Extrait du compte rendu de la 110e réunion du Conseil de l’UEO tenu au niveau ministériel (Rome, 5 mars 1958)

Texte
Le compte rendu de la 110e réunion du Conseil de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) tenu, au niveau ministériel à Rome le 5 mars 1958, relate les débats autour de la coopération en matière de recherche, développement et production d’armements. Le représentant britannique, Selwyn Lloyd estime que les consultations multilatérales à ce sujet sont possibles. Cependant la plupart des États sont limités par l’ensemble des programmes adoptés. Afin d’établir un programme de production particulier, le Royaume-Uni estime que les consultations doivent débuter bilatéralement. Dans ce contexte, le gouvernement britannique a débuté des discussions avec l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et bientôt avec l’Italie. Le Royaume-Uni est disposé à conclure d’autres accords bilatéraux avec des États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’UEO et à maintenir ces derniers informés, le produit final de cette coopération commune devant être mis à disposition de tous les membres des deux organisations. Finalement, Selwyn Lloyd rappelle la déclaration faite à la chambre des Communes par le ministre des approvisionnements affirmant que le Royaume-Uni recherche une coopération aussi bien avec les États-Unis qu’avec les pays européens partageant des problèmes industriels et stratégiques communs. Pour sa part, le représentant allemand, Heinrich von Brentano, considère que les difficultés surviennent lorsque les problèmes sont abordés et qu’il serait intéressant de réunir les présidents des comités directeurs créés par les différents types d’arrangements et les membres du Comité permanent des armements (CPA) et proposer également au Conseil de l’Atlantique Nord d’utiliser l’expérience du CPA. Le représentant français, Maurice Faure, se rallie à la position du représentant allemand et affirme qu’après tant d’années de débats, il serait déplorable de ne pas réussir à coordonner les efforts, le succès dépendant de la volonté politique des gouvernements afin de promouvoir une coopération effective. Il en est de même pour Selwyn Lloyd qui appuie la proposition allemande et suggère que le Conseil de l’Atlantique Nord saisisse l’OTAN à ce sujet avant la réunion des ministres de la défense de l’Alliance atlantique.

Source et copyright

Source: Conseil de l'Union de l'Europe occidentale. Extract from minutes of the 108th meeting Ministers of WEU Council held on 5 March 1958. Rome. II. Echanges de vues sur la coopération en matière de recherche, développement et production d'armements. CR (58)8. pp.5-9.

Archives nationales de Luxembourg (ANLux). http://www.anlux.lu. Western European Union Archives. Secretariat-General/Council’s Archives. 1954-1987. Subject dealt with by various WEU ORGANS. Year: 1958, 01/06/1957-30/04/1958. File 442.00. Volume 1/4.

Copyright: (c) WEU Secretariat General - Secrétariat Général UEO

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EXTRACT FROM MINUTES OF MEETING
OF W.E.U. COUNCIL
HELD ON

II. ECHANGE DE VUES SUR LA COOPERATION EN MATIERE DE
RECHERCHE, DEVELOPPEMENT ET PRODUCTION D'ARMEMENTS

Le PRESIDENT M. Pella ouvre la discussion sur la coopération on
matière de recherche, développement et production d'armements, dont
il souligne toute l'importance. Il est essentiel, dans les circons-
tances
actuelles, que tous les pays membres de l'U.E.O. disposent des
meilleurs moyens de défense; chacun d'eux est d'ailleurs prêt à
fournir une contribution maximum dans l'intérêt commun de l'Alliance,
et sans pour autant porter préjudice à la solidarité entre les quinze
pays de l'O.T.A.N., la discussion de cette question par les sept
revêt une signification particulière.

M. Selwyn LLOYD déclare que tous les pays de l'Alliance
doivent pouvoir disposer en temps opportun du meilleur équipement
militaire, et ceci en quantité voulue et au moindre prix. En vue
d'atteindre ce but, il importe avant tout de déterminer la nature
du matériel requis. L'examen de ce problème peut faire utilement
l'objet de consultations multilatérales; la plupart des pays se
trouvent cependant engagés pour une période plus ou moins longue
(environ cinq ans) et les programmes d'étude doivent donc être amorcés
longtemps avant de pouvoir porter des fruits. Les gouvernements sont
dès lors limités dans leur liberté d'action par les programmes déjà
adoptés. Ceci ne devrait toutefois pas empêcher d'envisager les
problèmes qui se poseront demain et d'essayer d'établir, au cours de
discussions multilatérales, les caractéristiques idéales du matériel
devant entrer en service dans un avenir plus éloigné. Dès qu'un
besoin général est déterminé, il importe d'élaborer un programme de
production particulier. Le Royaume-Uni estime que dans ce domaine
il convient d'engager les discussions sur une base bilatérale, méthode
qui offre le plus de chances d'aboutir à une solide base de départ
pour un système d'armes déterminé. Le Gouvernement britannique a,

