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INTRODUCTION La Deuxième Guerre mondiale a laissé l'Europe largement dévastée et profondément divisée. En effet, on assiste dans l'après-1945 à l'apparition de deux blocs antagonistes, séparés par un axe nord-sud et par un grand abîme idéologique. L'Europe de l'ouest, qu'on nommera par la suite le bloc occidental pour la situer dans le contexte de la Guerre froide, se rend compte rapidement de la faiblesse militaire qui la caractérise par rapport au «bloc» opposé. Cela mènera à l'élaboration, suggérée par des dirigeants américains, mais élaborée par des Français, d'un plan d'armée supranationale qui regrouperait à la fois les vaincus de la Deuxième Guerre mondiale – l'Italie et l'Allemagne – et les pays Alliés qui subirent l'occupation allemande – notamment la France et le Benelux – afin de se prémunir contre la menace de l'expansionnisme soviétique. Toutefois, le projet de la Communauté Européenne de Défense échouera finalement à cause de divergences d'opinion au sein de la classe politique et intellectuelle française. Il s'agira donc ici d'expliquer les causes qui ont mené à l'échec de la CED. Plus spécifiquement les différentes factions politiques françaises, dans un contexte de relations internationales tendues depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, et les débats qu'ils ont mené. Il sera tout d'abord important de faire un retour détaillé sur le contexte qui a mené à l'élaboration du Plan Pleven afin de comprendre ce qui par la suite a divisé l'opinion publique française et a mené à son échec. Finalement, on peut supposer que le cœur de la réponse reposera dans les convergences entre les camps nationalistes et anti-militaristes qui étaient auparavant traditionnellement opposés mais qui furent alliés de cause au sujet de la CED. 2. L'ÉLABORATION DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE DÉFENSE 2.1. Contexte La fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe en 1945 laisse le Vieux Continent dévasté et extrêmement affaibli, tant sur le plan économique que sur le plan militaire, tant à l'ouest qu'à l'est. Cependant, alors qu'à l'ouest, la libération des pays occupés par l'Allemagne nazie a été réalisée essentiellement par l'armée américaine, la libération des pays de l'est de l'Europe fut plutôt réalisée par les forces de l'Armée Rouge de l'URSS. Or l'alliance de raison, très fragile, qui parvint à unir les États-Unis et l'URSS – deux pays dont les idéologies dominantes sont diamétralement opposées - en temps de guerre commença, avant même la fin de la guerre, à démontrer des signes de fracture. L'on voit déjà la menace d'une prochaine confrontation opposant les deux plus grandes puissances à cette époque, soit les États-Unis et l'URSS, poindre à l'horizon. Tout dépendant des interprétations, on situe le début de la Guerre froide entre 1944 – avant même la fin de la Deuxième Guerre mondiale qui avait mené à une alliance de raison entre ces deux puissances idéologiquement opposées - et 1948, où la première confrontation – bien qu'indirecte – est clairement amorcée par le blocus de Berlin. Cependant, avant même cette date, deux blocs politiquement distincts commencent à se dessiner. Séparés par une axe nord-sud, d'abord le bloc de l'ouest – qui sera par la suite regroupé dans l'OTAN - comprenant les pays ayant été libérés par les États-Unis et donc affiliés politiquement, économiquement et idéologiquement à cette puissance, et il y a ensuite le bloc de l'est – regroupé par le Pacte de Varsovie – qui comprend les pays ayant été libérés par l'URSS, et où l'influence soviétique est fortement ressentie. Cependant, après les élections – plus ou moins démocratiques – qui se déroulèrent dans tous les pays d'Europe de l'est en 1946, et le coup de Prague, qui consacrèrent l'hégémonie de l'URSS sur les pays qu'elle a libérée de l'Allemagne nazie, les démocraties de l'Europe de l'ouest commencèrent à craindre l'expansionnisme soviétique et une nouvelle guerre dont l'Europe serait encore une fois le champ de bataille (MOREAU DEFARGES, 1993, p.57). De plus, les démocraties d'Europe occidentale se rendirent compte de leur faiblesse militaire par rapport au bloc de l'est, où les troupes soviétiques restèrent stationnées dans les pays libérés – dont l'Allemagne de l'est - longtemps après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. 