Mémorandum de la délégation britannique sur les méthodes en vigueur au Royaume-Uni pour l’approvisionnement en matériel de défense (2 mars 1955)

Texte
Le 2 mars 1955, le secrétaire général de la Commission intérimaire de l’Union de l’Europe occidentale transmet un exposé de la délégation britannique sur les méthodes en vigueur au Royaume-Uni pour l’approvisionnement en matériel de défense. Le document précise le rôle principal du ministère des Approvisionnements et de l’Amirauté dans l’achat de la quasi-totalité du matériel de défense ainsi que la collaboration étroite existante entre celui-ci et les ministères pour les trois armes afin de faciliter une prise de décision rapide. Le texte mentionne également que l’ensemble du matériel de guerre du Royaume-Uni est produit par l’industrie privée et qu’une importance particulière dans certains domaines est donnée à la standardisation entre les trois armes tant au niveau national qu'avec les pays alliés. Le document aborde la question de la sélection de matériels étrangers et conclue qu'il s'agit-là plutôt d’une exception, l’industrie du Royaume-Uni étant à même de pourvoir aux besoins de ses forces armées.

Source et copyright

Source: Union de l'Europe occidentale. Commission intérimaire. Groupe de travail sur la production et la standardisation des armements.Comité d’experts. Méthodes en vigueur au Royaume-Uni pour l’approvisionnement en matériel de défense. Note du secrétaire général. Paris: 02.03.1955. PWG/E/13. 10 p.

Archives nationales de Luxembourg (ANLux). http://anlux.lu/. Western European Union Archives. Armament Bodies. CPA/SAC. Comité permanent des armements. File CPA-034. Volume 1/1.

Copyright: (c) WEU Secretariat General - Secrétariat Général UEO

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UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE
COMMISSION INTÉRIMAIRE
GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PRODUCTION ET LA STANDARDISATION DES ARMEMENTS

CONFIDENTIEL
PWG/E/13
Original : français
2 mars 1955

COMITE D'EXPERTS
METHODES EN VIGUEUR AU ROYAUME-UNI POUR
L'APPROVISIONNEMENT EN MATERIEL DE DEFENSE

Note du Secrétaire Général

Conformément à la décision prise par le Comité d'Experts
à sa première séance, le 3 février 1955 (voir document PWG/ER/1),
le Secrétaire Général communique ci-joint un exposé de la Délé-
gation
du Royaume-Uni
sur les méthodes en vigueur au Royaume-Uni
pour l'approvisionnement en matériel de Défense (voir paragraphe 1
de la section B du mandat
; document PWG/E/1, version définitive).

Le Comité d'Experts examinera ce document lors de la
prochaine séance, le lundi 7 mars 1955, à 11 heures.


PWG/E/13

MEMORANDUM SOUMIS PAR LA.DELEGATION DU ROYAUME-UNI
SUR LES METHODES D'APPROVISIONNEMENT
EN MATERIEL DE DEFENSE

1. A part certaines exceptions insignifiantes la totalité du
matériel de défense - sauf le matériel pour les navires de
guerre
et le matériel naval spécial qui sont fournis par l' Ami-
rauté
- est achetée pour le compte des Ministères pour les trois
Armes
par le Ministère des Approvisionnements. Dans le présent
memorandum, le terme "Départements des Approvisionnements" signi-
fie
le Ministère des Approvisionnements et l'Amirauté. La respon-
sabilité
est partagée entre les Ministères pour les trois Armes
et les Départements des Approvisionnements suivant le principe
que les premiers déterminent les besoins en matériel tandis que
les derniers sont chargés de les satisfaire.

2. Les Départements des Approvisionnements comprennent :

a) l'Office des Contrats qui est chargé de faire appel
aux soumissionnaires, de négocier les prix et de rédiger
les contrats;

b) des sections dont le personnel se compose d'experts de
production chargés de donner leur avis sur les sources
possibles, d'approvisionnement lorsque ceci est indis-
pensable
(voir les paragraphes 6 et 12 ci-dessous).
En choisissant des firmes possédant les ressources
nécessaires pour exécuter des contrats présentant des
difficultés d'ordre technique, les Départements des
Approvisionnements
s'en rapportent, non seulement à une
estimation faite par leurs experts de production quant
au caractère approprié de l'usine, mais aussi à l'expé-
rience
acquise dans le passé avec les contrats exécutés
par la firme. Chacune des branches de production dans


