Contexte historique


Le 28 mars 1977, le Premier ministre du premier gouvernement constitutionnel, Mário Soares, a remis de façon officielle et solennelle la demande d’adhésion du Portugal aux Communautés européennes. Dix ans plus tard, le 1er janvier 1986, le Portugal est devenu officiellement membre des Communautés.


Toutefois, l’intégration du Portugal dans l’UE est enracinée dans l’histoire contemporaine et débute avec les processus de coopération européenne lancés après la Seconde Guerre mondiale dans le cadre du Plan Marshall. C’est à partir de là et par le biais de l’OECE qu’a commencé la coopération économique européenne à laquelle le Portugal a pleinement participé, entraînant depuis lors et malgré un contexte de scepticisme et de résistance, une internationalisation croissante de l’économie et de la société portugaise qui a ouvert la voie sur laquelle nous sommes engagés aujourd’hui et qui concerne non seulement la réalité économique du pays mais aussi sa vie politique.


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Revenons en arrière et souvenons-nous du discours prononcé par le secrétaire d’État américain, George Marshall, en 1947 à l’Université de Harvard, qui annonçait au monde l’intention de son gouvernement de soutenir tous les pays européens affaiblis par la Seconde Guerre mondiale dans leur reconstruction économique.


C’est à partir de ce moment crucial qu’a débuté la coopération économique européenne et que le Portugal a commencé à être présent dans le processus européen, entraînant depuis lors et malgré un contexte de scepticisme et de résistance, un projet d’internationalisation croissante de l’économie portugaise, qui a défini la voie sur laquelle nous sommes engagés aujourd’hui et qui ne se limite pas à la réalité économique du pays mais touche également sa vie politique et sociale.


En réalité et contrairement à ce que, pendant des années, on a cherché à faire croire, le Portugal a participé de façon active et engagée, dès la première heure, aux différentes activités destinées à la concrétisation de ce projet. Le pays était présent à la Conférence de coopération économique européenne, organisée en juillet 1947 à Paris où, en réponse aux suggestions du général Marshall, on a évalué le montant des besoins économiques communs et élaboré un programme de reprise économique pour les pays européens. Le Portugal a accepté les différents mécanismes institués dans le cadre du European Recovery Program («nom officiel» du plan Marshall); il a été membre fondateur de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, devenue plus tard OCDE) et a bénéficié de l’aide financière nord-américaine, bien que l’ayant refusée dans un premier temps.


Au départ, le gouvernement portugais, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Caeiro da Mata, avait rejeté la possibilité d’accepter une aide financière américaine. C’était la période où les principes, les convictions politiques et idéologiques, confrontés aux nouvelles réalités, s’imposaient clairement à ces dernières. En matière de politique étrangère, la décision de rejeter le plan correspondait à une sorte de compromis entre la volonté de préserver les grands principes régissant la diplomatie d’Oliveira Salazar et celle d’être présent à Paris. En effet, le gouvernement portugais voulait maintenir l’autonomie du pays d’un point de vue économique mais dépendait pour une part non négligeable des approvisionnements extérieurs pour «vivre» et être autonome. Ainsi, bien que l’aversion pour les conséquences économiques de la coopération soit réelle, le rapprochement avec ses principaux partenaires commerciaux s’est imposé de façon inexorable. Il est évident que la dépendance vis-à-vis de l’extérieur posait des limites étroites à l’autarcie souhaitée.


C’est pourquoi il ne s’est écoulé qu’une année avant que le gouvernement portugais ne se voie obligé de modifier sa position initiale de se passer de l’aide financière des États-Unis dans le cadre du plan Marshall. Face à l’aggravation de la situation économique et financière du pays, il a décidé d’aller à l’encontre des principes qui guidaient son attitude vis-à-vis de l’étranger et a participé, même si c’était à son corps défendant, au processus de coopération économique qui tendrait à se consolider dans le cadre de l’Europe occidentale. Le pays s’est ainsi ouvert à une internationalisation croissante de son économie. En fait, durant les premiers mois de 1948, pour la première fois depuis plusieurs années, la détérioration de la situation financière et du marché des changes du pays s’est accentuée. Faisant preuve d’un grand optimisme et d’un volontarisme renforcé, le Portugal a en vain tenté de contrer cette tendance. En effet, la stratégie qui consistait à surévaluer les capacités et les potentialités de l’appareil économique national mais aussi les résultats du programme industriel, dans un esprit d’autarcie économique bien ancrée, s’était accompagnée d’une sous-évaluation de la dimension et des conséquences que la crise internationale du commerce et des paiements de 1947 aurait au Portugal. Ayant évité jusqu’aux limites de sa capacité commerciale de recourir au financement nord-américain, le 20 juillet 1948, Oliveira Salazar a enfin envisagé l’hypothèse de faire appel à l’aide Marshall. L’impuissance des autorités portugaises devant la crise financière et commerciale implacable qui déferlait sur le pays n’offrait pas d’autre alternative. Face à ce dilemme: l’aide américaine ou la rupture monétaire et financière, le président du Conseil a fait preuve de la flexibilité nécessaire pour mener à bien l’une des principales évolutions de la politique étrangère portugaise effectuée durant le régime de l’État nouveau. Malgré le scepticisme vis-à-vis des solutions de coopération économique trouvées sur le plan international, les raisons d’ordre politique et idéologique ont laissé la place à des facteurs pragmatiques d’ordre économique et financier qui finalement ont prévalu.


