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Le "couple franco-allemand" face aux projets d'Europe économique, monétaire, politique et militaire

Le «couple franco-allemand» face aux projets d'Europe économique, monétaire, politique et militaire


La signature à Maastricht du traité sur l'Union européenne, le 7 février 1992, est l'aboutissement d'un processus diplomatique engagé à peine vingt mois auparavant. Face à la perspective de la réunification allemande, les Douze manifestent leur volonté de relance et de combler le déficit démocratique des institutions communautaires. Le véritable coup d’envoi est donné par la France et par l’Allemagne avec une lettre du président Mitterrand et du chancelier Kohl du 18 avril 1990 à la veille du Conseil européen de Dublin (28 avril 1990) pour que celui-ci accélère la construction politique de l’Europe et convoque à cet effet une Conférence intergouvernementale (CIG). Quatre objectifs sont proposés: renforcer la légitimité démocratique de l’Union souhaitée par l’Allemagne et le Parlement européen, rendre plus efficaces les institutions en étendant le vote majoritaire au Conseil des ministres et en élargissant le rôle du Conseil européen, assurer l’unité et la cohérence de l’action de l’Union dans les domaines économique, monétaire et politique et la rendre plus «lisible» pour le citoyen, et enfin, définir et mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune (PESC).


Un autre problème difficile est celui d’une identité européenne de sécurité et de défense qui soit compatible avec l’OTAN, ce qui est réclamé avant tout par les Britanniques et par les Italiens alors que les Français et les Allemands mettent l’accent sur une certaine autonomie de l’Europe dans ce domaine. Le 14 octobre 1991, le président Mitterrand et le chancelier Kohl adressent une lettre commune au président du Conseil européen. Ils proposent que la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) comprenne l’ensemble des questions relatives à la sécurité et à la défense, que les décisions de l’Union à ce sujet puissent être mises en œuvre par l’Union de l’Europe Occidentale (UEO), seule organisation militaire entre les Douze (ou plutôt les Onze, l’Irlande étant neutre), sans affecter les obligations de ceux-ci à l’égard de l’OTAN. L’UEO serait ainsi le «bras armé» de l’Union européenne et pourrait coopérer avec l’Alliance atlantique. Ces propositions sont acceptées en principe par les partenaires, d’autant que les Américains, au Conseil atlantique de Rome (7-8 novembre 1991), ont accepté le projet d’identité européenne de défense. François Mitterrand et Helmut Kohl informent également de leur intention de renforcer encore davantage leur coopération militaire par la création d’un corps d’armée franco-allemand, formant le noyau d’un corps européen. À l’occasion du 59e sommet franco-allemand, le 22 mai 1992, à La Rochelle, François Mitterrand et Helmut Kohl annoncent la décision officielle de créer l’Eurocorps, formalisé dans le «rapport de La Rochelle».


Enfin, une orientation décisive est à nouveau donnée par le couple franco-allemand. Le président Mitterrand et le chancelier Kohl adressent le 6 décembre 1991 à leurs partenaires une lettre précisant leur conception de la future union politique. Ils proposent un élargissement des compétences de la Communauté (environnement, santé, politique sociale, énergie, recherche et technologie, protection des consommateurs) et de l’Union (immigration, politique des visas, droit d’asile, criminalité internationale). Ils retiennent l’institution d’une «citoyenneté européenne» proposée par le Premier ministre espagnol Felipe González et souhaitent le renforcement des institutions communautaires (co-décision législative Parlement-Conseil, confirmation par le Parlement de la désignation par le Conseil du président de la Commission, extension de la majorité qualifiée au Conseil). Paris et Bonn insistent sur le rôle essentiel du Conseil européen des chefs d’État ou de gouvernement qui doit être «l’arbitre [...] et le promoteur d’un approfondissement cohérent de l’intégration» et dont le rôle et les missions doivent être accrues à cet effet, particulièrement dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, celle-ci devant mener «à terme à une défense commune». Les deux signataires affirment que «l’Alliance atlantique tout entière sera renforcée par l’accroissement du rôle et des responsabilités des Européens et par la constitution en son sein d’un pilier européen».