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les Départements des Approvisionnements représente donc
une connaissance profonde de la branche de l'industrie
britannique dont elle s'occupe. Le Royaume-Uni est
fermement convaincu que cette expérience accumulée est
un facteur indispensable, dont on doit tenir compte
lorsqu'il s'agit de juger la compétence de différentes
firmes et que des enquêtes ad hoc sur différentes usines
entreprises par des ingénieurs industriels ne suffisent
pas;

c) des sections dont le personnel se compose d'experts
scientifiques qui établissent et contrôlent les program-
mes
de recherche et de mise au point nécessaires à satis-
faire
les besoins militaires. Les établissements où se
poursuivent ces recherches et ces mises au point, tels
que: "the Royal Aircraft Establishment" de Farnborough
(Direction technique de l'Aéronautique) sont administrés
et financés par les Départements des Approvisionnements

d) des branches chargées d'assurer la coordination adminis-
trative
et financière de la production et del'approvi-
sionnement
et de les contrôler.

3. Les branches de la production, de la recherche et de la
mise au point des Départements des Approvisionnements se tiennent
en liaison aussi étroites que possible avec les Ministères des
Armes
. Afin de permettre de prendre rapidement des décisions
importantes en cette matière, il existe des Comités interdéparte-
mentaux
dont le Président et le Secrétariat sont fournis par le
Ministère de la Défense et au sein desquels tous les Départements du
Gouvernement
dont la responsabilité est engagée sont représentés.


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4. L'ensemble du matériel de guerre du Royaume-Uni est produit
par l'industrie privée, bien que dans des domaines spécialisés
et limités, par exemple le chargement des munitions et la fabrica-
tion
des explosifs, le Gouvernement possède et entretienne un
certain nombre d'usines (Usines Royales de matériel - Royal
Ordnance Factories
). Dans certains cas, lorsque l'expansion de
l'industrie normale est nécessaire pour satisfaire les commandes
du Gouvernement, celui-ci fournit des capitaux destinés à la
construction de nouvelles usines ou installations.

5. Le but général est d'acheter le matériel d'armement suivant
les méthodes habituelles de soumission, mais en passant des com-
mandes
, il faut souvent tenir compte de considérations purement
militaires. Ainsi on peut décider de distribuer les commandes
d'un matériel spécial à un certain nombre d'usines, dans l'unique
but de maintenir la capacité de production à un niveau élevé dans
un domaine important de potentiel de guerre, ou d'assurer une
production plus rapide là où les besoins sont les plus urgents.
Etant donné que cette méthode a presque toujours pour résultat
d'augmenter les prix de revient et qu'elle peut entraîner une
utilisation contraire à l'économie des ressources industrielles,
son adoption constitue en tout cas une décision politique. Chaque
cas est traité selon ses mérites, les diverses considérations
d'ordre économique et d'ordre militaire qui s'y rapportent étant
pesées.

6. La règle et la pratique habituelles consistent à passer les
contrats du Gouvernement chaque fois que c'est possible par adjudi-
cation
aux firmes ayant soumissionné aux plus bas prix pour la
qualité de marchandises exigée. Il appartient aux Départements
des Approvisionnements
de s'écarter de cette règle lorsqu'ils
jugent bon de le faire (ou lorsqu'ils estiment qu'il n'est pas
pratique de l'appliquer), mais ils doivent prouver au Trésor,
et sur demande au Parlement, que les circonstances sont suffisam-
ment
exceptionnelles pour justifier cette décision (ligne de


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conduite). Par exemple, des cas peuvent se présenter dans les-
quels
le délai ne permettra pas de faire appel aux soumissions
ou lorsqu'une ou deux firmes seulement disposeront de ressources
nécessaires, des dessinateurs et de l'expérience pour exécuter un
contrat spécial. Les principaux, types de contrats, non basés sur
la concurrence, sont décrits brièvement au paragraphe 11 ci-
dessous.

7. Les seuls motifs de sécurité ne sont pas habituellement
considérés comme une justification suffisante pour se passer
d'appel à la concurrence bien que naturellement le nombre de
firmes invitées à soumissionner s'en trouvera restreint. Un
contrat exige que la firme qui l'exécute est tenue d'observer
les règles de procédure stipulées quelles qu'elles soient.