Dès lors, le gouvernement portugais a tout fait pour que le Portugal bénéficie de la distribution des crédits américains et, directement ou par le biais de ses représentants diplomatiques – il faut souligner ici le rôle prépondérant de l’ambassadeur Rui Teixeira Guerra (comme d’ailleurs dans toute l’histoire qui a conduit à la participation du Portugal aux mouvements de coopération européenne de l’après-guerre à l’adhésion aux Communautés) – a déployé tous ses efforts auprès du gouvernement nord-américain, de l’administration américaine du Plan Marshall et de l’OECE afin d’obtenir le maximum d’aide financière américaine possible.


La participation du Portugal au Plan Marshall a revêtu une importance particulière dans la structuration d’un processus contrôlé de développement économique. En pratique, le Plan Marshall a permis de formuler un programme économique pour l’après-guerre, condensant l’essentiel des perspectives du gouvernement en matière de politique économique et orientant sa mise en œuvre jusqu’à l’entrée en vigueur du 1er Plan de développement (1953-1958). Dans ce contexte, il faut souligner d’ailleurs comment la participation du Portugal au Plan Marshall a permis d’adopter une nouvelle façon d’envisager la politique économique au travers de la planification économique. Cela s’est concrétisé dans les plans suivants de développement qui orienteront l’activité économique portugaise jusqu’à la fin de l’État nouveau.


La participation du Portugal au Plan Marshall lui a apporté une aide financière globale avoisinant les 90 millions de dollars (plus de deux milliards et demi d’escudos), intéressant la plupart des acteurs économiques du pays, dont l’État lui-même. Le montant n’est pas énorme, notamment si on le compare à celui reçu par les autres pays bénéficiaires. Toutefois, cette somme a été importante d’un point de vue conjoncturel pour contenir et surmonter une crise aux aspects multiples qui, à l’époque, frappait l’économie et la société portugaise. Grâce à ses instruments, l’aide de l’ERP a contribué à éliminer le déficit de notre balance des paiements et a facilité la fourniture de biens essentiels, indispensables pour venir à bout de la crise et en atténuer les effets économiques et sociaux. Ainsi, elle a permis de rentabiliser l’acquisition d’équipements pour certains projets qui dépendaient de ces fournitures pour commencer ou continuer à fonctionner, en investissant dans des activités économiques en partie intégrées dans le tout nouveau programme d’industrialisation. Cette somme a également été fondamentale pour la poursuite de la construction de certaines infrastructures comme des barrages (destinés à produire de l’énergie électrique). Il faut aussi souligner l’importance des études réalisées par des techniciens étrangers, surtout américains, sur des aspects précis de l’économie portugaise. Du reste, la participation du Portugal aux différents programmes développés dans le cadre du Plan Marshall a amené le développement d’un bouillon de culture qui a influencé une partie de l’élite portugaise, a permis d’intensifier les contacts et de connaître de nouvelles réalités internationales et a ouvert de façon inhabituelle l’État nouveau à la présence de spécialistes étrangers, contribuant ainsi au processus d’ouverture croissante du régime qui pouvait difficilement revenir en arrière. C’est également pour cette raison que la participation du Portugal au Plan Marshall a contribué à intensifier l’engagement du pays dans le processus d’internationalisation croissante et d’ouverture vers l’extérieur. C’est ainsi que l’«aventure européenne» commençait pour le Portugal.