Les gouvernements des Douze s'engagent aussi à obtenir, avant la fin 1992 la ratification du traité sur l'Union européenne en sous-estimant les difficultés que celle-ci rencontrerait. C’est en France que se joue véritablement le sort du traité dont elle a été largement à l’origine, avec l’Allemagne. La résistance d’une partie des parlementaires gaullistes, de la totalité des communistes, de quelques socialistes se manifeste dès la révision constitutionnelle, préalable indispensable à la ratification, encouragée par le «non» danois. C’est pourquoi le président Mitterrand choisit dès le 3 juin, au lieu de la voie parlementaire, celle du référendum dont le succès paraît assuré, d’après les sondages. Il est fixé au 20 septembre 1992. L’occasion aurait été bonne de débattre de façon approfondie des finalités et modalités de la construction européenne, de mieux faire connaître à l’opinion française l’Europe des Douze, ses institutions, ses réalisations. Mais c’était là une tâche malaisée, en raison de la complexité du système communautaire. Quant au traité de Maastricht, dont un exemplaire complet sera envoyé à chaque électeur, il laissera perplexe la grande majorité de ceux – peu nombreux – qui auront essayé de le lire. Les critiques, souvent outrancières, des opposants au traité et à l’intégration européenne ont davantage d’impact. Le référendum du 20 septembre 1992 bénéficie d’une forte participation (69 % des électeurs inscrits) et le «oui» ne l’emporte que de justesse avec 51,04 %.


En Allemagne, des inquiétudes se manifestent quant à la monnaie unique entraînant la disparition du deutschemark, instrument et symbole de la puissance économique allemande, quant à l’importance du «non» au référendum français, du transfert vers Bruxelles de certaines compétences des Länder allemands. Une révision de la Loi fondamentale pour la rendre compatible avec le traité permet le 2 décembre au Bundestag d’approuver la ratification à une écrasante majorité. Le dépôt des instruments de ratification est toutefois retardé par plusieurs secours adressés à la Cour constitutionnelle, qui, dans son arrêt du 12 octobre 1993, estime le traité compatible avec la Loi fondamentale mais pose des limites au développement de l’Union européenne, qui ne devra pas s’attribuer d’autres pouvoirs ni lever ses propres impôts, considérant que le Parlement européen n’a pas assez de pouvoirs et de légitimité.


Finalement, le traité de Maastricht peut enfin entrer en vigueur le 1er novembre 1993.


Depuis l'arrivée en 1995 de Jacques Chirac à la présidence de la République française, même si la France et l'Allemagne s'efforcent d'adopter une ligne commune sur les questions européennes, les relations franco-allemandes vont connaître une période d'essoufflement.


D’abord sur la monnaie unique, acquis essentiel du traité de Maastricht. L’entente franco-allemande sur le principe n’existait pas au même degré sur les objectifs. Pour la France, l’euro doit être l’instrument d’une politique de relance néo-keynésienne pour lutter contre le chômage alors que pour l’Allemagne, celui-ci doit être combattu par des réformes de structure, la politique monétaire devant rester neutre et indépendante des gouvernements. Alors que la France prône la formation, en face de la Banque centrale européenne (BCE), d’un «gouvernement économique», l’Allemagne s’y refuse au nom de l’indépendance de celle-ci. Finalement, l’Allemagne n’accepte qu’une formation informelle des ministres des Finances des États de la zone euro, limitée à des consultations, les décisions restant prises par le Conseil Ecofin de tous les membres de l’Union.


Une autre cause de divergence est l’adoption d’un «Pacte de stabilité», proposé dès 1995 par l’Allemagne, pour que les États continuent à appliquer les critères de Maastricht après leur entrée dans la zone euro. Sinon, les Allemands craignent d’avoir à procéder à des transferts financiers et à un accroissement du budget de l’Union. Les Français y voient un obstacle à une reprise conjoncturelle, en particulier le gouvernement socialiste. Mais ils durent l’accepter, Chirac faisant ajouter «Pacte de stabilité et de croissance» et obtenant que les sanctions à l’égard des pays défaillants ne soient pas automatiques mais décidées par le Conseil. Ironiquement, c’est pour faire «suspendre» le Pacte par le Conseil le 28 novembre 2003 que se reconstituera le tandem de la France et de l’Allemagne, les deux pays ne parvenant pas à ramener leurs déficits en deçà de 3 %.


En ce qui concerne la BCE, Chirac se heurte à Kohl en exigeant que le mandat de président du Néerlandais Wim Duisenberg soit abrégé au profit du Français Jean-Claude Trichet, président de la Banque de France, affaiblissant ainsi la position du chancelier en Allemagne avant les élections qu’il devait perdre.