2.2. Le réarmement allemand La Guerre de Corée, qui s'amorça en 1950, vint alimenter les craintes des démocraties de l'Europe de l'ouest, car il s'agissait là d'un affrontement, bien qu'encore une fois indirect, entre les deux grandes puissances mondiales. Cette crainte était encore plus exacerbée par le fait qu'il existait à cette époque de forts partis communistes en France et en Italie qui laissait croire en la possibilité que Staline s'avance en Europe de l'ouest (GIRAULT, FRANK et THOBIE, 1993, p.113). Les États-Unis avaient d'ailleurs déjà signifié leurs inquiétudes – avant même la Guerre de Corée - au sujet de la faiblesse militaire des pays du bloc occidental, particulièrement de l'Allemagne de l'ouest. Effectivement, le secrétaire d'État américain à l'époque, M. Acheson proposa à la fin de l'été 1950 l'envoi de troupes américaines en Allemagne (SPAAK, 1951, p.4), afin de créer une zone tampon empêchant la propagation du communisme, selon la doctrine Truman. Cette proposition, accueillie chaleureusement à travers le bloc occidental, avait cependant une suite logique, car «il était impossible au secrétaire d'État d'annoncer au peuple des États-Unis que plusieurs divisions allaient dorénavant tenir garnison en Allemagne […] si, en même temps, il ne pouvait annoncer que toute l'Europe, sans exception, y compris donc l'Allemagne, prendrait sa part dans la lutte.» (SPAAK, 1951, p.4) Cette proposition du secrétaire d'État américain impliquait donc nécessairement le réarmement allemand, ce que redoutait au plus haut point les dirigeants français, craignant une nouvelle montée du militarisme allemand, une nation ayant envahi par trois fois le territoire de la France dans l'histoire récente : en 1871, en 1914 et en 1940. 2.3. Le plan Pleven En somme, il était très difficile pour la France et la Belgique, se relevant tout juste de l'occupation allemande, de se priver de l'aide militaire américaine, mais il était tout aussi difficile d'acquiescer au réarmement de leur ennemi héréditaire : l'Allemagne. C'est donc dans ce contexte difficile que René Pleven, en 1951, un dirigeant français repris l'idée de M. Monnet, qui plus tôt avait proposé la création d'une armée européenne (SPAAK, 1951, p.5). D'ailleurs, cette idée était d'autant plus réalisable car la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) à la même époque allait déjà lier de manière plus ou moins irréversible les économies – militaires du moins – de l'Allemagne et de la France, deux rivaux naturels (GIRAULT, FRANK et THOBIE, 1993, p.116), en mettant en commun les 2 ressources nécessaires à la guerre à cette époque. Pleven exposa donc l'idée d'une armée européenne supranationale devant l'Assemblée nationale française le 24 octobre 1950. Il s'agissait là tout d'abord d'empêcher la création d'une armée allemande nationale, en subordonnant le réarmement allemand à un commandement européen, et du même coup assurer la défense des démocraties occidentales face au bloc soviétique (PLEVEN, 1950, p.7118). De plus, la participation de divisions allemandes permettrait d'établir la ligne de front avec le bloc soviétique le plus à l'est possible. Cette Communauté Européenne de Défense serait d'ailleurs sous le commandement direct de l'OTAN, comme le stipule ainsi René Pleven : «les forces européennes mises à la disposition du commandement unifié atlantique opéreraient suivant les obligations contractées dans le pacte Atlantique, tant en ce qui concerne la stratégie générale que l'organisation et l'équipement» (PLEVEN, 1950, p.7119). Winston Churchill, qui redevint premier ministre du Royaume-Uni en 1951, se rallia immédiatement – en 1950 - à l'idée de la création d'une armée continentale européenne, tout en distançant son pays du contentieux franco-allemand, en tentant ainsi de se rapprocher des États-Unis (CHURCHILL, 1950, p.121-124). L'Allemagne et l'Italie sautèrent évidemment sur l'occasion qui leur permettrait de se réarmer rapidement. Des délégations de 6 pays concernés se rencontrèrent donc en 1952, à Paris, afin d'élaborer le traité qui instituerait la Communauté Européenne de Défense. Les six pays représentés étaient : l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. La Grande-Bretagne y fut aussi mais seulement à titre d'observateur, et les représentants de l'OTAN assistèrent aussi aux délibérations. La Conférence de Paris aboutit à un traité – signé par tous les représentants des pays participants – dont l'objectif principal était «la fusion, sous des institutions communes supranationales, des forces armées des États participants», et ce sans «aucune discrimination entre les États membres» (ARCHIVES NATIONALES DU LUXEMBOURG, 1952). Il inclut aussi le traité dans «la voie de la formation d'une Europe unie». Finalement, la formation de l'Assemblée qui dirigerait la Communauté Européenne de Défense se ferait en incluant des délégués de chacun des pays participants : 21 délégués chacun pour la France, l'Allemagne et l'Italie, 10 délégués chacun pour la Belgique et les Pays-Bas, et 4 délégués pour le Luxembourg. 3. L'ÉCHEC DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE DÉFENSE 3.1. L'opinion publique française divisée Bien que le traité de Paris permette l'instauration de la CED, les différents pays signataires doivent maintenant faire ratifier le traité par leur parlement respectif, ce qui engendrerait la mise en place concrète de la Communauté Européenne de Défense. (CORDELLIER, 2005, p. 161) Tous les États concernés, depuis 1952 jusqu'au commencement de 1954, ont effectivement ratifié le projet, alors que l'Italie attend la décision française pour boucler la boucle. (ENA, [En ligne]) Effectivement, une vive polémique française retarde l'Italie à le ratifier à son tour. L'opinion française reste perplexe, car les esprits ne sont pas préparés à une évolution aussi rapide. (GERBET, 2004, ENA) Bien sûr, l'idée de réarmer militairement l'Allemagne fait craindre pour la sécurité française, en plus de substituer l'armée nationale bleue pour une armée supranationale au service de l'Europe. La France ne veut pas perdre de sa puissance et de sa liberté de décision face à l'Europe et aux Américains. (ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, [En ligne]) Cela fait naître de vifs débats en France entre les différents partis politiques et les élites intellectuelles de l'époque, débats qui s'étendront sur deux ans, repoussant la ratification attendue. C'est que le 5 mars 1953, la mort de Staline entraîne une baisse de la menace soviétique, et du coup, la nécessité de réarmer l'Allemagne devant ce danger hypothétique s'estompe. De plus, en juillet 1953, il y a l'armistice de Corée. (GERBET, 2004, ENA) Le poids des arguments appuyant l'urgence d'une communauté de défense en Europe se fait donc moins pressante, au fur et à mesure que la France attend et que les discussions d'éternisent. L'opinion française est ainsi de plus en plus divisée, (PHILIP, 1954, p. 3) en voici la répartition d'après les différents acteurs qui prennent place entre les cédistes et les anticédistes. Les cédistes Les Français qui défendent l'idée