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dans cet esprit, engagé des discussions bilatérales au cours des
douze derniers mois avec les Gouvernements français et allemand. Des
Comités directeurs anglo-français et anglo-allemand ont été créés et
des groupes d'experts examinent des problèmes techniques sous leurs
auspices. Un arrangement analogue est intervenu récemment avec le
Gouvernement néerlandais et des pourparlers auront lieu sous peu avec
le Ministre de la défense d'Italie et avec d'autres gouvernements.

La première difficulté est de mettre sur pied une méthode
permettant d'associer aux travaux découlant d'arrangements bilatéraux,
d'autres Etats membres de l'U.E.O. et de l'O.T.A.N. Une fois approuvée
la coopération dans le domaine des études et des recherches, une deu-
xième
difficulté surgit : étendre ces accords au domaine de la produc -
tion.

M. Selwyn Lloyd souligne que son pays est disposé à conclure
des arrangements bilatéraux analogues avec tout autre pays membre
de l'U.E.O. ou de l'O.T.A.N.
, et à tenir ses partenaires de l'U.E.O.
informés des progrès réalisés.

Afin de pouvoir passer des discussions bilatérales à une
coopération multilatérale, les pays doivent pouvoir prendre position
à l'égard des types de matériel en cours de développement qu'ils ont
l’intention d'adopter comme projet commun. Son gouvernement est
convaincu qu'en soumettant sans attendre aux autres pays, et surtout
aux plus petits d'entre eux, dos propositions réalistes de coopération
élaborées bilatéralement, on leur fournirait la possibilité de décider
sur quels points apporter une contribution utile. Cette procédure
devrait permettre a deux ou trois pays d'aboutir à un accord sur la
mise en commun de leurs ressources et installations et d'ajuster leurs
programmes en vue du développement d'une arme nouvelle dont le besoin
a été généralement reconnu; d'autres pays de l'Alliance pourraient
s'y joindre. Cela implique que les pays producteurs fournissent aux
autres pays le plus d'informations possible sur la nature de la discus-
sion
et les progrès réalisés.

Si les pays membres le désirent, et si les partenaires du
Royaume-Uni l'acceptent, le Gouvernement britannique communiquera
volontiers les textes des Memoranda au C.P.A. ou au Conseil. Il est
également favorable à ce que des réunions soient organisées de temps
à autre entre des représentants des comités directeurs bilatéraux et
trilatérale afin de comparer les résultats obtenus.

Le Gouvernement britannique estime que, dans la phase finale,
les pays participant h un projet commun devraient préparer un plan
de production coordonnée pour un matériel déterminé, en y associant
d'autres pays chaque fois que cela s'avère possible. Une certaine
coopération peut être obtenue au moyen de sous-contrats passés dans
les différents pays européens. Le produit final devrait être mis
à la disposition de tous les membres de l'U.E.O. et de l'O.T.A.N.

Se référant enfin à la coopération avec les Etats-Unis,
M. Selwyn Lloyd déclare que son gouvernement espère que ce pays sera
associé suffisamment à temps à toute entreprise en commun; il consi-
dère
que le plan d'association européenne est le complément des accords
conclus entre certains pays européens et l'Amérique du Nord. Les propo-
sitions
britanniques impliquent que, des deux côtés de l'Atlantique,

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on reconnaisse que certains domaines se prêtent a une coopération
européenne, et que cette coopération ait pour but de trouver une
solution qui tiendrait compte de la capacité de production européenne.

A cet égard M. Selwyn Lloyd rappelle une déclaration faite
récemment aux Communes par le Ministre britannique des approvisionnements :

"nous recherchons une coopération plus étroite non seulement avec les
Américains mais également avec les pays européens; j'irai même jusqu'à
: dire que les possibilités de coopération avec l'Europe occidentale
sont certainement aussi importantes que celles offertes par l'Amérique,
notamment en raison de la similitude des problèmes industriels et
: stratégiques qui se posent aux pays d'Europe occidentale et à nous-
:
mêmes" .

