte : il approuve l’unification de l’Allemagne à condition qu’elle s’opère de façon démocratique, « dans le respect des accords et traités et des accords d’Helsinki, dans un contexte de dialogue et de coopération Est-Ouest et dans la perspective de l’intégration européenne ».


Toutefois, au delà de ces positions de principe, des divergences opposent la France et la Grande-Bretagne, peu pressées de voir se réaliser la réunification, aux États-Unis qui y poussent et à l’Union soviétique qui s’y résigne moyennant des garanties.


En Grande-Bretagne, la méfiance persiste à l’égard de l’Allemagne. Le Premier ministre conservateur, Margaret Thatcher, exprime ses inquiétudes. Elle préfère que la division persiste encore longtemps, en attendant la démocratisation de la RDA et des pays voisins. L’intégration dans une fédération européenne ne lui paraît pas une solution car l’Allemagne réunifiée dominerait ses partenaires. Elle préfère la création d’un contrepoids constitué par la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis, mais sans succès, les Américains donnant la priorité à leurs rapports avec l’Allemagne et les Français tenant à l’axe franco-allemand.


En France cependant, des hésitations se manifestent. Une Allemagne unifiée pourrait se tourner vers l’URSS en dépit de la différence des régimes politiques, comme cela avait été le cas avec le traité de Rapallo en 1922 et le pacte germano-soviétique de 1939. Le président Mitterrand aurait préféré que la division persiste. Il le dit à Gorbatchev à Kiev le 6 décembre. Il annonce le 22 novembre une visite en RDA, qu’il fera les 20-22 décembre alors que la réunification est pratiquement acquise. Mitterrand doit l’admettre, mais subordonne l’unité de l’Allemagne à l’unification européenne et au renforcement des institutions de la Communauté. Kohl répond à ces inquiétudes en affirmant qu’unité allemande et unité européenne sont les deux faces d’une même médaille. Mitterrand et Kohl sont d’accord pour que le couple franco-allemand donne l’impulsion à une union politique de l’Europe.


Ce sont les États-Unis qui soutiennent le plus activement le gouvernement de Bonn, la RFA représentant leur plus solide partenaire sur le continent européen. Mais la réunification ne doit pas ébranler la cohésion de l’Alliance atlantique ni remettre en cause la politique d’ouverture à l’Ouest de Gorbatchev. De leur côté, les États-Unis resteront engagés en Europe, ce qui va rassurer Londres et Paris.


En Union soviétique, Gorbatchev qui aurait préféré le maintien de la division de l’Allemagne avec une RDA réformée, constate en janvier 1990 que la réunification est inévitable et il accepte en reprenant la vieille conception soviétique d’une Allemagne unie et neutre. Kohl, qui le rencontre le 10 février, lui déclare que la neutralisation et inacceptable. C’est l’impasse. Finalement, le besoin impératif d’une aide économique et financière occidentale à l’Union soviétique conduit Gorbatchev à assouplir sa position. Le président des États-Unis, George Bush, rencontré le 3 décembre 1989 à Malte lui a promis une aide massive s’il accepte l’intégration de l’ex-RDA dans l’OTAN. De son côté, Kohl promet de contribuer à la charge financière du stationnement des troupes soviétiques en RDA. Enfin, les sept pays les plus industrialisés (G7) réunis le 7 juillet, se déclarent favorables à une aide économique à l’URSS.


La Communauté européenne et l’Allemagne de l’Est


La réunification allemande se traduit par un élargissement vers l’Est de la Communauté européenne. Mais il ne s’agit pas de l’adhésion d’un nouveau membre, avec négociation et traité. C’est la simple extension de la République fédérale. Déjà, dans la Communauté économique européenne, les échanges entre l’Allemagne de l’Est et celle de l’Ouest étaient considérés comme commerce interallemand sans être soumis au tarif extérieur commun de la CEE.


Le Conseil européen de Dublin (28 avril 1990) décide que l’intégration du territoire de la RDA dans la Communauté serait effective dès que l’unification serait juridiquement établie, sans révision des traités, sous réserve de mesures transitoires concernant notamment les échanges extérieurs, l’agriculture, les politiques structurelles et l’environnement. Les Länder de l’Est, dont l’économie était délabrée, recevront l’aide communautaire au même titre que les autres régions défavorisées d’Italie, Grèce, Espagne, Portugal, Irlande. Un « plan communautaire de subvention » est doté de 3 milliards d’écus en trois ans, soit le cinquième des aides structurelles de la CEE. Mais c’est bien peu en regard des énormes besoins des Länder de l’ex-RDA qui resteront à la charge de la RFA : reconstruction des infrastructures, restructuration de l’industrie est-allemande non-compétitive, aides à la construction, à l’assainissement de l’environnement. Chaque année plus de 110 milliards de marks seront versés obligeant le gouvernement fédéral, pour défendre la monnaie, à réduire les dépenses, augmenter les impôts et avoir recours à l’emprunt.


Sur le plan des institutions communautaires, la réunification comporte peu de changements. Certes le poids de l’Allemagne s’est accru : 23 % de la population des Douze (au lieu de 19 %) et 30 % du PNB (au lieu de 26 %). Mais la représentation de l’Allemagne reste la même à la Commission, au Conseil des ministres, à la Cour de justice. Seule sa représentation parlementaire est augmentée. Les nouveaux Länder qui représentent 18 millions d’habitants ont d’abord droit à 18 observateurs au Parlement européen, puis à 18 députés par décision du Conseil européen d’Edimbourg (11-12 décembre 1992). La représentation allemande passe alors de 81 députés à 99. En contrepartie, quelques sièges supplémentaires sont attribués, à partir des élections de 1994 à la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, qui passent chacune de 81 à 87 députés. Le Parlement européen à douze compte ainsi, à partir de 1994, 567 députés au lieu de 518.



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