de la CED n'ont qu'un seul parti politique pour les représenter au parlement, parti ayant voté unanimement en faveur de la ratification du traité. Il s'agit en fait du Mouvement républicain populaire (MRP), dirigé par Robert Schuman. D'autres membres de partis eux-mêmes divisés par la question se sont alliés au camp, on parle ici de certains socialistes, radicaux et indépendants : René Mayer et Maurice Faure, pour ne nommer qu'eux. (ENCYCLOPÉDIE ENCARTA, [En ligne]) Le camp des Pro se veulent les bâtisseurs de l'Europe (unie dans un pouvoir fédéral). Aussi, ils voient la CED comme une opportunité de faire participer l'Allemagne à l'effort européen tout en ayant un contrôle estimable sur ses éventuelles poussées nationalistes ou militaires. (ELGEY, 2004, p. 18) D'autres voudraient voir la participation et même l'intégration graduelle des Britanniques dans le dossier de la CED, et voient celle-ci plutôt en tant qu'outil économique et diplomatique. Dans une vision orientée avec la guerre froide, on comprend également qu'une alliance telle que la CED faite avec l'OTAN ne peut qu'imposer une limite défensive aux soviétiques, alors que le bloc de l'ouest serait plus fort et uni que jamais. (PHILIP, 1954, ENA) Les anticédistes Les partisans contre le Projet de la Communauté Européenne de Défense sont principalement appuyés par la Parti communiste français (PCF) et le Rassemblement du peuple français (RPF), conduit par le général Charles de Gaulle, ainsi que certains membres des partis radicaux, socialistes et indépendants. On compte parmi ses grands noms Édouard Daladier, Weygand et la compte de Paris. (ENCYCLOPÉDIE ENCARTA, [En ligne]) Le PCF et le RPF rassemblent à eux seuls plus du quart des électeurs français. D'après eux, le fait de créer des institutions supranationales qui dépendant du commandement de l'OTAN réduit la France au niveau de colonie américaine, et la perte de pouvoir dans une prise de décision, de par le veto des autres pays membres de la CED, constituerait un grave abandon de la souveraineté nationale. (ELGEY, 2004, p. 18) La France désire garder son statut de grande puissance européenne ainsi que le pouvoir qui s'y rattache. Le souvenir de l'Occupation nazie et l'écartement des Anglais dans ce projet hautement stratégique sont aussi des points débattus par les anticédistes. (ENA, [En ligne]) En effet, le réarmement de l'Allemagne peut représenter un danger pour le France voisine, en plus de l'entrée nouvelle germanique dans l'OTAN, car les français ont appris de leur leçon cette fois et ne sont pas près à pardonner leur ancien ennemi. (GERBET, 2004, ENA) D'un point de vu plus communiste, la menace contre l'union soviétique que constituerait un bloc de l'ouest aussi puissant, représente à leurs yeux une attaque directe à la survie du communisme, car l'OTAN chercherait à isoler les démocraties populaires. (ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, [En ligne]) De plus, ce projet coûterait beaucoup trop cher économiquement et socialement pour la France. Plusieurs pétitions contre la CED circulent, (SINGER, 1996, p. 41-45) et le combat idéologique se transforme vite en hostilités de la part de partis politiques, dont de Gaulle. (TURPIN, 2001, p. 920-921) Les différents gouvernements français n'apportèrent pas la ratification du traité au parlement, car dans un tel contexte politique, chacun craint de se faire renverser dans ce dossier controversé. (ENCYCLOPÉDIE ENCARTA, [En ligne]) L'attente de deux ans n'a pourtant qu'empiré la situation. La France sortant de la guerre d'Indochine ne veut plus avoir à perdre ou à sacrifier de ses soldats, de peur de s'affaiblir ou d'avoir à essuyer d'autres catastrophes militaires inattendues. Cependant, l'Allemagne s'est faite à l'idée de la conception de la CED de Jean Monet, (GERBET, 2004, ENA) et les pressions