Les divergences se font aussi jour au Conseil européen des 24 et 25 mars 1999 qui se tient à Berlin. Les deux pays se trouvent en désaccord sur le budget communautaire, l’Allemagne, principale contributrice nette, demandant une réduction des dépenses de la PAC à laquelle s’oppose la France, sa principale bénéficiaire. La tension est très vive au Conseil européen de Berlin présidé par Gerhard Schröder, récemment élu chancelier, qui doit s’incliner devant l’acharnement de Chirac à défendre les aides communautaires aux agriculteurs. Les deux hommes trouvent un compromis au Conseil européen de Bruxelles (24-25 octobre 2002), Chirac obtenant la sanctuarisation des dépenses agricoles jusqu’en 2013 mais plafonnées malgré le passage de 15 à 27 pays, quitte à limiter les aides auxquelles les nouveaux membres auront droit. En 2003, Chirac réussit à limiter la réforme de la PAC, proposée par la Commission, prévoyant le découplage entre les aides directes et la production, en obtenant des dérogations. Il est cette fois-ci soutenu par Schröder, inquiet pour ses agriculteurs.


Mais la fin des années 1990 marque surtout le lancement du processus d’élargissement historique de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO), ainsi que Chypre et Malte. C’est là le résultat des réformes décisives du système économique, politique et social des pays de l’Est libérés du joug communiste. C’est aussi la fin du divorce entre les deux Europe séparées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale par la guerre froide et le mur de Berlin. Les négociations d’adhésion avec les douze pays candidats se déroulent depuis 1998 et doivent aboutir avant la fin 2002 pour les pays qui seraient prêts. Il reste toutefois à déterminer la place des nouveaux États membres dans les institutions (nombre de voix au Conseil, nombre de ressortissants à la Commission, au Parlement et dans les comités consultatifs). Cela avait été fait sans trop de problèmes pour les élargissements précédents, mais cette fois il s’agit de l’adhésion de douze pays, portant l’Union de 15 à 27 États. C’est un véritable changement quantitatif et qualitatif qui exige une réforme institutionnelle qui permette d’échapper au risque de paralysie et de réussir l’élargissement à l’ensemble du continent. L’enjeu est donc considérable. Des divergences apparaissent entre la France et l'Allemagne sur la question liée à l'élargissement, car le chancelier Schröder souhaite agir plus ouvertement en faveur des intérêts de son propre pays et affirmer le rôle de l'Allemagne sur la scène internationale.


Le sommet franco-allemand de Vittel du 10 novembre 2000, à part le désir commun d’étendre la majorité qualifiée au Conseil, est surtout un constat de désaccord sur la pondération des voix et la prise en compte de la population, sur la dimension de la Commission que la France veut réduire au nom de l’efficacité alors que l’Allemagne accepterait qu’elle soit nombreuse à condition de compenser en renforçant les pouvoirs du Parlement, ce que la France ne souhaite pas. En ce qui concerne l’avenir de l’U.E., l’Allemagne accepte le point de vue français de ne pas l’aborder maintenant mais tient à ce que le Conseil européen prenne la décision d’ouvrir ensuite le processus de négociation à ce sujet. À côté du couple désuni, les autres grands pays ne peuvent donner une véritable impulsion. De plus, la présidence française est affaiblie par la cohabitation qui empêche la définition d’une réelle stratégie, le président et le Premier ministre ayant des priorités différentes. Lionel Jospin s’attache surtout à la Charte des droits fondamentaux et à l’Agenda social, et Jacques Chirac aux problèmes institutionnels. Celui-ci mène les négociations avec une volonté d’aboutir et une autorité parfois ressentie comme «arrogante» et visant plutôt la défense des intérêts français que la recherche d’une solution globalement satisfaisante.


C’est à Nice que se tient, les 7, 8 et 9 décembre 2000, au terme de la présidence française, le Conseil européen qui va décider des modifications à apporter au traité d’Union européenne: c’est le plus long Conseil qui s’est jamais tenu, en raison surtout des très vives divergences entre les gouvernements sur la réforme des institutions.


Les discussions deviennent très difficiles lorsque le Conseil européen aborde le problème de la représentation des États dans les institutions élargies. Il s’agit de l’équilibre délicat entre les organismes et, surtout, de la place des États membres dans chacune des institutions, c’est-à-dire de leur capacité d’influencer les politiques de l’Union européenne et de pouvoir éventuellement s’y opposer. Alors que l’objectif reste, en principe, de préserver l’efficacité du processus de décision en dépit de l’accroissement du nombre d'États membres, les gouvernements cherchent surtout à se donner les moyens de faire prévaloir des intérêts nationaux. Les débats sont d’autant plus âpres qu’il s’agit d’un «paquet» global résultant de marchandages et de compromis. L’hypothèse retenue est une Union européenne de 27 États: les Quinze, plus les Douze en cours de négociation.