L’histoire de la participation du Portugal au Plan Marshall fait partie intégrante d’une conjoncture de transition. Cela a constitué une porte de sortie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, un pont entre coopération et autosuffisance, entre un Portugal essentiellement agricole et un Portugal industriel qui se superposait à un pays rural. L’intégration dans les nouvelles institutions internationales auxquelles le Plan Marshall avait donné naissance (outre l’OECE, l’Union européenne des paiements) a apporté au Portugal des avantages de portée et de types divers tels que la formation d’une élite technique, une meilleure connaissance des méandres du commerce international et une participation active à celui-ci ou encore l’apprentissage de l’utilisation des nouveaux instruments du système monétaire et financier international qui se dessinait dans cette période d’après-guerre. De cette façon, le Portugal a assuré, même si c’était malgré lui, son intégration dans le système du commerce et des paiements internationaux, et surtout une présence active dans les mouvements naissants de coopération économique européenne qui déboucheraient dans un premier temps sur son adhésion à l’AELE et près de 40 ans plus tard, sur son adhésion à la CEE, en 1986.


Jusqu’à la fin de l’État nouveau, le «rapprochement européen» en grande partie non souhaité, obligeait le pays à un effort constant pour résoudre les contradictions existantes entre la réalité et les convictions et principes politiques pour lesquels le pays luttait et qu’en vain, il souhaitait faire perdurer. Bien qu’apparemment incohérent et renfermant une certaine diversité d’opinions et de positions, le comportement des autorités portugaises se caractérisera par des attitudes ambiguës. Il a globalement assumé une coopération économique internationale conditionnelle et conditionnée, pragmatique et versatile: réajustable aux circonstances du moment, capable de promouvoir des changements pragmatiques d’objectif, recherchant au fond à concilier l’option européenne ou atlantique – en effet, les autorités n’ont jamais voulu rester «en dehors» – avec une option «africaine» d’unité avec les colonies auxquelles le pays n’a jamais voulu ni même pu renoncer.


Parallèlement, l’OECE cherchait par tous les moyens à améliorer le système des paiements entre les pays membres. Après quelques tentatives infructueuses, et dans le cadre des rapports multilatéraux qui résultaient, entre autres, des accords de Bretton Woods, c’est une solution plus ambitieuse qui a été choisie et a permis à l’Union européenne des paiements (UEP) de voir le jour en 1950. Le Portugal s’est trouvé en première ligne des adhérents au nouveau système et a su profiter des avantages apportés par la nouvelle institution. Plus tard, en 1958, lorsque l’UEP a été démantelée, le pays a signé l’Accord monétaire européen, qui a remplacé l’UEP.


Très vite, le temps finirait par conduire le Portugal à se résigner devant la constitution d’une unité dotée d’une structure économique pour l’Europe. La période relativement complexe de la reconstruction de l’après-guerre a été suivie par un cycle de croissance et de modernisation au niveau mondial. Le Portugal a profité de ce moment. Il a bénéficié des dynamiques provenant de l’extérieur et des modifications qui avaient entre-temps été introduites dans le cadre national grâce aux transformations opérées au niveau du système de production national et aux changements «novateurs» que la politique économique cherchait à encadrer. Ce cycle de croissance a même permis d’effectuer des modifications structurelles, malgré des éléments de résistance puissants, à la fois sur le plan social et politique qui ont fini par conditionner négativement le rythme et la portée des transformations vers plus de modernité.


Ainsi, l’évolution de la conjoncture internationale, les formes et les résultats revendiqués et obtenus dans le cadre de la coopération économique européenne, la place même du Portugal dans le contexte international, notamment la contestation de plus en plus visible de son régime politique ou du statut de ses territoires d’outre-mer ainsi que la nécessité de rechercher de nouvelles stratégies politiques et de garantir le positionnement du pays en termes économiques, surtout en matière de commerce extérieur, ont contribué à atténuer les «scrupules» du gouvernement portugais, notamment l’aversion, le manque de confiance et les doutes du président du Conseil vis-à-vis des mouvements européens de coopération. La fin des années 50 et surtout le début des années 60 vont placer le Portugal face à de nouveaux défis relatifs à son engagement dans les mouvements de coopération économique européenne, impliquant des décisions majeures et la définition des stratégies en découlant.


Il est unanimement reconnu, tant par ceux qui ont directement participé aux événements que par les spécialistes de la question, que c’est un coup de chance – pour reprendre l’expression de l’ambassadeur Rui Teixeira Guerra, si le Portugal est parvenu à se joindre aux pays signataires de la Convention de Stockholm étant donné la façon univoque dont les autorités portugaises se sont battues pour intégrer l’Association européenne de libre-échange, présentant des arguments contre la perspective de «rester en dehors». Outre l’importance du rôle joué par l’ambassadeur mentionné ci-dessus, il faut souligner aussi celui de José Correia de Oliveira, ministre d’État, adjoint du président du Conseil entre 1961 et 1965 et ministre de l’Économie de 1965 à 1968, pour ne citer que quelques-unes des fonctions qu’il a occupées.