américaines se font de plus en plus oppressantes, ce qui accentue l'hostilité de la France, si axée sur sa liberté de choix. Cherchant des garanties de la part du Royaume-Uni et des États-Unis, la France obtient que les américains laissent leurs troupes en Allemagne, mais sans qu'ils ne signent quoi que ce soit, et les britannique quant à eux signent un accord pour consultation en cas de besoin avec la CED. Ces garanties ne sont toutefois pas suffisantes à l'Opinion française. (STERKENDRIES, 1954, ENA) 3.2. Mendès Pierre Mendès France, est un nouveau président français arrivé en juin 1954 et qui alors inspire le respect et l'autorité, car c'est grâce à lui que la question de l'Indochine a été réglée avec tact et succès. (GERBET, 2004, ENA) Bien que son propre parti soit scindé entre les Pro et les Anti, il se met à la tâche de présenter la ratification au Parlement, malgré les embuches. Pour cela, il faut qu'elle fasse entente commune, ce qui n'est pas une mince affaire dans le contexte français et international. (MENDÈS, 1954, ENA) Mendès tient compte de la position des militaires réticents, qui dénonce la diminution de la liberté d'action militaire, l'éparpillement de l'armée française sur le continent et la question de l'énergie nucléaire. Mendès modifie le traité de manière à baisser les engagements de la France. (GERBET, 2004, ENA) En effet, le protocole stipule la baisse du pouvoir supranational, il limite l'intégration des troupes françaises en Allemagne et au Benelux, et il est ajouté que le traité peut être annulé à la demande d'un des pays participants. Malheureusement, ces modifications sont si fondamentales, qu'elles remettent en question le traité lui-même et le dénature de son contenu initial. (GERBET, 2004, ENA) Les compromis sont trop gourmands. Conséquemment, Mendès présente les modifications apportées au traité à Bruxelles et Mendès reste intangible, refusant une négociation de bonne foi. Évidemment, les modifications ont donc été rejetées à Bruxelles. (GERBET, 2004, ENA) Mendès décide donc de présenter le traité tel quel, sans aucune modification, au parlement français. La chambre étant divisée entre cédistes et anticédistes, Mendès décide que le gouvernement s'abstiendra lors du vote, (ELGEY, 2004, p. 18) car ne pas prendre position signifie éviter la question de confiance (malgré la grande autorité qu'inspire Mendès à cause de l'Indochine). Ainsi, après plusieurs jours de débats parlementaires, le débat prend place le 30 août 1954 au Palais-Bourbon. Un député d'Alger, le général de réserve Aumeran, dépose la question préalable, qui permet de sauter tout débat et de passer au vote. (ELGEY, 2004, p. 18) Elle est d'abord discutée pendant des heures, retirée puis déposée une seconde fois. Un coup de théâtre survient alors, la question du général Aumeran est contresignée par le président d'honneur de l'Assemblée, Édouard Herriot, un radical, de qui on ne pouvait s'attendre un tel soutien : « Je suis fondé, moi qui suis un vieillard, moi qui vais disparaître, à vous dire affectueusement : Méfiez-vous de ne pas avoir à regretter un acte que vous ne pourriez plus réparer. C'est la question de la vie ou de la mort de la France.» (HERRIOT dans ELGEY, 2004, p. 18) Tous les partis politiques sont donc passés au vote, sauf celui de Mendès, les communistes et les gaullistes contre (à l'unanimité), les républicains pour (à l'unanimité) et les radicaux, les socialistes et les indépendants toujours divisés. Les anticédistes remportent finalement cette victoire à 319 voix contre 264 (ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, [En ligne]) et le traité ne sera jamais ratifié. (CORDELLIER, 2005, p. 126) La France a donc elle-même avorté la Communauté Européenne de Défense. CONCLUSION En somme, l'envoi de troupes américaines en Allemagne, dans le contexte du