C’est dans cet esprit que le Royaume-Uni aborde les problèmes
en question.

M. von BRENTANO désire souligner certaines des remarques
faites par M. Selwyn Lloyd. Les difficultés surviennent surtout
lorsqu'un problème est abordé - quelle que soit la méthode adoptée :
bilatérale, trilatérale ou multilatérale - en suivant plusieurs lignes
d'approches séparées. C'est la raison pour laquelle il suggère que
les Présidents des comités directeurs créés par les arrangements bila-
:
téraux et trilatérale se réunissent avec les membres du C.P.A. en
vue d'élaborer une méthode de coordination des discussions en cours
aux différents niveaux. Il propose d'autre part de rechercher un
moyen efficace pour établir un contact permanent entre le C.P.A. et
l'O.T.A.N. Les pays membres de l'U.E.O. pourraient proposer au
Conseil de l'Atlantique nord d'utiliser les services et l'expérience
du C.P.A.

M. von Brentano se réfère à une proposition faite le
16 janvier 1958 par le représentant britannique au C.P.A. concernant
les méthodes d'élargissement, en temps utile, des travaux bilatéraux
: (SAC (58) D 111). Il déclare pouvoir l'accepter.

M. LUNS fait remarquer que les interventions précédentes n'ont
pas dissimulé le peu de progrès réalisés dans le domaine de la produc-
tion
et de la standardisation au soin de l'O.T.A.N. L'évolution dans
ce domaine s'est en effet avérée extrêmement lente. Il a donc écouté
les propositions des ministres britannique et allemand avec une attention
particulière. Les propositions de M. Selwyn Lloyd semblent cependant
mettre trop l'accent sur la coopération bilatérale. Considérant l'im-
portance
que son pays attache à des efforts communs dans ce domaine, il
se félicite des propositions faites par M. von Brentano. Celles concer-
nant
une collaboration plus étroite entre l'O.T.A.N. et le C.P.A. méritent
sans aucun doute un examen approfondi mais on peut se demander si elles
aboutiront a de réels résultats, étant donné le peu de progrès réalisés
jusqu'à présent dans ces domaines, et s'il ne serait pas possible de
donner une impulsion nouvelle à la coopération en matière d'armements en
se plaçant sur le plan multilatéral. Tout en accueillant favorablement
les propositions de M. Selwyn Lloyd concernant l'échange d'informations
sur les accords bi-et trilatéraux, il espère que l'on pourra faire un
pas de plus et appuie chaleureusement la suggestion tendant à réunir
les présidents des Comités directeurs.

M. Luns n'a pas d'objection contre la communication au Conseil
des Memoranda qui sont à la base des arrangements dont son pays fait
partie.

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Tout en appréciant les remarques faites par M. Selwyn Lloyd
au sujet des difficultés résultant des engagements déjà pris par les
pays dans le domaine des armements, il estime que celles-ci ne
s'avéreront pas insurmontables en matière d'armes nouvelles,

M. FAURE rappelle que le problème de la coopération dans
ce domaine est en discussion depuis plus de dix ans. Si un grand
nombre de déclarations de principe ont été faites, la volonté de les
appliquer ne s'est pas toujours manifestée. Pendant dix années les
nations ont essayé de garder leurs prérogatives traditionnelles,
mais très peu de pays du monde libre peuvent encore se suffire a eux-
mêmes
dans le domaine do la défense nationale. Les gouvernements
ont recherché des solutions empiriques - par la voie bilatérale ou
même trilatérale - et c'est la seule méthode pratiquée à l'heure
actuelle. Il serait déplorable qu'après tant d'années, les Etats
membres
ne parviennent pas à coordonner leurs efforts.

M. Faure souligne avec force que le succès de l'entreprise
dépend de la volonté politique des gouvernements d'assurer une
coopération effective. Les propositions de M. von Brentano cons-
tituant
un pas important dans cette direction et il s'y rallie.

Il rappelle que son Gouvernement a demandé, au cours de
la réunion au Conseil de l'Atlantique nord en décembre, qu'une
coopération plus efficace soit établie entre les pays de l'O.T.A.N.

et M. Faure tient à réitérer ces propositions dans le cadre de l'U.E.O.
Il ajoute qu'il comprend difficilement comment les pays membres
peuvent refuser de donner à leurs alliés des informations qui sont
de toute façon déjà connues par l'ennemi.