Ainsi, sur la composition de la Commission, l’accord n’est que partiel. Le président français Chirac et le chancelier fédéral Schröder souhaitent une Commission pas trop nombreuse afin qu’elle conserve cohésion et efficacité. À cet effet, l'Allemagne et la France acceptent, ainsi que l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Espagne, de renoncer à leur second commissaire pour réduire l’effectif. Mais les «petits» États déjà membres ou qui vont adhérer tiennent à avoir chacun un national dans la Commission. Pour des questions de prestige, tous les États tiennent à ce qu’un de leurs nationaux soit présent à la Commission.


Ainsi, le traité prévoit que les cinq «grands» n’auront plus qu’un commissaire à partir du 1er janvier 2005 comme les autres États. Dès son adhésion, chacun des nouveaux membres aura droit à un commissaire. Ce n’est qu’après l’adhésion d’un vingt-septième État que le Conseil à l’unanimité décidera du nombre de commissaires. Le problème d’une Commission pléthorique n’a donc pas été réglé à Nice.


En ce qui concerne le Parlement européen, le traité d’Amsterdam avait fixé un plafond de 700 membres. Alors que le Parlement des Quinze comptait 626 sièges, celui de l’Union à 27 en aura 732. D’où la réduction du nombre de députés européens pour les anciens membres. Seule l’Allemagne garde ses 99 sièges qu’elle a obtenus après sa réunification pour les élections européennes de 1994.


Les négociations sur l’extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil n’avancent que faiblement. Les grands États tiennent à conserver l’unanimité, c’est-à-dire un droit de veto, dans des matières qu’ils considèrent comme très importantes pour eux. Ainsi le chancelier Gerhard Schröder, jusque-là très favorable au vote majoritaire, est devenu plus réticent en raison de la résistance des Länder à voir la législation communautaire empiéter sur leurs compétences, particulièrement dans les domaines de l’immigration, des visas, du droit d’asile, de la culture et de l’environnement. En effet, la révision constitutionnelle de 1993 a donné aux Länder un droit de codécision avec le gouvernement fédéral sur les affaires européennes, d’où la nécessité pour celui-ci de conserver la possibilité d’un veto.


Pour la mise en œuvre des votes à la majorité qualifiée, l’enjeu capital est la pondération des voix au Conseil des ministres, c’est-à-dire leur répartition entre les États membres. C’est le dernier point abordé par le Conseil européen et le plus durement disputé puisqu’il s’agit pour les États de leur capacité à peser sur les décisions prises à la majorité qualifiée. Les grands pays craignent qu’avec l’entrée de 12 nouveaux membres, moyens et petits (sauf la Pologne), ils puissent être dans une situation minoritaire. D’ailleurs, la France, l’Allemagne ont subordonné leur renoncement à deux commissaires chacun à la revalorisation de leur poids au Conseil des ministres.


Une solution simple a été proposée par la Commission: une décision ne sera adoptée que si elle réunit la majorité numérique des États membres et la majorité de la population totale de l’Union. L’Allemagne y aurait tout intérêt car elle pèserait davantage. Ce principe de la double majorité, simple et compréhensible pour les citoyens, n’a cependant pas été retenu car il rompait trop avec les équilibres déjà consacrés entre les anciens membres. Toutefois, il faut bien tenir compte des inégalités de population. Mais Jacques Chirac souhaite que la France conserve la parité avec l’Allemagne, principe politique respecté dès la création des Communautés, mais désormais contesté par l’Allemagne réunifiée qui a déjà bénéficié de l’accroissement de sa représentation au Parlement européen et veut obtenir davantage de voix au Conseil que les autres grands. Le président Chirac s’y oppose en dépit du déséquilibre démographique (82 millions d’Allemands contre 59 pour la France). Aussi est-il décidé d’attribuer 29 voix chacune à la France et à l’Allemagne.


Le total des voix sera ainsi, pour un total de 27 États, de 345 et la majorité qualifiée de 258 voix lorsqu’il s’agit d’une décision prise sur proposition de la Commission. Dans les autres cas, la majorité de 258 voix doit exprimer le vote d’au-moins deux tiers des États membres. Le seuil de la majorité qualifiée à 27 sera ainsi voisin de 74 %, ce qui est plus élevé qu’à Quinze et rend la décision plus difficile à adopter. De plus, une troisième condition a été imposée par l’Allemagne qui fait ainsi prendre en considération son poids démographique: un membre du Conseil pourra demander, lors de la prise de décision à la majorité qualifiée, de vérifier si les États constituant cette majorité représentent au moins 62 % de la population totale de l’Union. Sinon, la décision ne sera pas adoptée.


