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La discipline macroéconomique

La discipline macroéconomique

La coordination des politiques économiques et la surveillance multilatérale qui lui est attachée dans le traité visent en principe l'ensemble des politiques économiques, à savoir les politiques budgétaire ainsi que les politiques macroéconomiques. Les grandes orientations de politiques économiques adoptées par le Conseil depuis 1994 intègrent des éléments relatifs aux politiques salariales, de compétitivité, aux systèmes de retraite, etc. Cependant, ils donnent lieu à une information et non à une coordination: la surveillance multilatérale et la pression par les pairs prévues à l'article 121, paragraphe 3, du traité FUE sont mises au service de la seule politique budgétaire1. Le Pacte de stabilité et de croissance prend en compte le coût budgétaire des réformes structurelles, dont la mise en œuvre de la réforme des retraites, pour juger du caractère excessif d'un déficit public. Cela constitue une invitation et non une obligation à engager des réformes. Quant à la stratégie de Lisbonne – et depuis 2010, la stratégie Europe 2020 –, elle appuie les réformes macroéconomiques mais, reposant sur une logique incitative plus que répressive, elle échoue à dépasser le stade de l'incantation et ses objectifs demeurent largement inappliqués.

La crise des dettes souveraines qui frappe la Grèce, puis le Portugal, l'Espagne et dans une moindre mesure l'Italie, souligne le lien étroit entre les performances budgétaires et macroéconomiques. La capacité d'un pays à faire face à ses obligations financières est fonction tout autant de sa bonne gestion financière que de la mise en œuvre de politiques qui préservent et améliorent sa compétitivité économique. Outre l'imprévoyance ou la nonchalance des autorités politiques nationales à prendre les mesures appropriées, les pertes de compétitivité sont accentuées au sein de la zone euro par plusieurs facteurs complémentaires. D'une part, la convergence des performances économiques (ou convergence réelle) ne s'est pas réalisée autant que prévue lors des première et deuxième phases de l'UEM, ce qui a conduit à ce que des États membres avec des performances et des situations économiques très diverses adoptent la monnaie unique. Les fonds de cohésion, créés en 1994 spécifiquement au bénéfice des pays du sud de l'Europe (Grèce, Espagne, Portugal) et de l'Irlande, n'ont pas réussi à réduire les écarts de compétitivité entre ces territoires et ceux du cœur de l'Union européenne. La seule exception est constituée de l'Irlande. En 2000, dix des treize régions grecques, six des sept régions portugaises et sept des dix-huit régions espagnoles ont un produit intérieur brut par habitant calculé en standard de pouvoir d'achat (SPA) inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE. Une liaison est opérée entre la convergence économique et les performances budgétaires, puisqu'un déficit public excessif bloque a priori le financement de tout projet par les fonds de cohésion2. Cette sanction n'a jamais été mise en œuvre.

D'autre part, les pertes de compétitivité des pays périphériques sont accentuées par les gains de compétitivité des pays du cœur, au premier rang desquels l'Allemagne. Le partage d'une même monnaie interdit à un État participant dont la compétitivité se dégrade de laisser sa monnaie se déprécier par rapport à celles de ses partenaires économiques. Il ressort que le pays dont les coûts unitaires de main d'oeuvre progressent moins que ceux de ses partenaires voient ses excédents commerciaux s'accumuler, au contraire des autres dont les déficits se creusent toujours plus. «Cette situation génère des tensions politiques entre les premiers (qui accusent les seconds de leur prendre des parts de marché par une logique déflationniste, de pratiquer une forme de dumping) et les seconds (qui accusent les premiers de ne pas réaliser les efforts nécessaires à l’accroissement de la compétitivité de l’ensemble de la zone).»3

Le problème n'est pas neuf pour avoir nourri les débats entre l'Allemagne et ses partenaires dans les années 1980. Il rejaillit une première fois à compter de 2006/2007, période à laquelle les réformes structurelles et les investissements publics conduits par le gouvernement allemand de Gerhard Schröder commencent à produire leurs fruits. Une situation de déséquilibre macroéconomique se développe entre ce pays et ceux qui lui sont étroitement liés (Belgique, Pays-Bas, Finlande, Autriche) et les autres, la France en particulier. Le rapport présenté en novembre 2012 par le Commissaire général à l'Investissement, Louis Gallois, résume ainsi:

«L’affaiblissement de l’industrie française se traduit par des pertes de parts de marché considérables à l’exportation: en Europe, premier débouché commercial de la France (58,4 % des exportations en 2011), la part de marché des exportations françaises est passée de 12,7 %, en 2000, à 9,3 %, en 2011. Sur la même période, les exportations intracommunautaires de l’Allemagne ont progressé de 21,4 % à 22,4 %.
Globalement, le solde de la balance commerciale est passé d’un excédent de 3,5 milliards d’euros en 2002 à un déficit de 71,2 milliards d’euros (soit 3,5 points de PIB), en 2011. La balance hors énergie était de + 25,5 milliards d’euros en 2002, elle est de – 25,4 milliards d’euros, en 2011. Cette situation se répercute sur le déficit public et l’endettement de notre pays. La perte de compétitivité a ainsi des conséquences majeures sur l’économie française.»4

En avril 2007, à l'initiative de la France, l'Eurogroupe convient de suivre de façon plus étroite les évolutions macroéconomiques, dont les évolutions de la compétitivité. Le principe d'audit de la compétitivité entre pairs est retenu et mis en place à partir de l'été 2010. Ainsi, la Finlande et l’Espagne voient les bases de leur compétitivité examinées respectivement par l’Irlande et l’Allemagne. Quant à la compétitivité allemande, elle est auditée par la France en octobre 2010. C'est véritablement la crise des dettes souveraines dans les pays périphériques qui relance la question de la divergence des stratégies de compétitivité des États membres. La crise grecque illustre les dangers qu’une insuffisante attention sur les fondamentaux économiques peut produire sur la stabilité budgétaire d’un État et de la zone euro. En outre, la mise en œuvre des politiques d’assainissement à partir de 2010/2011, ainsi que le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance font craindre (en particulier aux autorités françaises) une course à la compétitivité et à la modération salariale et donc une accentuation des déséquilibres macroéconomiques.

Le principe d'une surveillance plus étroite des déséquilibres macroéconomiques, de leurs causes et in fine des politiques structurelles conduites par les États membres est acté par l'Eurogroupe le 15 mars 2010. Cette perspective est également favorisée par le groupe de travail du Conseil européen présidé par Herman Van Rompuy. Le Pacte pour l'Euro Plus signé le 25 mars 2011 par l'ensemble des États membres de la zone euro et six autres États membres confirme l'inclusion des questions liées à la compétitivité dans les processus de coordination des politiques économiques et de surveillance multilatérale. Finalement, sur la base des propositions législatives présentées par la Commission le 29 septembre 2010, un nouveau régime de surveillance et de correction des déséquilibres macroéconomiques dans l'Union européenne et la zone euro fondé sur deux règlements est adopté en novembre 2011. Le premier sur la prévention et la correction des déséquilibres s'applique à tous les États membres5; le second, qui traite des sanctions, ne concerne que les États membres de la zone euro6.

1Allemand, Frédéric, La gouvernance économique de l'Union européenne: entre permanence et mutation, Revue Études européennes, École nationale d'administration, Strasbourg, juillet 2012. Source: http://www.etudes-europeennes.eu/images/stories/La_crise_de_la_zone_euro/La_gouvernance_conomique_de_UEM_final.pdf, consulté le 15 octobre 2013.

2Protocole (n°28) sur la cohésion économique, sociale et territoriale. Également: article 6 du règlement (CE) n°1164/94 du Conseil du 16 mai 1994 instituant le Fonds de cohésion, Journal officiel n°L 130 du 25 mai 1994, p. 1. Abrogé et remplacé par le règlement (CE) n°1084/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 instituant le Fonds de cohésion, Journal officiel n°L 210 du 31 juillet 2007, p. 79. La conditionnalité est reprise à son article 4.

3Jamet, Jean-François, Un gouvernement économique européen: du slogan à la réalité?, Questions d'Europe, n°167 et 168, Fondation Robert Schuman, Paris, 26 avril 2010, p. 13.

4Gallois, Louis, Rapport au Premier Ministre. Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, Paris: Commissariat Général à l'Investissement, 5 novembre 2012, p. 9.

5Règlement (UE) n°1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, Journal officiel n°L 306 du 23 novembre 2011, p. 25.

6Règlement (UE) n°1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro, Journal officiel n°L 306 du 23 novembre 2011, p. 8.

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