Le Gouvernement français estime qu'il est essentiel
d'arriver à une coordination véritable des efforts des Etats membres
si l'on veut que l'Europe apporte à la défense de l'Occident une
contribution qui soit digne d'elle.

M. LAROCK partage l'avis de ses collègues quant à la néces-
sité
de prévoir un moyen d’assurer une coopération efficace et pratique.
Son Gouvernement désire que tout au moins les autres partenaires de
l'Alliance soient informés complètement et en temps utile.

:

M. von BRENTANO rappelle le grand nombre d'organismes
qui s'occupent déjà de ces problèmes et cite à ce propos une liste
qui pour être longue n'en est point pour autant exhaustive. Malgré
l'intérêt évident que ces questions soulèvent, les progrès réels se
font toujours attendre. Il reconnaît que la solution dépend avant
tout de la volonté politique des gouvernements de donner substance
et impulsion à l'accomplissement d'une tâche aussi essentielle.

Le PRESIDENT déclare qu'en résumant la discussion il fera
connaître le point de vue du Gouvernement italien; celui-ci est
d'ailleurs en accord avec la plupart des observations faites par
les orateurs précédents.

Il apparaît clairement que la nécessité absolue d'arriver
à une coopération dans le domaine des armements constitue le point
de départ; son Gouvernement estime que le but à rechercher est de
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parvenir à une solution vraiment européenne appuyée par les
Etats-Unis. L'attention du Conseil a été attirée sur les diffi-
cultés
résultant des engagements déjà pris par les pays; il doit
cependant être possible de les surmonter.

L'accent a été mis en particulier sur le problème de
: l'extension des accords bilatéraux et trilatérale. Il rappelle
que les Etats membres ont adopté le principe de la coopération
multilatérale dans de nombreux domaines - politique et écono-
mique
aussi bien que militaire -, et il a la certitude qu'aucun
d'entre eux ne désire abandonner ce principe; il apparaît cepen-
dant
fort difficile d'en assurer l'application pratique. La -
thode
empirique bilatérale avait fait entrevoir la possibilité
d'une solution, mais il est essentiel d'élargir cette méthode.

Son Gouvernement marque par conséquent son accord avec les pro-
positions
formulées par M. von Brentano et appuyées par d'au-
tres
orateurs.

En ce qui concerne la proposition tendant à établir
une coopération entre le C.P.A. et l'O.T.A.N., M. Pella est
convaincu que l'U.E.O. pourrait aider cette organisation en
servant de centre coordinateur pour la mise en commun des -
sultats
pratiques de la coopération bilatérale et. trilatérale,
et en mettant ces résultats à la disposition de l'O.T.A.N.

Loin d'exclure d'autres partenaires de l'Alliance atlantique,
les sept puissances offriraient ainsi aux quinze le bénéfice
de leur expérience. Il suggère que la proposition soit présen-
tée
à l'O.T.A.N. dans cet esprit; les autres ministres sont
d'accord.

M. von BRENTANO estime que les représentants perma-
nents
des sept au Conseil de l'Atlantique nord devraient saisir
l'O.T.A.N. de cette proposition;
il suggère que le représentant
italien soit invité à prendre l'initiative dans ce domaine.

M. Selwyn LLOYD approuve cette façon de faire et
ajoute qu'il est très important que cette démarche soit faite
avant la réunion des ministres de la défense de l'O.T.A.N., qui
doit se tenir en avril.
Le Conseil marque son accord avec cette
suggestion.

Après cet échange de vues,

le CONSEIL,

en vue de promouvoir une coopération multilatérale
dans le domaine des recherches, du développement et
de la production des armements,

DECIDE

1° que le Secrétaire général convoquera une réunion
des Présidents des Comités directeurs
créés en vertu
: des accords bilatéraux et trilatérale, et des mem-
bres
du Comité permanent des armements
afin d'échan-
ger
des informations sur les travaux en cours et
: les progrès réalisés dans le cadre de ces divers
: arrangements.

2° que les Etats membres de l'U.E.O., par l'inter-
médiaire
de leurs représentants permanents au
Conseil de l'Atlantique nord, inviteront l'O.T.A.N.
à faire usage de l'expérience et des bons offices
: du C.P.A. Le Gouvernement italien est chargé
: de donner à son représentant permanent auprès de
l'O.T.A.N. des instructions tendant à lui faire
prendre l'initiative à cet effet.