L’adhésion à l’AELE était d’autant plus souhaitée que la forme que devait prendre cette zone de libre-échange correspondait à la politique et aux principes qui orientaient la position du Portugal en matière de coopération extérieure. En tant que membre de l’AELE, le Portugal évitait d’être écarté des mouvements d’intégration européenne. Les engagements qu’il assumait étaient de nature exclusivement économique et commerciale. On ne mettait pas en question (comme dans la CEE) le régime ou le système politique et encore moins les problèmes liés à l’existence des colonies africaines, compte tenu de l’autonomie douanière complète dans les relations avec les pays tiers. De plus, le sous-développement industriel relatif du Portugal face aux autres puissances membres de l’AELE a été conservé grâce à l’acceptation de la fameuse «Annexe G», qui permettait au Portugal un démantèlement de ses tarifs douaniers plus lent (qui, dans notre cas, pouvait durer jusqu’à 20 ans, soit le double du temps concédé aux autres membres) et surtout autorisait expressément notre pays à lever des barrières douanières lorsqu’il s’agissait de protéger ses nouvelles industries.


Objectivement, l’entrée dans l’AELE a été une conséquence naturelle du fait de la présence du Portugal à l’OECE dès la première heure. Le fait de dépendre commercialement de plus en plus de l’Europe ne soulevait pour le pays guère de réserves, d’autant plus que le projet d’outre-mer, même sous la nouvelle configuration qui, dans l’intervalle, lui serait donnée par l’institutionnalisation de l’Espace économique portugais, trébuchait sans cesse et se trouvait en permanence au bord du gouffre à cause de problèmes politiques et économiques qui prenaient des proportions inattendues.


Tout compte fait, la participation du Portugal à l’AELE est jugée, à tous les niveaux, très satisfaisante et même considérée comme l’un des principaux facteurs de la croissance rapide et de la modernisation de l’économie portugaise durant cette période.


Tout semblait aller pour le mieux pour les autorités portugaises lorsque, le 9 août 1961, le Royaume-Uni a demandé son intégration au marché commun et qu’il a été suivi par les pays scandinaves. À ce moment-là, quelques hésitations ont surgi. Les risques soigneusement évalués étaient de taille: surgissait à l’horizon une fois de plus le spectre de l’isolement par rapport au contexte européen. Hésitant mais donnant les preuves de flexibilité nécessaire, le 18 mai 1962, le président du Conseil a demandé dans une lettre remise par l’ambassadeur Calvet de Magalhães au président de la CEE, l’ouverture de négociations entre le Portugal et la Communauté afin de définir les termes de la collaboration que le gouvernement portugais souhaitait voir instaurée avec les pays du marché commun.


Sans exprimer ni prétentions ni réserves, Oliveira Salazar avait adopté une formulation vague qui, à l’époque, lui permettait d’éviter les écueils majeurs et cela, à cause du Royaume-Uni et du Commonwealth, dont les problèmes d’intégration à la CEE allaient forcément lancer des pistes de solutions applicables à l’outre-mer portugais.


De façon providentielle pour les dirigeants portugais, le président de Gaulle, dans sa célèbre déclaration du 13 janvier 1963, a enterré le sujet, refusant de façon liminaire l’intégration du Royaume-Uni à la Communauté et a naturellement fait suspendre les préparatifs de négociations avec les autres membres de l’AELE.


Le «problème» ne s’est reposé que dix ans plus tard. Les acteurs avaient changé lorsqu’en 1970 la candidature britannique d’adhésion aux Communautés européennes a finalement été acceptée. Le Portugal a de nouveau compris qu’il ne pouvait rester en marge et s’est lancé dans les négociations qui, réellement initiées en décembre 1971, devaient conduire à la signature d’un accord de libre-échange Portugal-CEE et à un accord Portugal-CECA sur le commerce des produits sidérurgiques le 22 juillet 1972.


Cette décision, s’expliquant essentiellement par des considérations d’ordre commercial, allait à l’encontre de la position de secteurs majeurs de l’élite politique du régime dont les arguments concernaient les risques de «contagion politique» et d’assouplissement de «l’engagement outre-mer». En vérité, le gouvernement portugais, conduit alors par Marcello Caetano, adoptait une position beaucoup plus positive par rapport à la «voie européenne», et pariait plus clairement sur la problématique européenne dans le cadre d’un lien réel et institutionnel, même modeste, avec la CEE.


Les membres de la commission des études sur l’intégration économique européenne notamment, et son président Rui Teixeira Guerra, avaient toujours défendu, avec une certaine clairvoyance par rapport à l’avenir, le fait que les négociations devaient être conduites de manière à exclure toute possibilité de compromettre une adhésion future.