8. Pour suivre la politique du Gouvernement destiné à encoura-
ger
la production dans certaines régions, il peut se faire que
l'appel à la concurrence habituel soit abandonné en partie.
Par exemple, le sous-emploi peut se faire sentir dans une région,
ou bien on peut tenter de créer une industrie près d'une ville
nouvelle. Dans des cas semblables, dos contrats peuvent être
passés avec des firmes situées dans ces régions pourvu que cela
n'entraîne aucune autre dépense que celle qui eût été encourue
si la soumission la plus basse avait été acceptée.

Avant de passer un contrat, il peut être nécessaire de tenir
compte de la main-d'oeuvre dans une région donnée et des effets
néfastes que pourrait avoir sur les autres activités de production
de cette région l'attribution d'un nouveau contrat important.

9. Ce n'est pas l'habitude de publier dans les journaux les
appels à la concurrence pour des contrats de matériel d'armement.
Les Départements d'Approvisionnements tiennent à jour clos listes
de firmes qui sont en mesure de fabriquer toutes les catégories de
matériel susceptibles d'être demandées et avant de passer un
contrat un certain nombre de ces firmes est invité à soumissionner.


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10. Le système d'adjudication par soumission ne peut être
appliqué intégralement à la fourniture de grands navires de
guerre
ni aux nouveaux types de matériel d'armement principal
ni aux nouveaux modèles d'avions. La procédure employée en ce
qui les concerne est la suivante :

11. Les contrats pour la construction de toutes les plus
grandes unités navales no sont pas soumis à la concurrence : ils
sont passés avec une firme choisie après considération de facteurs
tels que les possibilités de construction de différentes firmes,
la conjoncture économique des constructions navales, et le niveau
de l'emploi dans les différentes régions où ils s'exercent.

12. Lorsque la production d'un nouveau modèle de matériel
d'armement
est demandée, plusieurs firmes sélectionnées reçoivent
des contrats d'études et la firme qui soumet le prototype le plus
acceptable est la première à recevoir une commande de fabrication.
Aucune firme ne peut recevoir de contrats d'études s'il n'est pas
établi d'avance qu'elle possède la compétence et les moyens néces-
saires
pour faire la mise au point requise et fabriquer ultérieu-
rement
le matériel demandé. Le fait qu'une firme a su mener à
bien la mise au point n'implique pas, automatiquement, que d'autres
contrats ne seront pas remis à d'autres firmes et que l'exclusivi-
sera réservée à la première firme ayant reçu la première
commande de fabrication.

13. Des contrats d'études pour les nouveaux modèles d'avions
sont passés de la même façon, les firmes étant sélectionnées
pour faire la mise au point en collaboration avec la Society of
British Aircraft Constructors
(Syndicat britannique des Construc-
teurs
d'avions
). L'industrie aéronautique diffère des autres
industries du fait que ses moyens sont, en majeure partie,
destinés à la production d'avions militaires plutôt que d'avions


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civils. Néanmoins, des considérations * relatives au potentiel de
guerre du pays n'affectent en rien la répartition des commandes
qui se fait sur une base strictement commerciale, quoiqu'en temps
de demande, par exemple en période de réarmement ou de guerre, le
Gouvernement donne à l'industrie aéronautique une aide considéra-
ble
en capitaux.

14. Le type de contrat forfaitaire, suivant lequel le prix de
revient est débattu entre les deux parties sur une base calculée
pour laisser au fournisseur un bénéfice raisonnable et non abusif,
est considéré comme étant la meilleure transaction, l'adjudication
par soumission exceptée. Un "bon prix" désigne le prix qui place
le fournisseur devant un risque tout en ne lui procurant l'occa-
sion
de réaliser un bénéfice satisfaisant que s'il est compétent.

Le contrat au prix maximum qui n'assure un bénéfice au
fournisseur que s'il ne dépasse pas le maximum des frais prévus
est une autre forme de contrat, moins satisfaisante toutefois.
Une variante plus favorable du contrat au prix maximum est celle
qui indique le prix à atteindre au-dessous du prix maximum fixé,
le fournisseur ayant droit à un pourcentage sur les économies
faites s'il reste au-dessous du prix à atteindre,

Les contrats qui acceptent de payer les prix de revient
plus un pourcentage do ce prix (ou plus une rémunération fixe)
sont considérés comme étant les moins satisfaisants et sont
évités à moins qu'il n'y ait pas d'alternative.