début de la Guerre froide, impliquait nécessairement un réarmement allemand. L'idée de la CED, a donc été initiée par la France, craintive d'une autre tentative de Wehrmacht, d'abord par Monnet, puis Pleven, afin de contrôler le fameux réarmement de l'Allemagne. Mais l'opinion publique française reste très divisée par la crainte de l'Allemagne armée, de l'hégémonie américaine et de la perte de la souveraineté nationale. Les gaullistes et les communistes s'allieront donc contre les républicains au parlement français. Et Mendès n'ayant pas su rallier les voix, c'est un membre radical qui, finalement le 30 mai 1954, contresignera la question préalable, et le vote qui s'ensuivi jeta le projet à l'eau. Si un tel projet n'est pas passé, c'est surtout, croit-on, du fait que les modifications n'aient pas été acceptées à Bruxelles. Mendès étant resté intangible lors des négociations, certains avancent qu'il avait déjà en tête un plan de rechange. (GERBET, 2004, ENA) La question allemande posant de toute évidence une difficulté considérable dans le débat sur la CED, il faut savoir que lors des accords de Paris de 1954, l'Allemagne obtenait déjà son indépendance. Mendès avait-il déjà dans sa poche le projet de rechange comprenant la création de l'Union Européenne Occidentale, soit un pacte défensif qui rendrait acceptable le réarmement allemand? BIBLIOGRAPHIE Périodiques ELGEY, Georgette. «Le non-débat sur la défense européenne». Historia. No 692 (août 2004), p. 18 et 19. SINGER, Madeleine. «Le groupe Reconstruction et la C.E.D.». Revue d'histoire moderne et contemporaine. Vol. 43, No 1 (jan-mars 1996), p. 35-66. TURPIN, Frédéric. «Printemps 1954. Échec à de Gaulle : un retour au pouvoir manqué». Revue historique. No 620 (oct.-déc. 2001), p. 913-927. Audio GERBET, Pierre. L'échec de la CED. Paris, 23 janvier 2004. 28 min. 47 sec. Audio. Dans ENA. Web ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE. Le rejet de la ratification du traité instituant la Communauté Européenne de Défense. [En ligne]. http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/ced/sommaire.asp. (Page consultée le 20 mars 2009). «Communauté européenne de défense (CED)» dans Encyclopédie Microsoft Encarta. [En ligne]. http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_741537983/Communaut%C3%A9_europ%C3%A9enne_de_d%C3%A9fense.html. (Page consultée le 20 mars 2009). Le refus de la ratification. [En ligne]. http://www.ena.lu/. (Page consultée le 20 mai 2009). Dictionnaires CORDELLIER, Serge et al. «CED» dans le dictionnaire historique et géopolitique du XXe siècle. 3e éd. Paris. La Découverte, 2005, p. 126. CORDELLIER, Serge et al. «Construction européenne» dans le dictionnaire historique et géopolitique du XXe siècle. 3e éd. Paris. La Découverte, 2005, p. 161 à 163. Archives ARCHIVES NATIONALES DU LUXEMBOURG. «Rapport de la Conférence de Paris sur le projet de Communauté européenne de défense». [En ligne] (4 février 1952). Dans ENA. «Déclaration du Gouverneur français René Pleven». [En ligne] Journal officiel de la République française (24 octobre 1950), p.7118-7119. Dans ENA. «Discours de Winston Churchill devant le Conseil de l'Europe (Strasbourg, 11 août 1950)». [En ligne] Conseil de l'Europe-Assemblée consultative, compte-rendu, deuxième session. Tome 1, séances 1 à 12 (7 au 28 août 1950). p.121-124. Dans ENA. «Lettre de Pierre Mendès France à Jean Monnet (Paris, 16 août 1954)». Fondation Jean Monnet pour l'Europe, Archives Jean Monnet. [En ligne]. (mars 2009). Dans ENA. PHILIP, André. «Le drame français». Nouvelles de l'Europe. [En ligne]. N. 53 (septembre 1954), p. 5-7. Dans ENA. SPAAK, Paul-Henri. «Réarmement allemand et armée européenne». [En ligne] Le Populaire (22 novembre 1951), p. 4. Dans ENA. STERKENDRIES, Jean-Michel. «Lettre de R. 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