Ainsi, loin de faciliter la prise de décision d’une Union élargie, le traité de Nice la rend plus difficile avec l’exigence de trois conditions: majorité pondérée des voix, majorité numérique des États membres, majorité de la population de l’Union. Ces dispositions n’ont été adoptées par le Conseil européen qu’après des débats très vifs, dans la fatigue générale, le lundi 11 décembre, à quatre heures vingt du matin. D’où les approximations des données chiffrées, parfois contradictoires en raison des concessions de dernière minute. Il faudra du temps aux diplomates pour mettre au point le texte définitif qui ne sera signé que le 26 février 2001.


Le traité de Nice rend certes possible l’élargissement en fixant la place des nouveaux États membres dans les institutions de l’Union européenne. Mais il n’a pas débattu des problèmes majeurs de l’avenir de l’Union et il a démontré une fois de plus les insuffisances de la méthode de négociation intergouvernementale.


Aussi le traité est-il accompagné d’une «Déclaration relative à l’avenir de l’Union», exigée par l’Allemagne, chargeant les présidences suédoise et belge de 2001 d’organiser un large débat et de faire un rapport au Conseil européen de Laeken (Bruxelles) en décembre 2001 qui prendra les initiatives nécessaires pour délimiter les compétences entre l’Union et les États membres (c’est la revendication des Länder), fixer le statut de la Charte des droits fondamentaux, simplifier les traités et définir le rôle des parlements nationaux dans l’architecture européenne De fait, dès le début 2001, l’Allemagne relancera le débat sur l’avenir de l’Union, ce que la France estime prématuré, et le chancelier Schröder se prononcera le 30 avril en faveur d’une intégration plus poussée.


Bien que le gouvernement français se félicite d’avoir abouti à un compromis rendant possible l’entrée de nouveaux États membres, Jacques Chirac, président en exercice du Conseil de l'Union européenne, qui vient présenter le traité le 12 décembre 2000 au Parlement européen, est vivement critiqué par les leaders des groupes politiques et par le président de la Commission européenne Romano Prodi. Le Parlement approuve les dispositions du traité sur la Commission et les coopérations renforcées, il regrette la non-inscription dans celui-ci de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les limites de l’extension de la codécision Conseil-Parlement, le dépassement de l’effectif de 700 parlementaires pour la future Europe élargie ainsi que la répartition des sièges entre nationalités. Le Parlement européen adopte, le 14 décembre, une résolution reprochant aux gouvernements d’avoir «fait passer leurs intérêts nationaux à court terme avant les intérêts de l’Union». Le traité de Nice est signé le 26 février 2001, après que les diplomates eurent vérifié toutes les données chiffrées, et entre en vigueur le 1er février 2003.


Au final, l’Allemagne n’a pas obtenu les quelques voix – ou même la voix symbolique – qu’elle réclamait au Conseil en raison de sa supériorité démographique mais elle a gagné la possibilité de faire prendre en compte celle-ci par l’exigence de 62 % de la population de l’Union pour valider les décisions du Conseil à la majorité pondérée. De plus, l’Allemagne est le seul État membre à ne pas voir réduite sa représentation au Parlement européen – déjà augmentée après la réunification – par le passage de 15 à 27. Surtout, c’est l’Allemagne qui est apparue la plus déterminée à progresser dans la voie de l’intégration politique en imposant la réunion d’une nouvelle Conférence intergouvernementale (CIG). En revanche, la France, tout en maintenant une parité formelle avec l’Allemagne au Conseil, voit sa position affaiblie en donnant l’impression de s’accrocher au statu quo sans proposer de vision d’avenir comme cela avait été le cas dans le passé. De toute façon, le couple franco-allemand n’a pas joué son rôle d’impulsion et reste à reconstruire.


Après Nice, les dirigeants allemands et français vont réagir pour rétablir leurs bons rapports, rapprocher leurs positions et chercher à parler d’une voix commune. Dès le 30 janvier 2001, Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires étrangères, déclare que «l’intégration européenne ne peut réussir et ne réussira que si la France et l’Allemagne en font une cause commune». Le président français Jacques Chirac lui répond le 21 février en évoquant la nécessaire capacité des deux pays à «entraîner l’ensemble européen». De fait, c’est l’accord des deux pays qui va permettre la mise en place de la Convention sur l’avenir de l’Europe qui va élaborer un projet de Constitution européenne dans la perspective de la nouvelle CIG prévue pour 2004.

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