Cependant, la situation politique portugaise se compliquait. Le gouvernement, miné par des dissensions internes, ne parvenait pas à trouver de solutions, et encore moins à les mettre en pratique, à certains des problèmes politiques et sociaux les plus criants: la guerre coloniale sans issue, le dérapage de l’économie, une inflation à deux chiffres, la décision de suspendre temporairement le marché des changes prise par le gouvernement pour pallier les difficultés liées à la parité de l’escudo, l’agitation estudiantine et enfin, le «mouvement des capitaines» qui allait mettre fin à un régime qui durait depuis plus de 40 ans.


La révolution du 25 avril 1974 est venue renverser le dernier gouvernement de l’État nouveau. Des négociations ont tout de suite commencé avec les mouvements indépendantistes des colonies portugaises en Afrique. Le processus révolutionnaire et la recomposition d’un pays qui sortait de 40 ans de régime dictatorial ont ouvert les portes à des mois de grande instabilité: les gouvernements provisoires se succédaient, les différentes factions se positionnaient, s’affrontant dans la lutte pour le pouvoir, la décolonisation s’effectuait, on luttait pour la démocratisation du pays et pour la défense des libertés fondamentales. C’est dans ce contexte que s’est imposée la nécessité d’établir une nouvelle Constitution pour la République.


La démocratie et le pluralisme politique l’ont emporté: le 25 avril 1975, se sont tenues les premières élections libres des 50 dernières années pour élire une assemblée constituante. Le 2 avril 1976, la nouvelle Constitution a été approuvée et le 25 avril 1976, les premières élections législatives pour l’Assemblée de la République ont eu lieu. En juin, les élections présidentielles ont été organisées et au mois de juillet suivant, le premier gouvernement constitutionnel est entré en fonction.


Dans une situation politique encadrée par la Constitution et avec l’accalmie des mouvements sociaux, les principales préoccupations politiques du gouvernement concernaient alors, en priorité, la normalisation démocratique, le renforcement de la réconciliation nationale et la résolution des graves problèmes économiques laissés en suspens par la révolution: les effets de la décolonisation, la perte des marchés traditionnels, la désorganisation du système productif et financier et le traditionnel déficit du commerce extérieur, tout cela aggravé par une crise mondiale que les Portugais, engagés dans la résolution de leurs propres problèmes, n’avaient pas perçue.


Pour les nouveaux responsables politiques, il était naturellement fondamental de relever et de moderniser l’économie portugaise, la dotant de nouvelles structures et lui insufflant un dynamisme qui lui permettrait d’évoluer vers le modèle adopté par les économies des démocraties occidentales. L’adhésion du Portugal aux Communautés européennes a été fixée comme objectif par le gouvernement. Des contacts ont été pris et le président du Conseil des ministres de la CEE est venu en visite au Portugal. Enfin, le 29 novembre 1976, le gouvernement portugais a été autorisé par l’Assemblée de la République à demander l’adhésion du Portugal aux Communautés européennes. Dans les premiers mois de 1977, les autorités portugaises ont mis en place une vaste stratégie diplomatique afin que les chefs d’État et de gouvernement des pays de la CEE soutiennent l’adhésion portugaise. Finalement, le Portugal demandait officiellement son intégration à la CEE. Il s’en est suivi un processus morose et complexe: plusieurs années de vicissitudes diverses et même des reculs dans le processus de la candidature portugaise. Enfin, après le sommet de Fontainebleau, le gouvernement portugais a été informé que le Portugal ferait partie de l’Europe communautaire à partir du 1er janvier 1986. Les chapitres d’adhésion du Portugal aux Communautés ont été progressivement clôturés et les liens institutionnels entre les autorités portugaises et les autorités communautaires se sont resserrés. Dirigeants et fonctionnaires de la CEE se rendaient de plus en plus souvent au Portugal jusqu’à la signature du «constat d’accord» qui a mis officiellement un terme aux négociations et a permis la ratification de la date d’adhésion du Portugal, comme cela avait été prévu au sommet de Fontainebleau. Le 12 juin 1985 a eu lieu la cérémonie solennelle de signature du Traité d’adhésion à la CEE dans le cadre grandiose du monastère des Jerónimos.


En 1986, a alors débuté un long processus, encore en cours aujourd’hui et qui pèse de façon décisive sur notre façon de vivre, sur la manière dont est structuré notre système de production, sur le comportement de nos acteurs économiques, sur la répartition de la richesse produite par le pays ainsi que sur nos perspectives d’avenir collectif, pour nous qui sommes à la fois citoyens portugais et européens.

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