Les théories de l'intégration économique et monétaire

Les théories de l'intégration économique et monétaire

Plusieurs auteurs et théories économiques et de sciences politiques ont largement structuré le débat relatif à l’intégration monétaire.

La théorie des unions douanières de Jacob Viner (1950) s’attache aux effets sur le commerce de la suppression des frontières douanières. L’auteur estime que la pression du marché, c’est-à-dire une libération accrue des échanges, permet à l’intégration de se poursuivre. Celle-ci ne nécessite que l’organisation d’une coopération intergouvernementale pour se réaliser1. Cette conception libérale est développée par Bela Belassa en 1961, lequel retient un scénario par étapes de l’unification économique, compte tenu des effets d’entraînement («spill over») de chaque étape: à l’établissement des tarifs préférentiels succèdent la zone de libre échange, puis l’union douanière, le marché commun et enfin l’intégration économique complète.

Dans cette constellation de théories, celle des «zones monétaires optimales» concentre une grande partie des débats jusqu’à la réalisation même de l’union monétaire. Développée à compter des années 1960 par R. Mundell (1961), R. McKinnon (1963) puis P. Kenen (1969), elle envisage l’intégration monétaire comme une possibilité. L’intérêt pour un pays donné de participer à une telle union repose sur une analyse coûts/avantages dont le bilan découle dans une large mesure du degré de convergence réelle de ce pays avec les autres membres de l’union monétaire2. L’optimalité est définie à travers un certain nombre de critères: le niveau d’intégration commerciale, la mobilité géographique des facteurs de production, la prédominance de chocs symétriques ou encore l’existence de mécanismes d’ajustement aux chocs asymétriques.

La question posée alors est de déterminer si l’intégration monétaire est l’instrument ou le point final de l’intégration économique. Pour les «économistes», l’union monétaire couronne les efforts en termes de convergence des structures économiques; à l’opposé, les «monétaristes»3 estiment que l’unification monétaire exerce un rôle moteur sur la convergence structurelle, réelle. Pendant les négociations du traité de Maastricht, le premier courant a trouvé audience auprès des autorités politiques allemandes et néerlandaises, et le second dans les milieux français.

Enfin, le théorème du «triangle d’incompatibilité» (politique monétaire autonome, changes fixes et liberté des mouvements de capitaux) a été formalisé par Robert Mundell dans les années 1960 et appliqué à l’intégration européenne par Tommaso Padoa-Schioppa au début de la décennie 1980. Selon ce théorème, lorsque les capitaux sont parfaitement mobiles au niveau international, il est difficile (impossible) pour un pays de mener une politique monétaire indépendante tout en recherchant une stabilité des changes avec ses principaux partenaires commerciaux.



1Viner, Jacob, The Custom Union issue, Londres: Carnegie Endowment for International Peace, 1950.

2L’ancrage d’écarts durables de disparités économiques entre les États membres participant à une union monétaire limiterait les bénéfices attendus d’une politique monétaire unique par rapport à ses coûts (i.e. la disparition de l’instrument des taux de change par les États).

3L’expression est distincte de celle employée pour désigner le courant monétariste en sciences économiques représenté notamment par Milton Friedman.

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