* Dans les documents de l'O.T.A.N., la phrase : "maintenir la base
de production de la défense" est employée dans un sens
voisin de celui qui est donné par les mots "potentiel de
guerre".


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15. Standardisation

On attache une importance toute particulière à la standar-
disation
entre les trois armes et avec celles des pays alliés,
notamment dans les domaines suivants

a) Approvisionnements destinés à des fins militaires ou
civiles.

b) Pièces détachées ou éléments de matériel militaire.

c) Méthodes et procédés utilisés dans les bureaux techniques
et de dessin.

Chaque "Département d'Approvisionnements" comprend un Offi-
cier
de Standardisation
assisté d'un bureau restreint, qui est
chargé de faire des propositions de standardisation. Il existe
en outre un certain nombre de comités interdépartementaux ayant
des représentants appartenant aux Ministères des Armes et aux
Départements d'Approvisionnements qui sont chargés de poursuivre
la standardisation. Lorsqu'il s'agit de stocks destinés à la
fois à des consommateurs militaires et civils le Comité interdé-
partemental
intéressé a parmi ses membres un représentant du
"British Standards Institute". (Cet institut publie les normes ou
standards britanniques à titre consultatif). En conséquence, les
standards adoptés par les Ministères des Armes et les Départements
des Approvisionnements
dans la rédaction de leurs contrats sont
fréquemment ceux qui sont adoptés par le "British Standards
Institute
" et inversement. Le fait que dans leurs contrats
importants les Ministères des Armes exigent l'emploi des standards
précités fait beaucoup pour diffuser leur emploi dans toute l'in-
dustrie
.

16. Un exemple de la contribution apportée par les comités de
standardisation du Royaume-Uni à la standardisation mise en
oeuvre par l'O.T.A.N. est leur proposition de standardiser les
câbles à haute fréquence, proposition dont la ratification a
fait l'objet d'un "STANAG" de l'O.T.A.N.


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17. Sélection de matériels étrangers

L'industrie du Royaume-Uni étant à même de satisfaire aux
besoins de ses Forces, tant au point de vue des études que de
la fabrication des matériels, l'adoption de matériels étrangers
est donc une exception. La décision d'adopter un matériel
étranger est prise par la Direction de l'Arme intéressée. Ce
matériel étranger peut être adopté pour des motifs de standardi
sation ou pour des raisons de préférence militaire soit parce
qu'il est très supérieur au modèle britannique similaire, soit
en cas d'urgence lorsqu'il n'existe pas d'équivalent britannique
au stade de la mise au point ou de la production.

On peut citer comme exemples : le fusil belge F.N., le
canon antiaérien Bofors L.70 et la grenade Energa. Le fusil F.N.
et le canon L.70 sont actuellement fabriqués sous licence au
Royaume-Uni, tandis que les approvisionnements en grenade Energa
sont achetés directement en Belgique. Pour décider si un article
de matériel étranger doit être fabriqué dans le Royaume-Uni ou
acheté directement dans le pays intéressé on tient compte des
facteurs tels que la nature du matériel, le niveau de la demande,
l'opportunité de créer dans le Royaume-Uni du potentiel de guerre
s'y rapportant, les prix de revient, le change et la situation de
la balance des paiements.

18. On ne peut décider à quel moment il est opportun de doter
les forces d'une arme nouvelle et perfectionnée qu'après avoir
étudié et soigneusement pesé des facteurs tels que la dépense
qui en résulte et la mesure dans laquelle la puissance de combat
des forces sera accrue par la possession de la nouvelle arme, et
en l'occurrence il est impossible de poser une règle absolue.
En procédant à une nouvelle dotation on tient toujours compte
de la nécessité de standardiser le typo de matériel utilisé


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ou susceptible d'être utilisé par les alliés. Par exemple, la
décision d'adopter un fusil tirant 30 coups complets constituant
une mesure de standardisation. Le réarmement ne peut naturelle-
ment
pas être entrepris dans le seul but d'arriver à la standar-
disation
étant donné qu'elle serait trop onéreuse. C'est une des
raisons pour lesquelles le Royaume-Uni est persuadé que la standar-
disation des pièces détachées est de beaucoup plus importante et
plus réalisable que la standardisation des ensembles de matériel
d'armement
.